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Date : 20051125

Dossier : DES-1-00

Référence : 2005 CF 1596

Ottawa (Ontario), le vendredi 25 novembre 2005

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE DAWSON

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

et LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeurs

et

MOHAMED ZEKI MAHJOUB

défendeur

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LA JUGE DAWSON

[1]                Les présents motifs définitifs de la Cour portent sur la demande de M. Mahjoub pour obtenir sa mise en liberté, en vertu du paragraphe 84(2) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi). Je conclus comme suit :

(i)          M. Mahjoub m'a convaincue que la mesure de renvoi du Canada prise à son égard ne sera pas exécutée dans un délai raisonnable;


(ii)         M. Mahjoub ne m'a pas convaincue que sa mise en liberté ne constituera pas un danger pour la sécurité nationale ou la sécurité d'autrui;

(iii)        L'imposition de conditions et les cautions offertes ne suffisent pas à neutraliser le danger que constituerait, à mon avis, la mise en liberté de M. Mahjoub.

[2]                En conséquence, la demande de mise en liberté est rejetée.

                                                  TABLE DES MATIÈRES

HISTORIQUE DES PROCÉDURES      [3]

LES QUESTIONS EN LITIGE      [4]

LES TÉMOIGNAGES      [9]

LE RAPPORT DU PSYCHOLOGUE      [10]

M. MAHJOUB S'EST-IL DÉCHARGÉ DE SON FARDEAU DE CONVAINCRE LA COUR QU'IL NE SERA PAS RENVOYÉ DU CANADA DANS UN DÉLAI RAISONNABLE?

(i)             Les principes applicables      [12]

(ii)            La durée de la détention      [14]

(iii)           Les retards et leurs causes      [15]

(iv)           Le critère tourné vers l'avenir      [25]

(v)            Le temps utilisé par les procédures visant à obtenir réparation peut-il être pris en compte en déterminant le « délai raisonnable » ?      [31]

(vi)           Les conditions de détention      [33]

(vii)          Conclusion sur la question du délai raisonnable      [40]


M. MAHJOUB S'EST-IL DÉCHARGÉ DE SON FARDEAU DE CONVAINCRE LA COUR QUE SA MISE EN LIBERTÉ NE CONSTITUERA PAS UN DANGER POUR LA SÉCURITÉ NATIONALE OU LA SÉCURITÉ D'AUTRUI?

(i)             Les principes juridiques applicables      [43]

(ii)            L'application des principes juridiques à la preuve      [49]

(iii)           La preuve de M. Mahjoub au sujet du danger, s'il en est, que constituerait sa mise en liberté       [50]

(iv)           L'évaluation de la preuve du ministre reçue ex parte et à huis clos      [54]

(v)            La preuve du ministre en réponse      [58]

(vi)           L'analyse du danger, s'il en est, que constituerait la mise en liberté de M. Mahjoub       [60]

a) L'appui que M. Mahjoub a accordé par le passé à l'extrémisme islamique      [61]

b) Le fait que M. Mahjoub n'a pas renoncé à la cause de l'extrémisme islamique      [75]

c) La possibilité que M. Mahjoub reprenne contact avec des extrémistes islamiques      [78]

d) Les déclarations antérieures mensongères de M. Mahjoub à la Cour      [83]

e) Les conclusions à tirer de l'analyse qui précède au sujet du danger      [86]

(vii)          L'imposition de conditions et les cautions peuvent-elle neutraliser ou faire obstacle à un tel danger      [94]

ORDONNANCE      [105]

ANNEXE A - CHRONOLOGIE DES ÉVÉNEMENTS      Pages 106 à 117

ANNEXE B - DIRECTIVE      Pages 118 à 121

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER      Dernière page

HISTORIQUE DES PROCÉDURES

[3]                Les procédures ont traîné en longueur. Une chronologie détaillée des événements est annexée aux présents motifs (annexe A). Voici un résumé des événements les plus importants :


26 juin 2000                 M. Mahjoub est arrêté et détenu sur la base d'un certificat de sécurité signé par le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (le ministre) et le solliciteur général du Canada (tous deux désignés sous l'appellation ministres).

5 octobre 2001            Le juge Nadon de notre Cour conclut que le certificat est raisonnable.

25 mars 2002               M. Mahjoub est déclaré appartenir à une catégorie non admissible au Canada et une mesure d'expulsion est délivrée à son égard.

18 octobre 2002          M. Mahjoub dépose une requête pour obtenir sa mise en liberté.

31 octobre 2002          La date pour entendre la requête de mise en liberté est fixée aux 28 et 29 janvier 2003.

16 décembre 2002       Un résumé des renseignements confidentiels est communiqué à M. Mahjoub.

24 janvier 2003            L'audience est ajournée à la demande de M. Mahjoub. Par la suite, sa reprise est prévue le 29 mars 2003.


28 mars 2003               M. Mahjoub reçoit signification des documents qui doivent être remis au ministre aux fins de sa prise de décision, conformément à l'alinéa 115(2)b) de la Loi, sur la question de savoir si M. Mahjoub doit être renvoyé en Égypte. Les observations de M. Mahjoub en réponse doivent être déposées avant le 23 mai 2003.

28 mars 2003               La requête de mise en liberté est ajournée et, par la suite, sa reprise est fixée au 10 mai 2003.

10 mai 2003                 La preuve est présentée et la requête de mise en liberté est entendue. Les parties conviennent de séparer la procédure. Si M. Mahjoub n'a pas gain de cause au fond, l'audience se poursuivra pour entendre les arguments portant sur la constitutionnalité de sa détention.


30 juillet 2003 La Cour conclut que M. Mahjoub ne s'est pas déchargé de son fardeau de démontrer que la mesure de renvoi du Canada prise à son égard ne sera pas exécutée dans un délai raisonnable et que sa mise en liberté ne constituera pas un danger pour la sécurité nationale ou la sécurité d'autrui. Les avocats sont invités à s'adresser au greffe de la Cour pour obtenir une date de reprise de l'audience, aux fins de traiter des questions constitutionnelles.

20 novembre 2003       Les avocats n'ayant pas contacté le greffe et la Cour ayant délivré trois directives et tenu une conférence de gestion de l'instance, une ordonnance prévoit que l'audience reprendra les 10 et 11 janvier 2004.

9 janvier 2004 La requête de M. Mahjoub pour obtenir l'ajournement de l'audience prévue est accueillie. La requête est motivée par le fait que M. Mahjoub a retenu les services de nouveaux avocats, [traduction] « qui ne peuvent procéder à l'audience sur la requête de mise en liberté à la date prévue, étant donné l'état du dossier » .

8 mars 2004                 La requête additionnelle de M. Mahjoub pour obtenir l'autorisation de soulever de nouvelles questions et de présenter une preuve additionnelle est accueillie.

31 mai - 4 juin 2004      La Cour entend la requête de mise en liberté de M. Mahjoub.


22 juillet 2004 Le ministre conclut que M. Mahjoub doit être renvoyé du Canada et retourné en Égypte.

7 - 8 septembre 2004    Une preuve additionnelle est entendue au sujet de la requête de mise en liberté de M. Mahjoub.

8 septembre 2004        La Cour sursoit au renvoi de M. Mahjoub en Égypte, jusqu'à ce qu'on ait disposé de sa demande de contrôle judiciaire de la décision du ministre de le renvoyer.

21 octobre 2004          Dépôt des observations écrites de M. Mahjoub dans le cadre de sa requête de mise en liberté.

23 novembre 2004       Dépôt des observations écrites des ministres.

3 décembre 2004         M. Mahjoub indique qu'il ne déposera pas d'observations en réplique.

13 décembre 2004       Suite au prononcé des motifs de la Cour d'appel dans l'arrêt Charkaoui (Re), 2004 CAF 421, la Cour demande aux avocats s'ils veulent déposer des observations additionnelles.


17 décembre 2004       La Cour entend la demande de contrôle judiciaire de la décision du ministre de renvoyer M. Mahjoub en Égypte. À cette audience, les avocats conviennent des dates de dépôt d'observations additionnelles fondées sur la jurisprudence récente, y compris l'arrêt Charkaoui (Re), précité. Ces observations seront prises en compte à la fois dans le cadre de la demande de contrôle judiciaire et dans celui de la requête de mise en liberté.

31 janvier 2005            La demande de contrôle judiciaire est accueillie et la décision du ministre de renvoyer M. Mahjoub en Égypte est annulée.


31 janvier 2005            La Cour délivre une directive où elle exprime ses préoccupations suite au fait que lorsque les motifs du 30 juillet 2003 ont été délivrés, la Cour ne pouvait savoir qu'au 31 janvier 2005 elle serait toujours en attente des observations écrites définitives quant à la constitutionnalité de la détention de M. Mahjoub. Cette directive souligne aussi que les circonstances ont changé ou qu'il y a de nouveaux éléments qui sont apparus depuis le 30 juillet 2003. Les avocats étaient donc invités à présenter leurs observations quant à savoir si l'examen de la détention devrait être rouvert par le dépôt d'une nouvelle preuve et de nouveaux arguments. Le texte complet de la directive de la Cour est placé en annexe B aux présents motifs.

4 février 2005               Les avocats déclarent vouloir présenter une preuve additionnelle, pertinente aux critères énoncés au paragraphe 84(2) de la Loi. La Cour décide de siéger en cette affaire le 11 février 2005.

8 février 2005               La Cour délivre une directive prévoyant que le 11 février 2005, elle entendra les observations des avocats au sujet des questions constitutionnelles encore pertinentes, au vu de l'arrêt de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Almrei c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CAF 54, rendue le même jour.


11 février 2005             Au début de l'audience, les avocats de M. Mahjoub admettent qu'au vu de la chose jugée en Cour d'appel fédérale, dans l'affaire Almrei, précitée, il n'y a plus de questions constitutionnelles pertinentes. M. Mahjoub n'abandonne pas ses arguments constitutionnels, mais il n'a pas l'intention de les plaider à nouveau. Il s'attend à ce que la Cour rejette les questions constitutionnelles au vu de la décision de la Cour d'appel fédérale. Les avocats des ministres sont d'avis que toutes les questions constitutionnelles ont été réglées par l'arrêt Almrei, à l'encontre du point de vue de M. Mahjoub, et déclarent qu'il n'est pas nécessaire que la Cour entende les divers points de vue. La Cour siège donc pour entendre la nouvelle preuve pertinente aux critères prévus par la loi pour la mise en liberté.

14 - 15 mars 2005       Une preuve additionnelle est présentée au sujet de la requête de mise en liberté de M. Mahjoub.

18 mars 2005               La Cour entend une preuve additionnelle ex parte et à huis clos. L'audience est ajournée pour obtenir des renseignements additionnels en réponse aux questions de la Cour.

22 mars 2005               Les avocats des parties présentent leurs plaidoiries, sous réserve de leur droit de présenter des observations additionnelles suite à toute nouvelle séance à huis clos.

2 - 3 mai 2005             Une preuve additionnelle est reçue à huis clos et ex parte.


12 mai, 21 et

29 juin 2005                 Des résumés des renseignements obtenus ex parte et à huis clos sont rendus publics.

17 juin 2005                 Les avocats de M. Mahjoub informent la Cour qu'ils ont trouvé un psychologue qui accepte de l'évaluer et qu'un rapport écrit sera déposé à la Cour.

6 juillet 2005                La Cour reçoit l'évaluation psychologique.

15 juillet 2005 Les avocats des ministres déclarent qu'ils ne déposeront aucune nouvelle preuve en réponse, mais ils demandent une occasion de présenter leurs plaidoiries finales à la Cour.

3 août 2005                  Les plaidoiries finales sont présentées à la Cour. M. Mahjoub se voit accorder une semaine pour soumettre une clarification du rapport du psychologue.

9 août 2005                  La clarification du rapport est déposée par les avocats de M. Mahjoub.


22 août 2005                La Cour modifie le résumé public le plus récent pour y ajouter d'autres éléments.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[4]                Comme on peut le voir en examinant la chronologie, M. Mahjoub a soulevé un certain nombre de questions constitutionnelles relatives à sa détention. Toutefois, les avocats ont convenu que toutes les questions constitutionnelles soulevées par M. Mahjoub avaient été réglées à l'encontre de son point de vue par la Cour d'appel fédérale, dans l'arrêt Almrei, précité. Les deux avocats de M. Mahjoub, Mme Jackman et M. Norris, ainsi que l'avocat du ministre, M. MacIntosh, comparaissaient aussi devant la Cour d'appel dans l'affaire Almrei. Je suis d'accord qu'il serait inutile de leur demander de présenter à nouveau leurs arguments sur les mêmes questions. Afin de conserver le droit d'appel de M. Mahjoub, je précise qu'on doit présumer que j'ai décidé des questions tranchées par la Cour d'appel fédérale dans le même sens et pour les mêmes motifs.


[5]                Voyons maintenant le paragraphe 84(2) de la Loi. Comme mentionné dans la chronologie des événements, la Cour a conclu en juillet 2003 que M. Mahjoub ne s'était pas déchargé de son fardeau de démontrer que la mesure de renvoi du Canada prise à son égard ne serait pas exécutée dans un délai raisonnable et que sa mise en liberté ne constituerait pas un danger pour la sécurité nationale ou la sécurité d'autrui. Ceci étant dit, au paragraphe 36 de ses motifs dans l'arrêt Almrei, précité, la Cour d'appel a entériné une interprétation élargie du paragraphe 84(2), qui pourrait permettre le dépôt de demandes successives de mise en liberté. En l'espèce, tous les avocats ont convenu en janvier 2005 que, par suite du passage du temps, il était approprié de rouvrir l'audience et d'entendre une nouvelle preuve et de nouvelles observations au sujet des critères prévus par la loi. Je suis convaincue qu'il s'agissait là d'un exercice approprié du pouvoir discrétionnaire, cohérent avec l'objectif du législateur d'assurer un contrôle judiciaire approprié de la détention.

[6]                Le paragraphe 84(2) de la Loi est rédigé comme suit :


84(2) Sur demande de l'étranger dont la mesure de renvoi n'a pas été exécutée dans les cent vingt jours suivant la décision sur le certificat, le juge peut, aux conditions qu'il estime indiquées, le mettre en liberté sur preuve que la mesure ne sera pas exécutée dans un délai raisonnable et que la mise en liberté ne constituera pas un danger pour la sécurité nationale ou la sécurité d'autrui.

84(2) A judge may, on application by a foreign national who has not been removed from Canada within 120 days after the Federal Court determines a certificate to be reasonable, order the foreign national's release from detention, under terms and conditions that the judge considers appropriate, if satisfied that the foreign national will not be removed from Canada within a reasonable time and that the release will not pose a danger to national security or to the safety of any person.


[7]                Il n'est pas contesté qu'il s'est écoulé au moins 120 jours suivant la décision sur le certificat et que la mesure de renvoi du Canada visant M. Mahjoub n'a pas été exécutée.

[8]                Par conséquent, voici les questions qui restent à trancher par la Cour :


1.          M. Mahjoub s'est-il déchargé de son fardeau de démontrer que la mesure de renvoi du Canada prise à son égard ne sera pas exécutée dans un délai raisonnable?

2.          M. Mahjoub s'est-il déchargé de son fardeau de démontrer que sa mise en liberté ne constituera pas un danger pour la sécurité nationale ou la sécurité d'autrui?

LES TÉMOIGNAGES

[9]                Dans mes motifs datés du 30 juillet 2003, j'ai résumé la preuve présentée à la Cour en audience publique. Ce qui suit est un résumé de la preuve présentée en public par la suite, les avocats de M. Mahjoub ayant eu gain de cause dans leur requête pour présenter une nouvelle preuve et la Cour ayant décidé, en janvier 2005, de rouvrir la preuve. Ce résumé est présenté dans l'ordre chronologique des témoignages.

31 mai 2004

Peter Dietrich (directeur intérimaire - Direction de l'exécution de la loi, Agence des services frontaliers du Canada (l'ASFC))


·            Les personnes détenues en vertu de la Loi sont placées dans deux endroits différents. Celles qui ne constituent pas un risque sont détenues dans un centre de détention de l'immigration. Celles qui sont considérées constituer un risque sont détenues dans un établissement provincial.

·            Bien qu'il ne soit pas possible de donner une réponse définitive, dans la plupart des cas les personnes détenues pour être ensuite renvoyées du Canada sont en détention moins de quatre ans.

·            Le gouvernement fédéral n'a pas d'établissement de détention sûr pour les détenus en matière d'immigration, ceux-ci devant être placés dans des établissements provinciaux. Il existe une entente informelle avec les provinces, laquelle prévoit qu'elles accepteront ces détenus dans leurs établissements. C'est la province qui assume la responsabilité de l'entretien et du bien-être de ces détenus.

·            À la question de savoir si l'ASFC traite différemment les cas des personnes qui sont détenues pendant une longue période en vertu d'une ordonnance fédérale, M. Dietrich a répondu qu'il s'agit là d'une responsabilité provinciale.


·            Dans les cas où les certificats de sécurité sont contestés, la détention sera généralement plus longue. Ces détenus restent dans des établissements provinciaux et aucun autre arrangement n'est prévu.

·            Rien ne permet de placer les détenus en matière d'immigration dans des établissements fédéraux et il ne peut dire si la possibilité existe.

·            En cas de crise majeure de vie ou de mort impliquant l'un des détenus en matière d'immigration, Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) recevrait vraisemblablement un avis de la province. Mais ce n'est peut-être pas le cas pour des situations moins importantes.

·            M. Mahjoub est détenu au Centre de détention de l'Ouest de Toronto (le CDOT). Le dossier de M. Mahjoub indique qu'on n'a jamais avisé les autorités fédérales qu'il était suicidaire, qu'il suivait un régime alimentaire particulier ou qu'il s'était plaint de ses conditions de détention.

Mme Mona El Fouli (épouse de M. Mahjoub, qui avait déjà témoigné)

·            Lorsqu'elle visite M. Mahjoub avec les enfants, leur seul contact est par téléphone derrière une paroi de verre.


·            Lorsque M. Mahjoub est en isolement, Mme El Fouli et ses enfants peuvent difficilement le voir. Elle suggérait des dates pour visiter son mari, pour ensuite essuyer des refus qui n'étaient pas motivés.

·            M. Mahjoub était placé en régime normal avec les autres détenus jusqu'au 11 septembre 2001, date à laquelle il a été placé en isolement. Mme El Fouli n'avait aucune difficulté à visiter son mari aux heures normales alors qu'il était détenu en régime normal.

·            Les enfants de M. Mahjoub sont tristes et déçus lorsqu'ils ne peuvent lui rendre visite. Ibrahim, qui a six ans, souffre d'anxiété de séparation et d'autres problèmes émotifs.

·            Mme El Fouli conseille Ibrahim, mais il ne consulte pas un spécialiste et ne prend aucun médicament pour ses problèmes émotifs.

Frank Geswaldo (directeur de la sécurité, CDOT)

·            Jusqu'à récemment, il existait un problème sérieux de surpeuplement au CDOT.


·            Les détenus en régime normal peuvent participer à des programmes organisés par des bénévoles, notamment le « programme Quaker » et d'autres programmes à connotation religieuse. Si tout va bien dans l'établissement, les détenus peuvent sortir de 20 à 30 minutes par jour. Ils peuvent alors marcher ou courir.

·            En général, aucune disposition ne prévoit de visites impliquant un contact physique entre le détenu et les membres de sa famille. Le contact est impossible à travers la paroi de plexiglass. On peut faire la demande pour obtenir de telles visites, mais il est rare qu'elles soient autorisées.

·            Les membres du personnel ne peuvent pas refuser un droit de visite. Cette prérogative appartient aux gestionnaires, lesquels doivent motiver leur refus.

