Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20210315


Dossier : IMM‑4448‑19

Référence : 2021 CF 226

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 15 mars 2021

En présence de madame la juge Elliott

ENTRE :

YAN WANG

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La demanderesse conteste une décision rendue par un commissaire, qui a siégé seul, de la Section de l’immigration [la SI] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada. Dans la décision, datée du 28 juin 2019 [la décision], la SI a conclu que la demanderesse était interdite de territoire au Canada pour criminalité organisée aux termes de l’alinéa 37(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR]. Comme l’exige la législation à la suite d’une telle conclusion, la SI a pris une mesure d’expulsion contre la demanderesse.

[2] La demanderesse allègue que la SI a commis une erreur, car elle n’a pas correctement appliqué le critère appuyant sa conclusion de criminalité organisée au titre de l’alinéa 37(1)a) de la LIPR. La demanderesse demande à la Cour d’annuler la décision et de renvoyer l’affaire à la SI pour nouvelle décision, soit par un tribunal différent, soit par le même tribunal avec des instructions que la Cour estime appropriées.

[3] Pour les motifs qui suivent, la présente demande sera rejetée.

[4] Les principales dispositions législatives mentionnées dans les présentes y sont énoncées ou se trouvent dans l’annexe jointe.

II. Les faits contextuels pertinents

A. La demanderesse

[5] La demanderesse est une citoyenne de la République populaire de Chine qui est venue au Canada en tant qu’aide familiale. Elle est résidente permanente au Canada depuis le 19 octobre 2009.

[6] Entre juin 2010 et juin 2012, la demanderesse était employée par Xun « Sunny » Wang (Sunny), alors propriétaire de la société New Can Consultants Ltd. (New Can). New Can exerçait des activités de consultation en immigration.

[7] Sunny Wang et la demanderesse ne sont pas liés.

[8] Les tâches que New Can confiait à la demanderesse comprenaient ce qui suit :

  • § trouver des adresses pour recueillir les lettres de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) au nom de clients qui avaient demandé la résidence permanente par l’entremise de New Can;

  • § transmettre cette correspondance à New Can;

  • § assurer le transport des clients de New Can entre l’aéroport de Calgary et les bureaux de CIC;

  • § obtenir des numéros de téléphone dans le but allégué qu’ils soient utilisés par les employés de New Can.

B. New Can et Sunny Wang

[9] En 2015, Sunny a plaidé coupable à quinze infractions distinctes, y compris des infractions punissables par mise en accusation. Sunny a présenté un exposé conjoint des faits (l’ECF) préparé pour la procédure à son encontre devant la Cour provinciale de la Colombie‑Britannique. L’ECF fait partie du dossier dans le cadre de la présente demande.

[10] Bien qu’elle ne soit pas partie à l’ECF, la demanderesse y est nommée en qualité de personne ayant fourni six adresses et quatre numéros de téléphone à New Can, aux fins de recevoir du courrier et des appels téléphoniques au nom des clients de Sunny. Le dossier comportait également des copies de courriels entre Sunny et la demanderesse concernant le courrier reçu aux adresses, ainsi que les heures auxquelles les clients de New Can devaient être récupérés ou déposés à l’aéroport de Calgary. La demanderesse a soumis ses factures par courriel à Sunny. Ils ne se sont pas rencontrés en personne.

[11] Le 8 janvier 2018, un agent de l’ASFC a fait un rapport en vertu de l’article 44 de la LIPR, dans lequel il indiquait qu’il y avait des motifs raisonnables de croire que la demanderesse était une résidente permanente qui était interdite de territoire au Canada pour criminalité organisée aux termes de l’alinéa 37(1)a) de la LIPR.

III. L’enquête

[12] À l’audience du 8 mai 2019 tenue au titre de l’article 44, la SI disposait de l’ECF. De plus, la demanderesse, qui était représentée par un conseil, a déposé un affidavit auprès de la SI, a témoigné en personne et a été contre‑interrogée. La demanderesse a confirmé les dates auxquelles elle a travaillé pour New Can et a concédé que Sunny et New Can se livraient à des activités illégales de consultation en immigration à des fins lucratives, ainsi qu’à des fausses présentations, à la fabrication de faux documents et à la fraude. Toutes ces activités visaient à contourner les obligations prévues par la loi relativement à la résidence permanente et à la citoyenneté au Canada.

[13] Toutefois, la demanderesse a indiqué au tribunal qu’elle [traduction] « n’a[vait] pas maintenu la composante de la connaissance requise pour s’être livrée à des activités faisant partie d’un plan d’activités criminelles organisées par plusieurs personnes agissant de concert en vue de la perpétration d’une infraction ».

[14] Dans l’affidavit qu’elle a déposé dans cette affaire, la demanderesse déclare ce qui suit : [traduction] « Spécifiquement, j’ai informé le Tribunal que je ne savais pas du tout que mes actions faisaient partie d’un plan d’activités criminelles ni que New Can se livrait à un plan d’activités criminelles. »

[15] Le ministre a indiqué à la SI qu’il ne prétendait pas que la demanderesse faisait partie d’une organisation criminelle.

