Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20210326

Dossier : IMM‑7032‑19

Référence : 2021 CF 271

[traduction française]

Ottawa (Ontario), le 26 mars 2021

En présence de monsieur le juge Ahmed

ENTRE :

LI YONG GAO

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Le demandeur, monsieur Li Yong Gao, sollicite le contrôle judiciaire de la décision de la Section d’appel des réfugiés (la SAR) confirmant la décision de la Section de la protection des réfugiés (la SPR) selon laquelle il n’a pas qualité de réfugié au sens de la Convention ni qualité de personne à protéger aux termes de l’article 96 et du paragraphe 97(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR). La SAR a rejeté la demande d’asile présentée par le demandeur parce qu’elle avait jugé que celui‑ci n’était pas crédible et qu’il n’avait pas établi le bien‑fondé d’une demande d’asile sur place.

[2] Le demandeur soutient que la décision de la SAR est déraisonnable. Il prétend que, en rendant sa conclusion quant à la crédibilité, la SAR a omis d’examiner les motifs qui l’avaient poussé à se joindre au Falun Gong, et qu’elle a fait montre d’un excès de zèle en se fondant sur son manque de connaissances au sujet du Falun Gong. Il ajoute que la SAR a déraisonnablement rejeté sa demande d’asile sur place.

[3] Pour les motifs qui suivent, je conclus que la décision de la SAR est raisonnable. Par conséquent, je rejette la présente demande de contrôle judiciaire.

II. Faits

A. Le demandeur

[4] Le demandeur est un homme âgé de 48 ans qui est citoyen de la Chine. Il prétend être un adepte du Falun Gong et il craint d’être persécuté par des acteurs étatiques en Chine en raison de ses croyances religieuses.

[5] En novembre 2016, le demandeur a commencé à souffrir de maux d’estomac. Il a tenté de se soigner avec des médicaments, mais les symptômes ont persisté. En mai 2017, monsieur Xiao Bin Wang, un ami du demandeur, lui a recommandé de pratiquer le Falun Gong pour atténuer la douleur. M. Wang a enseigné les pratiques du Falun Gong au demandeur, et l’état de celui‑ci s’était amélioré. En juillet 2017, le demandeur s’est joint à un groupe d’adeptes du Falun Gong pour accélérer sa guérison.

[6] En réponse à la dénonciation du Falun Gong par le gouvernement chinois, le groupe auquel appartenait le demandeur a décidé de distribuer des dépliants défendant la pratique. Le 25 décembre 2017, après avoir distribué des dépliants avec le groupe, M. Wang et le demandeur ont été détenus par la police et interrogés au sujet de leur affiliation avec le Falun Gong. Ils ont tous deux nié la moindre affiliation et ont été mis en liberté le lendemain matin. La police a fait savoir à M. Wang et au demandeur qu’ils feraient l’objet d’une enquête et qu’ils pourraient être sommés de comparaître.

[7] Le demandeur a décidé de fuir la Chine de peur d’être persécuté. Le 7 avril 2018, il est entré au Canada avec l’aide d’un passeur, où il a fini par demander l’asile.

B. Décision de la SPR

[8] Dans une décision en date du 19 juillet 2019, la SPR a rejeté la demande d’asile du demandeur parce qu’elle avait jugé qu’il n’était pas crédible. Elle a notamment tiré les conclusions suivantes :

Lorsque la SPR a demandé au demandeur ce que signifiait le fait de transmettre des pensées vertueuses, concept fondamental du Falun Gong, le demandeur a répondu que cela voulait dire qu’il ne devait pas pratiquer d’autres cultes et qu’il devait se concentrer sur le Falun Gong. La SPR a soutenu que cette réponse contredisait les éléments de preuve objectifs, puisque le fait de transmettre des pensées vertueuses suppose [traduction] « réduire la persécution des êtres malfaisants contre le Dafa, les disciples de Dafa et les peuples du monde ».

Le témoignage du demandeur au sujet de son chapitre préféré du Zhuan Falun, texte fondamental du Falun Gong, était vague et évasif parce que le demandeur n’avait pas pu expliquer ce qu’il aimait de ce chapitre et ce qu’il signifiait pour lui.

Le demandeur n’a pas pu réciter tous les versets associés au quatrième exercice qu’il pratiquait, en dépit du fait qu’il avait affirmé qu’il avait pratiqué ces exercices régulièrement pendant plus de deux ans.

