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Date : 19981223


Dossier : T-2367-96

Entre :

     SYLVAIN LEBLANC

     Requérant

     - et -

     SA MAJESTÉ LA REINE et

     MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE

     ET DES ANCIENS COMBATTANTS

     Intimés

     - et -

     COMMISSARIAT AUX LANGUES OFFICIELLES

     Mis-en-cause

     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE NADON :

[1]      Le requérant demande réparation conformément à l"article 77 de la Loi sur les langues officielles , L.R. (1985), ch. 31, (la "Loi"). Le requérant prétend que ses droits linguistiques n"ont pas été respectés par les intimés et, par conséquent, qu"il a été injustement libéré des Forces armées canadiennes ("FAC") en raison de la violation de ses droits linguistiques.

[2]      Le requérant reproche aux FAC de ne pas lui avoir assuré, en français, les services dispensés à ses membres en matière de traitement de l"alcoolisme. Spécifiquement, le requérant soumet que les FAC ont refusé de lui offrir, en français, la troisième étape du programme offert à ses membres relativement au traitement de la dépendance alcoolique. Au paragraphe 38 de son affidavit, le requérant explique ce programme, offert en trois étapes, comme suit:

             38.-      En effet, le traitement offert pour la dépendance à l"alcool par les Forces Canadiennes se fait en trois (3) étapes:             
                  La première consiste en un diagnostic du médecin de la Base et du Conseiller en toxicomanie de la Base (C.T.B.);             
                  La seconde est un séjour dans une clinique d"une durée de trente (30) jours;             
     La troisième, la plus importante, le suivi d"une durée d"un (1) an;

[3]      Le requérant demande à cette Cour d"ordonner sa réintégration dans les FAC et, plus particulièrement, à la base de Val Cartier, près de Québec. Il réclame, inter alia , la somme de $200,625.00 à titre de réparation pour les dommages résultant de la violation de ses droits linguistiques.

[4]      Les intimés soumettent que le recours du requérant est mal fondé. Selon eux, la libération du requérant des FAC n"a rien à voir avec la prétendue violation de ses droits linguistiques. Un résumé des faits pertinents est nécessaire pour disposer de ce litige.

[5]      Le requérant est devenu un membre des FAC en 1978 alors qu"il s"est joint au Royal 22e régiment. En avril 1984, il a été promu au grade de caporal-chef et en 1986, il a été promu au rang de sergent. En 1991, le requérant a été muté, à sa demande, au régiment aéroporté stationné à la base de Petawawa, en Ontario. Marié en 1982 et père de deux enfants, son épouse l"a quitté en octobre 1991 alors que son régiment devait quitter pour le Maroc.

[6]      Le 16 décembre 1991, le requérant est promu au rang d"adjudant et, en conséquence, il est muté à la base de Gagetown au Nouveau-Brunswick où il doit combler un poste d"adjudant à l"école d"infanterie de cette base.

[7]      Le requérant quitte Petawawa le 10 février 1992 pour Gagetown. Son épouse et ses enfants ne se joignent pas à lui puisqu"un jugement de séparation de corps a confié la garde des enfants à l"épouse du requérant. De plus, selon le jugement, le requérant doit payer une pension alimentaire pour ses enfants.

[8]      Peu de temps après son arrivée à Gagetown, le requérant rencontre le commandant de l"école d"infanterie de la base, le lieutenant-colonel Tymchuk.

[9]      À compter du mois de septembre 1992, le requérant cherche à quitter les FAC. Le 8 septembre 1992, le requérant dépose une demande de retraite anticipée dans le cadre du programme de réduction des FAC. Au soutien de sa demande, il déclare:

             OBJET:      DEMANDE D"APPLICATION AU PROGRAMME FRP/FRP             
             1.      JE, 254 495 872 ADJ S LEBLANC, DÉSIRE APPLIQUER POUR CE PROGRAMME FRP/PRF, PROPOSÉ PAR LES FORCES CANADIENNES ET PROFITER D"UNE RETRAITE ANTICIPÉE.             
             2.      LE PROGRAMME FRP EST UNE OCCASION POUR MOI DE QUITTER LES FORCES POUR LES RAISONS SUIVANTES:             
                  a)      JE N"AI PAS L"INTENTION DE PROLONGER MA CARRIÈRE AU DELÀ DE 20 ANS, DE TOUTE FAÇON.             
                  b)      ME PERMETTRE DE REPRENDRE MES ÉTUDES DÈS MAINTENANT.             
                  c)      ÉTANT DIVORCÉ MAINTENANT, MES OBLIGATIONS ONT CHANGÉES ET ME FORCENT À ME RÉORIENTER.             
             3.      J"AIMERAIS OBTENIR TOUTE L"INFORMATION DISPONIBLE À CE SUJET.             

[10]      Sa demande est refusée parce qu"il n"a pas le nombre d"années de service requis pour se prévaloir du programme.

