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Date : 20050512

Dossier : T-224-05

Référence : 2005 CF 687

Ottawa (Ontario), le 12 mai 2005

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE HENEGHAN

ENTRE :

                                                             ANGELA ENQUIST

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

                                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Mme Angela Enquist (la demanderesse) sollicite le contrôle judiciaire de la décision du juge R.V. Deyell, un membre de la Commission d'appel des pensions (la Commission), désigné en vertu du paragraphe 83(2.1) du Régime de pensions du Canada, L.R.C. 1985, ch. C-8, et ses modifications (la Loi). Dans cette décision datée du 13 août 2004, la Commission a refusé d'autoriser la demanderesse à porter en appel, devant elle, la décision du tribunal de révision datée du 4 juin 2004.

[2]                La demanderesse souffre d'un certain nombre de problèmes de santé, dont le manque de concentration, des troubles du sommeil et des troubles intestinaux, des pertes de mémoire, l'hyperactivité, la dépression et la schizophrénie. Le 6 mars 2003, elle a présenté une demande de prestations d'invalidité au Régime de pensions du Canada. Sa demande était étayée par un rapport médical daté du 31 décembre 2002 et provenant du médecin qu'elle consultait à l'époque, le Dr Hepburn.

[3]                En réponse à une demande de renseignements additionnels pour la période de 1992 à 1994, le Dr Hepburn a produit un second rapport, daté du 6 juin 2003. Il a examiné les renseignements contenus dans les dossiers du Dr Kolkind, le médecin de famille de la demanderesse pendant cette période, et il a diagnostiqué comme suit l'état de la demanderesse :

[Traduction] ... Angela Enquist a eu des crises récurrentes de dépression/anxiété, avec diagnostic possible de trouble bipolaire, et possibilité de troubles de la personnalité. Entre 1992 et 1994, d'après les notes de la fiche médicale, son anxiété et sa dépression n'étaient pas une problème marqué. Ces dernières années, son état s'est stabilisé grâce à des médicaments. Elle demeure quelque peu impulsive et peu fiable et peut donc avoir de la difficulté à conserver un emploi.

[4]                Le 12 juillet 2003, la demanderesse a été informée que sa demande de prestations d'invalidité était refusée parce qu'elle n'avait pas prouvé qu'elle était invalide depuis le 31 décembre 1993. Il a été déterminé que cette date était celle de sa période minimale d'admissibilité (PMA) au sens de la Loi, en vue d'obtenir des prestations d'invalidité.


[5]                La demanderesse a demandé que l'on réexamine cette décision, ce qui a été refusé le 10 octobre 2003. Elle a ensuite interjeté appel auprès du tribunal de révision. Le 3 juin 2004, le tribunal a statué que la demanderesse ne souffrait pas d'une invalidité grave et prolongée en 1993, c'est-à-dire l'année de la date de la PMA, ni de manière continue après cette date. Il ressort de la décision du tribunal de révision qu'il a pris en considération la preuve médicale soumise par la demanderesse, de même que son témoignage de vive voix; il a dit ce qui suit :

[Traduction] L'appelante, Mme Angela Enquist, a témoigné. Son principal problème était la dépression. Elle a été frappée d'incapacité en raison d'une dépression post-partum à compter du 10 août 1986. Elle s'est assuré un revenu en 1989 et en 1990 en gardant des enfants et, en 1992, en nettoyant des bateaux-logements. Son médecin de famille actuel est le Dr Bahtt [sic] et celui-ci n'a fourni aucun rapport au sujet de l'état de santé de l'appelante. Cette dernière ne prend actuellement que deux médicaments : du lithium et du lorazépam. Elle effectue toutes les tâches ménagères. À l'heure actuelle, elle se sent bien. Elle n'a pas cherché de travail. Elle touche des prestations d'aide sociale du gouvernement provincial.

[6]                Dans une demande datée du 14 juin 2004, la demanderesse a sollicité l'autorisation d'interjeter appel de la décision du tribunal de révision. À sa demande, elle a joint d'autres rapports médicaux. Le premier rapport, daté du 5 mars 2004, fournissait des détails sur ses problèmes intestinaux et confirmait le diagnostic antérieur de trouble bipolaire et d'hypercholestérolémie. Le deuxième rapport, daté du 22 mars 2004, comportait une évaluation du rapport pathologique concernant une biopsie du côlon. Le troisième rapport, daté du 8 juin 2004 et provenant du médecin de famille actuel de la demanderesse, le Dr Bhatt, indiquait que ce dernier traitait la demanderesse depuis deux ans environ et que, pendant cette période, l'état de sa cliente était resté généralement stable, malgré ses antécédents de trouble bipolaire. Le médecin a déclaré que la demanderesse [Traduction] « ne peut probablement pas occuper un emploi et, si elle le peut, elle aura besoin d'un important recyclage professionnel » .