Les documents à l’appui produits par le demandeur au sujet de sa pratique du Falun Gong au Canada — une lettre de soutien d’un autre adepte au Canada confirmant l’identité religieuse du demandeur, et des photographies du demandeur pratiquant le Falun Gong et participant à des manifestations concernant le Falun Gong au Canada — n’établissaient pas que le demandeur était un adepte véritable du Falun Gong.

[9] La SPR a rejeté la demande d’asile sur place du demandeur, puisqu’elle a conclu qu’il était peu probable que les autorités en Chine fussent au courant des activités de Falun Gong du demandeur au Canada.

C. Décision faisant l’objet du contrôle : décision de la SAR

[10] Le demandeur a interjeté appel de la décision de la SPR devant la SAR. Dans une décision en date du 29 octobre 2019, la SAR a confirmé la décision de la SPR et a rejeté l’appel du demandeur. En particulier, la SPR a tiré les conclusions qui suivent :

La SPR a commis une erreur en n’appréciant pas les activités alléguées de Falun Gong du demandeur en Chine. La SAR a toutefois estimé que le témoignage du demandeur à l’égard de ces événements n’était pas crédible, puisqu’il avait fourni un témoignage alambiqué concernant la question de savoir s’il avait appris les versets associés aux exercices en Chine ou au Canada.

La SPR a eu raison de tirer une inférence défavorable quant à la crédibilité du demandeur en raison de son incapacité à expliquer le concept des pensées vertueuses. La SAR a souligné que le Falun Gong est « une foi qui repose sur la connaissance » et a conclu que le manque de connaissances du demandeur concernant les pensées vertueuses ne reflétait pas la durée et la profondeur de sa pratique.

La SPR a eu raison de tirer une inférence défavorable quant à la crédibilité relativement à la réponse vague et non descriptive du demandeur au sujet de son chapitre préféré du Zhuan Falun.

[11] De plus, la SAR a conclu que la SPR avait commis une erreur en rejetant la demande d’asile sur place du demandeur, étant donné qu’elle avait accepté que le demandeur ait participé à des pratiques et à des manifestations publiques au Canada. Elle a toutefois estimé que les documents à l’appui produits par le demandeur au sujet de sa pratique du Falun Gong au Canada n’établissaient pas qu’il était exposé à un risque prospectif de persécution en Chine.

[12] En ce qui concerne la lettre de soutien présentée par le demandeur, la SAR a estimé que la lettre n’était pas fiable ni probante parce qu’il n’y avait pas de description de la façon dont l’auteure de la lettre avait pu évaluer l’authenticité de la pratique du demandeur. Au sujet des photographies du demandeur participant à une manifestation, la SAR a conclu que les éléments de preuve établissaient que le demandeur n’avait participé qu’à une seule manifestation. De plus, la SAR a souligné que les autorités chinoises n’avaient abordé aucun membre de la famille du demandeur en Chine depuis l’arrivée de celui‑ci au Canada. À la lumière de ces conclusions, la SAR a rejeté la demande d’asile sur place du demandeur.

III. Questions en litige et norme de contrôle

[13] J’estime que la présente demande de contrôle judiciaire soulève les questions suivantes :

  1. La conclusion de la SAR selon laquelle le demandeur n’était pas crédible est‑elle déraisonnable?

  2. La SAR a‑t‑elle déraisonnablement rejeté la demande d’asile sur place du demandeur t?

[14] Les parties s’entendent pour dire que la norme de contrôle applicable à la décision de la SAR est celle de la décision raisonnable. C’est aussi mon avis (Akintola c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 971 au para 7, citant l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 (Vavilov).

[15] Le contrôle selon la norme de la décision raisonnable est rigoureux et fondé sur le principe de la retenue judiciaire : (Vavilov au para 13). La cour de révision doit établir si la décision faisant l’objet du contrôle, y compris son raisonnement et son résultat, est transparente, intelligible et justifiée (Vavilov au para 15). Une décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti (Vavilov au para 85). La question de savoir si une décision est raisonnable dépend du contexte administratif pertinent, du dossier dont disposait le décideur, et de l’incidence de la décision sur les personnes touchées par ses conséquences (Vavilov aux paras 88 à 90, 94, 133 à 135).