[16] Le ministre alléguait que la demanderesse s’était livrée à une activité qui faisait partie d’un plan d’activités criminelles organisées par Sunny et ses associés, en vue de la perpétration au Canada d’infractions, y compris de fausses présentations et de la fraude, qui sont des infractions punissables par mise en accusation aux termes de l’article 127 et de l’alinéa 128a) de la LIPR, ainsi que du paragraphe 380(1) du Code criminel, LRC 1985, c C‑46 [le Code].

IV. La décision

[17] Le 28 juin 2019, la SI a conclu qu’il y avait « des motifs raisonnables de croire que [la demanderesse] s’[était] livrée à des activités faisant partie d’un plan d’activités criminelles organisées par plusieurs personnes agissant de concert en vue de la perpétration d’une infraction à une loi fédérale punissable par mise en accusation. »

[18] Pour parvenir à cette conclusion, la SI a noté que la norme de preuve requise pour étayer une allégation visée par l’alinéa 37(1)a) était établie à l’article 33 de la LIPR comme étant des « motifs raisonnables de croire ». La SI a fait référence à l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Mugesera c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CSC 40 [Mugesera], afin de confirmer que la norme des motifs raisonnables de croire exigeait davantage qu’un simple soupçon, mais restait moins stricte que la prépondérance des probabilités applicable en matière civile. La SI a noté qu’il devait y avoir, pour la croyance, un fondement objectif reposant sur des renseignements convaincants et crédibles, et que la norme s’appliquait aux questions de fait.

[19] La demanderesse a confirmé à la SI qu’elle avait intercepté du courrier à différentes adresses, numérisé ces lettres et les avait envoyées à Sunny.

[20] Après avoir examiné divers détails concernant les activités de la demanderesse, dont il est question ci‑dessous, et ses interactions avec Sunny, la SI a conclu que les activités visaient toutes à tromper les responsables de l’immigration au sujet de la résidence des clients, de façon à ce qu’ils puissent acquérir ou conserver leur statut d’immigration sans, réellement, respecter les exigences. La SI a relevé que cela équivalait à de fausses présentations et à de la fraude, qui sont des infractions punissables par mise en accusation aux termes de la LIPR et du Code.

[21] La SI a observé que le stratagème frauduleux de Sunny exigeait la coordination des activités de divers employés de New Can, dans différentes villes, afin d’assurer que les bons documents étaient traités et que les clients se présentaient au bon moment — avec les bons renseignements — pour leurs entrevues aux bureaux de CIC.

[22] Selon la SI, ce plan d’activités a apporté à Sunny, et dans une moindre mesure à ses employés, comme la demanderesse, un gain financier important.

[23] La SI a déclaré qu’« [e]n ce qui concerne sa connaissance, ce qui [était] pertinent, ce n’[était] pas de savoir si elle était au courant de l’illégalité des activités de l’organisation (l’ignorance de la loi n’est pas une excuse), mais sa connaissance de l’existence de l’organisation et de son plan d’activités, connaissance qu’elle possédait en fait ». Comme il en sera question ci‑après, cette conclusion de fait est énergiquement contestée par la demanderesse.

[24] En ce qui concerne la connaissance que la demanderesse possédait, la SI a noté que son témoignage à l’audience « n’était pas tout à fait véridique » et qu’elle « a[vait] tenté de minimiser sa réelle implication dans le stratagème frauduleux de New Can ».

[25] Par exemple, le témoignage de la demanderesse selon lequel elle n’a jamais trouvé personne pour faire l’interprétation pour des clients était incompatible avec son affidavit signé dans lequel elle déclare ce qui suit : [traduction] « à quelques occasions, je trouvais un interprète pour le client s’il en avait besoin ».

[26] Dans un autre exemple, Sunny a donné à la demanderesse des instructions pour aider des clients qui arrivaient à Calgary, lui disant de les conduire à une adresse précise, qui, selon les observations de la SI, était probablement leur fausse adresse [traduction] « domiciliaire ». Sunny a également demandé à la demanderesse de donner au client le nom d’un centre commercial local bien connu, pour étayer le récit selon lequel le client avait ouvert une aire de restauration, et a mentionné que la fille du client avait déjà reçu des instructions.

[27] La SI a conclu que la demanderesse n’avait fourni aucune explication raisonnable concernant ces communications et avait déclaré ne pas savoir de quoi parlait Sunny. Elle a déclaré qu’elle pensait devoir faire ce qu’il lui avait demandé de faire, sans savoir que c’était frauduleux.

[28] La SI a remarqué que « [l]’explication la plus probable [était] que Mme Wang en savait plus sur le stratagème frauduleux qu’elle ne l’a[vait] admis ».