·            Divers facteurs sont examinés lorsqu'il s'agit de déterminer dans quel secteur du CDOT on doit placer les détenus, y compris la question de savoir si la personne en cause est un contrevenant connu, s'il y a un détenu hostile à sa personne dans le même groupe et s'il y a des risques de sécurité en cause.


·            Approximativement de 15 à 20 p. 100 des personnes détenues au CDOT le sont à des fins d'immigration. En général, ces personnes sont traitées comme les autres détenus. Il existe un quartier spécial pour les détenus en matière d'immigration.

·            Au vu de la situation de M. Mahjoub, il n'est pas indiqué de le placer dans le quartier immigration.

·            S'il existe des préoccupations quant à la sécurité d'un détenu qui ne peuvent être réglées au CDOT, la possibilité existe de transférer la personne en cause dans un autre établissement.

·            Les détenus sont placés en « isolement » suite à une décision administrative, soit pour inconduite, difficultés au sein du régime général ou du régime de protection, ou parce qu'ils sont des délinquants très connus. C'est généralement le dernier ressort, lorsqu'un détenu ne cadre nulle part ailleurs dans l'établissement.


·            Les détenus en isolement ont droit à des livres, du papier pour écrire, un oreiller, des couvertures, des draps et un matelas. Ils prennent leurs repas dans leur cellule et ils peuvent sortir dans la Cour une demi-heure par jour pour faire des exercices.

Mary Dwyer (coordonnatrice des soins de santé, CDOT)

·            Sauf quelques douleurs dans la région lombaire, M. Mahjoub était en assez bonne santé lorsqu'il a été admis au CDOT. Il a consulté des dermatologues au sujet de verrues, mais autrement aucun problème majeur n'est consigné à son dossier pour l'année 2001.

·            En janvier 2002, il a eu des troubles de sommeil. Le psychiatre qui l'a examiné a déclaré que M. Mahjoub souffrait de troubles d'adaptation. En février, M. Mahjoub a fait la grève de la faim pendant une courte période et il a maigri de deux livres. Il s'est plaint de vertiges et de problèmes rénaux. Une échographie a démontré que seule la densité de son foie semblait anormale.

·            En 2003, des examens de sang n'ont rien décelé d'anormal. Les résultats de l'électrocardiogramme de M. Mahjoub indiquent que son coeur était « normal » .


·            Le 13 mai 2003, M. Mahjoub est tombé du haut d'un lit superposé et il a été radiographié et examiné. Ce n'est qu'en juillet qu'un rendez-vous a été demandé chez un spécialiste et en octobre qu'on a procédé à l'examen IRM.

·            Le 6 janvier 2004, M. Mahjoub a fait l'objet d'un diagnostic d'hépatite C. Il ne semble pas avoir besoin de soins pour cette condition. Certaines personnes peuvent très bien vivre avec l'hépatite C, alors que d'autres ont des complications et, dans certains cas limites, peuvent en mourir. Mme Dwyer n'a pas examiné M. Mahjoub elle-même.

·            On ne peut savoir depuis quant M. Mahjoub souffre de l'hépatite C.

·            Il n'est pas inhabituel que les membres du grand public doivent attendre de 6 à 12 mois pour un examen IRM.

1er juin 2004

Frank Geswaldo (suite)


·            Les établissements de détention provisoire ont généralement deux rôles principaux : fournir l'assurance que les délinquants se présenteront au tribunal et protéger la société. On y trouve les personnes en détention provisoire (en attente de procès, de sentence ou d'autres procédures), les délinquants condamnés à de courtes peines (environ 60 jours ou moins) et les délinquants en attente d'un transfert dans un établissement correctionnel.

·            M. Geswaldo ne connaît aucun cas où un détenu condamné à deux ans ou plus purge sa sentence dans un établissement provincial.

·            S'agissant des programmes disponibles pour les détenus au CDOT, il y a la cour d'exercice, le programme religieux et le programme des bénévoles. Il s'agit, respectivement, d'essayer d'escorter les détenus dans la cour chaque jour, de visites ponctuelles d'un membre du clergé musulman à certains détenus et des programmes organisés par des groupes tels que les AA et les quakers, ainsi que d'autres programmes d'accompagnement psychologique individualisés. Un manque de bénévoles fait que la bibliothèque n'est pas disponible en ce moment.

·            Il n'existe aucun programme formel d'éducation ou d'accompagnement psychologique.


·            En moyenne, un détenu séjourne au CDOT de 90 à 120 jours. Il est rare qu'une personne reste au CDOT pendant quatre ans. Le séjour le plus long dont on se souvienne a duré huit ans (un certain Yousef, en attente d'extradition aux États-Unis).

·            Les détenus peuvent se prévaloir d'un mécanisme interne pour se plaindre du traitement qu'ils reçoivent du personnel, de leurs conditions de détention ou de tout autre sujet. Les plaintes des détenus sont examinées par le membre du personnel correctionnel affecté à l'unité en cause. Si cette personne considère que le problème est grave, il le transmet au gestionnaire des opérations, lequel rencontre ensuite le détenu. La plainte peut se rendre au niveau suivant, à savoir celui du surintendant adjoint. Les renseignements fournis par le détenu sont transmis à la gestion et, selon la nature de la plainte, une personne donnée est déléguée pour y répondre. Lorsqu'un détenu n'est pas satisfait du mécanisme interne, il peut s'adresser à son avocat, au Bureau de l'ombudsman ou à des organismes extérieurs.

·            M. Geswaldo ne connaît pas de procédure qui permettrait à CIC de s'impliquer dans l'examen des plaintes portant sur les conditions de détention ou le traitement reçu.


·            Les longs séjours en isolement peuvent avoir un impact psychologique négatif sur les détenus. La politique du CDOT prévoit que le maintien en isolement d'un détenu doit être examiné chaque 29 jours. Il se peut qu'une nouvelle politique vienne raccourcir cette période à 5 jours. Cet examen permet à l'administration de savoir qui est en isolement, de s'assurer que les détenus n'y séjournent pas de façon permanente et que la documentation qui peut être requise par des organismes extérieurs est à jour.

·            Rien ne prévoit un suivi régulier des détenus en isolement par un psychologue ou un psychiatre, les contacts n'étant prévus que sur demande.

·            Au CDOT, M. Mahjoub est considéré être un détenu connu, puisque c'est une agence extérieure qui l'escorte lorsqu'il quitte l'établissement. Son cas est donc traité différemment.


·            Les détenus sont fouillés à nu chaque fois qu'ils quittent le centre et qu'ils y reviennent. Les lignes directrices prévoient que le détenu a droit au respect maximum de sa vie privée, selon ce qui est raisonnable dans les circonstances. On peut aussi fouiller les détenus s'ils sont soupçonnés d'apporter des effets en contrebande dans le quartier d'isolement. La décision de procéder à une fouille est normalement prise par le personnel sur place, mais un gestionnaire s'impliquera s'il y a un problème, par exemple lorsqu'un détenu refuse d'être fouillé.

·            M. Geswaldo n'est pas informé que de telles fouilles peuvent faire l'objet de préoccupations religieuses et on ne lui en a jamais parlé. Il se souvient d'un incident un jour où M. Mahjoub était mécontent de la façon dont on avait mené sa fouille à nu. M. Geswaldo a examiné la situation et a compris le point de vue de M. Mahjoub. Il a donc indiqué au membre du personnel en cause qu'il ne fallait pas exagérer en procédant à la fouille.

·            Dans les premiers mois après son arrivée au CDOT, rien n'indique que M. Mahjoub ait eu des difficultés dans le cadre du régime général. M. Geswaldo n'a pas été informé des motifs du transfert de M. Mahjoub en isolement après le 11 septembre 2001, mais il croit savoir que les personnes [traduction] « comme lui » ont été placées en isolement à ce moment-là. (M. Mahjoub est resté en isolement jusqu'au 15 juillet 2002.)


·            M. Mahjoub s'est plaint de l'organisation des visites avec sa famille. M. Geswaldo n'est pas informé que M. Mahjoub se soit plaint d'agressions physiques ou sexuelles, d'abus de langage ou de menaces proférées à son égard. Le Bureau de l'ombudsman a communiqué avec M. Geswaldo au sujet d'une plainte de M. Mahjoub portant sur ses besoins médicaux.

·            En mars 2004, M. Mahjoub a été impliqué dans une rixe avec d'autres détenus. Ils ont tous été taxés d'inconduite et placés en isolement. M. Geswaldo croit comprendre qu'à cette occasion M. Mahjoub a voulu se défendre. M. Mahjoub est en isolement depuis mars 2004. Il peut quitter le quartier d'isolement et retourner dans le cadre du régime général, mais il a exprimé son inquiétude au sujet de sa sécurité dans un tel cas. M. Geswaldo n'a pas réussi à convaincre M. Mahjoub de quitter le quartier d'isolement.

·            CIC et ses agents ne jouent aucun rôle dans le traitement quotidien de M. Mahjoub au CDOT.


·            Après le 11 septembre 2001, bon nombre de détenus en matière d'immigration sont arrivés et ils ont été placés en isolement. Il n'y a pas eu de documentation en provenance d'agences extérieures au sujet des demandes de placer certaines personnes en isolement ou de les traiter comme des risques de sécurité, ni documentation permettant de déterminer s'il était approprié de maintenir ces détenus en isolement. Aucune explication n'a été fournie quant à savoir pourquoi M. Mahjoub avait été choisi parmi les détenus à placer en isolement.

·            Depuis que M. Geswaldo a témoigné dans l'affaire Almrei en juin 2003, le CDOT est moins surpeuplé.

·            M. Mahjoub désire toujours rester en isolement. Selon M. Geswaldo, il n'y a pas de motifs qui justifient que M. Mahjoub soit maintenu en isolement. Il croit que l'incident antérieur était un acte isolé.

·            M. Mahjoub n'a jamais mentionné qu'il aurait été assailli par des membres du personnel correctionnel. Lorsque cela se produit, les protocoles existants exigent le dépôt de rapports écrits qui sont versés aux dossiers et transmis aux surveillants, y compris M. Geswaldo. De plus, la police serait appelée à faire enquête. Personne n'est venu faire enquête sur des voies de fait qui auraient prétendument été infligées à M. Mahjoub.

·            Les représentants de CIC n'ont jamais dit au CDOT que M. Mahjoub devait être en isolement.


·            Quelle que soit leur situation, toutes les personnes en détention provisoire (en matière criminelle ou d'immigration) sont traitées automatiquement comme des détenus à sécurité maximale.

Le Dr Aly Hindy (imam de la mosquée Salahaddin, qui avait déjà témoigné)

·            Les musulmans ont des besoins particuliers quant à la viande, qu'ils ne consomment que si elle est halal.

·            Les musulmans doivent prier cinq fois par jour, dans un lieu propre, chacun devant être propre et vêtu proprement. On ne peut prier aux toilettes, car c'est là que se trouve le diable.

·            Les mâles musulmans ne doivent pas montrer leur corps entre le nombril et les genoux; les fouilles à nu sont donc très humiliantes.

2 juin 2004

M. Mahjoub (qui avait déjà témoigné)


·            Avant d'être placé en isolement, M. Mahjoub pouvait prier avec l'appui d'autres détenus. Vers le milieu de l'année 2003, la prison a commencé à servir une alimentation halal. Il a pu observer le ramadan depuis qu'il est au CDOT.

·            M. Mahjoub a eu certaines difficultés durant le plus récent ramadan, mais il veut remercier les autorités de l'établissement d'avoir fait de leur mieux pour accommoder les besoins des détenus musulmans. M. Mahjoub suggère de confier ces responsabilités à du personnel musulman, qui comprendrait mieux les besoins en cause.

·            M. Mahjoub a été fouillé à nu tout au long de son séjour au CDOT. Il considère que ces fouilles constituent une menace pour sa virilité. Il a été fouillé à nu devant du personnel féminin.

·            À sa demande, M. Mahjoub a obtenu qu'un psychiatre le visite trois fois dans l'établissement.

·            M. Mahjoub a un exemplaire du Coran et un tapis de prière dans sa cellule d'isolement.

·            La toilette de sa cellule est située dans la direction où M. Mahjoub doit prier.


7 septembre 2004

M. Mahjoub

·            Le 7 mars 2001, M. Mahjoub a été soumis à des abus de langage pendant une fouille à nu. Le gardien a utilisé un langage vulgaire et raciste, disant à M. Mahjoub que tous les musulmans, lui compris, devraient être tués. M. Mahjoub s'est plaint au surintendant et à l'ombudsman provincial et sa plainte a été transmise à d'autres agences.

·            Le 15 septembre 2001, M. Mahjoub a été transféré au quartier d'isolement, dans une cellule très froide, sans fenêtre, mal éclairée, avec une toilette en mauvais état de fonctionnement et un aménagement ne lui permettant pas de se laver correctement.

·            Lors d'un autre incident, à la fin de la nuit, un gardien a frappé violemment à la porte de la cellule de M. Mahjoub, hurlant des obscénités et proférant des menaces le visant ainsi que sa famille. La plainte de M. Mahjoub est restée sans réponse.


·            Après une courte période en régime normal, M. Mahjoub a été renvoyé en isolement le 15 janvier 2002. M. Mahjoub déclare que les cellules du quartier d'isolement ont des usages différents, certaines servant à la discipline normale alors que d'autres servent à quelque chose ressemblant plus à de la torture. Ces dernières, y compris celle dans laquelle il a été placé, ne sont pas chauffées et on n'y trouve pas de couverture. Les détenus qui perturbent l'ordre sont généralement placés dans une de ces cellules.

·            Le 25 janvier 2002, un incident se serait produit durant une fouille à nu. M. Mahjoub ne voulait pas en parler en public, car il s'agirait d'une tentative d'agression sexuelle. M. Mahjoub a déposé une plainte mais, en autant qu'il le sache, rien n'a été fait. Toutefois, il n'a pas revu le gardien en cause au CDOT.

·            M. Mahjoub est resté en isolement jusqu'au 15 juillet 2002, période au cours de laquelle il a continué à être harcelé par les gardiens et autres responsables.


·            Le 14 décembre 2003, M. Mahjoub est tombé malade. Ne pouvant se tenir debout, il a été traîné par deux gardiens jusqu'à une cellule dans le quartier d'isolement. Il a attendu 45 minutes avant que les infirmiers viennent prendre sa tension. Le médecin qui a visité M. Mahjoub le matin l'a trouvé en bonne santé. Un examen sanguin a révélé que M. Mahjoub souffrait de l'hépatite C.

·            M. Mahjoub est retourné en isolement en mars 2004. Il avait été impliqué dans une altercation avec d'autres détenus au sujet de la télécommande du téléviseur. Le lendemain matin, deux des détenus ont été transférés et les autres ont cru que M. Mahjoub les avait dénoncés aux gardiens durant la nuit. Ils en sont venus aux mains et un responsable a amené M. Mahjoub au quartier d'isolement.

·            M. Mahjoub demeure en isolement. Il ne veut pas quitter ce quartier, puisqu'il considère qu'il serait grandement en danger avec les autres détenus parce que perçu comme un délateur.

·            Lors d'une grève provinciale, M. Mahjoub n'a pu recevoir de visites de sa famille pendant 33 jours, alors que d'autres personnes (y compris M. Jaballah) recevaient la visite de leurs familles.


·            Depuis sa dernière comparution en Cour, M. Mahjoub continue à avoir des difficultés avec les visites de sa famille. Il s'est plaint trois fois sans grand succès. Il a eu des difficultés à obtenir une alimentation conforme à ses croyances religieuses. On lui a refusé des aliments, ainsi que des sorties dans la cour.

·            En ce moment, la cellule de M. Mahjoub est à une température confortable. Il a une serviette, des chaussures, une brosse à dents, du dentifrice et des draps.

·            De juillet à août 2004, M. Mahjoub a fait la grève de la faim. Au cours de cette période, on lui a fait consommer du jus, de l'eau et des boissons Ensure. Un infirmier le voyait chaque jour et le médecin venait deux ou trois fois par semaine. Durant sa grève de la faim, il a aussi été examiné par des psychiatres.

·            Depuis qu'il est détenu, M. Mahjoub a vu les professionnels de la santé suivant : un psychiatre, un chirurgien orthopédiste, un podiatre, un physiothérapeute, deux médecins de pratique générale, des infirmiers et un spécialiste de l'hépatite C. Il a demandé l'aide de l'unité de soins chaque fois qu'il avait un problème médical.

·            M. Mahjoub nie avoir été grossier avec le personnel médical, bien que cela soit consigné à son dossier médical.


·            M. Mahjoub peut prier en prison et il est en contact avec un membre du clergé musulman.

8 septembre 2004

Deirdre Gilker (gestionnaire des opérations, CIC, responsable des renvois)

·            CIC est prêt à renvoyer M. Mahjoub du Canada. Mme Gilker a en sa possession un titre de voyage valide pour le renvoi de M. Mahjoub en Égypte, renvoi qu'elle décrit comme imminent.

11 février 2005

Diana Ralph (travailleuse sociale)

·            Mme Ralph est une travailleuse sociale, spécialisée en psychiatrie et en questions familiales. Elle est donc impliquée dans les évaluations d'états émotifs et dans la présentation de recommandations quant au contexte social. Elle connaît les critères diagnostiques des troubles mentaux (DSM-IV).

·            Elle n'a pas la formation requise pour administrer des tests psychologiques.


·            Elle est aussi impliquée dans l'affaire Almrei. En fait, elle a offert sa caution dans ce cas. Elle rend visite et parle à M. Almrei de façon assez régulière, et elle a offert son sous-sol pour le loger s'il est libéré sous conditions.

·            Mme Ralph ne croit pas que son opinion personnelle sur l'utilisation des certificats de sécurité a influencé son évaluation de M. Mahjoub. Elle a manifesté contre cette procédure devant les bureaux du Service canadien du renseignement de sécurité (le SCRS) à Toronto et elle a été arrêtée pour intrusion. Elle fait partie du groupe « Campagne pour que cessent les procès secrets au Canada » .

·            Elle n'est pas une psychologue agréée et ne peut donc procéder aux examens requis pour déceler un problème de santé mentale. Elle a suggéré qu'on demande cette évaluation à un psychologue indépendant.

·            Elle a rédigé un rapport concernant M. Mahjoub, après que Mme El Fouli et l'infirmière, Mme Dwyer, lui eurent fait part de leurs préoccupations à son sujet.


·            Dans son rapport, elle a conclu que M. Mahjoub ne semblait pas avoir les symptômes d'une dépression clinique. M. Mahjoub lui a semblé éveillé, joyeux, content de voir les gens et dynamique. Il se décrivait comme fort, puissant et en pleine possession de sa dignité. Toutefois, lors d'une deuxième rencontre à peu près une heure après la première, M. Mahjoub était bouleversé parce qu'on avait fouillé sa cellule. Il a déclaré qu'on [traduction] « voulait le tuer » , mentionné qu'on [traduction] « avait essayé de lui donner un verre de jus versé à même un contenant non scellé » et ajouté que les gardiens étaient des menteurs [traduction] « autorisés à le tuer » .

·            Mme Ralph a essayé de convaincre M. Mahjoub de quitter le quartier d'isolement, mais il ne voit que conspirations et intentions malveillantes dans tout ce qui lui est proposé.


·            Dans son rapport, Mme Ralph conclut également que M. Mahjoub démontre des signes de paranoïa. Les paranoïaques se sentent persécutés et ils donnent aux commentaires innocents un sens malveillant ou dangereux. M. Mahjoub [traduction] « rédige une diatribe obsessionnelle énumérant tous les affronts qui lui ont été infligés et il ne veut pas la communiquer à la sécurité pour que des mesures soient prises. Il répète constamment qu'il 'met tout par écrit' » .

·            Mme Dwyer a déclaré à Mme Ralph qu'elle se demandait si M. Mahjoub [traduction] « perdait la boule » et s'il souffrait de décompensation.

