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Date : 20210319


Dossier : IMM-3450-20

Référence : 2021 CF 244

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 19 mars 2021

En présence de monsieur le juge Fothergill

ENTRE :

JUAN JOSE CORTEZ LEOS

CATALINA MORENO GALLEGOS

EVELIN ELIZABETH CORTEZ MORENO

TADEO ZAID CORTEZ MORENO

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Juan Jose Cortez Leos, sa femme, Catalina Moreno Gallegos, leur fille, Evelin Elizabeth Cortez Moreno (née en 2010), et leur fils, Tadeo Zaid Cortez Moreno (né en 2014), sont des citoyens mexicains. Ils sollicitent le contrôle judiciaire d’une décision de la Section d’appel des réfugiés [la SAR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [la CISR]. La SAR a confirmé la décision de la Section de la protection des réfugiés [la SPR] selon laquelle les demandeurs ne sont ni des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger au sens des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27.

[2] Les demandeurs affirment qu’ils sont exposés à un risque de préjudice aux mains de deux organisations criminelles, les Zetas et le Cartel du Golfe. La SAR a conclu que les demandeurs avaient une possibilité de refuge intérieur [la PRI] à Mexico et qu’ils n’avaient donc pas besoin de la protection du Canada.

[3] Devant la Cour, les demandeurs contestent uniquement la conclusion de la SAR concernant le premier volet du critère relatif à la PRI, qui concerne la question de savoir s’ils seraient exposés à un risque sérieux de préjudice de la part des Zetas et du Cartel du Golfe à Mexico.

[4] La SAR a raisonnablement conclu que les demandeurs n’ont pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, que les Zetas et le Cartel du Golfe ont une motivation continue de les rechercher activement ou de leur faire du tort à Mexico. La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

II. Contexte

[5] Les demandeurs sont d’anciens résidents de Plateros, dans la municipalité de Fresnillo (État du Zacatecas), où ils vivaient avec les parents de Mme Moreno Gallegos. Ils affirment que leur famille est menacée par les Zetas et le Cartel du Golfe depuis mars 2011.

[6] Les demandeurs sont arrivés au Canada le 3 novembre 2017, et ils ont présenté des demandes d’asile le 15 décembre 2017. Ces demandes ont été entendues par la SPR le 17 décembre 2018, puis rejetées le 16 janvier 2019.

[7] La SPR a estimé que les demandeurs étaient crédibles. Elle a accepté l’affirmation selon laquelle le père de Mme Moreno Gallegos avait fait l’objet d’extorsion de la part des Zetas et du Cartel du Golfe et que des menaces avaient été proférées envers les demandeurs. Cependant, la SPR a conclu que les demandeurs avaient été incapables de s’acquitter du fardeau qui leur incombait de démontrer qu’ils n’avaient pas de PRI à Mexico.

[8] Les demandeurs ont interjeté appel de la décision de la SPR devant la SAR. Le 28 juin 2020, la SAR a confirmé la conclusion de la SPR selon laquelle les demandeurs avaient une PRI à Mexico.

III. Question en litige

[9] La seule question en litige soulevée par la présente demande de contrôle judiciaire est celle de savoir si la décision de la SAR était raisonnable.

IV. Analyse

[10] La décision rendue par la SAR doit être contrôlée selon la norme de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] au para 10). La Cour n’interviendra que si la décision « souffre de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence » (Vavilov au para 100). Ces exigences sont satisfaites si les motifs permettent à la Cour de comprendre la décision et de déterminer si celle‑ci appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Vavilov aux para 85-86, citant Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9 au para 47).

[11] Le critère servant à établir l’existence d’une PRI viable est bien établi (Rasaratnam c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 CF 706 (CAF) aux para 5‑6, 9‑10) : premièrement, la CISR doit être convaincue selon la prépondérance des probabilités que le demandeur ne risque pas sérieusement d’être persécuté dans la partie du pays où, selon elle, il existe une PRI; deuxièmement, la situation dans la partie du pays où il existe une PRI doit être telle qu’il ne serait pas déraisonnable pour le demandeur de s’y réfugier, compte tenu de toutes les circonstances.

[12] Les deux volets du critère doivent être satisfaits. Le demandeur a la charge de prouver qu’une PRI n’est pas viable (Hamid c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 145 au para 31, citant Gallo Farias c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 1035 au para 34).

[13] Les demandeurs contestent uniquement la conclusion de la SAR sur le premier volet du critère relatif à la PRI, qui concerne la question de savoir s’ils seraient exposés à un risque grave d’être persécutés par les Zetas et le Cartel du Golfe à Mexico.