[29] À ce titre, la SI a conclu que la demanderesse était interdite de territoire au Canada aux termes de l’alinéa 37(1)a) de la LIPR pour s’être « livrée à des activités faisant partie d’un plan d’activités criminelles organisées par plusieurs personnes agissant de concert » et a pris une mesure d’expulsion à son encontre.

V. Les questions en litige

[30] La demanderesse identifie la question en litige comme étant de savoir si la SI a commis une erreur en la jugeant interdite de territoire pour cause de criminalité organisée.

[31] La demanderesse expose plusieurs façons dont la SI a commis une erreur :

  1. La SI a tiré des conclusions de fait déraisonnables en jugeant que la demanderesse se livrait à des activités qui faisaient partie d’un plan d’activités criminelles organisées par Sunny et ses associés.

  2. La SI n’a pas correctement apprécié la composante de la connaissance requise pour que la demanderesse soit visée par l’alinéa 37(1)a). La demanderesse affirme que, ce faisant, la SI n’a pas tenu compte d’un avis juridique analysant l’aveuglement volontaire et la connaissance en lien avec des infractions d’organisations criminelles.

  3. La SI a commis une erreur en distinguant la décision Saif c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 437 [Saif], de l’affaire de la demanderesse.

  4. La SI a commis une erreur en ne prenant pas sérieusement en compte le fait que la demanderesse n’avait jamais été inculpée ou interrogée, malgré une enquête approfondie sur le complexe stratagème de fraude.

[32] Le défendeur déclare que la question en litige est de savoir si la décision est raisonnable et il reconnaît que les différents points soulevés par la demanderesse aideront à statuer sur cette question.

VI. La norme de contrôle

[33] Les documents écrits de la demanderesse indiquent que la norme de contrôle applicable pour toutes les questions, à l’exception de l’appréciation de la composante de la connaissance visée par l’alinéa 37(1)a), est la décision raisonnable, mais elle soutient que la composante de la connaissance est assujettie à la norme de la décision correcte, parce qu’en ne l’appréciant pas, la SI a commis une erreur de droit.

[34] Les documents écrits ont été déposés avant que la Cour suprême du Canada ne publie son arrêt dans l’affaire Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], où elle a examiné de façon approfondie le droit applicable au contrôle judiciaire des décisions administratives. La Cour suprême a confirmé que la norme de la décision raisonnable était la norme de contrôle présumée à l’égard des décisions administratives, sous réserve de certaines exceptions, dont aucune ne s’applique aux faits de la présente affaire : Vavilov, au para 23.

[35] Avant même Vavilov, la norme de contrôle d’un organe administratif qui examine sa loi habilitante, en l’occurrence la LIPR, était, par présomption, la décision raisonnable : Vavilov, au para 7, citant Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61.

[36] La Cour suprême a déclaré très clairement que, lorsqu’une cour applique la norme de la décision raisonnable dans un contrôle judiciaire, elle doit s’abstenir de trancher à nouveau la question en litige. La cour doit examiner seulement la question de savoir si la décision, y compris le raisonnement suivi et le résultat obtenu, est déraisonnable : Vavilov, au para 83.

[37] Les conditions essentielles d’une décision raisonnable ont été reformulées de la façon suivante : la décision doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle qui est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti. Il est important de noter que la norme de la décision raisonnable exige d’une cour de révision qu’elle fasse preuve de retenue envers une telle décision : Vavilov, au para 85.

[38] Il est important de noter que la Cour suprême nous a rappelé qu’une cour de révision doit se souvenir que les motifs écrits fournis par un organisme administratif ne doivent pas être jugés au regard d’une norme de perfection. Si les motifs de la décision ne font pas référence à tous les arguments, dispositions législatives, précédents ou autres détails que le juge siégeant en révision aurait voulu y lire, cela, en soi, ne constitue pas un fondement justifiant d’infirmer la décision. Le contrôle effectué par la cour de révision ne doit pas être dissocié du cadre institutionnel dans lequel la décision a été rendue ni de l’historique de l’instance : Vavilov, au para 91.

[39] Après avoir examiné l’arrêt Vavilov et avoir pris note du fait que de décider si les activités de la demanderesse la placent sous l’alinéa 37(1)a) de la LIPR nécessite des conclusions de fait ainsi que des conclusions mixtes de fait et de droit, la Cour conclut que le caractère raisonnable est la norme de contrôle de la décision.

VII. La SI a tiré des conclusions de fait raisonnables sur les activités de la demanderesse

A. Le raisonnement de la SI

[40] La SI a conclu que la demanderesse connaissait le contenu essentiel et l’objet des lettres de CIC qu’elle interceptait, numérisait et transmettait à Sunny.

[41] La SI a également conclu que la demanderesse savait que les clients dont les lettres étaient interceptées ne résidaient pas réellement à leur adresse canadienne supposée. Ces conclusions sont étayées par l’exposé conjoint des faits de Sunny et les copies des courriels envoyés par la demanderesse à Sunny qui désignaient des clients spécifiques et les types de correspondance de CIC qui avaient été reçus.

