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Date : 20210316


Dossier : T-530-20

Référence : 2021 CF 223

Ottawa (Ontario), le 16 mars 2021

En présence de madame la juge St-Louis

ENTRE :

JEFFSON JUNIOR CELESTIN

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Introduction

[1] M. Jeffson Junior Célestin demande le contrôle judiciaire de la décision rendue le 24 février 2020 par la Conseillère principale en matière de programme, Direction des recours, « pour le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile du Canada » [la Déléguée du ministre]. La Déléguée du ministre a alors rejeté la demande de révision ministérielle que M. Célestin a logée à l’encontre de la mesure d’exécution et de la saisie prises sous l’égide de la Loi sur les douanes (LRC 1985, c 1 (2e supp)).

[2] Pour les motifs exposés ci-après, la Cour doit conclure qu’elle n’a pas compétence pour entendre la demande de contrôle judiciaire de M. Célestin, laquelle sera conséquemment rejetée.

II. Contexte

[3] Le 7 août 2019, M. Célestin, citoyen canadien, entre au Canada en voiture par le poste frontière terrestre de Lansdowne en Ontario, accompagné d’un ami, citoyen américain.

[4] M. Célestin confirme à un agent de l’Agence des services frontaliers du Canada [l’ASFC] n’avoir rien à déclarer, outre deux bouteilles de vin, et il est référé à l’aire secondaire pour une vérification de sa déclaration. Un agent trouve des médicaments sur ordonnance en provenance des États-Unis dans la voiture, soit 15 comprimés de Cyclobenzaprine et 21 comprimés d’Amitriptyline. Le nom sur l’emballage ne correspond pas à celui des occupants de la voiture. M. Célestin explique alors que les médicaments appartiennent à son amie, laquelle utilise parfois la voiture et les y a oubliés. M. Célestin indique qu’il ignorait que ces médicaments sur ordonnance se trouvaient dans sa voiture. Les agents de l’ASFC saisissent les marchandises, ici les médicaments sur ordonnance, en vertu de l’article 110 de la Loi sur les douanes.

[5] Dans leurs rapports, les agents de l’ASFC ne citent pas de loi, et un des rapports réfère aux médicaments sur ordonnance trouvés dans la voiture. Le reçu pour saisie remis à M. Célestin confirme que les marchandises sont saisies parce qu’elles ont été illégalement importées en raison de défaut de déclaration selon l’article 12 de la Loi sur les douanes.

[6] Le 7 octobre 2019, M. Célestin demande la révision ministérielle (appel) de la décision des agents de l’ASFC au poste frontière terrestre. Dans la lettre qu’il adresse aux autorités, M. Célestin indique (1) ne pas avoir aimé le traitement qu’il a subi à la frontière, puisque les agents l’y ont traité comme un animal, l’ont fait attendre près de 8 heures et lui ont refusé plusieurs fois d’utiliser la toilette; (2) écrire la lettre parce que l’agent de l’ASFC a dit avoir inscrit dans son dossier qu’il rentrait au Canada avec des drogues non déclarées; (3) que son amie utilisait aussi la voiture et que les médicaments, prescrits par un médecin, appartiennent à cette amie; (4) qu’il ignorait que les médicaments se trouvaient dans la voiture; (5) n’avoir jamais eu de problèmes avec les autorités, alors que l’inscription restera dans son dossier pour 5 ans; et (6) qu’un affidavit est joint à sa lettre. M. Célestin joint alors à sa lettre un document d’assurance consignant le nom de son amie à titre de conductrice de sa voiture, un affidavit de son amie qui confirme essentiellement que les médicaments lui appartenaient et que M. Célestin ignorait qu’ils se trouvaient dans la voiture, une copie du permis de conduire de son amie et une copie du reçu pour saisie.