[14] La SAR a fourni le résumé suivant du témoignage des demandeurs devant la SPR au sujet de la nature de la menace qui pèse sur eux à Mexico :

[24] Lorsque la SPR a demandé à l’appelante associée si, durant leur séjour temporaire auprès de ses sœurs en 2011 et en 2016 respectivement, ou de 2011 à 2016, les appelants avaient connu d’autres menaces ou problèmes, elle a répondu que non. En outre, bien que l’appelante associée ait affirmé que, pendant le séjour des appelants chez l’une de ses sœurs à Aquascalientes en 2011, elle avait remarqué que des gens les suivaient, elle concède aussi que ces personnes n’ont jamais parlé aux appelants ni cherché à leur faire du tort. Ni les appelants ni les parents de l’appelante associée n’ont reçu d’autres menaces de la part des cartels après 2016.

[15] La SAR a donc souscrit à la conclusion de la SPR selon laquelle les Zetas et le Cartel du Golfe ne cherchaient plus à causer du tort aux appelants :

[25] Je souscris donc à la conclusion de la SPR. En effet, même si j’admets les allégations des appelants selon lesquelles les agents de préjudice leur ont proféré des menaces dans le passé, je ne trouve pas que les éléments de preuve que les appelants ont présentés corroborent de façon convaincante leurs allégations selon lesquelles les agents de préjudice souhaitent toujours les trouver ou leur causer un préjudice, à eux ou aux membres de leur famille, alors que ni eux ni les membres de leur famille ne se sont cachés. De plus, j’estime qu’il n’y a pas eu d’autres menaces, malgré le fait que le père de l’appelante associée n’a pas payé l’argent exigé par les extorqueurs.

[16] Les demandeurs allèguent que la SAR a mal interprété la nature de la menace qui pèse sur eux à Mexico. Ils affirment que le risque présenté tant à la SPR qu’à la SAR en était un auquel eux‑mêmes étaient exposés, et non un risque auquel les parents de Mme Moreno Gallegos étaient exposés. Étant donné que le père de Mme Moreno Gallegos n’a pas cédé aux tentatives d’extorsion des cartels, toutes les représailles viseraient les demandeurs, et non leurs parents.

[17] Selon les demandeurs, ils n’ont pas fait l’objet de représailles parce qu’ils sont au Canada. Toute conclusion défavorable reposant sur le fait que leurs parents n’ont pas subi de représailles est donc infondée et déraisonnable.

[18] La SAR a cité une preuve documentaire indépendante selon laquelle les personnes qui ne paient pas les montants exigés subiraient normalement des représailles. Par conséquent, il était loisible à la SAR de tirer à l’égard des demandeurs une conclusion défavorable reposant sur le fait que le père de Mme Moreno Gallegos n’a jamais subi de représailles, et ce, même s’il n’a pas cédé aux tentatives des cartels de lui extorquer de l’argent.

[19] La preuve documentaire sur laquelle s’est fondée la SAR indiquait également que les cartels avaient recours à des informateurs pour retrouver les personnes à qui ils voulaient causer du tort. La SAR a souligné que les Zetas n’avaient pas retrouvé ni menacé les demandeurs après 2011. Même si le Cartel du Golfe a continué à faire des appels téléphoniques menaçants au père de Mme Moreno Gallegos jusqu’en 2016, il n’a fait aucun effort pour rechercher activement les demandeurs pendant les six années qui se sont écoulées entre la première menace et leur départ pour le Canada.

[20] Selon le cartable national de documentation sur le Mexique, sur lequel s’est fondée la SAR, Mexico est la ville la plus densément peuplée en Amérique du Nord. En effet, la population dans la région métropolitaine est estimée à 21,5 millions d’habitants. En dépit de la preuve dont elle disposait, selon laquelle les agents de persécution ont les moyens de mener des activités à Mexico, la SAR a raisonnablement conclu que les demandeurs n’avaient pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, que les Zetas et le Cartel du Golfe avaient une motivation continue à les rechercher activement et à leur causer du tort à Mexico.

[21] La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune des parties n’a proposé de question à certifier aux fins d’un appel.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Simon Fothergill »

Juge

Traduction certifiée conforme

Julie Blain McIntosh

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3450-20

 

INTITULÉ :

JUAN JOSE CORTEZ LEOS, CATALINA MORENO GALLEGOS, EVELIN ELIZABETH CORTEZ MORENO ET TADEO ZAID CORTEZ MORENO c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE ENTRE VANCOUVER (COLOMBIE‑BRITANNIQUE) ET OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 1er mars 2021

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE FOTHERGILL

 

DATE DES MOTIFS :

Le 19 mars 2021

 

COMPARUTIONS :

Kay Scorer

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Boris Kozulin

 

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Scorer Law Corporation

Avocat

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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