[42] La SI a conclu que la demanderesse ne pouvait pas prétendre de façon crédible qu’elle ignorait l’importance des communications de CIC ou de l’utilisation de fausses adresses, parce qu’elle était une résidente permanente soumise aux mêmes exigences de résidence que les clients de New Can.

B. L’article 33 de la LIPR

[43] Lors de l’appréciation de son interdiction de territoire, la connaissance de la demanderesse est un fait sur lequel la SI doit statuer, conformément aux dispositions de l’article 33 de la LIPR :

Interprétation

Rules of interpretation

33 Les faits — actes ou omissions — mentionnés aux articles 34 à 37 sont, sauf disposition contraire, appréciés sur la base de motifs raisonnables de croire qu’ils sont survenus, surviennent ou peuvent survenir.

(Non souligné dans l’original)

33 The facts that constitute inadmissibility under sections 34 to 37 include facts arising from omissions and, unless otherwise provided, include facts for which there are reasonable grounds to believe that they have occurred, are occurring or may occur.

(My emphasis)

[44] Les paramètres du critère des « motifs raisonnables de croire » ont été examinés à maintes reprises.

[45] Dans l’arrêt Mugesera, la Cour suprême du Canada a indiqué que le critère des motifs raisonnables était plus qu’un simple soupçon, mais moins strict que la prépondérance des probabilités. Il est possible de conclure que des motifs raisonnables existent si la croyance possède « un fondement objectif reposant sur des renseignements concluants et dignes de foi ». Les motifs raisonnables de croire ne s’appliquent qu’aux questions de fait : Mugesera, aux para 114, 116.

C. Analyse

[46] Selon la demanderesse, il était inapproprié pour la SI d’inférer qu’elle avait connaissance des activités criminelles de New Can sur la base de sa connaissance que personne ne vivait aux adresses qu’elle fournissait à Sunny. Elle soutient qu’elle n’était qu’un pion, qu’elle ne savait pas que ses actions étaient illégales ou que New Can était une organisation criminelle, et qu’elle a simplement suivi les instructions de Sunny, parce qu’il lui avait dit qu’il était avocat et elle lui faisait confiance. Par conséquent, elle affirme ne pas être coupable d’être membre d’une organisation criminelle.

[47] Toutefois, comme l’a fait remarquer la SI, l’alinéa 37(1)a) de la LIPR ne requiert pas l’adhésion à une organisation. Une personne sera aussi déclarée interdite de territoire lorsqu’il y aura des motifs raisonnables de croire qu’elle s’est livrée à des activités faisant partie d’un plan d’activités criminelles organisées par plusieurs personnes agissant de concert en vue de la perpétration d’une infraction : Canada (Citoyenneté et immigration) c Tran, 2016 CF 760 au para 21.

[48] La SI a conclu que la preuve avait montré que la participation de la demanderesse au stratagème de New Can impliquait plus que la simple tâche d’obtenir des adresses. La demanderesse a fourni plusieurs numéros de téléphone en plus des adresses qui étaient présentées comme appartenant aux clients de New Can. Elle était responsable du transport des clients entre l’aéroport de Calgary et les bureaux de CIC. La demanderesse a également récupéré le courrier aux adresses qu’elle avait fournies, l’a ouvert et a résumé le contenu des lettres de CIC. Elle a ensuite communiqué leur contenu à Sunny.

[49] La SI a fait observer que la demanderesse connaissait l’existence de l’organisation de Sunny, puisqu’elle l’avait utilisée pour ses propres démarches d’immigration. Elle savait également qu’il y avait d’autres employés, car les courriels qu’elle a reçus y faisaient référence. D’après le courrier qu’elle a récupéré pour Sunny à partir des adresses qu’elle avait fournies, elle savait que les adresses avaient été présentées à CIC comme étant la résidence des clients de Sunny. Elle savait que les clients ne vivaient pas à ces adresses, car, par exemple, l’une d’elles était sa propre adresse et une autre était celle de l’agence de voyages où elle travaillait.

[50] Des échanges de courriels ont également donné à entendre que la demanderesse en savait plus qu’elle ne l’avait admis. Dans une chaîne de courriels mentionnée dans la décision, Sunny a indiqué que la demanderesse était [traduction] « au courant des modifications en vigueur de la politique sur les cartes de résident permanent ». D’autres courriels donnaient des instructions à la demanderesse : conduire les clients, donner au client le nom d’un centre commercial local bien connu, pour étayer le récit de Sunny selon lequel le client avait ouvert une aire de restauration, ou prêter son téléphone cellulaire aux clients afin qu’ils aient un numéro local si les responsables de CIC voulaient qu’il fasse un appel téléphonique. Toutes ces actions s’inscrivaient dans la poursuite des activités criminelles de New Can.