·            Mme Ralph a conclu que les problèmes de M. Mahjoub pouvaient être causés par le stress post-traumatique lié à la torture à laquelle il dit avoir été soumis en Égypte.

·            Mme Ralph a discuté avec des membres du personnel de mesures qui pourraient être prises pour diminuer le risque d'apparition des symptômes de M. Mahjoub, y compris des contacts plus fréquents, surtout avec des gens qu'il pourrait toucher et qui parlent sa langue, ainsi qu'avec sa famille. Mme Ralph a aussi recommandé que M. Mahjoub soit mieux protégé lorsqu'il est en présence de gardiens.

·            On a demandé à M. Mahjoub s'il voulait déménager dans le quartier de protection, mais il a refusé disant que c'est là qu'on envoie les pervers et ceux qui molestent les enfants et qu'il ne voulait pas porter cette étiquette.


·            Mme Ralph déclare que son évaluation de M. Mahjoub était de nature informelle, puisque les circonstances ne lui permettaient pas de faire une évaluation adéquate.

·            Elle plaide auprès des représentants du centre de détention pour obtenir l'amélioration des conditions de détention de M. Mahjoub et de M. Almrei, et elle s'est faite leur défenseure.

·            Son rapport cite plusieurs déclarations sans attribution, dont certaines sont présentées comme des faits (par exemple l'incident de la tentative d'agression sexuelle). Mme Ralph considère ce fait avéré, parce qu'il a été mentionné dans un journal. Elle ajoute aussi foi aux déclarations de Mme El Fouli voulant que M. Mahjoub ait été torturé en Égypte, sans toutefois avoir aucune autre preuve à ce sujet.

Louis Dumas (directeur, Examen sécuritaire, ASFC)

·            L'ASFC a pris en compte la décision de la Cour datée du 31 janvier 2005 et elle a modifié ses procédures quant à la présentation de renseignements au responsable de CIC qui exerce le pouvoir discrétionnaire du ministre en vertu du paragraphe 115(2) de la Loi.


·            L'ASFC a reçu du SCRS un dossier à jour sur le risque que constituerait M. Mahjoub et un engagement que toute la documentation requise dans le cas de M. Mahjoub serait transmise au décideur. Un mémoire est en cours de rédaction et il sera communiqué aux avocats de M. Mahjoub d'ici la fin de février. Ceux-ci auront 15 jours pour y répondre, bien que la Cour soit disposée à proroger ce délai jusqu'à la fin mars. Après que toutes les observations auront été communiquées au décideur, CIC aura besoin d'à peu près trois mois pour rendre sa décision.

·            Dans le meilleur des cas, une nouvelle décision en vertu de l'alinéa 115(2)b) serait rendue fin juin. Toutefois, plusieurs facettes de ce processus échappent au contrôle de M. Dumas, y compris la décision de CIC.

·            Pour le moment, rien n'a été prévu pour le renvoi de M. Mahjoub suite à la décision du deuxième délégué. Si la décision est prise et qu'il n'y a pas d'empêchements juridiques, l'ASFC serait en mesure de renvoyer M. Mahjoub. M. Dumas croit que le renvoi se ferait le plus rapidement possible, au vu du contexte juridique, mais il n'est pas un expert en la matière. Il ne peut prévoir combien de temps il faudrait pour obtenir un titre de voyage valide pour M. Mahjoub.


14 mars 2005

JP (SCRS - chef adjoint, Antiterrorisme et Lutte contre la prolifération)

·            L'aide des gouvernements/agences des pays étrangers est importante, puisque la définition des « intérêts canadiens » a des implications au-delà de nos frontières.

·            La fiabilité des renseignements obtenus d'une agence étrangère est soumise à une évaluation critique au sein d'un processus de rétroaction continu. On se pose les questions suivantes : Ces nouveaux renseignements correspondent-ils à ceux que l'on connaît déjà? Peuvent-ils être corroborés? Complètent-ils de façon logique la chaîne des renseignements? S'agit-il de quelque chose de très inhabituel ou d'improbable?

·            Le dossier des droits de la personne des pays qui fournissent ces renseignements est pris en compte et évalué sur une base annuelle. La politique d'un pays, ainsi que toute visée politique potentielle, sont des éléments dont on tient compte aussi lorsque l'agence de renseignements de ce pays nous transmet de l'information.


·            Le SCRS a avisé le gouvernement du Canada que M. Mahjoub constituait un danger pour la sécurité du Canada, vu son historique de participation à une organisation terroriste en Égypte.

·            JP n'a pas participé à la rédaction du résumé public, ni à la préparation des documents qui y sont rattachés.

·            JP convient que les personnes ou groupes évalués par le SCRS peuvent changer avec le temps. Par exemple : de nouveaux groupes peuvent être créés ou un groupe existant peut être démantelé; les membres d'un groupe peuvent changer, ainsi que son allégeance à d'autres groupes; les méthodes d'action préférées d'un groupe donné peuvent changer; les circonstances politiques qui donnent naissance à des menaces à la sécurité peuvent changer; les opérations des services de renseignements peuvent venir perturber des activités qui constituaient une menace pour la sécurité du Canada.

·            Le résumé de juin 2000 contient les conclusions du SCRS au sujet de M. Mahjoub à cette date. Ces conclusions sont sujettes à révision au vu de toute nouvelle information pertinente, comme c'était le cas pour le résumé de décembre 2002.


·            Le SCRS utilise le service de renseignements Jane's à l'occasion et il est généralement considéré comme une source assez fiable.

·            Le 17 janvier 2005, une publication de Jane's, intitulée World Insurgency and Terrorism, a traité d'Al-Qaïda. JP n'a pas lu ce rapport et il ne peut donc faire des commentaires sur sa fiabilité. Bien que le service de renseignements Jane's soit surtout spécialisé dans l'analyse des questions de défense et dans l'inventaire des forces armées, ses renseignements sur le terrorisme sont aussi assez bons. Toutefois, il n'a pas accès à toutes les sources existantes dans la préparation de ces évaluations et il n'a pas non plus l'avantage d'être à l'avant-garde des enquêtes au sujet de ces groupes. Par conséquent, son information dans ce domaine doit être [traduction] « prise avec un grain de sel » .

·            Le rapport de Jane's indique que la structure d'Al-Qaïda d'avant septembre 2001 n'a pas survécu à la campagne menée par les États-Unis en Afghanistan fin 2001 et qu'Oussama ben Laden et d'autres responsables supérieurs ont préparé des systèmes de rechange, y compris des cellules dormantes. JP déclare n'avoir aucune raison d'être en désaccord avec ce résumé du rapport.


·            On a renvoyé JP à un article de journal où l'on dit qu'Al-Qaïda cherche surtout des agents qui n'ont pas le faciès arabe. JP déclare que ce fait est cohérent avec ce qu'il connaît de la méthodologie actuelle d'Al-Qaïda. Il est utile de pouvoir se mêler à la population d'un pays cible en ressemblant à un autochtone ou en ayant une apparence modeste, alors que la race des membres de la hiérarchie clandestine est sans importance.

·            L'organisation Al-Qaïda n'a plus les mêmes capacités qu'avant le 11 septembre 2001, mais elle constitue maintenant un groupe plus dangereux qui peut utiliser son autorité et sa réputation pour obtenir des résultats. La capacité d'Al-Qaïda d'offrir un soutien continu, qu'il soit sous forme d'équipement ou d'aide financière, est limitée, mais il reste une source d'inspiration idéologique.

·            JP est au courant des préoccupations existantes au sujet de la conduite des procès militaires en Égypte.


·            Le SCRS s'attend à ce que les renseignements qui lui sont fournis par des États étrangers respectent une certaine norme. Une déclaration obtenue sous la torture n'est pas acceptable au vu de cette norme. Avant d'utiliser les renseignements tirés d'un verdict qui peut avoir été le résultat d'un procès inéquitable, il faut faire un exercice de pondération.

·            JP n'a pas connaissance des renseignements donnés par [traduction] « l'accusé no 58 » à l'encontre de M. Mahjoub, lors du procès militaire en Égypte. Il ne sait pas si les renseignements ont été obtenus sous la torture. Le SCRS n'a aucun contrôle sur la question de savoir si un service étranger respecte ses obligations de fournir des renseignements obtenus par des moyens légitimes.

·            JP a confirmé que le rapport Jane's sur Al Jihad est cohérent avec les renseignements qui figurent dans le dossier public.

·            JP a convenu qu'un terroriste qui fait l'objet de la surveillance d'un service de renseignements comme le SCRS serait entravé dans sa capacité d'exercer ses activités. D'autres facteurs qui peuvent limiter les actions d'un terroriste sont : le fait de rendre public son appartenance, l'arrestation et la détention, la désorganisation des contacts, la surveillance permanente, les restrictions sur la communication et les déplacements, ainsi que les restrictions à la liberté d'association.


·            JP connaît le statut des personnes suivantes : M. Jaballah, qui est toujours détenu au CDOT; M. Ahmad Said Khadr, qui a été tué en 2003; M. Marzouk, qui purge une sentence de 15 ans en Égypte; M. Agiza, qui purge actuellement une sentence en Égypte.

·            JP convient qu'aucun élément de preuve dans le dossier public n'indique que M. Mahjoub est resté en contact avec Oussama ben Laden.

·            La mise en liberté de M. Mahjoub sous conditions entraverait sa capacité de participer à des activités terroristes, mais lui laisserait toutefois l'occasion de fuir et d'entrer dans la clandestinité. Le gouvernement ne peut accepter une telle éventualité.

15 mars 2005

Matthew Behrens (qui se propose comme caution)

·            M. Behrens est disposé à se porter caution de M. Mahjoub et de M. Almrei.


·            Il a fait la connaissance de M. Mahjoub par son activité au sein de la « Campagne pour que cessent les procès secrets au Canada » . Il reste en contact étroit avec M. Mahjoub et avec les membres de sa famille.

·            M. Behrens comprend les responsabilités que doit assumer une caution et il ne croit pas que la libération de MM. Mahjoub et Almrei créerait des problèmes.

·            Il comprend qu'il est tenu d'informer CIC si M. Mahjoub a l'intention de ne pas se présenter à son renvoi. Si M. Mahjoub est mis en liberté, M. Behrens s'engage à lui rendre visite à son domicile de façon régulière, à vérifier chaque soir s'il est chez lui pour le couvre-feu et à lui téléphoner de façon régulière durant la journée.

·            M. Behrens a fait l'objet d'un certain nombre de déclarations de culpabilité à des infractions criminelles mineures, suite à sa participation à des manifestations pacifiques. Sa dernière déclaration de culpabilité date de 1990. Il a chaque fois été libéré sous caution et a respecté les conditions qui lui étaient imposées.


·            Sa connaissance de M. Mahjoub est entièrement fondée sur ce que ce dernier lui a raconté depuis qu'il est détenu, ainsi que sur les dires de Mme El Fouli et sur les renseignements qu'il a tirés des transcriptions judiciaires et autres sources dans le domaine public.

Mohammed Abdel Haleem (qui se propose comme caution)

·            M. Haleem est disposé à se porter caution.

·            M. Haleem a rencontré M. Mahjoub deux ou trois fois à la mosquée et il lui a parlé. Il ne croit pas que M. Mahjoub soit dangereux.

·            Bien que citoyen canadien, M. Haleem a eu quelques difficultés lorsqu'il est revenu au Canada à deux occasions. Ces événements se sont produits après qu'il eut offert de se porter caution pour M. Mahjoub. Il est toutefois toujours disposé à s'engager en ce sens.

·            M. Haleem croit que M. Mahjoub respecterait les conditions imposées, parce qu'il est une bonne personne et un bon musulman. Un bon musulman tient parole. S'il violait les conditions imposées, son entourage le rejetterait et sa famille ainsi que ses enfants ne le respecteraient plus.


·            M. Haleem comprend l'obligation qu'il a de faire immédiatement rapport de tout manquement aux conditions imposées à M. Mahjoub.

·            M. Haleem n'était pas au courant que le juge Nadon avait conclu que M. Mahjoub avait menti à la Cour.

LE RAPPORT DU PSYCHOLOGUE

[10]            Le docteur Michael Bagby est un psychologue agréé. Il est actuellement directeur des services de recherche clinique du Centre de toxicomanie et de santé mentale. Le docteur Bagby a préparé un rapport sur M. Mahjoub. Les avocats des ministres ont reconnu son expertise et son objectivité. Le rapport est fondé sur trois entrevues avec M. Mahjoub, sur des entrevues avec des « parents » , sur des tests psychométriques, sur la déclaration faite le 11 mars 2004 par M. Mahjoub et sur le rapport de Mme Ralph.

[11]            Selon le docteur Bagby :

·            Les réponses de M. Mahjoub à l'entrevue M-FAST indiquent qu'il est peu disposé à admettre qu'il a des problèmes et qu'il a tendance à ne pas en faire état.

·            M. Mahjoub satisfait aux critères DSM-IV de trouble dépressif majeur, épisode isolé, moyen, chronique.


·            Les symptômes dont il a fait état début juin 2004 satisfont aux critères DSM-IV de trouble psychotique de courte durée, avec des facteurs de stress marqués.

·            M. Mahjoub satisfait aussi aux critères DSM-IV en matière d'état de stress post-traumatique, léger.

·            Même s'il ne satisfait pas pleinement aux critères DSM-IV de trouble de la personnalité particulier, ses réponses et sa présentation globale aux entrevues sont cohérentes avec un diagnostic de trouble de la personnalité non spécifié, avec des caractéristiques obsessives/compulsives.

·            M. Mahjoub souffre de troubles émotionnels de degré moyen, caractérisés par la dysphorie, l'agitation et l'anhédonie. Il est souvent plein de ressentiment et en colère, ayant de la difficulté avec la régulation des affects. Ces manifestations de colère de nature inappropriée s'intensifient. Le potentiel de suicide devrait être pris en compte, nonobstant que M. Mahjoub déclare qu'il n'en est pas question.

·            M. Mahjoub semble souffrir de confusion, de problèmes de perception, de problèmes de concentration et de troubles de jugement.


·            Il est très craintif et vulnérable, et sa confiance en ses capacités d'adaptation a été diminuée par les événements des derniers cinq ans. N'ayant pas d'espoir pour l'avenir et sans accès immédiat à un réseau de soutien viable, M. Mahjoub est à risque de devenir encore plus distant sur le plan émotionnel.

·            La détention prolongée en isolement a un effet psychologique important sur M. Mahjoub. Au vu des défis psychologiques et physiques constants auxquels il fait face depuis son arrestation, M. Mahjoub démontre un niveau important de troubles émotionnels. Ses mécanismes d'adaptation ne vont vraisemblablement pas résister au stress causé par son emprisonnement et par la privation prolongée de sensations et d'interactions psychosociales.

·            M. Mahjoub a déjà souffert d'un épisode psychotique de courte durée et son état mental semble être à nouveau en déclin. À défaut d'un changement dans sa situation juridique, il risque sérieusement une autre décompensation.


M. MAHJOUB S'EST-IL DÉCHARGÉ DE SON FARDEAU DE CONVAINCRE LA COUR QU'IL NE SERA PAS RENVOYÉ DU CANADA DANS UN DÉLAI RAISONNABLE?

(i)          Les principes applicables

[12]            Les principes applicables suivants ont été exposés par la Cour d'appel dans l'arrêt Almrei, précité :

1.          Lors d'une demande en vertu du paragraphe 84(2), le juge doit décider si l'étranger sera ou non renvoyé du Canada dans un « délai raisonnable » . La notion de renvoi dans un « délai raisonnable » exige qu'un certain temps se soit écoulé depuis le moment où le certificat de sécurité a été déclaré raisonnable et l'appréciation de la question de savoir si le délai est tel qu'il faut conclure que le renvoi n'aura pas lieu dans un délai raisonnable.


2.          Le juge doit tenir compte du délai et en examiner les causes. Les demandes de réparation judiciaire doivent être présentées avec diligence et en temps utile. Il en va de même pour les réponses des ministres et pour l'audience sur la demande de mise en liberté. Le paragraphe 84(2) de la Loi « autorise un juge à ne pas tenir compte, en tout ou en partie, du délai résultant d'une procédure amorcée par le demandeur qui a pour effet précis d'empêcher la Couronne d'appliquer la loi dans un délai raisonnable » . En d'autres termes, lorsque qu'un demandeur tente d'empêcher son renvoi et qu'un délai s'ensuit, il ne peut se plaindre que le renvoi n'a pas eu lieu dans un délai raisonnable, sauf si le délai est déraisonnable ou excessif pour des raisons qui ne relèvent pas de lui.

3.          Le critère applicable vise l'avenir. Il faut une preuve que le demandeur ne sera pas renvoyé dans un délai raisonnable. Si l'on produit une preuve crédible et concluante d'un renvoi imminent du Canada, la durée de la détention ainsi que les conditions de celle-ci perdent beaucoup de leur importance.

4.          La durée de la détention antérieure n'est pertinente que si l'historique des événements peut soulever un doute sur la fiabilité de l'affirmation que le renvoi est imminent et de la preuve soumise à cet effet.

5.          Les conditions de détention sont en partie pertinentes. Elles peuvent être de nature telle, particulièrement en cas d'une longue détention, que l'expression « dans un délai raisonnable » prend un autre sens, celui de l'urgence. Le renvoi doit donc être effectué encore plus rapidement afin de respecter les exigences du paragraphe 84(2).

[13]            Je vais maintenant appliquer ces principes à la preuve soumise à la Cour.


(ii)         La durée de la détention

[14]            M. Mahjoub est détenu depuis le 26 juin 2000. Il y a déjà plus de quatre ans que le certificat de sécurité a été jugé raisonnable (le 5 octobre 2001).

(iii)        Les retards et leurs causes

[15]            Cette affaire traîne en longueur. Toutefois, cette situation tient à plusieurs causes.

[16]            Une partie du retard est attribuable à M. Mahjoub, à savoir qu'il lui a fallu plus d'un an pour présenter une requête demandant sa mise en liberté.

[17]            Une autre cause attribuable à M. Mahjoub est le retard inexplicable à procéder pour faire trancher les questions constitutionnelles. Entre le moment où la Cour a prononcé ses motifs, soit le 30 juillet 2003, jusqu'au moment où M. Mahjoub a retenu les services de ses avocats actuels, vers janvier 2004, M. Mahjoub n'a pris aucune mesure pour obtenir une date de reprise de l'audience de son affaire. En l'absence d'une demande des avocats, la Cour a délivré des directives les 15 septembre et 28 octobre 2003, demandant à connaître les disponibilités des avocats afin de reprendre l'audience de la requête de mise en liberté, pour ensuite fixer une date après la tenue d'une conférence téléphonique sur la gestion de l'instance.


[18]            D'autres retards sont attribuables à M. Mahjoub, à savoir : le retard causé par le retrait de son ancien avocat, le fait que ses avocats actuels ont dû demander l'ajournement de l'audience prévue en janvier 2004 [traduction] « étant donné l'état du dossier » et la requête des mêmes avocats en mars 2004 pour obtenir l'autorisation de soulever de nouvelles questions constitutionnelles et de présenter une preuve additionnelle. La demande visant la nouvelle preuve était nécessaire, puisqu'on avait jusque là rien déposé en preuve au sujet des conditions de détention de M. Mahjoub en ce qu'elles étaient pertinentes à la constitutionnalité de la détention et peut-être aussi à la question de savoir si le renvoi aurait lieu dans un délai raisonnable. Rien n'indique qu'on n'aurait pu déposer une preuve au sujet des conditions de sa détention dès mai 2003.