[7] Le 21 novembre 2019, l’Agent principal des appels, au nom du président de l’ASFC, transmet à M. Célestin l’Avis des motifs d’exécution requis par l’article 130 de la Loi sur les douanes. L’Agent principal confirme alors avoir accepté la lettre de M. Célestin pour une demande de révision ministérielle (appel) et il résume la preuve au dossier et les dispositions législatives en jeu. L’Agent principal joint à l’Avis une copie des éléments de preuve au dossier, incluant une copie du rapport ainsi que les notes de l’agent à la frontière ayant trait à la mesure d’exécution du 9 août 2019. L’Agent principal confirme que les marchandises sont saisies parce qu’elles ont été illégalement importées en raison de défaut de déclaration selon l’article 12 de la Loi sur les douanes.

[8] L’Agent principal cite alors erronément la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, LC 1996, ch 19 plutôt que la Loi sur les aliments et drogues, LRC 1985, ch F-27, qui énumère les deux médicaments précités, dont l’importation est contrôlée selon le Règlement sur les aliments et drogues, CRC, ch 870.

[9] L’Agent principal offre à M. Célestin l’opportunité de fournir toute information ou documentation supplémentaires dans un délai de 30 jours. M. Célestin ne répond pas à cette invitation et ne transmet aucun document additionnel.

[10] L’Agent principal souligne aussi à M. Célestin que la Division des appels de la Direction des recours est responsable seulement de l’examen de la mesure d’exécution. Ainsi, et puisque l’appel de M. Célestin semble comprendre une plainte liée au service qu’il a reçu à la frontière, l’Agent principal confirme avoir envoyé une copie de l’appel au secteur approprié au sein de l’ASFC pour examen.

[11] Le 24 février 2020, la Déléguée du ministre tranche la demande de révision de M. Célestin. La Déléguée du ministre reprend les faits et énonce les dispositions législatives pertinentes. Elle réfère particulièrement à l’article 12 de la Loi sur les douanes, qui prévoit que toutes les marchandises importées au Canada doivent être déclarées conformément aux règlements, et à l’article 110 de la Loi sur les douanes, qui prévoit que l’agent peut saisir la marchandise s’il croit pour des motifs raisonnables qu’il y a eu une infraction à la Loi sur les douanes ou à ses règlements.

[12] Ultimement, la Déléguée du ministre décide alors (1) qu’en vertu de l’article 131 de la Loi sur les douanes, il y a eu infraction à la Loi sur les douanes ou à ses règlements à l’égard des marchandises qui ont été saisies, à savoir 15 comprimés de Cyclobenzaprine et 21 comprimés d’Amitriptyline; et (2) qu’en vertu de l’article 133 de la Loi sur les douanes, la marchandise saisie est retenue à titre de confiscation.

[13] En clôture de sa décision, la Déléguée du ministre indique à M. Célestin les deux recours possibles devant la Cour fédérale, soit (1) une action s’il conteste la décision rendue en vertu de l’article 131 de la Loi sur les douanes (infraction sous l’article 12 de la Loi sur les Douanes); ou (2) une demande de contrôle judiciaire s’il conteste la décision rendue en vertu l’article 133 de la Loi sur les douanes (la saisie des médicaments selon l’article 110 de la Loi sur les douanes).

[14] La Déléguée du ministre cite elle aussi erronément la Loi réglementant certaines drogues et autres substances plutôt que la Loi sur les aliments et drogues, qui énumère les deux médicaments précités, dont l’importation est contrôlée selon le Règlement sur les aliments et drogues. Le demandeur a soulevé, tardivement, que cette erreur viciait de façon fatale la décision de la Déléguée du ministre et tout le processus préalable. Cependant, la Cour n’a pas été convaincue que cette erreur de nomenclature est fatale, et constate qu’il n’est pas en jeu que le demandeur a contrevenu à l’article 12 de la Loi sur les douanes.

[15] Le 7 mai 2020, M. Célestin dépose sa demande de contrôle judiciaire.

[16] Devant la Cour, M. Célestin dépose notamment un affidavit et des documents additionnels, documents qui ne se trouvent pas dans le Dossier certifié du tribunal [DCT] et dont certains portent une date postérieure à la date de la décision de la Déléguée du ministre. M. Célestin n’a pas convaincu la Cour qu’il s’agit de documents manquants dans le DCT ou, encore, que les conditions sont rencontrées afin de permettre le dépôt de documents qui n’étaient pas devant le décideur. La Cour ne les considérera donc pas.