[16] Lorsque des motifs sont donnés, ceux‑ci sont le point de départ du contrôle (Vavilov au para 84). Les motifs des décisions n’ont pas besoin d’être parfaits; tant qu’ils permettent à la cour de révision de comprendre pourquoi le décideur a pris sa décision et de déterminer si la conclusion appartient aux issues acceptables, la décision est en règle générale raisonnable (Beddows c Canada (Procureur général), 2020 CAF 166 au para 25, citant Vavilov au para 91). En revanche, lorsque le décideur omet de justifier, dans les motifs, un élément essentiel de sa décision, et que cette justification ne saurait être déduite du dossier de l’instance, la décision est, en règle générale, déraisonnable (Vavilov au para 98).

[17] Pour démontrer qu’une décision est déraisonnable, le demandeur doit établir que la décision contient des lacunes suffisamment capitales ou importantes (Vavilov au para 100). Les cours de révision doivent s’abstenir d’apprécier à nouveau la preuve examinée par le décideur, et à moins de circonstances exceptionnelles, elles ne modifient pas ses conclusions de fait (Vavilov au para 125). Les conclusions quant à la crédibilité appellent « la déférence » (Azenabor c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 1160 (Azenabor) au para 6, citant N’kuly c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1121 au para 21).

IV. Analyse

A. La conclusion de la SAR selon laquelle le demandeur n’était pas crédible est‑elle déraisonnable?

[18] Le demandeur soutient que la SAR a déraisonnablement conclu qu’il n’était pas un adepte authentique du Falun Gong pour les raisons qui suivent : i) la SAR a omis d’analyser les motifs qui avaient poussé le demandeur à adhérer au Falun Gong; ii) la SAR a fait preuve d’un excès de zèle en invoquant le manque de connaissances du demandeur pour établir son identité religieuse. J’examinerai chacun de ces arguments séparément.

1) La SAR a omis d’analyser les motifs qui avaient poussé le demandeur à adhérer au Falun Gong

[19] Le demandeur affirme que, parce que son témoignage relatif aux motifs qui l’ont poussé à adhérer au Falun Gong est présumé véridique, il était déraisonnable que la SAR établisse qu’il n’était pas crédible sans analyser celui‑ci (Maldonado c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1979] ACF no 248, [1980] 2 CF 302 (CAF) (Maldonado) au para 5; Vodics c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 783 au para 11).

[20] Le demandeur souligne que la motivation constitue une considération pertinente pour ce qui est d’établir l’authenticité de l’identité d’une personne (Chen c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 823 (Chen) aux para 6 à 9; Gan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 693 (Gan) aux para 6 et 7). Il estime que la motivation est une considération d’autant plus pertinente en l’espèce parce que la SAR ne pouvait pas raisonnablement accepter que sa motivation à adhérer au Falun Gong était véritable et qu’il avait acquis des connaissances au sujet du Falun Gong au Canada pour favoriser sa demande d’asile, puisque ces conclusions se contredisent.

[21] J’estime que la SAR a, de façon raisonnable, apprécié les événements qui se seraient produits en Chine et établi que la motivation du demandeur à adhérer au Falun Gong n’était pas crédible, sans toutefois avoir analysé cette motivation expressément. La présomption de véracité du témoignage d’un demandeur d’asile telle qu’elle est énoncée dans l’arrêt Maldonado n’est pas absolue; elle peut en fait être réfutée s’il y a une « raison valable » de douter de la véracité des affirmations d’un demandeur d’asile (Braveus c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 1153 aux para 10 à 12). La SAR a montré qu’elle avait de bonnes raisons de mettre en doute la véracité du témoignage du demandeur au sujet des événements qui se seraient produits en Chine en soulignant les contradictions qu’il renferme. Plus particulièrement, la SAR a relevé que le demandeur avait initialement affirmé qu’un ami au Canada lui avait enseigné les versets et que son ami en Chine lui avait enseigné les exercices, mais il a plus tard prétendu qu’il avait appris les versets en Chine, mais qu’il les avait oubliés jusqu’à son arrivée au Canada. De plus, la SAR a souligné que plus loin dans son témoignage de vive voix, le demandeur avait affirmé qu’il ne pouvait pas réciter les versets entièrement quand il était en Chine.

[22] Étant donné la retenue considérable qu’appellent les conclusions quant à la crédibilité en contrôle judiciaire, j’estime qu’il était raisonnable que la SAR ait invoqué les contradictions mentionnées précédemment pour conclure que le demandeur n’était pas crédible (Azenabor au para 6; Vavilov au para 125). Comme l’a fait remarquer le défendeur, une conclusion défavorable générale quant à la crédibilité « peut s’appliquer à tous les éléments de preuve pertinents provenant d’un demandeur » (Alizadehvakili c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 165 au para 34, citant la décision Lawal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 558). À la lumière de la conclusion de la SAR selon laquelle le témoignage de l’appelant a une incidence défavorable sur sa crédibilité en général, je peux inférer que la SAR a raisonnablement appliqué cette conclusion au témoignage livré par le demandeur quant à sa motivation à adhérer au Falun Gong.

