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Date : 20060515

Dossier : IMM-4907-05

Référence : 2006 CF 599

OTTAWA (ONTARIO), le 15 mai 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE von FINCKENSTEIN

ENTRE :

SHU HAI LI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

[1]                Le demandeur, Shu Hai Li, est un citoyen de la Chine qui a déposé une demande de résidence permanente en vertu du Programme Canada-Québec d'immigration des investisseurs. Il a reçu en entrevue le 7 mars 2003 par un agent d'immigration du Québec, puis le 8 juin 2005 par une agente des visas du Canada (l'agente).

[2]                La demande a été rejetée le 18 juillet 2005 parce que le demandeur n'a pas rendu compte adéquatement de la provenance de son avoir net. L'agente n'était pas convaincue que le demandeur n'était pas interdit de territoire en vertu des articles 34 à 42 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR). Le demandeur demande le contrôle judiciaire de cette décision.

La norme de contrôle

[3]                La norme de contrôle d'une décision d'un agent rejetant une demande de visa est la décision manifestement déraisonnable (voir Hua c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] A.C.F. no 2106, 2004 CF 1647).

Les questions en litige

[4]                Le demandeur soulève les questions suivantes :

1.       La décision de l'agente est-elle manifestement déraisonnable?

2.       Y a-t-il eu manquement au principe d'équité procédurale?

Analyse

La décision de l'agente est-elle manifestement déraisonnable?

[5]                Le demandeur allègue que la décision de l'agente est manifestement déraisonnable parce qu'elle était fondée sur des facteurs qui n'étaient pas pertinents. Les renseignements que l'agente demandait imposaient un fardeau trop lourd au demandeur parce que les documents dataient de nombreuses années avant l'entrevue et qu'ils ne correspondaient pas aux biens actuels qui avaient été accumulés principalement au cours des dernières années.

[6]                Comme l'argent en question avait servi de capital de départ et avait permis au demandeur d'établir sa propre entreprise, c'était un élément décisif de la demande et l'agente faisait simplement son travail, comme le prévoit l'article 16 de la LIPR, lorsqu'elle a voulu se renseigner sur la provenance des fonds.

[7]                Il existe de nombreux précédents justifiant une telle demande de renseignements. Dans l'affaire Martirossian c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 A.C.F. no 1538, le juge Blais a conclu que l'agent avait eu raison de mettre en doute la provenance des fonds du demandeur, parce qu'il n'existait guère de preuves démontrant que les transactions qui avaient mené à l'accumulation des fonds étaient légitimes. Dans le même ordre d'idées, dans l'affaire Anfu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] A.C.F. no 536, 2002 CFPI 395, la juge Heneghan a noté que le demandeur était au courant des doutes de l'agente au sujet de la provenance de son « capital de démarrage » et qu'il n'avait pas produit de documents pour faire disparaître ces doutes. Elle a ajouté que l'agente était en mesure d'évaluer la crédibilité du demandeur. Elle a conclu que les doutes au sujet de la provenance du capital du demandeur étaient légitimes et raisonnables.

[8]                En l'espèce, l'agente a noté dans ses motifs :

[TRADUCTION]

Le paragraphe 16(1) de la Loi prescrit que l'auteur d'une demande au titre de la Loi doit répondre véridiquement aux questions qui lui sont posées lors du contrôle, donner les renseignements et tous éléments de preuve pertinents et présenter les documents requis. Vous ne répondez pas à cette exigence parce que, malgré mes demandes répétées, vous n'avez pas fourni de preuves pour me convaincre que votre avoir net provenait de sources légales et légitimes. Je vous ai demandé de fournir des preuves telles que des listes de paies, des rapports de vérification, des dossiers bancaires, des documents de transfert de fonds ou d'autres documents vérifiables démontrant que vous avez gagné votre argent de façon légale durant les périodes de 1982 à 1989 et de 1989 à 1996. Ces périodes sont essentielles parce que l'argent que vous avez gagné pendant ce temps constitue le fondement de l'investissement de votre compagnie actuelle. Cependant, vous n'avez pas fourni les documents demandés. Je vous ai ensuite convoqué à une entrevue fixée au 8 juin 2005 et vous ai demandé d'apporter la preuve documentaire avec vous. Au cours de l'entrevue, vous avez confirmé que tous les documents couvrant les deux périodes d'emploi n'existaient plus. Vous avez mentionné un rapport de vérification qui avait été préparé pour une courte période, mais vous n'étiez pas en mesure d'expliquer comment on en était arrivé à la conclusion que la compagnie de vérification n'existait pas. Vous ne pouviez pas expliquer non plus comment on avait pu procéder à cette vérification sans les documents de la compagnie. Le seul autre document que vous avez présenté était une déclaration de revenus qui n'était pas signée et qui a été préparée malgré le fait que les documents de la compagnie n'existaient plus. Je ne peux absolument pas conclure que ce document est crédible. Vous m'avez expliqué pendant l'entrevue que vous aviez toujours été payé comptant et que vous pouviez me présenter des copies de vos rapports de ventes et des commissions que vous aviez reçues. Je vous ai donné la chance de présenter ces documents, mais vous ne l'avez pas fait. Par conséquent, la conclusion que j'ai tirée à l'issue de l'entrevue n'a pas changé. Je ne suis pas convaincue que vous n'êtes pas interdit de territoire.

[9]                L'affaire Lan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2004), 42 Imm. L.R. (3d) 280, 2004 CF 770, sur laquelle le demandeur s'appuie, est différente de l'espèce parce que d'autres preuves avaient été présentées à l'agent des visas. Ce n'est pas le cas ici.

[10]            En l'espèce, les documents que l'agente avait demandés étaient raisonnables et devaient lui servir pour déterminer comment le demandeur avait accumulé son avoir net. Comme les ventes du demandeur avaient été payées comptant, il était raisonnable de la part de l'agente de lui demander une preuve de ces ventes. De plus, le demandeur a eu 30 jours pour produire les documents qu'il avait promis à l'agente de produire. Il ne l'a pas fait. Pour ces raisons, la décision de l'agente n'était pas manifestement déraisonnable.

Y a-t-il eu manquement au principe d'équité procédurale?

[11]            Au cours de l'entrevue, l'agente a noté que la compagnie qui avait préparé le rapport de vérification n'existait pas. Le demandeur n'était pas d'accord. Il a alors déclaré qu'il connaissait personnellement le comptable et a offert d'amener l'agente à l'établissement de la compagnie. Le demandeur a ajouté qu'il n'avait pas été averti à l'avance que l'existence de la compagnie de vérification était mise en doute. Ceci équivaut à un manquement au principe d'équité procédurale.

[12]            Il revenait au demandeur de dissiper les doutes de l'agente. En l'espèce, ces doutes avaient été clairement communiqués au demandeur et il avait eu 30 jours pour présenter une preuve permettant de les dissiper. Je ne vois pas comment ceci équivaut à un manquement au principe d'équité procédurale.

[13]            Pour ces motifs, la demande sera rejetée.

« Konrad W. von Finckenstein »

Juge

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-4907-05

INTITULÉ :                                       SHU HAI LI

                                                                                                               

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                               

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                Le 10 mai 2006

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : Le juge von Finckenstein

DATE DES MOTIFS :                       Le 15 mai 2006

COMPARUTIONS :

Nkunda I. Kabateraine

POUR LE DEMANDEUR

Ladan Shahrooz

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nkunda I. Kabateraine

Avocat

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

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