III. Compétence de la Cour

[17] Il convient d’examiner d’abord, tel que le soulève le défendeur, si la Cour a ou non compétence pour entendre la demande de contrôle judiciaire de M. Célestin.

[18] En effet, il est loisible au demandeur de contester par voie de demande de contrôle judiciaire la décision rendue en vertu l’article 133 de la Loi sur les douanes, c’est à dire, celle en lien avec la saisie des médicaments selon l’article 110 de la Loi sur les douanes.

[19] Cependant, il n’est pas loisible au demandeur de contester par voie de demande de contrôle judiciaire la décision rendue en vertu de l’article 131 de la Loi sur les douanes, celle confirmant l’infraction prévue à l’article 12 de la Loi sur les douanes pour omission de déclarer les médicaments ensuite trouvés dans sa voiture. Le paragraphe 131(3) de la Loi sur les douanes prévoit que les décisions rendues en vertu de l’article 131 ne sont susceptibles d’appel que selon les modalités prévues au paragraphe 135(1). Ce paragraphe prévoit effectivement que « [t]oute personne qui a demandé que soit rendue une décision en vertu de l’article 131 peut, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la communication de cette décision, en appeler par voie d’action devant la Cour fédérale, à titre de demandeur, le ministre étant le défendeur » [je souligne].

[20] Tel que confirmé récemment par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Chen c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2019 CAF 170 au para 9 (disponible seulement en anglais) et tel que le souligne le juge Martineau dans l’affaire Leslie c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CF 119 [Leslie]:

[16] Bien que les conclusions du délégué concernant la violation commise par le demandeur et la décision concernant la pénalité imposée au demandeur soient étroitement liées, d’un point de vue juridique, elles doivent être traitées comme des décisions séparées. En outre, elles suivent des procédures bien différentes en cas de contestation.

[17] Les paragraphes 131(1) et (3), qui doivent être interprétés conjointement avec l’article 135 de la Loi sur les douanes, régissent la décision sur la violation :

131(1) Après l’expiration des trente jours visés au paragraphe 130(2), le ministre étudie, dans les meilleurs délais possibles en l’espèce, les circonstances de l’affaire et décide si c’est valablement qu’a été retenu, selon le cas :

131(1) After the expiration of the thirty days referred to in subsection 130(2), the Minister shall, as soon as is reasonably possible having regard to the circumstances, consider and weigh the circumstances of the case and decide

a) le motif d’infraction à la présente loi ou à ses règlements pour justifier soit la saisie des marchandises ou des moyens de transport en cause, soit la signification à leur sujet de l’avis prévu à l’article 124;

(a) in the case of goods or a conveyance seized or with respect to which a notice was served under section 124 on the ground that this Act or the regulations were contravened in respect of the goods or the conveyance, whether the Act or the regulations were so contravened;

[…]

[…]

(3) La décision rendue par le ministre en vertu du paragraphe (1) n’est susceptible d’appel, de restriction, d’interdiction, d’annulation, de rejet ou de toute autre forme d’intervention que dans la mesure et selon les modalités prévues au paragraphe 135(1).

(3) The Minister’s decision under subsection (1) is not subject to review or to be restrained, prohibited, removed, set aside or otherwise dealt with except to the extent and in the manner provided by subsection 135(1).

[…]

[…]

135(1) Toute personne qui a demandé que soit rendue une décision en vertu de l’article 131 peut, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la communication de cette décision, en appeler par voie d’action devant la Cour fédérale, à titre de demandeur, le ministre étant le défendeur.

135(1) A person who requests a decision of the Minister under section 131 may, within ninety days after being notified of the decision, appeal the decision by way of an action in the Federal Court in which that person is the plaintiff and the Minister is the defendant.

(2) La Loi sur les Cours fédérales et les règles prises aux termes de cette loi applicables aux actions ordinaires s’appliquent aux actions intentées en vertu du paragraphe (1), sous réserve des adaptations occasionnées par les règles particulières à ces actions.