[51] Compte tenu de la preuve présentée dans l’ECF, en particulier des copies des courriels entre la demanderesse et Sunny, des factures de la demanderesse à Sunny et des déclarations faites par Sunny concernant les activités de la demanderesse, il était raisonnable pour la SI de conclure qu’elle était au courant de plusieurs aspects différents de la conduite frauduleuse de New Can ou qu’elle y participait. La SI avait des motifs raisonnables de croire qu’il était peu probable que la demanderesse ne soit pas au courant de la nature des services de New Can.

VIII. La SI a correctement apprécié la composante de la connaissance requise de la demanderesse

[52] Quant à la connaissance de la demanderesse, la SI a déclaré que « ce qui [était] pertinent, ce n’[était] pas de savoir si elle était au courant de l’illégalité des activités de l’organisation (l’ignorance de la loi n’est pas une excuse), mais sa connaissance de l’existence de l’organisation et de son plan d’activités, connaissance qu’elle possédait en fait. »

[53] La demanderesse s’oppose énergiquement à cela. Elle fait valoir que, pour qu’il soit conclu à sa responsabilité criminelle, elle devait avoir une connaissance réelle de l’illégalité des activités de New Can. Elle déclare que la connaissance réelle est un élément essentiel pour tirer une conclusion de criminalité organisée.

[54] La demanderesse soutient que la SI [traduction] « a vidé le principe de l’intention coupable qui concerne la criminalité organisée et la partie de la Loi sur l’interdiction de territoire ».

[55] À l’appui de sa position devant la SI, la demanderesse a invoqué l’avis écrit d’une autorité juridique de premier plan. La demanderesse affirme que la SI n’a pas tenu compte de l’avis juridique.

[56] Cet avis analyse les exigences relatives à la connaissance pour les infractions d’organisation criminelle au Canada. L’avis analyse l’aveuglement volontaire et la manière dont il diffère de la connaissance par imputation. Il indique que la Couronne supporte un lourd fardeau, car l’intention coupable [traduction] « est strictement appliquée dans le cadre des poursuites pour les infractions d’organisation criminelle ».

[57] L’avis ne prétend pas aborder les faits de l’affaire de la demanderesse ou le degré de connaissance requis au titre des articles 33 et 37 de la LIPR. Il se réfère strictement à la jurisprudence en matière pénale et au Code.

[58] La question de savoir si la définition d’« organisation criminelle » qui figure dans le Code et la jurisprudence associée s’appliquent à l’alinéa 37(1)a) a été résolue par l’arrêt de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Sittampalam c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CAF 326 [Sittampalam] au para 40 :

[40] En ce qui concerne l’argument de l’appelant selon lequel il faut se servir de la jurisprudence en matière pénale et des instruments internationaux pour savoir ce qu’est une « organisation » criminelle, je n’y souscris pas. Ces documents peuvent servir d’outils d’interprétation, mais ils ne sont pas directement applicables en matière d’immigration. Le législateur a délibérément choisi de ne pas adopter la définition d’« organisation criminelle » qui figure au paragraphe 467.1(1) [édicté par L.C. 1997, ch. 23, art. 11; 2001, ch. 32, art. 27] du Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C‑46. Il n’a pas non plus adopté la définition de « groupe criminel organisé » de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée [novembre 2000, Rés. AG 55/25] (la Convention). Le libellé de l’alinéa 37(1)a) est différent parce que son objet est différent.

[Non souligné dans l’original.]

[59] La demanderesse s’appuie sur le paragraphe 42 de l’arrêt B010 c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 58 [B010], pour dire que les dispositions de la LIPR (criminalité organisée) et du Code (organisation criminelle) doivent être interprétées de la même manière en termes de définitions et de principes juridiques. Le paragraphe 42 se lit ainsi :

[42] Bien que les expressions « criminalité organisée » et « organisation criminelle » ne soient pas identiques, elles sont logiquement et linguistiquement liées et, en l’absence de facteurs qui font contrepoids, elles devraient recevoir une interprétation concordante.

[60] S’appuyant sur ce paragraphe, la demanderesse déclare que [traduction] « l’intention coupable est un élément incontournable à prendre en considération lorsqu’on apprécie la criminalité organisée », et elle va plus loin en disant que [traduction] « lorsqu’on apprécie une partie quelconque de l’article 37, il est essentiel d’apprécier ce que la personne connaît de la criminalité organisée ».

[61] En d’autres termes, la demanderesse soutient qu’il faudrait suivre B010 plutôt que Sittampalam.

[62] Le juge Russell a abordé ce même argument dans Chen c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2018 CF 13 [Chen]. Je suis d’accord avec ses remarques suivantes et je les adopte :

[42] La demanderesse fait valoir que l’arrêt B010 de la Cour suprême du Canada marque un changement dans l’état du droit applicable à l’alinéa 37(1)a) de la LIPR. Dans l’arrêt Sittampalam c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CAF 326, au paragraphe 40 [Sittampalam], la Cour d’appel fédérale a conclu que les textes internationaux et la jurisprudence en matière pénale ne s’appliquaient pas à l’interprétation du terme « organisation » à l’alinéa 37(1)a) de la LIPR. S’agissant du contexte de l’immigration, la Cour a conclu que l’intention de la LIPR commandait une définition libérale et sans restriction de ce terme. La demanderesse soutient que la Cour a conclu dans l’arrêt B010 que l’alinéa 37(1)b) devait être interprété en concordance avec le Code criminel et la CNUCTO puisque les dispositions portent sur la criminalité transnationale. Cette interprétation de l’alinéa 37(1)a) est bien établie en droit et l’appartenance à une organisation criminelle [traduction] « devrait désormais être établie en fonction des normes du droit pénal ». Or, son appartenance à une organisation criminelle n’a pas été établie, peu importe la norme invoquée.