[23] Même si je conviens avec le demandeur que sa motivation à adhérer au Falun Gong représente une considération pertinente pour ce qui est d’établir son identité religieuse, je ne suis pas convaincu que c’était une considération que la SAR devait analyser expressément. Dans les deux affaires citées par le demandeur pour appuyer son argument, soit les décisions Chen et Gan, la SPR avait jugé qu’il était invraisemblable que les demandeures d’asile se soient exposées aux conséquences inhérentes à la pratique du Falun Gong, plutôt que de chercher une solution moins risquée à leurs problèmes de santé (Chen au para 14; Gan aux paras 11 et 12).

[24] En l’espèce, la SAR a conclu que la motivation du demandeur à adhérer au Falun Gong n’était pas crédible en raison de contradictions dans son témoignage. Cette conclusion est différente de la conclusion selon laquelle la motivation du demandeur était invraisemblable. De plus, la décision Chen, comme la décision Gan, n’appuie pas l’affirmation selon laquelle la SAR devait analyser la motivation du demandeur. Le simple fait qu’il était déraisonnable que la SPR eut conclu que les motivations des demandeures d’asile étaient invraisemblables dans ces deux affaires ne signifie pas qu’il était déraisonnable que la SPR n’ait pas analysé la motivation du demandeur en l’espèce.

2) La SAR a fait montre d’un excès de zèle en se fondant sur son manque de connaissances pour établir l’identité religieuse du demandeur

[25] Le demandeur soutient que le fait de conclure qu’il avait acquis des connaissances sur le Falun Gong au Canada afin de favoriser sa demande d’asile nécessitait une norme de preuve élevée, puisque la question de l’intention de tromper était soulevée (Ren c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1402 au para 23, citant Huang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1002 (Huang) au para 15). En revanche, le demandeur affirme que la norme de connaissances nécessaire pour l’établissement de la sincérité des croyances est relativement peu élevée (Huang au para 15). Il estime que la SAR a omis de prendre en compte ces seuils et a plutôt mis en doute sa crédibilité selon « des attentes préconçues […] quant à la connaissance de certains faits très précis » (Thelusma c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 612 au para 27).

[26] J’estime que la conclusion de la SAR selon laquelle le demandeur n’est pas un adepte véritable du Falun Gong en raison de son manque de connaissances religieuses est justifiée, transparente et intelligible (Vavilov au para 99). Contrairement à ce qu’affirme le demandeur, la SAR s’est fondée sur de nombreuses considérations pertinentes pour tirer cette conclusion.

[27] En premier lieu, la SAR a conclu que le demandeur n’était pas capable d’expliquer convenablement la compréhension qu’il avait des pensées vertueuses, qui sont pour la SAR un principe fondamental du Falun Gong. J’estime qu’il était raisonnable que la SAR mette en doute la crédibilité du demandeur parce que celui‑ci était incapable de définir cette notion rudimentaire de sa foi religieuse (Zheng c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 731 au para 17, citant Wang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 668 aux para 29 à 39). De plus, je conclus que la SAR a raisonnablement rejeté l’explication du demandeur selon qui son manque de connaissances était attribuable au fait qu’il avait très peu d’instruction et de littératie, étant donné que le demandeur a prétendu qu’il avait étudié avec l’aide d’autres personnes, et non pas de manière isolée.

[28] En deuxième lieu, la SAR a invoqué l’incapacité du demandeur à expliquer les raisons pour lesquelles son chapitre préféré du Zhuan Falun était important pour lui. J’estime que cette approche est raisonnable parce qu’elle repose sur des questions ouvertes quant à la façon dont le demandeur met en pratique les principes du Falun Gong dans sa vie de tous les jours au lieu de faire appel à des « questions futiles » (Jia c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 33 au para 18; Zhang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 503 au para 12). Étant donné que le chapitre préféré du demandeur dans le Zhuan Falun est le seul qu’il prétend avoir lu, j’estime qu’il était raisonnable que la SAR mette en doute la crédibilité du demandeur étant donné son incapacité à expliquer l’importance que ce chapitre avait pour lui.