[19]            Les nouveaux avocats de M. Mahjoub ont très bien préparé leur dossier et ils ont présenté la nouvelle preuve entre janvier 2004 et le début de septembre 2004, date à laquelle les observations écrites devaient être déposées au sujet des arguments constitutionnels. Étant donné que cette affaire pouvait être prête pour l'audience dans une période de huit mois, ce qui a été fait, on peut dire qu'au cours de la période allant approximativement du 6 février 2002 (soit à peu près 120 jours après que le certificat ait été jugé raisonnable) à janvier 2004, M. Mahjoub ne cherchait pas à obtenir réparation judiciaire avec diligence, efficacité et en temps utile. Il est clair que durant cette période : (i) rien ne s'est produit entre le 6 février et le 18 octobre 2002; (ii) un retard additionnel de deux mois a été causé lorsque M. Mahjoub a demandé l'ajournement de l'audience en janvier 2003; (iii) la période du 30 juillet 2003 au début novembre 2003 compte comme un retard, puisque rien n'a été fait pour obtenir une date afin de terminer l'audience; (iv) l'audience prévue en janvier 2004 a été ajournée à la demande de M. Mahjoub.

[20]            Il y a également des retards qui ne sont pas attribuables à M. Mahjoub. Une cause importante de retard est le temps utilisé par CIC et le délégué du ministre pour décider si M. Mahjoub, un réfugié au sens de la Convention, pouvait être renvoyé du Canada au vu de ses observations selon lesquelles son renvoi en Égypte, le pays dont il est citoyen et pour lequel on a conclu qu'il avait une crainte fondée de persécution, le mettrait à risque d'être torturé ou exécuté. Voici la chronologie des étapes de ce processus :

1.          Le 22 octobre 2001, CIC a informé M. Mahjoub de son intention de solliciter une décision du ministre, en vertu de l'alinéa 53(1)b) de l'ancienne Loi sur l'immigration, selon laquelle M. Mahjoub constituait un danger pour la sécurité du Canada, ce qui permettrait de le renvoyer en Égypte.


2.          Suite au prononcé de l'arrêt de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] 1 R.C.S. 3, le 11 janvier 2002, CIC et certains autres ministères ont tenu des consultations pour examiner la question de savoir s'il était nécessaire en l'espèce d'adopter des précautions additionnelles pour assurer la protection de M. Mahjoub. La décision a été prise de demander aux autorités égyptiennes des garanties que M. Mahjoub ne recevrait pas un traitement violant les conventions sur la torture. Les autorités égyptiennes ont présenté des engagements écrits à cet égard en février et mars 2003.

3.          Ces engagements ont été signifiés à M. Mahjoub le 28 mars 2003, ainsi que le reste de la documentation que devait utiliser le ministre dans sa prise de décision en vertu de l'alinéa 115(2)b) de la Loi sur la question de savoir si M. Mahjoub ne devrait pas être présent au Canada en raison du danger qu'il constitue pour la sécurité du Canada. Les observations de M. Mahjoub en réponse étaient requises pour le 23 mai 2003, bien que je comprenne que M. Mahjoub a demandé, et obtenu, une ou plusieurs prorogations de ce délai.

4.          Le 22 juillet 2004, un délégué du ministre a décidé que M. Mahjoub devait être renvoyé en Égypte nonobstant le risque important qu'il soit soumis à de mauvais traitements et à des violations des droits de la personne, situation qui devrait interdire son renvoi en vertu du paragraphe 115(1) de la Loi.


[21]            M. Mahjoub ne pouvait être renvoyé du Canada avant que cette décision ne soit rendue. Il devait demeurer en détention jusqu'au prononcé d'une ordonnance de la Cour pour sa mise en liberté ou jusqu'à ce que le ministre accepte la demande d'élargissement de M. Mahjoub pour qu'il puisse quitter le Canada.

[22]            Le délai requis pour obtenir la décision du délégué du ministre n'a pas vraiment été expliqué. Il faut dire toutefois, comme j'en conviens dans mes motifs du 30 juillet 2003, aux paragraphes 55 et 56 « [...] que lorsqu'une personne à qui le statut de réfugié au sens de la Convention a été reconnu affirme qu'elle risque la torture en cas d'expulsion, le délai jugé raisonnable exigé pour s'assurer que les principes de justice fondamentale ont été respectés sera plus long. Il ne s'ensuit pas pour autant que l'arrêt Suresh s'applique de manière à faire de toute période de temps écoulée avant l'exécution d'une mesure de renvoi un délai raisonnable » .

[23]            Il y a lieu de mentionner une autre cause de retard. La capacité de la Cour de prévoir des dates d'audience en temps utile a été altérée du fait que les personnes responsables d'amener M. Mahjoub au tribunal ont toujours insisté auprès du greffe pour obtenir le préavis de six semaines nécessaire à leurs yeux pour prendre les dispositions requises. M. Mahjoub a donc souvent accepté de participer par vidéoconférence, afin que les audiences soient tenues en temps utile.


[24]            Enfin, je constate que les avocats ont eu tout le temps voulu pour préparer leurs observations écrites. Les délais ont été fixés sur consentement et ils reflètent le point de vue des avocats quant à la gravité des questions en cause.

(iv)        Le critère tourné vers l'avenir

[25]            Dans l'arrêt Almrei, précité, la Cour d'appel fédérale insiste sur le fait que le critère permettant de déterminer si la personne sera renvoyée dans un délai raisonnable est un critère tourné vers l'avenir. Si une preuve crédible et concluante d'un renvoi imminent est déposée, la durée de la détention ainsi que les conditions de celle-ci perdent beaucoup de leur importance.


[26]            La preuve pouvant appuyer une conclusion de renvoi imminent se trouve dans les témoignages de Mme Gilker et de M. Dumas que j'ai résumés plus tôt. Toutefois, il faut se souvenir que l'historique des événements permet de mettre en doute la fiabilité de la preuve que le renvoi est imminent. Je considère que les facteurs suivants sont les plus importants parmi ceux qui sont pertinents à l'examen de cette question. Le 8 septembre 2004, la Cour, pour des motifs prononcés à l'audience et publiés sous la référence [2004] A.C.F. no 1606, a rendu une ordonnance sursoyant au renvoi de M. Mahjoub jusqu'à l'issue du contrôle judiciaire de la décision du ministre selon laquelle M. Mahjoub pouvait être renvoyé du Canada en Égypte. À l'époque, les avocats du ministre ont admis que la question de savoir si le délégué du ministre avait conclu à tort que des circonstances exceptionnelles justifiaient le renvoi de M. Mahjoub, au risque qu'il soit torturé, était une question grave. La décision du délégué du ministre a finalement été annulée par la Cour, pour les motifs reproduits à [2005] 3 R.C.F. 334. Voici ce que déclare la Cour à ce sujet, au paragraphe 64 :

Je reconnais qu'a été soulevée une question importante que je m'abstiendrai de trancher : se pourrait-il que des circonstances quelconques justifient l'expulsion impliquant un risque de torture? La Cour suprême du Canada a laissé la question ouverte en n'excluant pas la possibilité qu'une telle expulsion puisse se justifier dans des circonstances exceptionnelles, par suite de la mise en balance d'intérêts en application de l'article 7 de la Charte, ou par le biais de l'analyse fondée sur son article premier. D'importants indices laissent croire, toutefois, que l'expulsion impliquant un risque de torture est fondamentalement inacceptable. Cela choque la conscience des Canadiens et contrevient par conséquent à la justice fondamentale d'une manière ne pouvant se justifier en vertu de l'article premier de la Charte. La Cour suprême a recensé ces indices dans Suresh. Parmi ceux-ci, il y a le fait que le droit interne canadien interdit la torture; que l'article 12 de la Charte interdit les traitements ou peines cruels et inusités (ce qui fait ressortir que la torture répugne tellement aux Canadiens qu'elle ne peut jamais constituer une peine appropriée); que l'expulsion impliquant un risque de torture a été jugé incompatible avec la justice fondamentale; qu'on peut soutenir avec force que le droit international interdit l'expulsion impliquant un risque de torture, même lorsque des considérations de sécurité nationale sont en jeu. [Non souligné dans l'original.]

Cette question n'a toujours pas trouvé de réponse.


[27]            Pour revenir à la décision de la Cour de surseoir au renvoi de M. Mahjoub en Égypte, elle porte que M. Mahjoub subirait un préjudice irréparable s'il était renvoyé en Égypte, puisque le contrôle judiciaire en cours deviendrait inopérant. Cette conclusion est fondée sur une preuve qui comprend : (i) la conclusion du délégué du ministre qu'il existait un fondement crédible pour mettre en doute la volonté du gouvernement égyptien d'honorer les assurances que M. Mahjoub ne serait pas maltraité; (ii) la conclusion du délégué du ministre que M. Mahjoub serait placé sous garde à son retour en Égypte et que, selon la prépondérance des probabilités, il pourrait être victime de mauvais traitements et de violation des droits de la personne peu après sa mise en détention; (iii) l'admission du ministre que, si M. Mahjoub est renvoyé en Égypte, il est improbable qu'il soit autorisé à quitter l'Égypte pour revenir au Canada au cas où sa demande de contrôle judiciaire était accueillie.

[28]            À ma connaissance, le ministre n'a pas encore rendu de nouvelle décision quant à savoir si M. Mahjoub peut être renvoyé du Canada. Il se peut que sa conclusion soit négative et que M. Mahjoub reste au Canada. Sinon, je suis certaine que M. Mahjoub contestera la décision et que la Cour pourrait tout à fait surseoir au renvoi puisqu'il est fort probable que les faits justifiant le premier sursis n'auront pas changé. Par conséquent, le point de droit au sujet de la torture n'est toujours pas tranché et rien dans la preuve n'indique que la position de l'Égypte quant à M. Mahjoub et à la possibilité qu'il puisse revenir au Canada ait changé.


[29]            En bref, je conclus, au vu de la prépondérance des probabilités, que M. Mahjoub ne sera probablement pas renvoyé du Canada jusqu'à ce que la Cour suprême ait décidé péremptoirement s'il existe des circonstances justifiant le renvoi au risque de torture. Si cette Cour conclut que le renvoi au risque de torture est acceptable constitutionnellement dans des circonstances exceptionnelles, alors le contexte particulier de la présente espèce devra être examiné afin de déterminer si de telles circonstances exceptionnelles existent. Une contestation constitutionnelle sur cette question prendra beaucoup de temps et il reste tout à fait possible que, dans le cas de M. Mahjoub, on décide que son renvoi au risque de torture est inconstitutionnel.

[30]            Par conséquent, je conclus comme fait avéré que, même si le ministre décide à nouveau que M. Mahjoub peut être renvoyé du Canada, le renvoi en cause ne sera pas imminent étant donné les contestations juridiques que M. Mahjoub entamera.

(v)         Le temps utilisé par les procédures visant à obtenir réparation peut-il être pris en compte en déterminant le « délai raisonnable » ?

[31]            Cette question a été examinée par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Almrei, précité. Au paragraphe 58, la Cour fait remarquer qu'elle est convaincue que la compétence conférée par le paragraphe 84(2) de la Loi autorise un juge à ne pas tenir compte, en tout ou en partie, du délai résultant d'une procédure amorcée par le demandeur qui a pour effet précis d'empêcher la Couronne de respecter son obligation de procéder au renvoi dans un délai raisonnable. Je vais maintenant examiner la question de savoir si je devrais exercer ce pouvoir discrétionnaire.

[32]            C'est dans le contexte de cette question que j'estime pertinentes les conditions de détention de M. Mahjoub.


(vi)        Les conditions de détention

[33]            Dans l'arrêt Almrei, au paragraphe 82, la Cour d'appel fait remarquer que « les conditions de détention [...] peuvent être de nature telle, particulièrement lorsqu'il s'agit également d'une longue détention, que l'expression 'dans un délai raisonnable' prend un autre sens, celui de l'urgence. Le renvoi doit donc être effectué encore plus rapidement afin de respecter les exigences du paragraphe 84(2) » .

[34]            À mon avis, la preuve la plus importante au sujet des conditions de détention de M. Mahjoub est constituée des éléments suivants :

-            le gouvernement fédéral ne possède pas d'établissement de détention sûr pour les personnes détenues en vertu de la Loi. Aucune explication n'a été présentée pour justifier pourquoi les détenus en matière d'immigration ne pourraient pas être placés, par exemple, dans un pénitencier fédéral sûr conçu pour l'incarcération à long terme et où l'on trouve notamment des programmes d'étude et d'accompagnement psychologique à l'intention des détenus.


-            en l'absence d'établissements fédéraux disponibles, la seule solution est de placer les détenus en matière d'immigration qui constituent un risque dans des établissements provinciaux. L'entretien et le bien-être de ces détenus incombent alors aux provinces, lesquelles peuvent décider dans quels établissements ils seront placés.

-            M. Mahjoub a passé presque tout le temps de sa détention au CDOT.

-            le CDOT est un établissement de détention provisoire. C'est donc un établissement de transition, où l'on ne trouve aucun des programmes disponibles pour les détenus dans les établissements de détention à long terme.

-            toutes les personnes en détention provisoire sont traitées comme des détenus à sécurité maximale.

-            M. Mahjoub n'a pas été autorisé à recevoir des visites impliquant un contact physique avec son épouse ou ses jeunes enfants (bien qu'il ne soit pas clair si des demandes ont été faites en ce sens ou, dans l'affirmative, si elles seraient acceptées).

-            les efforts de la famille de M. Mahjoub pour lui rendre visite ont été frustrés à de nombreuses occasions.


-            le CDOT a souffert d'un grave problème de surpeuplement pendant la plus grande partie du séjour de M. Mahjoub.

-            les détenus sont fouillés à nu chaque fois qu'ils arrivent à l'établissement, ou qu'ils y reviennent, chaque fois qu'ils entrent au quartier d'isolement et chaque fois que le personnel sur place considère la chose nécessaire. Depuis qu'il est en détention, M. Mahjoub a été fouillé à nu à maintes reprises.

-            M. Mahjoub reste dans le quartier d'isolement par choix, nonobstant le fait que les autorités de la prison considèrent que la chose n'est pas nécessaire.

-            M. Mahjoub souffre modérément ou de façon importante de troubles émotionnels. Ses mécanismes d'adaptation lui permettent de moins en moins bien de faire face au stress de son maintien en détention.


[35]            Je conclus que les conditions de la détention de M. Mahjoub, ainsi que sa durée, sont de nature telle que l'expression « dans un délai raisonnable » prend un sens d'urgence. En conséquence de cette urgence, je suis convaincue qu'il n'y a pas lieu que j'exerce le pouvoir discrétionnaire décrit par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Almrei, précité, au paragraphe 58, à savoir de ne pas tenir compte du délai qui a résulté, ou qui pourrait encore résulter, des procédures passées et futures engagées par M. Mahjoub pour qu'on ne le renvoie pas du Canada.

[36]            En arrivant à cette conclusion, je tiens compte de la mise en garde faite par la Cour d'appel fédérale, exprimée au paragraphe 105 de l'arrêt Almrei, selon laquelle les conditions de la détention ne sont pas des facteurs opérants lorsqu'il s'agit de savoir si les critères qui s'appliquent à une demande en vertu du paragraphe 84(2) ont été respectés, lorsque les procédures prises par un demandeur ont empêché la Couronne de respecter la loi et d'exécuter le renvoi dans un délai raisonnable. Toutefois, au moment de la rédaction des présents motifs, le ministre n'a pas encore décidé si M. Mahjoub devait être renvoyé en Égypte et on n'a pas encore tranché la question de savoir si le renvoi au risque de torture était constitutionnel et, le cas échéant, quelles circonstances seraient suffisamment exceptionnelles pour autoriser un renvoi au risque de torture. Dans de telles circonstances, je ne peux conclure que le renvoi de M. Mahjoub pourrait être exécuté, mais qu'il est empêché par les procédures qu'il a prises.


[37]            Avant de conclure sur ce point, je veux dire que les conditions de détention de M. Mahjoub constituent des préoccupations urgentes et importantes. Il est en détention depuis plus de cinq ans et, selon moi, la perspective que son renvoi soit « certain » est peu probable. Ceci est apparent depuis un bon moment, ou aurait dû l'être, mais pourtant aucune explication n'a été présentée pour justifier le fait que M. Mahjoub était détenu dans un établissement de détention provisoire, où on ne trouve à peu près aucun des programmes visant les détenus à long terme et où il y a peu d'implication ou de surveillance fédérale, sinon aucune.

[38]            M. Dietrich a témoigné qu'à sa connaissance, aucune personne visée par un certificat de sécurité jugé raisonnable n'avait été renvoyée dans un délai de moins de deux ans. Alors que le gouvernement est face à l'obligation d'assurer des garanties et protections importantes aux personnes qui seraient à risque de torture en cas de renvoi, il est clair que ces personnes resteront en détention pendant une période significative. Bien que j'admette qu'une procédure prise en vertu du paragraphe 84(2) de la Loi n'est pas la façon appropriée de chercher à obtenir des conditions de détention meilleures, rien n'a été présenté pour justifier que M. Mahjoub a été détenu pendant cinq ans dans un centre de détention provisoire provincial. On voit mal comment un tel traitement pourrait être justifié.


[39]            Depuis que j'ai rédigé ce commentaire, les ministres ont déclaré qu'ils avaient l'intention de transférer les détenus à long terme en matière d'immigration dans un établissement fédéral en Ontario, où les conditions seraient semblables à celles qui s'appliquent aux détenus fédéraux. Toutefois, un tel transfert ne pourrait se faire avant une période de quatre à six mois et il reste certaines questions en suspens. Par exemple, la preuve déposée à la Cour indique que la famille de M. Mahjoub pourrait difficilement lui rendre visite s'il était transféré à l'extérieur du CDOT. La façon de traiter cette question n'est pas évidente. Étant donné que l'attente sera de quatre à six mois et qu'il y a peu de détails au sujet de la mise en oeuvre des changements prévus, je suis convaincue que ma décision doit être rendue au vu des conditions actuelles de détention.

(vii)       Conclusion sur la question du délai raisonnable

[40]            En résumé, j'ai tenu compte de la durée de la détention de M. Mahjoub et du fait que la longue période de détention était causée par des retards attribuables en partie aux réparations recherchées par M. Mahjoub et en partie à des facteurs hors de son contrôle, comme le temps requis par le ministre pour décider si M. Mahjoub devait être renvoyé. Quatre ans après que le certificat a été jugé raisonnable, et après qu'une décision de renvoyer M. Mahjoub a été annulée, nous sommes toujours en attente d'une deuxième décision. Je suis d'avis qu'il n'est pas nécessaire de répartir la responsabilité des retards, étant donné que le critère du délai raisonnable est tourné vers l'avenir.

[41]            On m'a convaincue que la mesure de renvoi du Canada visant M. Mahjoub ne sera pas exécutée dans un délai raisonnable. J'ai le pouvoir discrétionnaire de minimiser l'impact du retard parce qu'il peut avoir été plus important du fait des procédures antérieures et à venir de M. Mahjoub, mais je ne m'en prévaudrai pas. Cette décision est fondée sur des considérations liées à la durée et aux conditions de la détention, ainsi qu'au fait que l'état actuel du droit est aussi cause de retard.


[42]            Il s'ensuit que M. Mahjoub m'a convaincue que la mesure de renvoi du Canada prise à son égard ne sera pas exécutée dans un délai raisonnable.

M. MAHJOUB S'EST-IL DÉCHARGÉ DE SON FARDEAU DE CONVAINCRE LA COUR QUE SA MISE EN LIBERTÉ NE CONSTITUERA PAS UN DANGER POUR LA SÉCURITÉ NATIONALE OU LA SÉCURITÉ D'AUTRUI?

(i)          Les principes juridiques applicables

[43]            Dans l'arrêt Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] 1 R.C.S. 3, la Cour suprême du Canada a examiné ce qui constituait un « danger pour la sécurité du Canada » . Au paragraphe 85, la Cour conclut que cette expression doit être interprétée d'une « manière large et équitable, et en conformité avec les normes internationales » . La question de savoir s'il existe ou non un danger « repose en grande partie sur les faits et ressortit à la politique, au sens large » .