[…]

[54] Le défendeur avance que si jamais elle décide d’examiner les arguments de la demanderesse au sujet de l’application de l’arrêt B010 à l’interprétation de l’alinéa 37(1)a), il serait inapproprié pour la Cour d’adhérer à l’interprétation étroite et formaliste que la demanderesse propose. Au paragraphe 36 de l’arrêt Sittampalam, précité, la Cour d’appel fédérale a jugé que le terme « organisation » employé à l’alinéa 37(1)a) devrait recevoir une interprétation « libérale, sans restriction aucune », pour respecter l’intention de la LIPR de « donner la priorité à la sécurité des Canadiens ». La Cour fait observer que le législateur n’a pas adopté la définition d’organisation criminelle qui figure au Code criminel dans l’alinéa 37(1)a) de la LIPR (Sittampalam, précité, au paragraphe 40). Le défendeur mentionne qu’à l’article 121.1 de la LIPR, le législateur adopte la définition du Code criminel pour d’autres dispositions. En l’occurrence, le défendeur soutient que si la Cour suprême du Canada avait voulu infirmer l’arrêt Sittampalam et introduire un changement dans le sens à donner à l’alinéa 37(1)a) dans une décision relative à l’alinéa 37(1)b), elle l’aurait formulé expressément. Il s’ensuit que l’arrêt Sittampalam reste valable et que l’interprétation de la demanderesse doit être rejetée.

[…]

[85] Je conviens avec le défendeur que les observations de la demanderesse concernant l’application de l’arrêt B010 de la Cour suprême du Canada, précité, ne s’appliquent pas aux faits de l’espèce.

[86] Dans l’arrêt B010, la Cour suprême se prononce sur l’application de l’alinéa 37(1)b) de la LIPR et l’interprétation de l’expression « criminalité transnationale organisée ».

[63] Selon la jurisprudence de la Cour, le degré d’intention coupable requis au titre de l’alinéa 37(1)a) n’est pas que la demanderesse ait une connaissance réelle des activités criminelles, mais qu’elle ait une connaissance de la nature criminelle de l’organisation : Chung c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 16 [Chung] au para 84 :

[84] L’alinéa 37(1)a), quant à lui, exige uniquement que l’intéressé membre d’une organisation criminelle ait connaissance de la nature criminelle de l’organisation. Voir Stables, précité, au paragraphe 37. Rien dans l’arrêt Ezokola ne permet de penser qu’en s’exprimant ainsi, la Cour suprême visait aussi l’alinéa 37(1)a) de la Loi ou voulait modifier le principe juridique circonscrit et appliqué dans cette affaire. Le demandeur soutient que l’arrêt Ezokola devrait être appliqué en l’espèce, mais je ne puis me rallier à son argument d’équivalence entre l’article IFa) de la Convention relative aux réfugiés et l’alinéa 37(1)a) de la Loi, parce que le libellé des deux dispositions est différent et qu’il ressort clairement que les exigences relatives à la connaissance ne sont pas les mêmes.

[85] En l’espèce, la SI s’est fondée sur la jurisprudence applicable à l’alinéa 37(1)a), et rien dans l’arrêt Ezokola ne permet selon moi de conclure que cette démarche est erronée ou déraisonnable.

[Souligné dans l’original.]

[64] Je note que la décision Chung a été suivie par monsieur le juge de Montigny, à l’époque membre de la Cour, dans Bruzzese c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2014 CF 230 [Bruzzese] au para 53.

[65] La référence, dans la décision Chung, à l’arrêt Ezokola c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CSC 40 [Ezokola], répond également à une autre des observations de la demanderesse, selon laquelle, dans Ezokola, la Cour suprême du Canada a établi une ligne de démarcation entre la seule association et la complicité coupable. La demanderesse soutient que la seule association ne suffit pas et que, sans intention coupable, elle se livrait simplement à des activités pour le compte de New Can et n’était pas coupable de complicité.

[66] Les décisions Chung et Bruzzese répondent chacune à cet argument, notant que l’arrêt Ezokola a apprécié l’alinéa b) de la section F de l’article premier de la Convention des Nations unies relative au statut des réfugiés, et non l’alinéa 37(1)(a) de la LIPR, et que « le libellé des deux dispositions est différent et qu’il ressort clairement que les exigences relatives à la connaissance ne sont pas les mêmes » : Bruzzese, au para 53, citant Chung, au para 84.