[29] En troisième lieu, la SAR a contesté l’incapacité du demandeur de réciter les versets accompagnant ses pratiques régulières à l’audience devant la SPR. Lors de l’audience devant la SPR, le demandeur a prétendu avoir pratiqué régulièrement pendant plus de deux ans les quatre exercices qu’il lui avait été demandé de réciter. Par conséquent, je conclus que la SAR a eu raison de contester la crédibilité du demandeur en établissant que ses connaissances du Falun Gong ne concordaient pas avec la durée et l’ampleur de ses prétendues activités religieuses (Qi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 400 (Qi) au para 18; Gao c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 1156 (Gao) au para 29).

[30] Enfin, je ne suis pas convaincu par l’argument avancé par le demandeur selon lequel la SAR a déraisonnablement haussé le seuil de connaissances requis d’un adepte véritable du Falun Gong en décrivant le Falun Gong comme « une foi qui repose sur la connaissance ». Après avoir lu la décision de la SAR dans son ensemble, je conclus que la SAR a raisonnablement pris en compte les caractéristiques de la religion et conclu que la connaissance du demandeur ne correspondait pas à son expérience alléguée. Cette conclusion fait suite à une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles la SAR est assujettie (Vavilov au para 85).

[31] J’estime que la description du Falun Gong par la SAR en tant qu’une « foi qui repose sur la connaissance » est justifiée au regard des éléments de preuve. Comme source de cette description, la SAR a cité le point 12.9 du Cartable national de documentation (le CND) sur la Chine, daté du 28 juin 2019, selon lequel « [l]e fondement du Falun Dafa consiste en un corps de connaissances fondamentales indispensables à celui qui veut entreprendre la cultivation d'une manière permettant d’atteindre les plus hauts niveaux de perfectionnement ». Je conclus que, quand elle décrit le Falun Gong comme une foi qui repose sur la connaissance, la SAR s’attend à ce que ses adeptes authentiques aient généralement compris les concepts qui sont à la base de la religion. Cette conclusion est étayée par le CND, qui confirme que la connaissance de certains concepts du Falun Gong fait partie intégrante de sa pratique.

[32] L’interprétation mentionnée précédemment est étayée par la conclusion subséquente de la SAR selon laquelle « il est attendu qu’un adepte authentique fasse des efforts pour grandir dans sa compréhension de ce système de croyances à partir du moment où il a commencé à pratiquer le Falun Gong ». J’estime que cette conclusion est justifiée au regard de la jurisprudence qui, comme on l’a vu précédemment, affirme que l’authenticité de l’identité religieuse d’un demandeur d’asile peut raisonnablement être contestée si la connaissance que le demandeur d’asile a de sa religion ne correspond pas à ses prétendues activités religieuses (Qi au para 18; Gao au para 29). Il convient d’apprécier au cas par cas ce qui est considéré comme compatible avec la pratique religieuse, étant donné que le tout dépend de la situation du demandeur d’asile et des particularités de la religion en question. En l’espèce, la SAR a tenu compte de cette considération : elle a souligné la place importante que tiennent les connaissances religieuses dans le Falun Gong, la façon dont ces connaissances illustrent le profil d’un adepte avec l’expérience que prétend avoir le demandeur, et la façon dont le demandeur ne correspond pas à ce profil.

[33] Compte tenu de ce qui précède, j’estime qu’il était raisonnable que la SAR établisse que le demandeur n’était pas un adepte véritable du Falun Gong en raison de son manque de connaissances religieuses.

B. La SAR a‑t‑elle déraisonnablement rejeté la demande d’asile sur place du demandeur?

[34] Le demandeur soutient que la SAR a eu tort de rejeter sa demande d’asile sur place puisqu’elle a omis d’accorder un poids suffisant à sa lettre de soutien et à ses photographies.

[35] Je ne suis pas convaincu par l’argument du demandeur selon lequel la SAR était tenue de contacter l’auteure de la lettre de soutien si elle contestait le manque de précisions du document. Pour soutenir son argument, le demandeur invoque la décision Paxi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 905 (Paxi) au para 52, dans laquelle le juge Russell a conclu que la SPR avait commis une erreur en jugeant qu’une lettre de soutien était un faux document sans procéder à des vérifications quant à l’identité de l’auteur au moyen des coordonnées qui avaient été fournies.