[11]      Le 3 décembre 1992, le requérant demande une mutation à Québec pour les raisons suivantes:

             OBJET:      DEMANDE DE MUTATION À QUÉBEC             
             1.      Considérant que ma demande de PRF n"a pas été retenue, je désire obtenir une mutation rapide compensatoire (compassionate) à Québec (Val Cartier ou ECR22R ou environs).             
             2.      Plusieurs raisons me motivent. Entre autres:             
                  a)      Je n"ai aucune attache à Gagetown et me rends à Québec toutes les fins de semaine, voir ma fiancée et ma famille.             
                  b)      Mes enfants vivent à Gatineau près d"Ottawa et je n"ai pu les voir que 2 fois cette année.             
                  c)      Ma carrière a été réorientée ainsi et je peux laissé [sic] la place à d"autres qui seront plus efficaces. J"ai l"intention de retourner à l"Université le soir.             
3.      Pour votre réponse,

[12]      Dans le cadre de sa demande de mutation pour motifs personnels, le requérant a rencontré, le 5 février 1993, à la demande du lieutenant-colonel Tymchuk, le travailleur social de la base. Suite à la rencontre, le travailleur social a signé un rapport daté le 11 février 1993 adressée au commandant Tymchuk. Le rapport se lit comme suit:

             Reference:      A.      Memorandum by WO LeBlanc, 03 Dec 92 (enclosed)             
                      B.      Telecon A/ASWO/Adjt Inf School 21 Jan 93             
                      C.      CFAO 20-4 (R)             
             1. (PB)      As requested at Reference A and B, the enclosed comments are provided to assist with a decision in respect to the subject request. WO LeBlanc was interviewed by the undersigned 05 February 93. The member is requesting a compassionate posting to CFB Valcartier to be closer to his two children, whom he has only seen three times since October 91. He would also be closer to his fiancée and his familly in Quebec City.             
             BACKGROUND             
             2. (PB)      WO LeBlanc joined the Canadian Forces in June 78, and was posted to CFB Gagetown in February 92. He is presently employed with the Infantry School.             
             3. (PB)          WO LeBlanc married in August 82, but has been separated since October 91. He and his wife, Lyne Bouchard, have two children, Sylvain (age 13) and Cédric (age 8). Since October 91, Lyne has moved to Gatineau, Québec with their sons on a permanent basis, which makes it extremely difficult for WO LeBlanc to see his sons regularly.             
             4. (PB)      In November 91, WO LeBlanc met his present girlfriend who resides in Quebec City. Since his arrival at CFB Gagetown in February 92, this client has been travelling to see his girlfriend every week-end when possible. He does not own a motor vehicle, therefore, he must find his own transportation which can get be be [sic] very expensive.             
             5. (PB)      WO LeBlanc"s financial status is not encouraging, mostly because of the financial burden placed on him by the separation agreement with his wife. He is now fully responsible for all debts from the marriage.             
             6. (PB)      This client has had an alcohol problem in the past, but has been able to refrain from it since December 91. He has admitted to being tempted at times, but has been able to find the strength to control his actions.             
             ASSESSMENT             
             7. (PB)      WO LeBlanc seems to be having alot [sic] of difficulties adapting to the distance between him and his girlfriend. He has shown some signs of situational depression mainly because of this, and also the separation from his two children. This client is a prime candidate for returning to alcohol and possibly a suicide attempt.             
             8. (PB)      Since WO LeBlanc does not have any family or dependents in this area, he seems to have lost interest in everything, even his work. He needs to feel the presence of loved ones and also needs to be able to communicate with them on a regular basis for his well-being.             
             RECOMMENDATIONS             

9. (PB)      In view of the comments as outlined above, it is recommended that WO LeBlanc"s request for a posting to CFB Valcartier be granted for compassionate reasons, if not necessarily a compassionate posting. In addition, should this soldier"s request be supported, then WO LeBlanc would require professional counselling at CFB Valcartier to facilitate his problem-solving skills.

[13]      Sur réception de ce rapport, le lieutenant-colonel Tymchuk écrivait ce qui suit sur sa copie du rapport:

             ã NTF             
             1.      I cannot accept this report. There is absolutely no indication that the criteria of CFAO 20-4 have been applied to this case in the determination of a recommendation for a compassionate posting.             
             2.      After consulting A/ASWQ the Adjt Inf School cfm [confirmed] the recommendation of compassionate posting was based solely on the comments made concerning suicide, depression, alcoholism.             
             3.      There is no indication that a posting to Quebec would solve WO LeBlanc"s fin[ancial] problem or result in him seeing his children more often.             
             4.      WO LeBlanc must solve his problem in some other way (eg, remain one more year or take release).             
                                      T             
                                      Cmdt             
                                      12 Feb 93             

[14]      Présumant que sa demande de mutation serait rejetée, le requérant a soumis, le jour même où il a rencontré le travailleur social de la base, une demande de libération des FAC. Cette demande se lit comme suit:

             OBJET          DEMANDE DE LIBÉRATION             
             REF      a. MEMOS EN DATE DU 08 SEPT 82 ET 03 DEC 92             
             1.      JE, C 37 819 449 (254 495 872), ADJ S. LEBLANC, DÉSIRE OBTENIR UNE LIBÉRATION DE LA FORCE RÉGULIÈRE AFIN DE RETOURNER À QUÉBEC, ÉTANT DONNÉ QU"IL SEMBLE IMPOSSIBLE QUE JE SOIS MUTÉ À L"ÉTÉ 93, SELON MA DEMANDE EN DATE DU 03-12-92.             
             2.      AYANT APPLIQUÉ LE 8 SEPTEMBRE 1992 POUR LE PRF, JE VOUS PRIERAI DE CONSIDÉRER CETTE DATE COMME ÉTANT CELLE DE MA DEMANDE DE LIBÉRATION. DE PLUS,             
                  a.      JE DÉSIRE SERVIR ENCORE LES FORCES MAIS AVEC LA RÉSERVE À QUÉBEC;             
                  b.      JE VAIS, DU MÊME COUP, REPRENDRE MES ÉTUDES;             
                  c.      JE POURRAI RESTABILISER MA VIE, À LA SUITE DE MON DIVORCE.             