[44]            La Cour a noté que l'appui au terrorisme à l'étranger peut porter préjudice à la sécurité nationale du Canada. La Cour fonde cette affirmation sur l'explication suivante, au paragraphe 88 de ses motifs :


88             Premièrement, les réseaux mondiaux de transport et de financement qui soutiennent le terrorisme à l'étranger peuvent atteindre tous les pays, y compris le Canada, et les impliquer ainsi dans les activités terroristes. Deuxièmement, le terrorisme lui-même est un phénomène qui ne connaît pas de frontières. La cause terroriste peut viser un lieu éloigné, mais les actes de violence qui l'appuient peuvent se produire tout près. Troisièmement, les mesures de prudence ou de prévention prises par l'État peuvent être justifiées; il faut tenir compte non seulement des menaces immédiates, mais aussi des risques éventuels. Quatrièmement, la coopération réciproque entre le Canada et d'autres pays dans la lutte au terrorisme international peut renforcer la sécurité nationale du Canada. Ces considérations nous amènent à conclure que serait trop exigeant un critère requérant la preuve directe d'un risque précis pour le Canada afin de décider si une personne constitue un « danger pour la sécurité du Canada » . Il doit exister une possibilité réelle et sérieuse d'un effet préjudiciable au Canada. Néanmoins, il n'est pas nécessaire que la menace soit directe; au contraire, elle peut découler d'événements qui surviennent à l'étranger, mais qui, indirectement, peuvent réellement avoir un effet préjudiciable à la sécurité du Canada.

[45]            La Cour a aussi abordé de la façon suivante la nature de la preuve nécessaire à démontrer l'existence d'un danger pour la sécurité du Canada, aux paragraphes 89 et 90 :

89             Bien que l'expression « danger pour la sécurité du Canada » doive recevoir une interprétation souple, et que les tribunaux ne soient pas tenus d'exiger la preuve directe que la menace vise précisément le Canada, il demeure que l'al. 53(1)b) ne permet le refoulement d'un réfugié dans un pays où il risque la torture que s'il est établi que la sécurité nationale est gravement menacée. En laissant entendre qu'un facteur moins exigeant que de graves menaces étayées par la preuve suffirait pour expulser un réfugié dans un pays où il risque la torture, on cautionnerait l'application inconstitutionnelle de la Loi sur l'immigration. Dans la mesure du possible, les lois doivent recevoir une interprétation conforme à la Constitution. Ces éléments appuient la conclusion que, bien que l'expression « danger pour la sécurité du Canada » doive recevoir une interprétation large et équitable, elle exige néanmoins la preuve d'une menace potentiellement grave.

90             Ces considérations nous amènent à conclure qu'une personne constitue un « danger pour la sécurité du Canada » si elle représente, directement ou indirectement, une grave menace pour la sécurité du Canada, et il ne faut pas oublier que la sécurité d'un pays est souvent tributaire de la sécurité d'autres pays. La menace doit être « grave » , en ce sens qu'elle doit reposer sur des soupçons objectivement raisonnables et étayés par la preuve, et en ce sens que le danger appréhendé doit être sérieux, et non pas négligeable.

[46]            Ainsi, comme je l'ai déjà conclu dans mes motifs du 30 juillet 2003, au paragraphe 65, pour établir l'existence d'un danger pour la sécurité nationale, il suffit de présenter une preuve justifiant des soupçons objectivement raisonnables permettant de craindre un préjudice sérieux.


[47]            C'est M. Mahjoub qui a le fardeau de la preuve et il doit s'en acquitter selon la prépondérance des probabilités. La Cour d'appel fédérale a précisé, au paragraphe 42 de l'arrêt Almrei, précité, qu'il s'agit d'introduire de la preuve. M. Mahjoub doit déposer des éléments de preuve que sa mise en liberté ne constituera pas un danger pour la sécurité nationale ou la sécurité d'autrui. Cette preuve exige une réponse, sinon M. Mahjoub a le droit d'être mis en liberté s'il a aussi convaincu la Cour qu'il ne sera pas renvoyé dans un délai raisonnable.

[48]            Il me faut ajouter un commentaire au sujet de l'impact de la conclusion antérieure du juge Nadon selon laquelle le certificat de sécurité est raisonnable. Dans l'arrêt Suresh, précité, la Cour a précisé que l'expression « danger pour la sécurité du Canada » exige plus qu'une simple mention dans un certificat de sécurité qu'une personne est non admissible pour des raisons de sécurité. La Cour d'appel a développé ce raisonnement au paragraphe 48 de l'arrêt Almrei, en déclarant que la décision qu'un certificat est raisonnable n'est pas déterminante du bien-fondé de la détention de la personne mentionnée dans le certificat, ni ne constitue une preuve concluante que cette personne représente un danger pour la sécurité du Canada.


(ii)         L'application des principes juridiques à la preuve

[49]            Afin d'arriver à une conclusion sur la question de savoir si la preuve justifie des soupçons objectivement raisonnables que la mise en liberté de M. Mahjoub pourrait causer un préjudice sérieux, je vais examiner les éléments suivants :

·            La preuve présentée par M. Mahjoub au sujet du danger, s'il en est, que constituerait sa mise en liberté pour la sécurité nationale et la sécurité d'autrui (ci-après « le danger » ).

·            L'évaluation de la preuve présentée ex parte et à huis clos.

·            La preuve du ministre en réponse.

·            L'analyse du danger, s'il en est, que constituerait la mise en liberté de M. Mahjoub.

·            S'il existe des soupçons objectivement raisonnables permettant de craindre que la mise en liberté de M. Mahjoub constituerait un préjudice sérieux, de quelle façon peut-on neutraliser ou faire obstacle à ce préjudice par l'imposition de conditions à sa mise en liberté.


(iii)        La preuve de M. Mahjoub au sujet du danger, s'il en est, que constituerait sa mise en liberté

[50]            M. Mahjoub soutient que, nonobstant la conclusion de la Cour en juillet 2003 que sa mise en liberté constituerait un danger pour la sécurité nationale, des changements significatifs sont survenus depuis lors qui font que sa mise en liberté ne constituerait plus un danger pour la sécurité nationale. Subsidiairement, il soutient que toutes les préoccupations à cet égard peuvent être réglées par sa mise en liberté sous conditions. M. Mahjoub souligne les facteurs suivants :

1.          La structure d'Al-Qaïda a été gravement compromise, sinon détruite. De la même façon, le VOC/AJ ne peut plus utiliser les téléphones satellitaires et les groupes de discussion par courrier électronique et l'on croit maintenant qu'ils utilisent des messagers pour communiquer. Ceci fait qu'il serait difficile pour M. Mahjoub de reprendre contact avec un réseau extrémiste.

2.          Parmi les contacts de M. Mahjoub qui sont mentionnés dans le résumé qu'on lui a fourni, MM. Agiza, Marzouk et Al Duri sont en prison, M. Khadr est décédé, M. Jaballah est détenu au Canada et l'endroit où se trouve Oussama ben Laden est inconnu.


3.          Il est peu probable que de nouvelles personnes entreraient en contact avec M. Mahjoub.

4.                   Actuellement, le milieu islamique extrémiste cherche surtout à recruter des personnes qui, contrairement à M. Mahjoub, n'ont pas le faciès arabe.

5.          Dans l'évaluation de la preuve, les renseignements en provenance d'Égypte ne sont pas fiables puisque l'on sait que l'Égypte pratique la torture systématique de détenus et conduit des procès d'une injustice flagrante.

6.          JP a reconnu que des facteurs comme la surveillance permanente et le suivi, ainsi que les restrictions apportées aux déplacements et à la liberté d'association, peuvent réduire l'efficacité de la participation d'un individu à des activités terroristes.

[51]            La preuve à l'appui de ces observations se trouve dans le témoignage public produit lors de l'interrogatoire de JP par les avocats de M. Mahjoub, le témoignage de M. Mahjoub et celui des personnes qui offrent leur caution, ainsi que dans de nombreux documents dans le domaine public.


[52]            Je conviens que :

1.          La structure d'Al-Qaïda qui existait avant septembre 2001 n'a pas survécu à l'offensive de la coalition menée par les États-Unis en Afghanistan et on peut dire que, sous plusieurs aspects, il ne s'agit plus d'une organisation cohérente, avec une chaîne hiérarchique et des ressources matérielles. Nonobstant ceci, comme on l'admet au nom de M. Mahjoub, Al-Qaïda demeure une menace en tant que philosophie plutôt que comme entité homogène. Al-Qaïda utilise sa réputation pour amener d'autres personnes à se livrer à des activités terroristes.

2.          Al-Qaïda cherche maintenant à recruter des personnes qui n'ont pas le faciès arabe. Ceci est logique, puisque ces gens ont un accès plus facile à des pays comme les États-Unis. Toutefois, comme JP l'a aussi fait remarquer, l'aspect physique de ceux qui font partie de la hiérarchie clandestine est sans importance.


3.          L'AJ a subi des changements organisationnels. Ce groupe est fragmenté et sa capacité globale d'action a été compromise par la guerre au terrorisme engagée par la coalition menée par les États-Unis. Ceci étant dit, M. Mahjoub a déposé en preuve le profil de l'AJ préparé par le service de renseignements Jane's dans sa publication intitulée World Insurgency and Terrorism (Jane's). Jane's a évalué l'importance de la menace posée par l'AJ de la façon suivante :

[TRADUCTION]

Bien que la base et les communications du groupe aient été gravement perturbées, le chef [de l'AJ] demeure un symbole puissant de résistance pour des milliers de sympathisants à travers le monde. La capacité du groupe d'agir globalement a été compromise par la guerre contre le terrorisme que mène la coalition dirigée par les États-Unis, mais on croit savoir qu'il a installé de nombreuses cellules, dont plusieurs sont toujours en liberté, qui sont complètement autonomes et qui ont la capacité de se livrer à des activités terroristes dans l'avenir. Les cibles potentielles comprennent les symboles des États-Unis, les intérêts occidentaux, Israël et les États qui appuient les États-Unis dans sa guerre contre le terrorisme.

4.          S'agissant des personnes que M. Mahjoub fréquentait avant sa détention :

-            M. Khadr est mort;

-            MM. Marzouk et Agiza sont en prison en Égypte;

-            M. Jaballah est détenu au Canada;

-            Oussama ben Laden réside dans un endroit inconnu.

On n'a déposé aucune information publique fiable au sujet de l'endroit où se trouverait M. Al Duri.


5.          Au Royaume-Uni, les « détenus terroristes » ont été mis en liberté sous conditions, prévues par des mesures de contrôle.

6.          La capacité d'une personne d'appuyer un réseau terroriste ou de participer à des activités terroristes, y compris des activités de soutien, serait réduite par des facteurs tels que : la surveillance d'un organisme de renseignement; le fait que l'appartenance à une organisation terroriste soit connue; l'arrestation; la détention, qui pourrait interrompre ou perturber les contacts; la surveillance permanente et le suivi; les restrictions imposées aux communications, à la liberté de mouvement et à la liberté d'association.

[53]            Après ce résumé de la preuve présentée au nom de M. Mahjoub, on constate que cette preuve ne contient aucun témoignage de M. Mahjoub dans lequel il : renoncerait à l'extrémisme religieux et à l'utilisation de la violence; déclarerait qu'il n'appuiera pas, n'encouragera pas ou ne prendra pas part à des actes qui poseraient un danger; confirmerait qu'il respectera toutes les conditions imposées par la Cour. Sur ce dernier point, je conviens que ses avocats ont fait des représentations à la Cour en ce sens.


(iv)        L'évaluation de la preuve du ministre reçue ex parte et à huis clos

[54]            Dans la décision Harkat (Re), 2005 CF 393, aux paragraphes 93 et suivants, j'ai énoncé les principes pertinents à l'évaluation des renseignements fournis à la Cour ex parte et à huis clos. Pour faciliter la lecture, je reprends ici les paragraphes 93 à 99 :

93             Lors de mon évaluation des renseignements confidentiels, j'ai retenu, et appliqué, les principes énoncés par mon confrère le juge Blanchard dans la décision Almrei c. Canada (Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] 4 R.C.F. 327; conf. par 2005 CAF 54 (IIJCan), 2005 CAF 54; [2005] A.C.F. no 213. La décision du juge Blanchard a été rendue dans le contexte du contrôle des motifs de détention au titre du paragraphe 84(2) de la Loi, mais la nature de la tâche confiée à un juge désigné lorsque des renseignements confidentiels ont été remis au juge en l'absence d'une partie et de son conseil, demeure la même que le juge soit appelé à se prononcer sur le caractère raisonnable d'un certificat de sécurité ou à contrôler les motifs de détention au titre du paragraphe 84(2) de la Loi. Aux paragraphes 59 et 60, le juge Blanchard a écrit que :

59.            [...] Puisque la preuve doit être reçue en l'absence du demandeur ou de son avocat, il appartient au juge désigné d'examiner rigoureusement et d'un oeil critique cette preuve avant de décider si elle intéresse les points soulevés et si elle est digne de foi et avant de lui accorder la valeur qui lui revient.

60.            Lorsqu'il examine la preuve qui ne peut être divulguée pour raisons de sécurité, le juge désigné doit adopter dans cet exercice une approche structurée. Parmi les facteurs qu'il doit considérer, il y a la présence ou l'absence d'éléments concordants, la cohérence de la preuve et le point de savoir s'il s'agit d'une preuve par ouï-dire. Pour dire si la preuve est ou non digne de foi, le juge peut vérifier la crédibilité et la fiabilité de la source de l'information. Pour ce faire, le juge désigné peut interroger directement les déposants et peut-être aussi d'autres personnes. Le juge peut aussi interroger sur ses observations l'avocat représentant le Service.

Les observations de mon confrère le juge S. Noël dans la décision Charkaoui (Re), [2004] 3 R.C.F. 32 (C.F.), aux paragraphes 100 à 102, vont dans le même sens.


94             Je ne dirai rien des sources à l'origine des renseignements confidentiels communiqués à la Cour en l'espèce, mais j'estime que, d'une manière générale, lorsque les renseignements confidentiels en question proviennent d'une source humaine, on peut légitimement demander à des témoins assermentés l'origine et la durée des rapports entre le Service et cette source humaine; si la source a été rémunérée pour les renseignements fournis; ce qu'on sait des motifs ayant porté la source à fournir les renseignements en cause; si cette source a fourni des renseignements sur d'autres personnes et, si oui, si l'on pourrait obtenir des précisions à cet égard; la mesure dans laquelle les renseignements fournis par cette source ont pu être recoupés; la situation de la source, sur le plan de la citoyenneté ou de l'immigration, et si cette situation a changé à l'époque où elle entretenait des liens avec le Service (au point où cette situation pourrait affecter la sécurité de la source au Canada et sa vulnérabilité vis-à-vis de la contrainte); la question de savoir si c'est en réponse à d'éventuelles pressions que la source a fourni les renseignements, et si oui, d'où émanaient ces pressions; si la source faisait ou fait l'objet d'une enquête du Service ou d'un autre service de renseignement ou de police; si elle a un casier judiciaire ou est visée par une accusation pénale au Canada ou ailleurs; la nature des rapports existant entre la source et la personne faisant l'objet de l'enquête; l'existence réelle ou présumée d'un motif ayant pu porter la source à fournir de faux renseignements ou de quelque autre manière induire les enquêteurs en erreur. Cette liste n'est aucunement exhaustive et les questions qui y sont énumérées ne vont pas toujours se poser.

95             Dans un même ordre d'idées, s'agissant d'informations confidentielles transmises par un autre service de renseignement, on peut légitimement demander comment le Service évalue la fiabilité des renseignements fournis par cet autre service et quelle a été sa conclusion quant à la fiabilité du renseignement en cause; dans quelle mesure les renseignements fournis par cet autre service ont-ils pu être recoupés; ce service a-t-il pu, pour une raison ou pour une autre, chercher à présenter l'information en cause sous un faux jour; dans quelle mesure ce service respecte-t-il les droits de la personne, et qu'en est-il à cet égard de son gouvernement; le service étranger a-t-il lui-même jugé que le renseignement qu'il a transmis était fiable; ce service n'a-t-il servi que d'intermédiaire pour transmettre des renseignements provenant d'un service moins fiable. Encore une fois, cette liste ne se veut nullement exhaustive.

96             En cas de renseignements confidentiels provenant de sources techniques telles que les écoutes électroniques, on peut légitimement s'interroger sur l'exactitude d'un document faisant état des renseignements interceptés; l'exactitude des traductions qui en ont été faites; l'objectivité ou, au contraire, la partialité de tout résumé de ces informations interceptées; ainsi que sur la manière dont ont été identifiées les parties prenant part à une conversation.

97             Quelle que soit la source des éléments de preuve, il convient de s'interroger quant à l'existence éventuelle de preuves exculpatoires.

98             En somme, le juge désigné doit s'enquérir de la source de tout élément d'information comptant parmi les renseignements confidentiels invoqués par les ministres comme motif raisonnable de croire que la personne en cause doit être interdite de territoire pour des raisons de sécurité. Une fois identifiée la source du renseignement, le juge désigné doit s'interroger sur ce qui ressort au juste de la documentation, et voir ce qu'un témoin peut utilement dire de la fiabilité du renseignement et de la mesure dans laquelle ce renseignement, ou d'autres informations provenant de la même source, peuvent être corroborés. Pendant tout cet examen, le juge doit demeurer très attentif à cette obligation de sonder la fiabilité de chaque élément de preuve. Il doit garder à l'esprit la possibilité d'une méprise, d'une erreur quant à l'identité de telle ou telle personne, de manoeuvres, d'incompétence ou de malveillance. Rappelons combien il est important de demander si le Service ne dispose pas de renseignements disculpatoires.


99             Seul cet exercice délicat permet à la Cour d'évaluer correctement les preuves produites tant par les ministres que par la personne faisant l'objet du certificat. Il faut parvenir, sur ce point, à une conclusion rigoureuse et objective afin de protéger non seulement les droits de la personne nommée dans le certificat mais également les intérêts légitimes de l'État.

[55]            En l'espèce, c'est la démarche que j'ai adoptée pour analyser les renseignements fournis par les ministres dans le rapport de renseignements de sécurité original, ainsi que ceux qui ont été transmis à la Cour par la suite. Le calendrier des audiences à huis clos a été transmis à tous les avocats, comme on peut le voir dans la chronologie placée en annexe A aux présents motifs. Une directive publique adressée aux avocats des ministres leur intimait de produire une personne informée qui pourrait témoigner et répondre aux questions de la Cour au sujet de :

(i)          La question de savoir si d'autres renseignements se trouvant dans des dossiers confidentiels pouvaient être résumés et transmis à M. Mahjoub;

(ii)         La source de chaque élément de preuve dans le dossier confidentiel sur lequel on s'est appuyé pour arriver à la conclusion que la mise en liberté de M. Mahjoub constituerait un danger;

(iii)        La présence ou l'absence d'une preuve corroborante indépendante.


[56]            De plus, les avocats de M. Mahjoub ont été invités à présenter à la Cour des questions qui pourraient être posées aux témoins des ministres. Ils ont plutôt choisi de suggérer qu'on approfondisse certains domaines. Ceux-ci ont été abordés par la Cour, dans la mesure où ils étaient pertinents aux renseignements confidentiels dont elle disposait.

[57]            Par la suite, j'ai fait un examen complet de tout le dossier confidentiel afin de l'analyser pour arriver à mes conclusions au sujet de la fiabilité des renseignements présentés à la Cour. Cette démarche, qui a pris beaucoup de temps, impliquait pour l'essentiel l'examen des renseignements fournis par chaque source, la prise en compte de ce qu'on savait au sujet de l'exactitude de ces sources et une conclusion sur la façon par laquelle les renseignements fournis par chaque source étaient corroborés par d'autres sources.