[67] J’ai déjà décidé que la SI avait raisonnablement conclu que la demanderesse avait connaissance de la nature criminelle de l’organisation New Can, sur la base de la preuve dont disposait le tribunal.

[68] Compte tenu des dispositions de l’article 33 de la LIPR et de la jurisprudence précitée, je conclus que la connaissance réelle par la demanderesse de la nature et des activités criminelles de New Can n’était pas requise. Par conséquent, il était raisonnable que la SI ne suive pas l’avis juridique que la demanderesse a fourni et qui ne concernait que le Code criminel.

IX. La SI n’a pas commis d’erreur en distinguant la décision Saif de la présente affaire

[69] La demanderesse reproche à la SI la façon dont elle a distingué la décision Saif de la présente affaire.

[70] La demanderesse confirme que la SI n’avait pas une compréhension erronée de la décision dans Saif. Elle soutient que l’erreur susceptible de contrôle était que la SI n’a pas considéré que M. Saif possédait une connaissance réelle de l’activité criminelle dans laquelle il était engagé, alors que la demanderesse n’avait aucune connaissance de la fraude perpétrée par Sunny.

[71] La SI a distingué Saif sur les faits. Bien que les deux affaires impliquaient de fournir des adresses de complaisance et d’autres documents pour établir frauduleusement une résidence canadienne pour les clients, la SI a noté que, dans Saif, l’existence d’une organisation criminelle n’avait pas été établie.

[72] La SI a effectivement conclu qu’il y avait une organisation criminelle dans l’affaire de la demanderesse, sur la base des documents falsifiés, des interactions avec les clients et du fait que les infractions de fausse présentation et de fraude étaient des infractions punissables par mise en accusation. En termes de structure, la SI a conclu que le stratagème de New Can exigeait la coordination des activités de divers employés, dans différentes villes, afin de s’assurer que les bons documents étaient traités et que les clients se présentaient au bon moment — et avec les bons renseignements — pour leurs entrevues aux bureaux de CIC. Sunny et ses employés, y compris la demanderesse, ont ainsi retiré un gain financier.

[73] Je ne répéterai pas ici ma précédente analyse et mes commentaires sur l’état des connaissances que possédait la demanderesse concernant les activités criminelles de l’organisation New Can, si ce n’est pour dire qu’il n’était pas nécessaire que la SI répète sa conclusion selon laquelle la demanderesse possédait effectivement de telles connaissances.

[74] Pour les raisons qui précèdent, je conclus que la SI n’a pas commis d’erreur en distinguant la décision Saif de la présente affaire.

X. La SI n’a pas commis d’erreur dans son examen de l’absence d’accusations contre la demanderesse

[75] La demanderesse dit qu’elle n’a fait aucune admission, n’a pas été inculpée et n’a même pas été interrogée par les autorités, malgré une enquête approfondie sur le complexe stratagème de fraude mené par Sunny par l’entremise de New Can.

[76] La SI a fait remarquer que les enquêtes et les poursuites en matière criminelle avaient des objectifs distincts, des normes de preuve distinctes, des règles de preuve distinctes et des règles de procédure distinctes. Le tribunal a conclu que l’absence d’accusations criminelles contre la demanderesse ne permettait pas de déterminer si elle était ou non interdite de territoire au Canada.

[77] Cette conclusion par la SI est conforme à la jurisprudence de la Cour. Dans Toor c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2018 CF 68 [Toor], une administration étrangère n’avait pas porté d’accusations d’organisation criminelle contre les personnes impliquées dans une infraction. L’un des motifs invoqués par M. Toor pour contester la décision de la SI qui l’avait déclaré interdit de territoire au Canada aux termes de l’alinéa 37(1)a) était « qu’aucun décideur agissant raisonnablement n’aurait pu conclure que les éléments de preuve permettaient d’établir qu’il s’était livré à une activité faisant partie d’un plan d’activités criminelles organisées par plusieurs personnes agissant de concert en vue de la perpétration d’une infraction désignée ». Selon lui, la SI a commis une erreur en ne tenant pas compte du fait que M. Toor et les 19 autres parties impliquées n’étaient pas poursuivis en Californie au titre des dispositions sur le crime organisé en vigueur.

[78] M. Toor a fait valoir que l’absence de poursuites était pertinente pour l’application de l’alinéa 37(1)a), mais la SI n’en avait fait aucune mention.

[79] Le juge Barnes a conclu que « [c]’est la nature de la conduite qui est pertinente aux fins de l’immigration canadienne et non la façon dont elle a été traitée ou poursuivie dans l’administration étrangère. En effet, même dans une situation où aucune poursuite n’a été entreprise, une conclusion d’interdiction de territoire peut toujours être rendue au Canada » : Toor, au para 15.