[36] J’estime que la décision Paxi est différente de l’espèce parce que la SAR n’a pas conclu que la lettre de soutien du demandeur « aurait pu être écrite par n’importe qui » ou ne s’est pas déraisonnablement fondée sur le fait que la lettre n’était pas notariée ou accompagnée de documents d’identification d’appui (Paxi aux para 51 et 52). En l’espèce, la SAR n’a pas conclu que la lettre était fiable et qu’elle était un élément de preuve probant, en soulignant que l’auteure ne décrivait pas le rôle qu’elle jouait au sein de la communauté de Falun Gong ni la façon dont elle avait pu évaluer l’authenticité de la pratique du demandeur. Cette conclusion est raisonnable à la lumière des préoccupations de la SAR (Magonza c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 14 aux paras 17, 18 et 21). Par conséquent, je conclus que le principe énoncé dans la décision Paxi ne s’applique pas en l’espèce, puisque la SAR n’a pas déraisonnablement douté de l’authenticité de la lettre.

[37] Le demandeur affirme que la SAR a déraisonnablement rejeté la lettre de soutien parce que celle‑ci ne correspondait pas à sa conclusion précédente selon laquelle le demandeur n’était pas un adepte véritable du Falun Gong. À l’appui de cet argument, le demandeur invoque la décision Wu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 420 (Wu) au para 9, dans laquelle le juge Campbell a statué qu’il était déraisonnable que la SAR rejette une lettre semblable à la lettre en question parce qu’elle n’était pas conforme aux conclusions défavorables quant à la crédibilité déjà tirées par elle.

[38] J’estime que la décision Wu est aussi différente de l’espèce. Contrairement à la décision Wu, la SAR n’a pas rejeté la lettre de soutien parce qu’elle n’avait pas été produite sous serment, et elle s’est fondée sur de nombreuses conclusions outre le caractère incongru de la lettre par rapport à l’absence de connaissances religieuses du demandeur, comme il est décrit au paragraphe précédent.

[39] Je conviens avec le défendeur que la décision Han c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 858 (Han), est analogue à la présente affaire. Dans Han, la demandeure d’asile a présenté ses pratiques chrétiennes au Canada comme étant un prolongement de ses pratiques chrétiennes en Chine (au para 43). Étant donné que la SAR a conclu que les pratiques chrétiennes de la demandeure d’asile en Chine n’étaient pas crédibles, le juge Walker a statué que le fondement principal de sa demande d’asile sur place « [s’était] effondré » (Han au para 43). J’estime que la logique de la décision Han s’applique en l’espèce : puisque le demandeur prétend que sa pratique au Canada est un prolongement de sa pratique en Chine, il était raisonnable que la SAR mette en doute la crédibilité de sa pratique au Canada parce que la pratique du Falun Gong du demandeur en Chine n’a pas été jugée crédible.

[40] En dépit du fait que la SAR a tenu les photographies produites par le demandeur pour crédibles, elle a conclu que ces éléments de preuve ne suffisaient pas pour établir qu’il était une personne d’intérêt pour les autorités chinoises. La SAR a statué que les photographies établissaient que le demandeur avait participé à une seule manifestation et qu’il avait pratiqué le Falun Gong en public qu’à l’occasion seulement. Étant donné les faits établis par les photographies, j’estime que la décision de la SAR selon laquelle le demandeur n’est pas exposé à un risque prospectif de persécution en Chine est justifiée, transparente et intelligible (Vavilov au para 99). En soutenant le contraire, le demandeur demande à la Cour de soupeser à nouveau les éléments de preuve dont disposait la SAR, mais cela n’est pas le but d’un contrôle judiciaire (Dhesi c Canada (Procureur général), 2018 CF 283 au para 24, citant l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12 au para 61).

V. Conclusion

[41] Je conclus que la décision de la SAR est raisonnable. Par conséquent, je rejette la présente demande de contrôle judiciaire.

[42] Les parties n’ont pas proposé de question de portée générale à certifier. Je conviens qu’aucune n’est soulevée en l’espèce.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑7032‑19

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucune question n’est certifiée.

« Shirzad A. »

Juge

Traduction certifiée conforme

Line Niquet


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑7032‑19

 

INTITULÉ :

LI YONG GAO c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

audience tenue par VIDéOCONFéRENCE entre OTTAWA et TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

le 2 février 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

le juge AHMED

 

DATE DES MOTIFS :

le 26 mars 2021

 

COMPARUTIONS :

Adam Wawrzkiewicz

 

POUR Le demandeur

 

Nick Continelli

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lewis and Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR Le demandeur

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.