3.      J"AIMERAIS OBTENIR RÉPONSE AU PLUS VITE AFIN D"INITIER PLUSIEURS ARRANGEMENTS ADMINISTRATIFS POUR VOTRE APPROBATION.

[15]      Suite à sa réception du rapport du travailleur social, le commandant Tymchuk a rencontré le requérant. Sa note de service concernant cette rencontre révèle ce qui suit:

             1.      Interview was cordial but there was no mov[e] on either side. WO LeBlanc cont[inued] to see only two options (comp[assionate] posting or release) which makes it impossible to help him.             
             2.      He mentioned he was unaware of the franco AA gp [group] at communauté St Anne. Ensure he is made aware and that, if nec[essary], we provide for him to attend. Also, cfm [confirmed] he has not yet had ARC. I want WO LeBlanc to have an interview with BDEC.             
             3.      I will wait one wk [week] before processing release.             
                                  T             

                     Cmdt

[16]      Le 12 février 1993, le requérant a rencontré, conformément à l"ordre administratif OAFC 19-31, l"un des médecins de la base afin d"être autorisé à se soumettre volontairement à une clinique de réhabilitation pour l"alcool. Je note les points suivants du rapport du médecin:

             "      "wife left him October 19, 1991 - 3 weeks later quit cold turkey - ø alcohol since";             
             "      "describes severe physical/psychological withdrawal symptoms";             
             "      "lately feeling + + cramps alcohol but strongly adamant re ø drinking";             
             "      "impulsive to hit someone as very frustrated, plus stress ref. posting";             
             "      "has new girlfriend , good relationship but she lives in Quebec city";             
             "      "stress; wife child support, cannot afford vehicule [sic] - difficulties getting rides to Quebec city each week-end - apparently, no posting available this year";             
             "      "frank discussion";             
             "      "feels needs help to stay sober forever";             
             "      "alcoholic, abstinent for 1 year";             
"      "refer BAC Hank Nason for counselling and assessment"     

[1]      Le 16 février 1993, tel qu"ordonné par le lieutenant-colonel Tymchuk suite à sa rencontre avec le requérant, ce dernier a rencontré le conseiller en toxicomanie de la base, Hank Nason. Lors de cette rencontre, Hank Nason a informé le requérant qu"il avait bel et bien été inscrit à la clinique de réhabilitation. M. Nason a informé le requérant que la deuxième phase du programme devait se donner à la base de Val Cartier, au Québec, du 21 avril au 21 mai 1993.

[2]      Le 19 février 1993, le requérant a signé un formulaire intitulé "Application for Voluntary Release / Transfer". Ce document, en quelque sorte, formalisait la demande de libération qu"il avait adressée au lieutenant-colonel Tymchuk le 5 février 1993.

[3]      Le 13 avril 1993, le requérant est informé que sa demande de libération est approuvée et qu"elle prendra effet le 25 mai 1993.

[4]      Du 21 avril au 21 mai 1993, le requérant a participé, à la base de Val Cartier, à une clinique de réhabilitation qui constituait la deuxième étape du programme offert par les FAC. Le 25 mai 1993, la libération du requérant des FAC a pris effet par le début de son congé de fin de service.

[5]      Le 13 octobre 1994, le requérant a déposé une plainte au bureau du Commissariat aux langues officielles. Le 28 octobre 1994, le requérant a rencontré Marcel Charlebois, l"agent d"enquêtes et de vérifications qui gérait le module militaire au Commissariat à cette époque. Lors de la rencontre, le requérant a informé M. Charlebois de ce qui suit:

     i)      qu"il s"est vu refusé une affectation pour motifs personnels dans la région de Québec;         
     ii)      qu"en raison de ce refus, il a mis fin à sa carrière militaire de façon prématurée vu l"absence de thérapie en alcoolisme en français dans la région de la base de Gagetown;         
     iii)      que les services du conseiller en toxicomanie de la base de Gagetown n"étaient pas disponibles en français.         

[6]      Le Commissaire aux langues officielles, après enquête, a conclu comme suit:

             *30.      Dans son rapport final d"enquête, le Commissaire a conclu ce qui suit en ce qui concerne les services en français pour les alcooliques à la base de Gagetown:             
                  a.      Il n"y avait pas de groupe AA francophone dans les environs de la Base de Gagetown en 1993.             
                  b.      Le Conseiller en toxicomanie de la base de Gagetown n"était pas bilingue, ni en 1993 (au moment du séjour du Requérant) ni en 1995 (au moment des entrevues).             
                  c.      La langue est un facteur important dans le traitement des problèmes reliés à la dépendance à l"alcool pour les personnes qui ne sont pas entièrement bilingue.                                 
                  d.      Les "Unit Drug Education Coordinators" ne sont pas qualifiés pour faire de la thérapie de groupe en ce qui concerne le traitement à la dépendance à l"alcool, cette fonction relevant du conseiller en toxicomanie de la base.             
                  e.      Les francophones de la Base de Gagetown ne bénéficiaient pas d"un traitement comparable à celui des anglophones de cette Base en ce qui touche le traitement de la dépendance à l"alcool.             