[80] Dans Castelly c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2008 CF 788 [Castelly], le juge Martineau a conclu que l’appartenance à un groupe du crime organisé, aux termes de l’alinéa 37(1)a) de la LIPR, ne nécessitait pas l’existence d’accusations criminelles ou d’une déclaration de culpabilité.

[81] Voir aussi Odosashvili c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 958 [Odosashvili], Lai c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2014 CF 258, et M’Bosso c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 302.

[82] Pour les raisons qui précèdent, je conclus que la SI n’a pas commis d’erreur dans son examen de l’absence d’accusations contre la demanderesse.

XI. Conclusion

[83] Il est important de se rappeler que la SI est particulièrement bien placée pour apprécier la crédibilité de la preuve qui lui est présentée dans le cadre d’une enquête. Le tribunal tire des décisions de fait ainsi que des conclusions mixtes de fait et de droit qui relèvent de son expertise et ont droit à un haut niveau de retenue de la part de la Cour : Sittampalam, au para 53.

[84] Mon examen du dossier sous‑jacent qui comprenait l’exposé conjoint des faits, la transcription de l’audience, y compris les observations orales et la preuve figurant dans les documents de communication de chaque partie confirme ma conclusion selon laquelle la décision est raisonnable dans le cadre énoncé dans l’arrêt Vavilov décrit ci‑dessus.

XII. Une note finale

[85] La demanderesse a fait valoir devant la SI que le ministre n’avait aucune preuve avec laquelle obtenir une déclaration de culpabilité au criminel, de sorte qu’il a choisi la voie facile d’engager la procédure sous le régime de la LIPR. Devant la Cour, la demanderesse demande que la décision soit annulée, [traduction] « [parce qu’]elle crée un dangereux précédent par lequel le défendeur ne pouvait pas prendre la porte d’entrée principale et a donc essayé de passer par la porte de derrière, en raison du fait qu’il n’y avait aucune preuve concrète ».

[86] En effet, c’est le même argument qui a été avancé dans l’affaire Odosashvili lorsqu’il a été soutenu que [traduction] « le processus d’immigration ne devrait pas être utilisé comme un moyen alternatif d’expulser une personne comme c’est le cas dans l’espèce » : au para 82.

[87] Au risque de me répéter, je comprends effectivement ce point et j’éprouve une certaine sympathie à son égard. Cependant, il va à l’encontre de ce que la Cour suprême du Canada a jugé être l’interprétation appropriée des articles 33 et 37 de la LIPR, selon ce qui est établi dans l’arrêt B010, et par la Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Sittampalam.

[88] Dans l’article 33 et l’alinéa 37(1)a) de la LIPR, le législateur a déclaré que le processus d’immigration permet de renvoyer une personne en utilisant une norme d’enquête beaucoup moins exigeante en matière de criminalité organisée (des « motifs raisonnables de croire »), alors que le recours à une déclaration de culpabilité au criminel nécessiterait une preuve hors de tout doute raisonnable. Il n’appartient pas à la demanderesse, à la SI, ni à la Cour de décider du contraire.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑4366‑19

LA COUR STATUE :

  1. La demande est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question grave de portée générale à certifier.

  3. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« E. Susan Elliott »

Juge

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche


ANNEXE

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27.

Activités de criminalité organisée

Organized criminality

37 (1) Emportent interdiction de territoire pour criminalité organisée les faits suivants :

37 (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible on grounds of organized criminality for

a) être membre d’une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle se livre ou s’est livrée à des activités faisant partie d’un plan d’activités criminelles organisées par plusieurs personnes agissant de concert en vue de la perpétration d’une infraction à une loi fédérale punissable par mise en accusation ou de la perpétration, hors du Canada, d’une infraction qui, commise au Canada, constituerait une telle infraction, ou se livrer à des activités faisant partie d’un tel plan;

(a) being a member of an organization that is believed on reasonable grounds to be or to have been engaged in activity that is part of a pattern of criminal activity planned and organized by a number of persons acting in concert in furtherance of the commission of an offence punishable under an Act of Parliament by way of indictment, or in furtherance of the commission of an offence outside Canada that, if committed in Canada, would constitute such an offence, or engaging in activity that is part of such a pattern; or

b) se livrer, dans le cadre de la criminalité transnationale, à des activités telles le passage de clandestins, le trafic de personnes ou le recyclage des produits de la criminalité.

(b) engaging, in the context of transnational crime, in activities such as people smuggling, trafficking in persons or laundering of money or other proceeds of crime.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑4448‑19

 

INTITULÉ :

YAN WANG c. LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Tenue par vidéoconférence entre Ottawa (Ontario) ET Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 16 septembre 2020

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

La juge ELLIOTT

 

DATE DU JUGEMENT

ET DES MOTIFS :

Le 15 mars 2021

 

COMPARUTIONS :

Bjorn Harsanyi

 

Pour la demanderesse

 

David Shiroky

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Stewart Sharma Harsanyi

Avocats

Calgary (Alberta)

 

Pour la demanderesse

 

Procureur général du Canada

Edmonton (Alberta)

 

Pour le défendeur

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.