[7]                Le juge R.V. Deyell, siégeant en tant que membre désigné de la Commission, a refusé d'autoriser l'appel. Il a tiré la conclusion suivante :

[Traduction] La décision du tribunal a établi que la date de la période minimale d'admissibilité (PMA) était décembre 1993.

Les rapports médicaux que la demanderesse a produits ne changent pas cette date. La demanderesse n'a pas fourni de rapports qui étayent sa demande dans le délai applicable.

La demande est rejetée.

[8]                La décision faisant l'objet du présent contrôle judiciaire concerne l'exercice du pouvoir discrétionnaire du membre désigné de la Commission au moment de décider si un appel peut être soumis à la Commission. Dans la décision Callihoo c. Canada (Procureur général) (2000), 190 F.T.R. 114 (C.F. 1re inst.), la Cour a fait quelques commentaires à propos des questions qui entrent en ligne de compte dans une demande d'autorisation d'appel devant la Commission. La première question est de savoir si le juge chargé de donner l'autorisation a appliqué le bon critère, c'est-à-dire celui de savoir si la demande a des chances sérieuses d'être accueillie ou soulève une cause défendable, sans que le bien-fondé de la demande soit examiné. La seconde question est de savoir si le décideur a commis une erreur de droit ou d'appréciation des faits au moment de déterminer si la demande soulève une cause défendable. Pour décider si une cause soulève une cause défendable, le juge chargé de donner l'autorisation peut prendre en considération tous les nouveaux éléments de preuve que soumet un demandeur.

[9]                Dans sa demande d'autorisation d'appel, la demanderesse a demandé à la Commission d'examiner ses antécédents médicaux et de communiquer avec la personne qui était son médecin de famille à la date de la PMA, soit le 31 décembre 1993.

[10]            Lors du contrôle de la décision de refuser une autorisation d'appel, il convient de se demander si les nouveaux éléments de preuve produits par le demandeur soulèvent une cause défendable. L'alinéa 42(2)a) de la Loi est libellé en ces termes :


(2) Pour l'application de la présente loi_:

a) une personne n'est considérée comme invalide que si elle est déclarée, de la manière prescrite, atteinte d'une invalidité physique ou mentale grave et prolongée, et pour l'application du présent alinéa_:

(i) une invalidité n'est grave que si elle rend la personne à laquelle se rapporte la déclaration régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice,

(ii) une invalidité n'est prolongée que si elle est déclarée, de la manière prescrite, devoir vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou devoir entraîner vraisemblablement le décès [...]

(2) For the purposes of this Act,

(a) a person shall be considered to be disabled only if he is determined in prescribed manner to have a severe and prolonged mental or physical disability, and for the purposes of this paragraph,

(i) a disability is severe only if by reason thereof the person in respect of whom the determination is made is incapable regularly of pursuing any substantially gainful occupation, and

(ii) a disability is prolonged only if it is determined in prescribed manner that the disability is likely to be long continued and of indefinite duration or is likely to result in death; and ...


[11]            La demanderesse ne conteste pas la décision portant que la date de sa PMA est le 31 décembre 2003. La question à trancher est celle de savoir si la décision de refuser l'autorisation d'appel était raisonnable compte tenu des nouveaux rapports médicaux.


[12]            À mon avis, les trois nouveaux rapports médicaux n'ajoutent rien aux éléments de preuve qui ont été soumis au départ au tribunal de révision. Ces rapports additionnels corroborent les rapports médicaux que le tribunal a examinés. Cette preuve médicale a été jugée insuffisante pour établir que la demanderesse était invalide à compter du 31 décembre 1993. En décidant de refuser la demande d'autorisation d'appel, le juge Deyell a conclu que rien dans les trois nouveaux rapports médicaux n'étayait la demande en ce qui a trait à la période pertinente.

[13]            Il ressort des motifs que le membre désigné a conclu que les nouveaux éléments de preuve fournis par la demanderesse ne soulevaient pas une cause défendable. Il s'agissait là du critère qu'il était tenu de prendre en considération. À mon avis, le membre désigné a pris en considération et appliqué le bon critère et, compte tenu de l'ensemble de la preuve médicale, sa conclusion est raisonnable. Il n'était pas tenu d'utiliser les mots « cause défendable » en rendant sa décision; voir Lima c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), [2001] A.C.F. no 220 (1re inst.) (Q.L.).

[14]            La demande de contrôle judiciaire est rejetée, et aucune ordonnance n'est rendue quant aux dépens.


                                        ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est rejetée, et aucune ordonnance n'est rendue quant aux dépens.

   « E. Heneghan »

                                                                                                                        Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     T-224-05

INTITULÉ :                                                    ANGELA ENQUIST

demanderesse

- et -

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :                              VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 4 MAI 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    LA JUGE HENEGHAN

DATE DES MOTIFS :                                   LE 12 MAI 2005

COMPARUTIONS :

Angela Enquist                                       POUR SON PROPRE COMPTE

Adrian Joseph                                                   POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Angela Enquist                                       POUR SON PROPRE COMPTE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général

du Canada                                                         POUR LE DÉFENDEUR


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