(2) The Federal Courts Act and the rules made under that Act applicable to ordinary actions apply in respect of actions instituted under subsection (1) except as varied by special rules made in respect of such actions.

[Je souligne]

[Emphasis added]

[18] D’autre part, le paragraphe 133(1) de la Loi sur les douanes régit la décision concernant la pénalité :

133(1) Le ministre, s’il décide, en vertu des alinéas 131(1)a) ou b), que les motifs d’infraction et, dans le cas des moyens de transport visés à l’alinéa 131(1)b), que les motifs d’utilisation ont été valablement retenus, peut, aux conditions qu’il fixe :

133(1) Where the Minister decides, under paragraph 131(1)(a) or (b), that there has been a contravention of this Act or the regulations in respect of the goods or conveyance referred to in that paragraph, and, in the case of a conveyance referred to in paragraph 131(1)(b), that it was used in the manner described in that paragraph, the Minister may, subject to such terms and conditions as the Minister may determine,

a) restituer les marchandises ou les moyens de transport sur réception du montant déterminé conformément au paragraphe (2) ou (3), selon le cas;

(a) return the goods or conveyance on receipt of an amount of money of a value equal to an amount determined under subsection (2) or (3), as the case may be;

b) restituer toute fraction des montants ou garanties reçus;

(b) remit any portion of any money or security taken; and

c) réclamer, si nul montant n’a été versé ou nulle garantie donnée, ou s’il estime ces montant ou garantie insuffisants, le montant qu’il juge suffisant, à concurrence de celui déterminé conformément au paragraphe (4) ou (5), selon le cas.

(c) where the Minister considers that insufficient money or security was taken or where no money or security was received, demand such amount of money as he considers sufficient, not exceeding an amount determined under subsection (4) or (5), as the case may be.

[Je souligne]

[Emphasis added]

[19] La jurisprudence a clairement établi que la décision sur la violation et la décision concernant la pénalité sont distinctes et doivent être contestées séparément par voie d’action ou de demande, selon le cas (Pounall c Canada (Agence des services frontaliers), 2013 CF 1260 (CanLII), [2013] ACF no 1390, au paragraphe 15; Conseil des Mohawks d’Akwesasne c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2012 CF 1442, [2012] ACF no 1685, au paragraphe 21; Akinwande c Canada (Sécurité publique et protection civile), 2012 CF 963, [2012] ACF no 1025, aux paragraphes 10 et 11; Nguyen c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2009 CF 724, [2009] ACF no 8844, aux paragraphes 19 à 22 [Nguyen]; Hamod c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2015 CF 937, [2015] ACF no 952, aux paragraphes 16 à 19).

[20] La lettre du 26 mai 2016 aurait pu donner davantage de détails, mais il demeure vrai qu’elle informe au moins le demandeur que la décision rendue en application de l’article 131 de la Loi sur les douanes peut faire l’objet d’un appel au moyen d’une action devant la Cour fédérale dans un délai de 90 jours, alors que la décision concernant la pénalité en application de l’article 133 de la Loi sur les douanes peut à son tour faire l’objet d’un appel au moyen d’une demande de contrôle judiciaire devant la même Cour dans un délai de 30 jours.

[21] Si le recours du demandeur vise le constat d’infraction, sa demande sera rejetée parce qu’il ne l’a pas soumise de la manière prescrite, soit au moyen d’une action (Pounall c Canada (Agence des services frontaliers), 2013 CF 1260 aux para 16 et 17). Le seul recours possible à l’encontre d’une conclusion du ministre selon laquelle une personne a contrevenu à la Loi sur les douanes est un appel par voie d’action devant la Cour fédérale. Le seul recours possible à l’encontre des conditions du dédouanement de biens saisis est une demande de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale (Germain c Canada (Procureur général), 2011 CF 539 aux para 9-12; United Parcel Service Canada Ltd c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2011 CF 204 aux para 34-39; Akinwande c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2012 CF 963 au para 8).