* Ce paragraphe est tiré de l"affidavit de Michel Wissell, un fonctionnaire à l"emploi du Commissariat aux langues officielles.

[7]      La prétention du requérant est à l"effet qu"il a demandé sa libération des FAC suite à la violation de ses droits linguistiques. Le requérant prétend qu"il ne voulait pas, en réalité, quitter les FAC. Ses demandes de mutation et de libération n"avaient comme seul but de régler son problème d"alcoolisme. Par conséquent, ce qu"il souhaitait c"était d"être muté à la base de Val Cartier pour y être traité en français. Voici ce qu"affirme le requérant, inter alia , dans l"affidavit amendé qu"il a déposé au soutien de sa demande:

             50.-      Le 3 décembre 1992, je demande donc d"être muté à Québec en invoquant diverses raisons mais évidemment sans mentionner mon problème d"alcool, le tout tel qu"il appert de ladite demande déposée sous la cote A-7 ;             
             51.-      Ma demande de transfert était justifiée par le fait, et j"en étais persuadé, que je désirais que la phase 3, phase de suivi d"un an pour l"alcoolisme, se déroule sur la Base de Valcartier. Je savais que le suivi se ferait dans ma langue c"est-à-dire le français et avec des groupes de soutien dans ma langue, près de ma famille et des miens. Cette requête a été refusée;             
             52.-      Si j"ai mentionné d"autres raisons que mes problèmes d"alcoolisme dans ma demande de mutation du 3 décembre 1992, c"est que je ne voulais pas nuire à mes chances d"avancement sachant pertinemment que mes supérieurs, compte tenu de ce que j"ai mentionné dans ce document précédemment, connaissaient la véritable raison de ma demande de mutation leur en ayant parlé à plusieurs reprises auparavant;             
             53.-      Si on m"avait muté à Québec dès ce moment, j"aurais entrepris une clinique en français à Valcartier et j"aurais obtenu un suivi d"un (1) an en français, ainsi que le support essentiel d"un Conseiller en toxicomanie francophone, d"un suivi de groupe A.A. francophone. Tous des services non disponibles à Gagetown en français. Mon seul souci à cette époque était de m"en sortir;             
             55.-      Après les Fêtes, c"est-à-dire en janvier 1993, à mon retour à la Base des Forces Canadiennes de Gagetown, je replonge très rapidement dans le désespoir, j"essayais d"arrêter de boire, ce qui me rendait très agressif et me causait des hallucinations fréquentes. Je téléphonais à Québec à peu près à tous les soirs pour crier mon désespoir mais au travail rien ne paraissait par orgueil;             
             57.-      Donc suite à cet échec et sur recommandation d"un de mes supérieurs, je décidai donc par la suite de rencontrer un travailleur social ayant pour nom Monsieur Serge R. Boudreault, le 5 février 1993 au matin. Après cette entrevue, il me confia qu"il allait recommander au Colonel Timchuck que je sois muté à Québec. Le tout tel qu"il appert dudit rapport déposé sous la cote A-8 ;             
             58.-      Suite à cette rencontre du travailleur social je réalise que si je ne suis pas muté à Québec rapidement où je pourrais bénéficier d"un suivi en français pour mon traitement d"alcoolisme, je risque à nouveau de tenter de mettre fin à mes jours;             
             59.-      Ce désespoir lié à un manque de support pour mon problème m"amène à rédiger une demande de licenciement volontaire en date du 5 février 1993 mais à défaut d"être muté à l"été de 1993, le tout tel qu"il appert de ladite demande déposée sous la cote A-9 . Ma véritable intention à cette époque était de servir encore dans les Forces régulières à Québec dans le but de régler mes problèmes d"alcool et de restabiliser ma vie suite à mon divorce;             
             70.-      A la fin de la clinique (phase 2 du traitement de l"alcoolisme) j"espérais encore possible d"être muté à Québec. Et plus particulièrement lorsqu"on me fit signer un consentement pour un (1) an de suivi, le tout tel qu"il appert dudit consentement signé le 21 mai 1993 déposé sous la cote A-12 (voir A-10.4 aussi) ;             
             79.-      Mes demandes de mutation du 3 décembre 1992, de libération du 5 février 1993 et même les entrevues jointes à ces deux demandes n"avaient que pour but que de régler mon problème d"alcoolisme et de me rapprocher des traitements et du suivi disponible ne français. Si d"autres raisons ont été spécifiées dans ces demandes, c"est uniquement parce que je ne voulais pas nuire à mes chances d"avancement, mais sachant pertinemment que mes supérieurs connaissaient la véritable raison de ces demandes, l"alcoolisme, leur en ayant parlé auparavant à plusieurs reprises;             

80.-      Aucun doute qu"aujourd"hui je serais encore dans la force régulière si j"avais pu bénéficier de tous les services dont j"avais besoin en français pour régler mon problème d"alcoolisme ou tel que mentionné à ma demande de décembre 1992, on avait accepté ma mutation à Québec. Ou si tel que spécifié dans ma demande du 5 février 1993, on avait considéré ma demande de mutation. Ou si le colonel Tymchuck avait respecté sa parole de mettre de côté ma demande de libération pour en rediscuter jusqu"à ce que mes traitements pour mon problème d"alcool soit [sic] terminés;

[8]      Il y a peu d"indices au dossier concernant le problème d"alcoolisme du requérant. La première indice remonte à l"automne 1991 alors que le régiment du requérant est sur le point d"être déployé au Maroc. C"est à cette époque que l"épouse du requérant le quitte.