(v)         La preuve du ministre en réponse


[58]            Le document intitulé [traduction] _ Résumé des renseignements relatifs à la demande de mise en liberté de Mohamed Zeki Mahjoub, en vertu de l'article 84 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés _, modifié le 12 mai 2005, énonce l'avis du SCRS (aussi identifié sous le nom de Service) que la mise en liberté de M. Mahjoub porterait préjudice à la sécurité nationale et la sécurité d'autrui, et résume les renseignements transmis au juge désigné. Cet avis du Service se fonde sur sa conviction que la mise en liberté de M. Mahjoub [traduction] « le mettrait dans une situation où il pourrait reprendre ses contacts avec des membres du réseau islamique extrémiste, leur permettant de s'impliquer dans la planification et l'exécution d'actes terroristes » . Ce point de vue est en partie fondé sur les éléments suivants :

1.          L'appui accordé par le passé par M. Mahjoub à l'extrémisme islamique.

2.          Le fait que M. Mahjoub n'a pas renoncé à la cause extrémiste islamique.

3.          La propension de M. Mahjoub à l'utilisation de la violence.

4.          Le fait que M. Mahjoub n'a pas renoncé à l'utilisation de la violence.

5.          La possibilité que M. Mahjoub ait repris son association avec la cause islamique extrémiste pendant sa détention.

6.          Le fait que M. Mahjoub a utilisé une technique clandestine de sécurité.

7.          La possibilité que M. Mahjoub s'associe à nouveau aux extrémistes islamiques.


8.          Le fait que M. Mahjoub a déjà menti à la Cour.

9.          La transmission de renseignements gardés confidentiels jusqu'alors.

[59]            Les renseignements qui ont été présentés à la Cour, mais qui n'avaient pas été transmis à M. Mahjoub jusqu'alors, portent sur ses activités antérieures. Il s'agit des éléments suivants :

·            Le Service était informé depuis 1996-1997 que M. Mahjoub opérait sous le nom de « Shaker » , une personne que le Service croyait être un membre important du mouvement islamique extrémiste.

·            Une enquête du Service en 1997 avait révélé que M. Mahjoub a vécu avec la famille Khadr.

·            Dès 1996, le Service savait que M. Mahjoub était associé avec Essam Hafez Marzouk.

·            Une enquête du Service avait révélé que M. Mahjoub était associé avec Mubarak Al Duri après décembre 1995.


·            Une enquête du Service avait révélé que Mubarak Al Duri avait aussi vécu à Richmond, en Colombie-Britannique, et qu'il peut avoir été associé avec Essam Hafez Marzouk.

M. Mahjoub n'a pas cherché à présenter des éléments de preuve en réponse à la communication de ces renseignements.

(vi)        L'analyse du danger, s'il en est, que constituerait la mise en liberté de M. Mahjoub

[60]            Mon analyse de cette question s'appuie sur le cadre suivant :

a)          L'appui que M. Mahjoub a accordé par le passé à l'extrémisme islamique;

b)          Le fait que M. Mahjoub n'a pas renoncé à la cause de l'extrémisme islamique;

c)          La possibilité que M. Mahjoub reprenne contact avec des extrémistes islamiques;

d)          Les déclarations antérieures mensongères de M. Mahjoub à la Cour;


e)          Les conclusions à tirer de l'analyse qui précède au sujet du danger.

a)          L'appui que M. Mahjoub a accordé par le passé à l'extrémisme islamique

[61]            D'entrée de jeu, je note que, dans la présente instance, personne n'a contesté l'assertion selon laquelle le VOC et l'AJ étaient des organisations terroristes. Les deux étaient parmi les premières organisations qui ont été interdites en vertu de la Loi antiterroriste, L.C. 2001, ch. 41.

[62]            S'agissant de la nature de leurs activités, Jane's décrit l'AJ comme une organisation qui en chapeaute plusieurs autres, dont le VOC, et note qu'en 1999, l'AJ, avec la participation d'Al-Qaïda et d'autres, a créé le Front islamique pour combattre les Croisés et les Juifs. Jane's fait remarquer qu'on a appris en juin 2001 que l'AJ avait fusionné avec Al-Qaïda pour former un groupe unique connu sous le nom de Qaeda al-Jihad. Jane's indique aussi dans son rapport que l'AJ était l'épine dorsale d'Al-Qaïda.

[63]            Des renseignements publics crédibles, que M. Mahjoub n'a pas contestés, indiquent que :


-            Alors qu'au départ l'AJ était un regroupement d'organisations dont l'objectif était de renverser le gouvernement laïque en Égypte et de créer une organisation islamiste radicale, son association de plus en plus étroite avec le réseau Al-Qaïda a fait que ses objectifs se sont alignés sur le projet islamiste radical international. Son objectif est maintenant la création d'un califat allant de [traduction] _ l'Andalousie jusqu'à Xinjiang _.

-            Le président Anwar Sadat a été assassiné par quatre membres de l'AJ le 6 octobre 1991.

-            En novembre 1995, l'AJ a perpétré un attentat suicide à la voiture piégée visant l'ambassade d'Égypte à Islamabad, au Pakistan.

-            En octobre 1997, l'AJ a demandé aux forces armées égyptiennes de renverser le régime Moubarak.

-            Dans une déclaration communiquée en novembre 1997, l'AJ prévenait que l'attentat à la bombe de Luxor [traduction] « ne sera pas le dernier, puisque les moudjahiddines vont continuer leur activité tant que le gouvernement continuera à torturer et à tuer les fils du mouvement islamique. Les étrangers ne sont pas ciblés uniquement parce qu'ils sont étrangers, mais nous les avons déjà mis en garde étant donné le soutien financier que les revenus du tourisme représentent pour le régime » .


-            Quarante-huit heures avant les attentats à la bombe d'août 1998 visant les ambassades des États-Unis à Nairobi et à Dar es-Salaam, l'AJ a diffusé une déclaration en réaction à l'implication des services de renseignements américains dans l'arrestation de trois membres de l'AJ en Albanie, et leur remise subséquente aux autorités égyptiennes. Cette déclaration comprenait l'avertissement suivant : [traduction] « Nous voulons dire en peu de mots aux Américains que nous avons reçu leur message et que nous préparons présentement une réponse. Nous espérons qu'ils l'examineront avec soin puisque nous allons, si Dieu le veut, l'écrire dans une langue qu'ils comprennent » .

-            Les services de renseignements des États-Unis et des pays européens auraient, dit-on, [traduction] _ obtenu des renseignements fiables _ quant au lien de l'AJ avec les attentats à la bombe contre les ambassades américaines en Afrique.

-            En 2000, l'enquête sur l'attentat contre le navire USS Cole a identifié des agents de l'AJ comme participant à la planification et à l'organisation de l'attentat.

-            Le VOC est une organisation créée en tant qu'aile de l'AJ.


-            En 1993, le VOC a essayé d'assassiner le ministre de l'Intérieur et le premier ministre d'Égypte.

-            En 1995, le VOC a revendiqué la responsabilité de la tentative de juin visant à assassiner le président Moubarak alors qu'il était en Éthiopie.

-            En février 1998, le VOC a communiqué une déclaration visant l'adhésion de nouveaux membres au Front islamique mondial pour le Jihad contre les Juifs et les Américains.

-            L'AJ obtenait son financement directement d'Oussama ben Laden, qu'on a jugé en 1998 avoir des liens étroits depuis longtemps avec l'AJ.

-            Le docteur Ayma Al-Zawaheri, un ancien chef de l'AJ, est devenu un proche associé d'Oussama ben Laden et son porte-parole. Le docteur Al-Zawaheri aurait, dit-on, influencé ben Laden pour l'amener à transformer son idéologie en Jihad.

[64]            S'agissant de l'implication de M. Mahjoub dans l'AJ et le VOC, je conclus que les renseignements présentés à la Cour soulèvent à tout le moins des soupçons objectivement raisonnables que, jusqu'à l'époque où il a été arrêté :


1.          M. Mahjoub était un membre haut placé du VOC, une aile de l'AJ.

2.          M. Mahjoub était membre du conseil Shura du VOC et, à ce titre, il prenait normalement part au processus décisionnel de cette organisation terroriste.

3.          M. Mahjoub avait participé à des activités terroristes. Aux alentours de 1996-1997, on le connaissait sous le pseudonyme « Shaker » .

4.          M. Mahjoub avait des contacts importants avec des personnes associées au terrorisme islamique international, y compris Oussama ben Laden, Ahmad Said Khadr, Essam Hafez Marzouk, Ahmed Agiza et Mubarak Al Duri. Il était aussi en contact avec Mahmoud Jaballah. Au vu de la procédure visant M. Jaballah devant la Cour, je n'avance aucune conclusion ou commentaire au sujet de la prétendue implication de M. Jaballah dans des activités terroristes.

[65]            S'agissant des contacts de M. Mahjoub avec d'autres, alors que l'implication d'Oussama ben Laden et d'Ahmad Said Khadr (le Canadien connu aussi sous l'appellation « Al Canadi » ) dans les activités terroristes islamiques est bien connue, l'implication de ses autres contacts l'est moins et je peux la résumer brièvement comme suit.


[66]            Essam Hafez Marzouk a fait l'objet d'une déclaration de culpabilité en Égypte en tant que membre de l'AJ. Il purge en ce moment une sentence de 15 ans de prison en Égypte pour son implication dans des activités terroristes, y compris la direction d'un camp d'entraînement d'Al-Qaïda et l'appartenance à une cellule qui a planifié les attentats à la bombe contre les ambassades des États-Unis en Afrique.

[67]            Ahmed Agiza serait un des chefs du VOC, qu'on a accusé d'avoir été impliqué dans l'attentat à la bombe contre l'ambassade d'Égypte à Islamabad, au Pakistan.

[68]            Mubarak Al Duri serait l'agent principal d'Oussama ben Laden chargé de l'acquisition d'armes de destruction massive. Alors qu'il résidait à Tucson, en Arizona, il s'est lié avec Wadi al Hage, qui est présentement détenu aux États-Unis pour les attentats à la bombe contre les ambassades des États-Unis en Afrique. M. Al Duri a aussi vécu en Colombie-Britannique et il peut avoir été associé avec M. Marzouk.

[69]            M. Jaballah serait membre de l'AJ.


[70]            Quant à la preuve sur laquelle je m'appuie pour arriver à la conclusion que M. Mahjoub était impliqué dans l'AJ et le VOC, premièrement, M. Mahjoub a témoigné lors de l'enquête sur le caractère raisonnable du certificat de sécurité qu'alors qu'il habitait au Soudan, il travaillait pour Oussama ben Laden et l'avait rencontré un certain nombre de fois. Bien que M. Mahjoub ait témoigné qu'il ne connaissait pas l'existence d'Al-Qaïda et que son rôle se limitait à celui de directeur adjoint du projet agricole al-Damazin au Soudan, je partage l'avis de monsieur le juge Nadon que cette explication innocente n'est pas plausible. Je conclus qu'il n'est pas plausible qu'une personne qui n'avait absolument aucune expérience de travail ait été désignée à titre de responsable de 4 000 personnes, dans un projet qui couvrait une superficie d'environ un million d'acres, qu'il ait reçu un salaire de 1 500 $US par mois (le revenu annuel moyen au Soudan était de moins de 150 $US), qu'il ait quitté son emploi pour une dispute salariale et qu'il ait rejeté une offre de revenir travailler pour le salaire plus élevé qu'il avait demandé à ben Laden, pour plutôt décider de gagner de 350 à 400 $US par mois en achetant et en revendant des denrées dans un marché.

[71]            Deuxièmement, M. Mahjoub a avoué au Service qu'il avait habité chez les beaux-parents de M. Khadr et que son épouse était une amie de la veuve de M. Khadr. M. Mahjoub a aussi vécu avec la famille Khadr en 1997.

[72]            Cette preuve démontre que M. Mahjoub était lié à des personnes très haut placées et influentes dans le mouvement islamique extrémiste.


[73]            De plus, je m'appuie de façon importante sur les renseignements confidentiels placés en annexe A à une deuxième ordonnance délivrée le même jour que les présents motifs et ordonnance (l'ordonnance d'accompagnement). Les renseignements sur lesquels je m'appuie vont beaucoup plus loin qu'une simple culpabilité par association avec MM. ben Laden et Khadr. Je n'accorde aucun poids à la déclaration de culpabilité in absentia de M. Mahjoub en Égypte.

[74]            La preuve présentée par les ministres suffit, à mon avis, pour établir qu'à l'époque où M. Mahjoub a été arrêté, il constituait un danger pour la sécurité nationale.

b)          Le fait que M. Mahjoub n'a pas renoncé à la cause de l'extrémisme islamique

[75]            Comme je l'ai noté plus tôt, M. Mahjoub n'a pas renoncé à l'extrémisme religieux ou l'utilisation de la violence dans le cadre de la présente procédure.

[76]            Le Service indique qu'il ne possède aucun renseignement lui permettant de croire que M. Mahjoub a renoncé à la cause islamique en général, ou aux causes associées avec l'AJ, le VOC ou le réseau d'Oussama ben Laden.


[77]            J'accepte le fait que le Service n'a aucun renseignement de cette nature. Comme le juge en chef Richard de la Cour d'appel fédérale l'écrit dans l'arrêt Charkaoui (Re), 2004 CAF 421, au paragraphe 153, l'avocat comparaissant au nom des ministres a l'obligation de présenter ses arguments au juge avec la bonne foi la plus absolue. Aucun renseignement pertinent ne peut être retenu. Le principe de la divulgation complète et fidèle dans les procédures ex parte est un principe de justice fondamental. En questionnant les avocats des ministres et leurs témoins, je n'ai rien entendu qui me permettrait de croire que le Service était en possession d'une preuve qui disculperait M. Mahjoub.

c)          La possibilité que M. Mahjoub reprenne contact avec des extrémistes islamiques

[78]            Le Service s'appuie sur les évaluations globales, préparées par le docteur Marc Sageman et par une autre personne, pour soutenir que les personnes qui se sont rangées à l'islam radical doivent être considérées comme des menaces à la sécurité du public au Canada pendant une période de temps indéfinie, puisqu'il est très peu probable qu'ils renonceront à leurs points de vue sur le Jihad et à leur justification pour l'utilisation de la violence. L'implication des personnes qui ont choisi l'extrémisme va d'un simple appui jusqu'à la réalisation d'opérations. Ces dernières personnes seraient [traduction] « engagées à fond depuis de nombreuses années et cet engagement est de longue durée » .

[79]            Le Service fait aussi état de facteurs que le docteur Sageman considère communs aux extrémistes islamiques engagés, y compris :

-            le fait qu'il y ait un renforcement de la dynamique de groupe, qui est nécessaire à maintenir la motivation de se livrer au terrorisme;


-            le fait qu'il existe un renforcement en provenance de la famille et des amis.

[80]            Le Service croit que, depuis qu'il est en détention, M. Mahjoub continue à avoir le soutien de sa famille et d'amis qui sont associés à l'extrémisme islamique. Par conséquent, M. Mahjoub bénéficierait donc de la dynamique de groupe et du renforcement familial nécessaires à maintenir la motivation de se livrer au terrorisme.

[81]            Je considère que les avis sur lesquels le Service s'appuie peuvent être vrais de façon générale dans un certain nombre de cas. Toutefois, une telle preuve est loin d'être exacte dans tous les cas.

[82]            Parmi les arguments pertinents à la possibilité que M. Mahjoub s'associe à nouveau avec des extrémistes islamiques, on trouve ceux de M. Mahjoub voulant que, pour les motifs susmentionnés, il lui serait difficile de rétablir ses contacts avec un réseau extrémiste ou d'être contacté par une nouvelle personne. Toutefois, il faut évaluer ces arguments au vu des considérations suivantes :

(i)          bien que plusieurs des anciens contacts de M. Mahjoub soient décédés ou en prison, comme il est mentionné ci-après, je ne suis pas convaincue qu'il est raisonnable de conclure que le Service était, ou est maintenant, au fait de tous les contacts possibles de M. Mahjoub.


(ii)         bien que le VOC, l'AJ et Al-Qaïda aient connu des changements structurels, Jane's indique que l'AJ aurait [traduction] « installé de nombreuses cellules, dont plusieurs sont toujours en liberté, qui sont complètement autonomes et qui ont la capacité de se livrer à des activités terroristes dans l'avenir » . Il y a aussi de la preuve qu'Al-Qaïda constitue toujours un groupe très dangereux qui fournit une inspiration idéologique et qui, avant l'invasion de l'Afghanistan par la coalition dirigée par les États-Unis, avait placé des moudjahiddines aguerris comme agents dormants.

(iii)        bien que la publicité et la surveillance par un organisme de renseignements puissent gêner les activités terroristes, il faut se souvenir que les médias suivaient de près Ahmed Said Khadr après qu'il a été mis en liberté au Pakistan et pourtant, il a pu reprendre ses activités en appui de la Jihad.


(iv)        de plus, la preuve disponible au grand public démontre que les nouvelles technologies ont un impact sur la capacité des organismes de renseignements d'assurer le suivi des cibles de leurs enquêtes. Une note documentaire, préparée pour le directeur du Service pour sa comparution de février 2005 devant un comité parlementaire traitant de sécurité publique et de sécurité nationale, indique que l'interception des communications est un outil essentiel pour le SCRS, mais que les nouvelles technologies font que le SCRS a [traduction] _ de plus en plus de difficulté à assurer sa capacité d'interception _. Ce document a été présenté à la Cour, à sa demande, après la publication de certaines nouvelles, et il a été transmis aux avocats de M. Mahjoub. La question a été examinée en détail par la Cour dans une audience ex parte et à huis clos. Voir la transcription des procédures du 3 mai 2005, aux pages 12 et suivantes, ainsi qu'aux pages 24 et suivantes.

(v)         sur une question connexe, il existe une certaine preuve donnant à penser que, par le passé, M. Mahjoub croyait faire l'objet d'une enquête menée par des fonctionnaires canadiens et qu'il a employé des mesures pour gêner cette enquête. Toutefois, la preuve à ce sujet est, selon moi, quelque peu équivoque. Les renseignements sont confidentiels et ils sont consignés en annexe B à l'ordonnance d'accompagnement.

d)          Les déclarations antérieures mensongères de M. Mahjoub à la Cour

[83]            Dans ses motifs, où il conclut que le certificat de sécurité est raisonnable, monsieur le juge Nadon arrive à la conclusion que M. Mahjoub :


-            a admis qu'il s'était parjuré lorsqu'il avait dit au juge Nadon qu'il ne connaissait aucune personne du nom de Marzouk;

-            n'a pas dit la vérité dans son témoignage au sujet de l'identité de M. Al Duri et au sujet du lien entre cette personne, Oussama ben Laden et lui-même;

-            a donné une explication mensongère au sujet de la raison pour laquelle il avait nié, en présence de représentant du SCRS, l'emploi du nom « Mahmoud Shaker » ;

-            n'a pas dit la vérité en déclarant qu'il n'avait jamais discuté de politique lorsqu'il était au Soudan;

-            n'a pas dit la vérité au sujet des activités qu'il a véritablement poursuivies lorsqu'il se trouvait au Soudan;

-            a menti au SCRS lorsqu'il a nié connaître M. Khadr.


M. Mahjoub a admis devant monsieur le juge Nadon qu'il était connu sous le pseudonyme de Mahmoud Shaker et qu'il avait menti au SCRS à ce sujet, leur disant qu'il n'avait pas utilisé ce pseudonyme.