[9]      Dans le cadre du déploiement qui devait avoir lieu vers le Maroc, le requérant a rencontré un travailleur social. Le requérant a expliqué la nature de cette rencontre comme suit aux pages 12 et 13 (dossier conjoint, pages 401 et 402) de la transcription de l"interrogatoire du requérant qui a eu lieu le 5 septembre 1997:

             Q.      [...] Maintenant, est-ce qu"il est exact de dire que cette démarche-là résultait de vos difficultés matrimoniales?             
             R.      Non, c"était une procédure standard que tous ceux-là qui étaient déployés pour les Nations Unies devaient rencontrer un conseiller, un padré, on appelle, ce qu"on appelle une machine à saucisse dans le système, on reçoit des vaccins, on reçoit des briefings sur la population. Dans le cas présent, on s"en allait au Maroc.             
                  Puis une des choses qu"on devait faire, c"était rencontrer le travailleur social qui était simplement [sic ] s"asseoir puis dire : "J"ai rien de spécial, tout va bien".             
                  Elle disait : "C"est beau". Elle nous signait une feuille puis on continuait, on allait à une autre étape.             
                  Dans le cas présent, je l"ai rencontrée, elle dit : "Vous êtes marié, vous avez deux (2) enfants"?             
                  Puis, là, j"ai dit : "Non, elle vient de partir".             

     Là, la conversation s"est entreprise. Finalement, on a débouché avec le problème d"alcool que moi j"identifiais comme étant la raison majeure pourquoi mon épouse m"avait quitté.

[10]      Suite à cette rencontre avec la travailleuse sociale, le requérant a fait une demande écrite pour obtenir un traitement contre l"alcoolisme. Dans sa note datée le 9 décembre 1991 adressée au lieutenant Baillargeon, son commandant de peloton, le requérant écrit ce qui suit:

             1.      À la suite de discussions avec la T.S., nous avons convenu d"entreprendre, de façon volontaire, les démarches afin que je puisse participer à une clinique de réhabilitation pour l"alcool. Je suis conscient des implications et souhaite que ceci se fasse rapidement.             
2.      Je souhaite rencontrer les superviseurs impliqués. Airborne.

[11]      Au paragraphe 15 de son énoncé des faits et du droit, le procureur des intimés commente ces événements comme suit:

15.      En aucune occasion entre le 9 décembre 1991 et le 10 février 1992, et en aucun moment par la suite, le requérant ne cherche cependant à savoir ce qu"il advient de ladite demande, Pièce A-4 ; il sait qu"il existe des personnes ressources à la Base de Petawawa en matière de traitement de l"alcoolisme mais ne cherche pas à les rencontrer, estimant ne pas avoir besoin de s"informer de l"aide que ces personnes peuvent offrir au motif "qu"il porte bien l"alcool";

[12]      À la page 28 de la transcription de son interrogatoire (page 417 du Dossier conjoint des parties), le requérant déclare qu"il n"avait pas tenté de rencontrer les personnes-ressources parce qu"il "faisait confiance au système".

[13]      Entre le 9 décembre 1991 et le 5 février 1993, rien au dossier ne permet de démontrer ou de déceler un problème d"alcool chez le requérant. Le 5 février 1993, le requérant a rencontré le travailleur social de la base de Gagetown qui, suite à sa rencontre avec le requérant, a signé un rapport destiné au commandant Tymchuk. Ce rapport, que j"ai reproduit plus haut, mentionne que le requérant a eu un problème d"alcoolisme dans le passé mais qu"il n"a pas consommé d"alcool depuis le mois de décembre 1991. Il est clair, selon ce rapport, que le problème du requérant n"était pas un problème d"alcool mais plutôt un problème d"adaptation.

[14]      Le rapport du médecin que le requérant a rencontré le 12 février 1993 est au même sens que le rapport du travailleur social. Ce rapport indique que le requérant n"a pas consommé d"alcool depuis novembre 1991. Il existe un lien, qui est très évident à mon avis, entre les rapports du travailleur social et du médecin et la demande de mutation déposée le 3 décembre 1992 par le requérant. Une lecture de ces rapports et de la demande de mutation suffit pour me convaincre que ce que le requérant voulait était de retourner à Québec pour être plus près de sa fiancée et de ses enfants.

[15]      Il est intéressant d"examiner la preuve du capitaine Sylvain Aziz. Le capitaine Aziz, affecté à la base de Gagetown du 1er juillet 1991 au 31 août 1994, occupait le poste d"expert en la matière mortier et était responsable de la cellule de mortier à l"école d"infanterie de la base. Du mois d"août 1992 au mois de janvier 1993, le requérant était sous le commandement du capitaine Aziz et travaillait pour lui à titre d"adjoint à la cellule de mortier. Les paragraphes 4 à 10 de l"affidavit du capitaine Aziz sont d"une grande pertinence et je les reproduit:

             4.      Je sais que Sylvain Leblanc avait appliqué volontairement pour le programme de réduction des Forces de 1993, le 28 août 1992, le tout tel qu"il appert de la demande de libération produite au soutien de mon affidavit sous la cote SA-1 puisqu"à la première étape de ce processus administratif, j"avais recommandé Sylvain Leblanc pour ce programme.             
             5.      Ce programme offrait plusieurs avantages financiers très intéressant et venait de s"ouvrir aux fantassins, groupe dont le requérant faisait partie. J"ai pu constater de nos discussions que ce programme arrivait à temps pour lui comte [sic ] tenu que le requérant considérait depuis déjà quelques temps de mettre un terme à sa carrière militaire.             
             6.      Toutefois, à ma connaissance, la demande du requérant ne fut pas acceptée, les conditions d"admission ayant été modifiées, le tout tel qu"il appert de la note datée du 7 décembre 1992 déposée au soutien de mon affidavit sous la cote SA-2.             
             7.      Le requérant, après plusieurs mois de planification d"après-carrière menée avec beaucoup d"enthousiasme a très mal pris cette nouvelle tournure des événements. Le requérant m"a indiqué que ce programme lui aurait permis de rejoindre son amie de coeur à Québec, qu"il visitait toutes les fins de semaines, de se rapprocher de ses enfants demeurant à Gatineau et, étant donné un revenu moindre, lui permettre de diminuer la pension alimentaire qu"il devait à son ex-épouse. Jamais il ne m"a mentionné que la raison pour appliquer à ce programme était reliée à l"absence de traitement en français contre l"alcoolisme.             
             8.      Suite au refus pour le programme de réduction des Forces canadiennes, le requérant m"a avisé qu"il avait entrepris immédiatement des démarches pour une demande de mutation à Québec pour des raisons familiales et sentimentales sans jamais invoquer son problème d"alcool, tel qu"il appert du document déposé au soutien de l"affidavit du requérant sous la cote A-7. Selon le requérant, cette mutation lui aurait permis de rencontrer son désir de rejoindre son amie de coeur et de se rapprocher de ses enfants. Toutefois, cette demande lui fut refusée.             
             9.      C"est suite à ce deuxième échec qu"il opta pour une libération volontaire des Forces armées, tel qu"il appert du document déposé au soutien de l"affidavit du requérant sous la cote A-9. Le requérant m"informa de cette décision puisqu"il était toujours sous mon commandement. D"après nos discussions, j"ai pu me rendre compte que le requérant semblait très à l"aise et heureux de cette décision. Il m"a mentionné qu"il entrevoyait d"un bon oeil son après-carrière ayant déjà un emploi avec quelqu"un de la famille ainsi qu"une possibilité de joindre la réserve.             
10.      En aucun temps durant ses différentes procédures administratives, il ne m"a fait part d"un problème actuel d"alcool et encore moins de la difficulté à recevoir un traitement pour ce problème dans sa langue officielle. La seule allusion lors de nos discussions à l"alcool fut lorsqu"il m"avisa à l"automne 1992 qu"il avait assisté à certaines séances du même groupe de AA qu"un autre adjudant anglophone de notre cellule. À l"exception de cette allusion, le sujet du problème de l"alcool et de son traitement n"a jamais été abordé dans nos discussions ni dans ses diverses démarches administratives pour quitter les Forces armées.

[16]      Durant son contre-interrogatoire, le capitaine Aziz a témoigné qu"il n"avait "jamais eu ou vu l"adjudant Leblanc avoir un problème d"alcool" (page 338, volume 2 du dossier conjoint). Le capitaine Aziz a aussi témoigné qu"il n"avait jamais eu à conseiller le requérant "sur son problème d"alcool" puisque, selon le capitaine Aziz, le requérant n"avait pas un tel problème (pages 339 et 340, volume 2 du dossier conjoint). Le capitaine Aziz a même témoigné qu"il avait, à plusieurs reprises, vu le requérant dans des endroits où il y avait de l"alcool et que le requérant n"en consommait pas (page 343, volume 2 du dossier conjoint).

[17]      Le lieutenant-colonel Tymchuk, après considération de la demande de mutation, a conclu que celle-ci ne rencontrait pas les critères de l"ordre administration OAFC 20-4 portant sur les affectations pour motifs personnels ("Compassionate Posting").

[18]      Tel que je l"indiquais plus haut, le requérant a rencontré Hank Nason le 16 février 1993. À la page 38 de la transcription de son contre-interrogatoire le 4 septembre 1997 (page 313, volume II du dossier conjoint), M. Nason indique clairement que le requérant l"avait informé qu"il ne retournerait pas à Gagetown pour la phase III du programme de réhabilitation parce qu"il quittait les FAC immédiatement après la fin de la phase II du programme. Les questions et réponses suivantes, telles qu"elles apparaissent aux pages 312 et 313 de la dite transcription sont intéressantes:

             Q.      O.K.             
                  Mais Monsieur Nason, vous aviez recommandé et vous aviez rencontré l"adjudant Leblanc et vous aviez recommandé la phase 2 qui est le traitement médical.             
                  Est-ce que c"était votre rôle de vérifier, lors de l"accomplissement de cette phase 2 là, quels seraient les services qui seraient offerts pour la phase 3 pour l"adjudant Leblanc, en français?             
             I. Normalement lorsqu"un soldat arrive à la phase 3 et qu"il demande une phase 3 en français, je m"organise pour lui donner les services.             
                  Mais dans le cas présent, l"adjudant Leblanc n"est même pas revenu à Gagetown pour entrer en phase 3.             
             Q.      Si je comprends bien, Monsieur Nason, on ne vous a pas informé que la phase 3 concernant l"adjudant Leblanc avait été autorisée?             