[84]            Je conclus de même que M. Mahjoub n'a pas dit la vérité dans son témoignage à la Cour lors de l'examen de sa détention. Par exemple, les 3 et 4 juin 2004, M. Mahjoub a témoigné dans un voir-dire à l'appui de sa requête pour présenter sa preuve à huis clos, hors de la présence du public et des médias. Le 3 juin 2004, il a témoigné quant au nombre de gens à qui il aurait présenté ses plaintes et on lui a accordé l'occasion, à l'heure du midi, de revoir ses notes à ce sujet. Le 4 juin 2004, M. Mahjoub a été rappelé pour présenter un témoignage additionnel au sujet d'autres plaintes qu'il aurait faites, ayant profité de la nuit pour rafraîchir ses souvenirs. Par la suite, lors d'un contre-interrogatoire, lorsqu'on lui a dit qu'il avait eu tout le temps requis pour examiner ses notes le 3 juin afin de fournir une liste complète des plaintes qu'il avait présentées, il a blâmé le contre-interrogatoire des avocats du Toronto Star qui aurait causé un [traduction] « trou de mémoire » . Toutefois, le contre-interrogatoire de M. Mahjoub sur cette question par les avocats des ministres a eu lieu avant qu'il ne soit contre-interrogé par les avocats du Toronto Star. Je conclus que M. Mahjoub a menti de façon délibérée lorsqu'il a utilisé l'excuse du contre-interrogatoire des avocats du Toronto Star pour essayer d'expliquer pourquoi sa réponse du jour précédent n'était pas complète.


[85]            Toutefois, c'est dans le dossier confidentiel que l'on trouve les exemples les plus significatifs de témoignages mensongers. Ces renseignements sont en annexe C à l'ordonnance d'accompagnement.

e)          Les conclusions à tirer de l'analyse qui précède au sujet du danger

[86]            Je vais maintenant revenir aux principes juridiques qui régissent cette demande.

[87]            Afin de satisfaire au fardeau de la preuve qui lui incombe, M. Mahjoub parle du changement de statut de l'AJ, du VOC et d'Al-Qaïda, ainsi que de ses propres contacts, de même que du témoignage de JP quant aux facteurs qui peuvent entraver la possibilité qu'une personne puisse participer à des activités terroristes ou les appuyer. On n'y trouve toutefois pas un témoignage personnel où il renoncerait à l'extrémisme islamique et à l'utilisation de la violence, non plus que l'assurance qu'il n'appuierait, n'encouragerait ou ne participerait pas à des actions qui poseraient un danger. Je considère que cette omission est significative. À ce sujet, j'appuie sans réserve les commentaires de mon collègue, monsieur le juge Simon Noël, dans l'arrêt Charkaoui (Re), [2005] 3 R.C.F. 389. Il déclare ceci au paragraphe 53 :

53             D'ailleurs, comment un juge désigné peut-il évaluer l'existence d'un danger et la possibilité d'une libération avec conditions si la personne intéressée ne l'informe pas, entre autres, qu'il entend respecter les conditions? Comment un juge désigné peut-il évaluer la confiance qu'il doit avoir à l'égard de la personne intéressée pour envisager une possibilité de libération avec conditions? En sécurité nationale, la simple suggestion de conditions pour fin de libération (y incluant une caution monétaire faramineuse) ne suffit pas. Le juge désigné doit avoir à sa disposition tous les éléments nécessaires pour pouvoir assumer pleinement son rôle en tenant compte des responsabilités exceptionnelles que le législateur lui a confiées.


[88]            Je dois pondérer le témoignage de M. Mahjoub avec la preuve présentée par les ministres, qui m'a amenée à conclure qu'il existe pour le moins des soupçons objectivement raisonnables que : (i) M. Mahjoub était un membre haut placé et un décideur du VOC, une organisation terroriste; (ii) qu'il s'est livré au terrorisme; (iii) qu'il a eu des contacts importants avec des personnes étroitement associées avec le terrorisme islamique, y compris MM. ben Laden, Khadr, Marzouk, Agiza et Al Duri. M. Mahjoub constituait donc une menace substantielle et présentait un danger réel et substantiel pour la sécurité nationale du Canada et la sécurité d'autrui au moment où il a été arrêté et mis en détention.


[89]            La preuve présentée au nom des ministres au sujet de la possibilité que M. Mahjoub s'associe à nouveau à des extrémistes islamiques n'est pas concluante, en ce sens que même si la plupart des personnes qui optent pour l'Islam radical ne renoncent pas à leurs vues, ceci peut ne pas être vrai dans tous les cas. Toutefois, c'est M. Mahjoub qui doit convaincre la Cour que, selon la prépondérance des probabilités, sa mise en liberté ne constituerait pas un danger et c'est en examinant la nature de la preuve qu'il a présentée que ses mensonges en Cour prennent une importance particulière. Ses mensonges, tout particulièrement ceux relatifs à ses activités au Soudan et aux relations qu'il avait antérieurement avec MM. Marzouk, Al Duri, ben Laden et Khadr, soulèvent un doute réel quant à savoir si tous ses anciens contacts, ou ses contacts potentiels, ont été exposés et compromis. Ses mensonges soulèvent aussi des doutes quant au poids que la Cour peut donner aux assurances présentées au nom de M. Mahjoub.

[90]            Le VOC, l'AJ et Al-Qaïda sont toujours des groupes terroristes dangereux. Selon le témoignage de JP, que j'accepte, il est généralement vrai de dire que les personnes qui ont une réputation et une feuille de route peuvent, si elles le désirent, se réimplanter dans un certain milieu avec plus ou moins de facilité.

[91]            Il existe des préoccupations quant à la capacité des autorités à intercepter les communications clandestines si M. Mahjoub est mis en liberté et il y a à tout le moins des soupçons que M. Mahjoub aurait, par le passé, employé des mesures pour gêner une enquête qui aurait pu le viser. Selon moi, il existe un fondement raisonnable qui permet de croire que M. Mahjoub était un chef, un décideur, un planificateur et un recruteur pour la cause islamique radicale. Ces activités, ou à tout le moins une partie importante d'entre elles, peuvent être menées par des communications clandestines.


[92]            En pondérant ces considérations, je suis consciente que des questions d'importance se posent à la société canadienne que M. Mahjoub continue à être détenu ou qu'il soit mis en liberté. Ceci est dû au fait que la détention pour une période indéterminée est réprouvée par les principes qui régissent notre système judiciaire. La Loi exige aussi que le juge désigné soit convaincu que la mise en liberté de M. Mahjoub ne constituera pas un danger pour la sécurité nationale ou pour la sécurité d'autrui. Après y avoir mûrement réfléchi, je dois conclure qu'au vu des préoccupations que je viens d'exposer, M. Mahjoub ne m'a pas convaincue, selon la prépondérance des probabilités, que sa mise en liberté ne constituerait pas un danger pour la sécurité nationale ou pour la sécurité d'autrui.

[93]            Bien que je considère la perspective de la détention continue de M. Mahjoub particulièrement troublante (surtout dans les conditions actuelles), la mise en liberté de M. Mahjoub exigerait que je substitue un espoir nourri que sa mise en liberté ne constituerait pas un danger à la norme qui est énoncée dans la Loi. Ce n'est pas là ce que le Parlement a voulu. Ce ne serait pas non plus une décision responsable étant donné que, dans le contexte de la sécurité nationale, l'erreur peut comporter des conséquences tragiques.

(vii)       L'imposition de conditions et les cautions peuvent-elle neutraliser ou faire obstacle à un tel danger?

[94]            J'ai conclu que M. Mahjoub n'avait pas démontré que sa mise en liberté ne constituerait pas un danger. Toutefois, ceci ne règle pas tout.


[95]            M. Mahjoub soutient que sa mise en liberté sous conditions serait appropriée, les conditions en cause suffisant à assurer que sa mise en liberté ne constituerait pas un danger. Au vu de la libération de M. Charkaoui, M. Mahjoub fait état d'une tendance judiciaire à la mise en liberté sous conditions au Canada et il énumère diverses conditions, notamment la détention à domicile, la surveillance électronique, le couvre-feu, l'interdiction d'utiliser Internet et un téléphone cellulaire, l'exigence d'une permission pour rencontrer qui que ce soit en dehors de son domicile, l'obligation de résider à une adresse fixe, des restrictions sur les visiteurs, des restrictions sur les comptes bancaires et des rapports à présenter par écrit chaque semaine, qu'il considère être des conditions adéquates. M. Mahjoub soutient aussi que les personnes qui acceptent de se porter caution ont assez d'influence sur lui pour qu'il soit improbable qu'il viole les conditions qu'on lui impose. Il déclare plus particulièrement que :

-            Il a une relation étroite avec son épouse.

-            Les docteurs Hindy et Haleem sont tous deux musulmans. M. Mahjoub ne violerait pas les conditions de sa mise en liberté étant donné ses croyances religieuses et l'impact négatif que ce fait aurait sur sa réputation et sur celle de sa famille dans la communauté musulmane.

-            M. Behrens a une relation étroite avec M. Mahjoub et il a témoigné que M. Mahjoub le respectait et sollicitait son avis.


[96]            M. Behrens et Mme El Fouli seraient les personnes les mieux placées pour assurer la surveillance permanente de M. Mahjoub.

[97]            En juillet 2003, j'ai déclaré que je n'étais pas convaincue que la présence des cautions et le dépôt d'une garantie en espèces suffiraient à contrer le danger que constituerait, à mon avis, la mise en liberté de M. Mahjoub. J'ai fait remarquer qu'à l'exception de l'épouse de M. Mahjoub, aucune des personnes offrant leur caution ne semblaient bien connaître M. Mahjoub ou le connaître depuis longtemps.

[98]            Depuis, j'ai entendu le témoignage du docteur Haleem (qui n'avait pas témoigné précédemment à titre de caution) et de M. Behrens. Bien que les deux témoins soient sans contredit sincères et motivés par leurs convictions, je ne suis pas convaincue que le fait qu'ils s'ajoutent comme caution vienne modifier de façon significative la situation dont la Cour était saisie en juillet 2003.

[99]            Le docteur Haleem connaît Mme El Fouli depuis trois ans et il a rencontré M. Mahjoub [traduction] _ deux ou trois fois _ à la mosquée. Il a un emploi à temps plein comme ingénieur-conseil et deux enfants, âgés de un et de quatre ans. Il ne savait pas que monsieur le juge Nadon avait conclu que M. Mahjoub avait menti à la Cour. Par conséquent, il ne connaît pas bien M. Mahjoub et il a peu de temps pour assumer ses responsabilités de caution.


[100]        M. Behrens est membre de la Campagne pour que cessent les procès secrets au Canada. L'objectif de cette campagne est d'obtenir l'abolition de la procédure du certificat de sécurité. Les membres de la famille de M. Behrens connaissent Mme El Fouli et ses enfants. M. Behrens reçoit des appels téléphoniques de MM. Mahjoub, Almrei et Jaballah. Au cours des deux dernières années, il en est venu à connaître M. Mahjoub. Il a aussi offert une garantie en espèces pour M. Almrei. Il ne parle pas l'arabe. À mon avis, son implication dans la Campagne pour que cessent les procès secrets au Canada soulève des doutes quant à son objectivité en tant que caution.

[101]        En l'espèce, la question est donc de savoir si la disponibilité des cautions et l'imposition de conditions suffiraient non seulement à réduire, mais bien à neutraliser le danger que la mise en liberté de M. Mahjoub constituerait selon moi. Je conclus que non, parce que M. Mahjoub ne m'a pas convaincue qu'on peut se fier à lui pour respecter ces conditions. À ce sujet, j'attire à nouveau l'attention sur le fait que M. Mahjoub n'a pas témoigné sous serment à ce sujet. De plus, même en l'absence de ce témoignage, l'avis médical du docteur Bagby est que M. Mahjoub est confus et qu'il a des problèmes de perception et des troubles de jugement. Ceci ne nous rassure pas quant au respect des conditions.


[102]        J'ajoute aussi qu'à l'exception de Mme El Fouli, je ne suis pas convaincue que les cautions connaissent assez bien M. Mahjoub et qu'ils ont la capacité de contrôler ses actions. Au moment où M. Mahjoub a été arrêté et détenu, il était séparé de Mme El Fouli.

[103]        Étant donné que les cautions ne peuvent assurer le respect des conditions en cause, il faut aussi rappeler la preuve au sujet des failles dans la capacité du Service d'intercepter les communications. Il existe aussi d'autres préoccupations pertinentes qui ressortent des renseignements confidentiels. Ces renseignements sont en annexe D à l'ordonnance d'accompagnement.

[104]        Tout bien considéré, après avoir entendu toute la preuve et observé M. Mahjoub lorsqu'il témoignait, je n'ai pas confiance que les conditions et les cautions proposées suffiraient à neutraliser le danger que la mise en liberté de M. Mahjoub constituerait, à mon avis. Toutefois, ceci ne veut pas dire que ma conclusion s'applique à toute demande de mise en liberté dans l'avenir. M. Mahjoub peut toujours présenter à nouveau une demande de mise en liberté et fournir à ce moment-là de meilleures cautions et une preuve plus solide, y compris son propre témoignage, qui serait de nature à convaincre la Cour que le danger qu'il constitue pourrait être neutralisé.


ORDONNANCE

[105]        LA COUR ORDONNE :

Pour ces motifs, la demande est rejetée.

                                                                                                             _ Eleanor R. Dawson _            

                                                                                                                                         Juge                           

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B.


ANNEXE A

CHRONOLOGIE DES ÉVÉNEMENTS

1995

30 décembre                M. Mahjoub arrive au Canada et il revendique immédiatement le statut de réfugié au sens de la Convention.

1996

24 octobre                   La Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié conclut que M. Mahjoub est un réfugié au sens de la Convention.

2000

26 juin              M. Mahjoub est arrêté et détenu, suite à la signature par le solliciteur général du Canada et le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (les ministres), en vertu de l'alinéa 40.1(3)a) de l'ancienne Loi sur l'immigration, d'un certificat de sécurité énonçant qu'ils sont d'avis, à la lumière de renseignements en matière de sécurité, que M. Mahjoub appartient à l'une des catégories visées au sous-alinéa 19(1)e)(ii), aux divisions 19(1)e)(iv)(B) et (C), au sous-alinéa 19(1)f)(ii) et à la division 19(1)f)(iii)(B) de l'ancienne Loi.

27 juin              Les ministres transmettent le double du certificat de sécurité à la Cour, pour qu'il soit décidé s'il est raisonnable ou s'il doit être annulé.

30 juin              Monsieur le juge Nadon examine à huis clos le rapport de renseignements de sécurité qui fonde la décision des ministres et il prend connaissance des arguments des avocats des ministres au sujet des questions soulevées dans le rapport de renseignements de sécurité. Monsieur le juge Nadon ordonne qu'on fournisse à M. Mahjoub un résumé des renseignements afin de permettre à celui-ci d'être suffisamment informé des circonstances ayant donné lieu au certificat, et cela, après s'être demandé si cela ne risquait pas de porter atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d'autrui.


11 septembre               Une audience est tenue devant monsieur le juge Nadon sur la requête de M. Mahjoub pour obtenir des ordonnances de communication et de détermination des questions constitutionnelles. La Cour doit informer les avocats dès qu'elle sera disponible pour entendre cette requête, ainsi que l'affaire au fond.

20 novembre                La Cour ordonne que la requête de M. Mahjoub soit entendue les 16 et 17 janvier 2001.

1er décembre                Un appel conférence est tenu entre la Cour et les parties pour discuter du calendrier de l'audience au fond, et la date du 26 février 2001 est fixée provisoirement.

16 décembre                Monsieur le juge Nadon ordonne que l'audience au fond soit fixée au 26 février 2001, pour une durée de dix jours.

2001

16 et 17 janvier            L'audience est tenue devant monsieur le juge Nadon sur la requête de M. Mahjoub pour obtenir communication de documents et sur les questions portant sur la compétence de la Cour, ainsi que d'autres redressements. La décision est remise à une date ultérieure.

23 janvier                     Monsieur le juge Nadon rend une ordonnance selon laquelle la Cour n'a pas compétence pour trancher les questions constitutionnelles et relatives à la Charte soulevées par M. Mahjoub. En conséquence, cette partie de la requête est rejetée.

16 février                      Monsieur le juge Nadon ordonne que la requête de M. Mahjoub pour obtenir communication de renseignements soit rejetée.

26 février - 6 mars        L'audience au fond est tenue devant monsieur le juge Nadon afin que M. Mahjoub puisse avoir une occasion raisonnable d'être entendu au sujet du certificat.

8 mai                            Les avocats présentent des observations additionnelles à monsieur le juge Nadon. La décision est remise à une date ultérieure.


5 octobre                     Au vu de la preuve dont il dispose, monsieur le juge Nadon rend une ordonnance selon laquelle le certificat déposé par les ministres est raisonnable.

2002

25 mars                        La Section d'arbitrage de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié conclut, au vu du certificat de sécurité, que M. Mahjoub appartient à une catégorie non admissible. Une mesure d'expulsion est délivrée.

28 juin              La Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (la LIPR) entre en vigueur.

18 octobre                   M. Mahjoub dépose une requête pour obtenir sa mise en liberté et autres redressements.

22 octobre                   Les ministres demandent la tenue d'une téléconférence pour fixer les dates d'audition.

24 octobre                   Le juge en chef adjoint ordonne que la téléconférence soit fixée au 30 octobre pour discuter du calendrier et de la procédure à suivre.

30 octobre                   La téléconférence a lieu avec la participation de monsieur le juge Blais et il est décidé qu'une audience de deux jours sera fixée aussitôt que possible pour entendre la requête de mise en liberté de M. Mahjoub.

31 octobre                   Monsieur le juge Blais ordonne que l'audition de la requête de mise en liberté soit fixée aux 28 et 29 janvier 2003.

5 novembre                  Madame le juge Dawson demande aux ministres de lui fournir des dates durant les semaines des 25 novembre et 9 décembre pour la tenue d'une audience à huis clos.

12 novembre                Le juge en chef adjoint ordonne la tenue d'une audience ex parte et à huis clos le 12 décembre.


12 - 16 décembre         L'audience à huis clos a lieu et madame la juge Dawson examine les renseignements à jour fournis à la Cour en réponse à la requête de mise en liberté de M. Mahjoub. Madame la juge Dawson est aussi saisie du fait que la communication des renseignements en cause porterait atteinte à la sécurité nationale. Étant convaincue que les renseignements sont pertinents, mais que leur communication porterait atteinte à la sécurité nationale, madame la juge Dawson ordonne que les renseignements ou la preuve examinée à huis clos ne soient pas communiqués à M. Mahjoub, mais uniquement un résumé de ces renseignements. Madame la juge Dawson confirme aussi que l'audition de la requête de mise en liberté aura lieu les 28 et 29 janvier 2003.

2003

17 janvier                     Madame la juge Dawson ordonne de vive voix la tenue d'une téléconférence le 24 janvier.

24 janvier                     Téléconférence avec madame la juge Dawson afin de discuter des questions qui pourraient faciliter l'audition de la requête de mise en liberté. L'audition de la requête de mise en liberté, prévue pour les 28 et 29 janvier, est ajournée à la demande de M. Mahjoub en raison de la non-disponibilité d'un témoin.

19 février                      L'administrateur judiciaire ordonne que l'audition de la requête de mise en liberté ait lieu le 29 mars 2003.

28 mars                         Téléconférence avec madame la juge Dawson pour discuter de l'ajournement de l'audience du 29 mars sur la requête de mise en liberté. L'audience est ajournée à une date à déterminer par l'administrateur judiciaire.

23 avril                         L'administrateur judiciaire ordonne que l'audition de la requête de mise en liberté ait lieu le 10 mai 2003.