I. Quand j"ai rencontré l"adjudant Leblanc, il m"a dit qu"il ne reviendrait pas à Gagetown pour la phase 3, qu"il se retirait à la fin de la phase 2.

[19]      Il est aussi intéressant de référer à une lettre datée le 17 août 1993 qu"adressait le brigadier-général R.A. Forand au requérant. Cette lettre se lit comme suit:

                  J"ai récemment pris connaissance de votre lettre du 16 juillet dernier, laquelle faisait mention de votre amertume et regret concernant votre libération des Forces canadiennes. C"est aussi avec intérêt que j"ai cherché à connaître les circonstances ayant précédé votre licenciement, afin de me forger une idée juste et claire de votre situation.             
                  Selon vos allégations et les informations obtenues concernant votre fin de carrière, vous avez quitté les FC suite à l"impossibilité d"obtenir une mutation pour motifs personnels (compassionate posting) à Valcartier. Cette demande de mutation particulière vous a en effet été refusée car, avant votre mutation de Petawawa à Gagetown, vous aviez été informé de la durée votre affectation à l"Ecole d"infanterie (trois ans). Ainsi vous connaissiez dès lors les implications de cette mutation et auriez été en mesure d"en prévoir les conséquences futures. Conséquemment, votre commandant a jugé plus approprié de vous offrir de servir encore un an à l"École d"infanterie, pour ensuite vous permettre d"être muté ailleurs. Nonobstant ces faits, vous avez tout de même préféré demander votre libération volontaire.             
                  Votre commandant était en droit de prendre une telle décision car, en fait, rien ne lui garantissait qu"une mutation pour motifs personnels réglerait votre problème familial une fois pour toute. Effectivement, une mutation pour motifs personnels se doit d"être d"une durée limitée (généralement deux ans) et une fois terminée, le militaire doit être libéré des FC obligatoirement. Dans votre cas, rien n"indiquait qu"une telle mutation réglerait votre problème familial au bout de deux ans. En fait, la situation particulière de votre famille porte plutôt à croire que vous alliez devoir vivre avec ce problème pour encore plusieurs années.             
                  Concrètement, je ne peux donc rien faire pour améliorer votre situation actuelle. La décision de quitter les FC vous appartenait et vous devez maintenant en accepter les conséquences. Quant à votre demande pour une mutation pour motifs personnels, votre commandant était la personne possédant l"autorité d"en évaluer la pertinence et d"en approuver l"application. Votre droit à ce moment, en cas de désaccord avec votre commandant, était de soumettre un redressement de grief.             

     Bref, je regrette de ne pouvoir soulager votre présent désarroi. Je reconnais que le rendement que vous avez fourni au sein des FC était de premier ordre et je suis confiant qu"un emploi correspondant à vos aspirations et aptitudes vous sera éventuellement offert dans la vie civile. D"un autre côté, vous pouvez toujours tenter de réintégrer les FC par l"entremise des centres de recrutement ou en joignant les rangs de la réserve. Soyez toutefois conscient qu"il y a très peu, sinon aucune ouverture disponible pour joindre la force régulière dans le GPM 031.

[20]      Par sa lettre, le brigadier-général Forand répondait à une lettre du requérant en date du 13 juillet 1993. Ni l"original, ni copie de cette lettre du requérant n"a été déposé en preuve par le requérant. Il est intéressant de noter que le brigadier-général Forand, en répondant à la lettre de plainte du requérant, ne fait aucune mention d"alcoolisme ou de problème d"alcool. D"après la lettre du brigadier-général Forand, le requérant s"était plaint dans sa lettre du 16 juillet 1993 d"avoir dû quitter les FAC parce qu"il n"avait pu obtenir une réponse favorable à sa demande de mutation pour motifs personnels. Cette lettre du brigadier-général Forand s"insère, à mon avis, dans la même ligne de pensée que les rapports du travailleur social et du médecin de la base de Gagetown, à savoir que le requérant avait beaucoup de difficulté à s"adapter à son nouvel environnement.

[21]      Tel que je l"ai mentionné au paragraphe précédent, le brigadier-général Forand ne fait aucune mention du problème d"alcoolisme du requérant dans sa lettre du 13 août 1993. À mon avis, la seule explication possible pour cette omission est que le requérant, dans sa lettre du 13 juillet 1993, n"en a pas fait mention. Je souligne à nouveau que le requérant n"a déposé sa plainte auprès du Commissariat aux langues officielles qu"au mois d"octobre 1994, soit un an et demi après sa libération des FAC.

[22]      La position des intimés concernant le désir du requérant de se faire traiter, en français, pour son problème d"alcool à la base de Gagetown, appert des paragraphes 70 à 72 de leur mémoire.