10 mai              La requête de mise en liberté de M. Mahjoub est entendue devant madame la juge Dawson. Les parties conviennent de séparer la procédure et d'examiner d'abord la question de la mise en liberté et ensuite celle des contestations de la constitutionnalité des dispositions de la LIPR. Madame la juge Dawson remet sa décision sur la partie de la requête visant la mise en liberté à une date ultérieure. Si M. Mahjoub n'obtient pas gain de cause sur cette question, l'audience doit reprendre pour examiner les questions constitutionnelles.


30 juillet                       Madame la juge Dawson conclut que M. Mahjoub ne s'est pas déchargé de son fardeau de convaincre la Cour, selon la prépondérance des probabilités, que la mesure de renvoi du Canada prise à son égard ne sera pas exécutée dans un délai raisonnable et que sa mise en liberté ne constituera pas un danger pour la sécurité nationale ou la sécurité d'autrui. Madame la juge Dawson ordonne aux avocats de s'adresser au greffe afin de déterminer un calendrier pour l'audition de la seconde partie de la requête de M. Mahjoub, à savoir la constitutionnalité de sa détention.

15 septembre               Madame la juge Dawson ordonne que les parties se consultent et fournissent à la Cour des dates auxquelles elles seraient disponibles pour l'audition de la partie de la requête qui n'a pas encore été entendue.

28 octobre                   Madame la juge Dawson ordonne que les avocats fournissent une réponse à sa directive du 15 septembre 2003 et fassent connaître leur disponibilité pour terminer les plaidoiries sur la requête.

6 novembre                  Madame la juge Dawson ordonne que les avocats fassent connaître leur disponibilité pour une téléconférence les 10, 12 ou 13 novembre 2003.

12 novembre                Téléconférence avec madame la juge Dawson pour discuter de la disponibilité des parties pour la reprise de l'audience. L'audience est ajournée à une date à déterminer par l'administrateur judiciaire.

20 novembre                Délivrance d'une ordonnance portant que l'audition des aspects constitutionnels de la requête aura lieu les 10 et 11 janvier 2004.

2004

7 janvier                       M. Mahjoub dépose une requête pour obtenir une ordonnance ajournant l'audience du 10 janvier sur sa requête de mise en liberté. Madame la juge Dawson ordonne verbalement que la requête en ajournement soit entendue le 9 janvier.

9 janvier                       Madame la juge Dawson entend la requête de M. Mahjoub pour obtenir l'ajournement de l'audience du 10 janvier sur sa requête de mise en liberté. Madame la juge Dawson accueille la requête et l'audience est ajournée à une date à déterminer par l'administrateur judiciaire.


28 janvier                     Téléconférence avec madame la juge Dawson pour discuter de la reprise de l'instance. Les avocats doivent fournir des dates auxquelles ils seront disponibles pour l'audition d'une requête que doit déposer M. Mahjoub.

5 février                        Madame la juge Dawson rend une ordonnance selon laquelle la requête de M. Mahjoub pour déposer une preuve additionnelle au sujet de la partie de sa requête visant sa mise en liberté sera entendue le 8 mars 2004. La requête de M. Mahjoub à cet égard doit être déposée au plus tard le 23 février 2004.

23 février                      M. Mahjoub dépose une requête visant l'obtention d'une ordonnance lui accordant l'autorisation de soulever des questions additionnelles et d'apporter une preuve additionnelle au sujet de la partie de sa requête qui porte sur sa mise en liberté.

2 mars                          Madame la juge Dawson ordonne que les avocats lui présentent un projet d'avis de question constitutionnelle, ainsi que des dates auxquelles ils seraient disponibles pour terminer l'audition de la requête de mise en liberté.

8 mars                          Une audience est tenue devant madame la juge Dawson, au cours de laquelle elle accorde l'autorisation à M. Mahjoub de soulever des questions additionnelles et de présenter une preuve additionnelle portant sur la nature et les conditions de sa détention.

18 mars                        Madame la juge Dawson ordonne que l'audition de la requête de mise en liberté commence le 31 mai 2004 pour se continuer jusqu'au 4 juin 2004

31 mai - 4 juin Madame la juge Dawson entend la requête de mise en liberté de M. Mahjoub. Les avocats de M. Mahjoub mentionnent qu'ils vont demander qu'une partie de la preuve de M. Mahjoub soit entendue à huis clos. Madame la juge Dawson accorde au Toronto Star l'autorisation d'intervenir dans la demande de M. Mahjoub pour qu'une partie de la procédure soit tenue à huis clos. Madame la juge Dawson autorise un voir-dire aux fins d'entendre la preuve permettant de décider s'il y a lieu d'entendre une partie de la preuve à huis clos. L'audience sur la requête de mise en liberté de M. Mahjoub est ajournée en fin d'après-midi le 4 juin.


24 juin              Téléconférence avec madame la juge Dawson pour discuter d'un calendrier pour la reprise de l'audition de la requête de mise en liberté. Sur consentement, l'audience est fixée provisoirement aux 7, 8, 9 et 10 septembre 2004 (la Cour avait indiqué des disponibilités en juillet et en août).

28 juin              Madame la juge Dawson ordonne que l'audition de la requête de mise en liberté reprenne le 7 septembre et se continue jusqu'au 10 septembre 2004.

22 juillet                       Dans des motifs confidentiels, madame la juge Dawson ordonne que la demande de M. Mahjoub pour présenter une partie de sa preuve à huis clos soit rejetée.

16 août                         Une version publique des motifs de l'ordonnance et de l'ordonnance sur la requête de M. Mahjoub de présenter une partie de sa preuve à huis clos est diffusée.

7 et 8 septembre           L'audition de la requête de mise en liberté de M. Mahjoub est reprise devant madame la juge Dawson. L'audience est ajournée jusqu'à la présentation d'observations écrites et de plaidoiries additionnelles. Le 8 septembre, dans une procédure connexe, la Cour sursoit au renvoi de M. Mahjoub du Canada jusqu'à ce qu'on ait disposé de sa demande de contrôle judiciaire de la décision du ministre rendue en vertu de l'article 115 de la Loi.

23 septembre               La Cour reçoit une présentation conjointe des parties au sujet du calendrier de dépôt des observations écrites.

5 octobre                     Les avocats de M. Mahjoub demandent une prorogation du délai pour présenter leurs observations écrites.

6 octobre                     Le délai pour le dépôt des observations écrites est prorogé au 18 octobre 2004.

8 octobre                     Les avocats du ministre laissent entendre qu'ils pourraient déposer leurs observations écrites le 19 novembre.

12 octobre                   Madame la juge Dawson ordonne que le délai pour le dépôt des observations écrites du ministre soit prorogé.


20 octobre                   Les avocats de M. Mahjoub font savoir que leurs observations seront déposées le 21 octobre 2004.

21 octobre                   Madame la juge Dawson ordonne que les ministres bénéficient de la même prorogation de délai que celle accordée à M. Mahjoub.

22 novembre                Les avocats des ministres demandent une journée additionnelle pour déposer leurs observations.

3 décembre                  Les avocats des ministres demandent une prorogation du délai pour le dépôt du Cahier conjoint des lois et règlements.

13 décembre                Madame la juge Dawson ordonne que les avocats examinent la question de savoir s'ils désirent présenter des observations additionnelles suite au prononcé des motifs de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Charkaoui.

20 décembre                Madame la juge Dawson dicte un calendrier pour le dépôt d'éléments additionnels.

2005

31 janvier                     Madame la juge Dawson ordonne que les avocats soient invités à exprimer leurs points de vue sur la question de savoir si une « nouvelle » preuve ou des plaidoiries additionnelles au sujet de la requête de mise en liberté de M. Mahjoub devraient être préparées et examinées, au vu de la décision de la Cour d'annuler la décision du ministre rendue en vertu de l'article 115 de la Loi, ainsi que du délai écoulé depuis la décision originale refusant la mise en liberté en juillet 2003. Une téléconférence est prévue les 3 ou 4 février 2005.

4 février                        Téléconférence avec madame la juge Dawson pour discuter si des observations additionnelles sont requises et pour convenir d'un calendrier. Une nouvelle preuve sera déposée. Les avocats doivent aviser la Cour au plus tard le 8 février 2005 de leur calendrier pour le dépôt de documents, ainsi que de leur disponibilité par la suite.

9 février                        Madame la juge Dawson ordonne que l'audience pour entendre la preuve additionnelle et toute plaidoirie que les parties voudront adresser à la Cour soit fixée au 11 février 2005.


11 février                      L'audience a lieu et la preuve est déposée. L'affaire est ajournée et une nouvelle téléconférence est prévue le 15 février 2005 pour discuter d'un calendrier pour la suite du dossier.

14 février                      Madame la juge Dawson ordonne que les avocats des ministres doivent se rendre disponibles pour une audience d'une journée. À cette audience, ils doivent produire une personne bien informée pour témoigner et répondre aux questions de la Cour. Les avocats sont informés que la personne en cause doit être prête à témoigner et à répondre aux questions de la Cour au sujet des aspects suivants : s'il y a lieu de communiquer à M. Mahjoub un résumé additionnel des renseignements confidentiels; la source de chaque élément de preuve dans le dossier confidentiel qui appuie la conclusion selon laquelle la mise en liberté de M. Mahjoub constituerait un danger pour la sécurité nationale ou la sécurité d'autrui; la présence ou l'absence d'une preuve corroborante indépendante.

15 février                      Téléconférence avec madame la juge Dawson pour discuter du calendrier.

17 février                      Madame la juge Dawson ordonne qu'une nouvelle audience publique soit fixée aux 14 et 15 mars à Toronto et qu'une audience ex parte et à huis clos soit tenue le 18 mars à Ottawa, la Cour siégeant le 22 mars pour entendre les plaidoiries finales.

14 - 15 mars                L'audition de la requête de M. Mahjoub pour sa mise en liberté est reprise devant madame la juge Dawson et une preuve additionnelle est déposée. L'audience est ajournée au 22 mars 2005.

18 mars                        Madame la juge Dawson entend la preuve présentée ex parte et à huis clos dans le cadre de l'audition de la requête de M. Mahjoub pour sa mise en liberté. L'affaire est ajournée à une date permettant d'obtenir des renseignements additionnels au sujet des questions posées par la Cour. Une téléconférence a lieu à la même date pour discuter de l'impact de l'ajournement de la procédure à huis clos sur l'audition de la requête de mise en liberté prévue pour le 22 mars 2005. La décision est de tenir cette audience le 22 mars, comme prévu.


22 mars                        L'audition de la requête de mise en liberté de M. Mahjoub reprend devant madame la juge Dawson et des observations sont soumises à la Cour. L'audience est ajournée sine die.

1er avril                         Madame la juge Dawson rend une ordonnance selon laquelle la Cour siégera ex parte et à huis clos le 2 mai 2005, aux fins de recevoir des renseignements et des témoignages additionnels.

2 et 3 mai                     Madame la juge Dawson entend la preuve ex parte et à huis clos dans le cadre de l'audition de la requête de mise en liberté de M. Mahjoub. Le ministre doit déposer une preuve additionnelle.

4 mai                            Madame la juge Dawson informe les avocats, après les audiences des 2 et 3 mai, que la Cour finalise un résumé public de la preuve. Madame la juge Dawson ordonne l'ajournement de la procédure jusqu'à l'obtention de renseignements additionnels des ministres.

12 mai              Madame la juge Dawson ordonne que le résumé modifié des renseignements relatifs à la mise en liberté soit signifié à M. Mahjoub. Madame la juge Dawson ordonne aussi que les ministres présentent à la Cour, au plus tard le 1er juin 2005, leurs observations confidentielles sur la question de savoir quelle partie additionnelle de la preuve confidentielle communiquée les 2 et 3 mai 2005 peut être rendue publique.

19 mai              Téléconférence avec madame la juge Dawson pour discuter de la communication des renseignements, au cours de laquelle il est convenu qu'il y aura une communication additionnelle.

9 juin                            Téléconférence ex parte avec madame la juge Dawson pour discuter du projet de résumé des renseignements découlant des audiences des 2 et 3 mai 2005. Les avocats doivent revoir le résumé au vu des propositions de la Cour.

10 juin              Téléconférence avec madame la juge Dawson pour discuter d'un calendrier pour le dépôt des observations écrites finales. Les avocats doivent déposer un projet de calendrier sur consentement au plus tard le 17 juin 2005. Les avocats de M. Mahjoub informent la Cour qu'un psychologue disposé à évaluer M. Mahjoub a été identifié et il est convenu que les avocats proposeront conjointement un calendrier pour finaliser la preuve et les observations.


17 juin              Les avocats de M. Mahjoub demandent que le calendrier proposé soit différé jusqu'à ce qu'ils soient informés des disponibilités du psychologue.

21 juin              Madame la juge Dawson ordonne la communication du résumé des audiences ex parte et à huis clos tenues les 18 mars, 2 et 3 mai 2005.

22 juin              Une audience ex parte et à huis clos est tenue devant madame la juge Dawson afin d'examiner s'il est possible de communiquer plus de renseignements et pour discuter à quelles conditions cette communication doit se faire.

29 juin              Madame la juge Dawson ordonne une communication additionnelle et elle fait savoir que ceci complète le dossier des renseignements que la Cour peut rendre publics. Madame la juge Dawson ordonne aussi aux avocats de faire tous les efforts possibles pour que l'affaire procède dans les meilleurs délais et elle reconnaît qu'un retard est dû au fait que le psychologue a eu des difficultés à obtenir l'accès à M. Mahjoub.

6 juillet                         L'évaluation psychologique de M. Mahjoub est déposée à la Cour.

11 juillet                       Madame la juge Dawson rend une directive demandant aux avocats de faire connaître leur disponibilité pour une téléconférence sur la gestion de l'instance, afin de confirmer les détails du calendrier. Les avocats font savoir qu'ils sont disponibles le 15 juillet 2005.

15 juillet                       Téléconférence avec madame la juge Dawson pour discuter du calendrier pour l'avenir. L'audience doit reprendre le 3 août 2005 aux fins de présenter les plaidoiries finales sur la requête de mise en liberté.

3 août                           L'audition de la requête de mise en liberté de M. Mahjoub reprend devant madame la juge Dawson. La décision est remise à une date ultérieure. Les avocats de M. Mahjoub doivent présenter une clarification du rapport du psychologue dans les sept jours, après quoi les ministres auront sept jours pour leur réponse.


10 août                         La Cour ordonne que les avocats des ministres se présentent devant la Cour le 19 août pour une audience ex parte et à huis clos aux fins de présenter leurs observations sur la question de savoir pourquoi certains renseignements présentés dans une audience antérieure ex parte et à huis clos ne seraient pas rendus publics.

22 août                         Après l'audience ex parte et à huis clos du 19 août, la Cour modifie le résumé public pour communiquer d'autres renseignements à M. Mahjoub. Une directive ordonne la remise aux avocats de M. Mahjoub d'une note documentaire du SCRS ainsi que de certains renseignements de sources ouvertes et leur donne l'occasion de faire savoir s'ils désirent présenter des observations additionnelles.


ANNEXE B

Date : 20050131

Dossier : DES-1-00

Ottawa (Ontario), le lundi 31 janvier 2005

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE DAWSON

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

et LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeurs

et

MOHAMED ZEKI MAHJOUB

défendeur

                                                             DIRECTIVE

Le 30 juillet 2003, la Cour a délivré ses motifs sur la question de savoir si M. Mahjoub avait démontré qu'il rencontrait les critères de mise en liberté énoncés au paragraphe 84(2) de la Loi sur l'immigration et la protection de réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi). Dans ses motifs, la Cour a conclu :


(i)          que M. Mahjoub ne s'était pas déchargé du fardeau qui lui incombait de convaincre la Cour, selon la prépondérance des probabilités, que la mesure de renvoi du Canada dont il fait l'objet ne serait pas exécutée dans un délai raisonnable;

(ii)         que M. Mahjoub ne s'était pas acquitté du fardeau qui lui incombait de convaincre la Cour, selon la prépondérance des probabilités, que sa mise en liberté ne constituerait pas un danger pour la sécurité nationale ou pour la sécurité d'autrui;

(iii)        que les avocats devaient communiquer avec le greffe au sujet de la date d'audition de la partie de la requête de M. Mahjoub qui conteste la constitutionnalité de sa détention.


Lors de la délivrance de ces motifs le 30 juillet 2003, la Cour ne pouvait savoir qu'au 31 janvier 2005 elle serait toujours en attente des observations écrites finales quant à la constitutionnalité de la détention de M. Mahjoub. Ce retard a pour cause principale le fait que M. Mahjoub a dû retenir les services de nouveaux avocats lorsque ses avocats se sont retirés du dossier, ses nouveaux avocats ayant demandé et obtenu l'autorisation de soulever des questions additionnelles et de présenter une preuve au sujet de la nature et des conditions de la détention de M. Mahjoub, ainsi que de l'effet de sa détention sur son état. Le retard reflète aussi la demande des avocats de présenter des observations écrites additionnelles au vu d'une jurisprudence récente.

Dans des motifs délivrés aujourd'hui dans le dossier IMM-6880-04, la Cour a conclu à l'annulation de la décision du ministre de renvoyer M. Mahjoub du Canada.

En conséquence, les circonstances suivantes se sont produites ou ont changé depuis que la Cour a délivré ses motifs du 30 juillet 2003 :

(i)          la Cour a reçu de la preuve portant sur les conditions de détention de M. Mahjoub et sur l'effet de sa détention sur son état. Pour des raisons qui ne sont pas si évidentes, cette preuve n'avait pas jusqu'alors été déposée à la Cour;

(ii)         la décision du ministre en vertu de l'article 115 de la Loi, qui était alors à l'examen, a été rendue mais elle sera annulée;

(iii)        la Cour n'a pas encore reçu les observations écrites finales des avocats au sujet des questions constitutionnelles.

M. Mahjoub est toujours en détention.


En conséquence, la Cour invite les avocats à présenter leurs points de vue sur les conditions de la détention continue de M. Mahjoub, en ce que ces conditions sont liées aux critères fixés par la loi pour sa mise en liberté. Les points de vue des avocats sont notamment recherchés sur la question de savoir si une « nouvelle » preuve ou des arguments additionnels devraient être examinés maintenant, avant le prononcé de l'ordonnance au sujet de la mise en liberté de M. Mahjoub ou de son maintien en détention.

La Cour tiendra une téléconférence avec les avocats cette semaine, pour entendre leurs points de vue préliminaires. Ils doivent donc faire savoir à la Cour quand ils seraient disponibles le jeudi 3 février ou le vendredi 4 février 2005.

                                                                                                             _ Eleanor R. Dawson _           

                                                                                                                                         Juge                          

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B.


                                                       COUR FÉDÉRALE

                                        AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        DES-1-00

INTITULÉ :                                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION et LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

c.

MOHAMED ZEKI MAHJOUB

LIEU DE L'AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO) ET OTTAWA (ONTARIO)

DATES DE L'AUDIENCE :             DU 31 MAI AU 4 JUIN 2004

LES 7 ET 8 SEPTEMBRE 2004

LE 11 FÉVRIER 2005

LES 14 ET 15 MARS 2005

LE 22 MARS 2005

LE 3 AOÛT 2005 (OTTAWA)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                        LA JUGE DAWSON

DATE DES MOTIFS :                      LE 25 NOVEMBRE 2005

COMPARUTIONS :

Donald MacIntosh                                             POUR LE DEMANDEUR (MCI)

Daniel Roussy                                                    POUR LE DEMANDEUR (SCRS)

John Norris                                                       POUR LE DÉFENDEUR

Barbara Jackman                                               POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg                                              POUR LE DEMANDEUR (MCI)

Sous-procureur général du Canada                    et LE DEMANDEUR (SCRS)

Toronto (Ontario)

Ruby & Edwardh                                              POUR LE DÉFENDEUR

Toronto (Ontario)

Barbara Jackman                                               POUR LE DÉFENDEUR

Toronto (Ontario)

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