             70.      Il ressort en effet clairement de la preuve au dossier que le départ du requérant des Forces Armées n"est d"aucune façon relié à la question de la disponibilité, en français, des services offerts par les Forces Armées en matière de traitement de d"alcoolisme, pas plus qu"il ne l"est d"ailleurs au problème d"alcoolisme du requérant;             
             71.      L"ensemble de la preuve révèle plutôt que ce départ est motivé d"une part par le désir du requérant de quitter les Forces Armées, et d"autre part de l"isolement relatif dans lequel se sent le requérant à la Base de Gagetown dans le contexte de sa séparation toute récente, qui lui impose un lourd fardeau financier, et de la distance qui le sépare de sa nouvelle amie et de sa famille, tous de la région de Québec, et de ses enfants, lesquels vivent avec leur mère à Gatineau;             

72.      Dans les circonstances de la présente affaire, telles que révélées par la preuve, le problème d"alcoolisme du requérant et la dimension linguistique des services en matière de traitement de l"alcoolisme au sein des Forces Armées ne sont que prétextes au présent recours;

[23]      À mon avis, les intimés ont raison de prétendre qu"il n"existe aucun lien de causalité entre la libération du requérant des FAC et la prétendue violation de ses droits linguistiques. Vu la preuve au dossier, je trouve peu crédible la position soutenue par le requérant. Je ne puis accepter les affirmations faites par le requérant aux paragraphes 51, 52, 59 et 79 de son affidavit. À mon avis, le requérant voulait, à tout prix, obtenir un transfert à Québec pour être plus près de sa fiancée et de sa famille. Cela, à mon avis, ne peut faire de doute.

[24]      Rien au dossier ne démontre que le requérant voulait être traité pour son problème d"alcoolisme, si tel était le cas, en français à la base de Gagetown. Le requérant blâme les FAC de ne pas avoir compris que ses demandes de mutation et de libération constituaient une demande d"aide pour son problème d"alcoolisme. Vu que le requérant n"a jamais demandé de pouvoir participer à la troisième étape du programme offert par les FAC, il est difficile de comprendre comment les FAC auraient pu deviner que tel était son désir. J"accepte sans hésitation le témoignage de M. Nason selon lequel le requérant l"a informé qu"il ne reviendrait pas à Gagetown pour la phase 3 du programme de réhabilitation vu qu"il quittait les FAC à la fin de la phase 2. J"accepte aussi sans hésitation le témoignage du capitaine Aziz qui, à mon avis, est en conformité avec l"ensemble de la preuve. À mon avis, le requérant aurait été prêt à se soumettre à la phase 3 du programme de réhabilitation dans la mesure où il aurait pu y participer à la base de Val Cartier. Ce qu"il voulait c"était de retourner à Québec et non pas d"obtenir de l"aide pour son problème d"alcool. Tel que je l"ai indiqué plus haut, je suis en accord complet avec les propos tenus par les intimés dans leur mémoire selon lesquels "le problème d"alcoolisme du requérant et la dimension linguistique des services en matière de traitement de l"alcoolisme au sein des FAC ne sont que prétextes aux présentes".

[25]      Dans sa demande de libération déposée le 5 février 1993, le requérant indique clairement qu"il désire être libéré des FAC vu le refus de sa demande d"être muté à Québec au cours de l"été 1993. Le requérant n"indique nullement qu"il désire être libéré parce qu"il ne peut obtenir, en français, le traitement offert par les FAC pour la dépendance à l"alcool et, plus particulièrement, la troisième étape du programme.

[26]      De plus, il ne faut pas oublier qu"au mois de septembre 1992, le requérant avait demandé sa retraite anticipée et qu"il avait affirmé, au soutien de sa demande, qu"il ne voulait pas prolonger sa carrière au delà de 20 ans et qu"il avait l"intention de retourner aux études. Dans sa demande de mutation du mois de décembre 1992, il a tenu des propos similaires.

[27]      Au paragraphe 79 de son affidavit, le requérant déclare qu"il n"a pas mentionné son problème d"alcoolisme dans ses demandes de mutation et de libération parce qu"il ne voulait pas nuire à ses chances d"avancement dans les FAC. Je ne crois nullement cette affirmation du requérant. À mon avis, il n"a fait aucune mention de son problème d"alcoolisme parce que ce qu"il recherchait était d"être muté à Québec et non pas d"être traité pour son problème d"alcoolisme.

[28]      La note de service du commandant Tymchuk que j"ai reproduite au paragraphe 15 de mes motifs, reflète, à mon avis, la réalité, à savoir que le requérant voulait soit être transféré à Québec ou être libéré des FAC. À mon avis, si le requérant avait indiqué au commandant Tymchuk qu"il ne voulait pas quitter les FAC mais plutôt qu"il voulait recevoir de l"aide pour son problème d"alcoolisme, la note de service en aurait fait mention. Il ressort clairement de la preuve que le requérant a demandé sa libération des FAC parce que le lieutenant-colonel Tymchuk a refusé de le muter à Val Cartier. Il n"a jamais mentionné au lieutenant-colonel Tymchuk, ni porté à son attention, son désir d"être traité pour un problème d"alcoolisme. Il a déposé sa demande de libération le 5 févier 1993 et celle-ci a été acceptée par les FAC deux mois plus tard. Le requérant aurait pu, s"il l"avait voulu, aviser le lieutenant-colonel Tymchuk qu"il ne voulait pas être libéré mais plutôt être traité pour son problème d"alcoolisme.

[29]      Vu la conclusion à laquelle j"en arrive, je n"ai pas à m"interroger sur l"autre question soulevée par la demande du requérant, à savoir si la phase 3 du programme était disponible en français à la base de Gagetown. Pour ces motifs, la demande de réparation du requérant sera rejetée avec dépens en faveur des intimés.

Ottawa (Ontario)      "MARC NADON"

Le 23 décembre 1998      JUGE

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