[22] Le défendeur soumet que la demande de contrôle judiciaire en l’espèce vise essentiellement à contester le constat d’infraction émis par la Direction des recours en application de l’article 12 de la Loi sur les douanes, et qu’elle doit donc être rejetée pour cause d’absence de compétence.

[23] Tel que le souligne le défendeur, pour établir si elle a compétence pour connaître d’une demande, notre Cour doit cerner la nature essentielle du litige en se fondant sur une appréciation réaliste du résultat concret visé par le demandeur (Canada c Domtar Inc, 2009 CAF 218 aux para 28-31). Une lecture attentive de l’Avis de demande, de l’affidavit et du mémoire du demandeur révèle que la demande de contrôle judiciaire en l’instance vise effectivement la validité de l’infraction et non pas celle de la saisie.

[24] Le premier paragraphe de l’Avis de demande confirme que la demande de contrôle judiciaire vise la décision « trouvant coupable le demandeur de l’infraction prévue à l’article 131 de la Loi sur les douanes ». Dans la lettre qui accompagne son Avis de demande, M. Célestin indique écrire concernant la « saisie », mais confirme bien que sa contestation vise l’inscription dans son dossier qu’il est rentré au Canada « avec des drogues qui n’ont pas été déclarées », et que c’est son amie qui a oublié ses médicaments dans la voiture. Dans l’affidavit qu’il signe au soutien de sa demande de contrôle judiciaire, M. Célestin affirme: « Je soumets cet affidavit dans le but approprié d’être lavé de tout soupçon, de la fausse culpabilité, retenue contre moi, d’importation de substances interdites ou de défaut de déclarer à bon escient un quelconque bien ou produit contrôlé » (page 13, Dossier du demandeur). Le mémoire du demandeur ne traite pas du caractère de la saisie des médicaments. Il traite plutôt de la décision de l’ASFC de rejeter ses preuves documentaires et de « confirmer l’inscription des mesures d’exécution pour une période de 6 ans, ce qui crée des soupçons et des troubles injustes aux dépens du demandeur qui est appelé à voyager beaucoup » (page 35, Dossier du demandeur).

[25] La Cour est convaincue, se fondant sur une appréciation réaliste du résultat concret visé par le demandeur, que la nature essentielle du litige vise à contester le motif d’infraction, soit la décision ayant conclu que M. Célestin a contrevenu à l’article 12 de la Loi sur les douanes, décision rendue en vertu de l’article 131 de la Loi sur les douanes.

[26] À l’audience, le procureur du demandeur a confirmé que l’infraction en vertu de l’article 131 de la Loi sur les douanes devait être contestée par voie d’action. Cependant, citant notamment l’article 18 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, ch F-7, et la décision de la Cour dans Dhillon c Canada (Procureur Général), 2016 CF 456, il a plaidé que la disposition de la Loi sur les douanes enjoignant de procéder par voie d’action devait en l’instance céder le pas et permettre le recours par voie de demande de contrôle judiciaire puisque des allégations de violation d’équité procédurale et de justice naturelle sont en jeu.

[27] La Cour constate que la décision citée ne soutient pas cet argument, qui va à l’encontre d’une disposition claire de la Loi sur les douanes et de la jurisprudence de la Cour. La Cour ne peut conséquemment pas retenir cet argument.

[28] La Cour note par ailleurs que M. Célestin a été informé de ces distinctions procédurales dans la décision de la Déléguée du ministre du 24 février 2020.

[29] Ainsi, considérant que la demande de contrôle judiciaire de M. Célestin vise à contester le motif d’infraction, soit la décision ayant conclu qu’il a contrevenu à l’article 12 de la Loi sur les douanes, décision rendue en vertu de l’article 131 de la Loi sur les douanes, et considérant qu’il a initié son recours par le biais d’une demande de contrôle judiciaire et non d’une action, la Cour doit ici décliner compétence et rejeter ladite demande.

IV. Équité procédurale

[30] La Cour note que M. Célestin, dans l’affidavit et le mémoire qu’il dépose auprès de la Cour, allègue avoir été victime de racisme systémique de la part des agents de l’ASFC au point d’entrée. À cet égard, la Cour note que la preuve au dossier révèle notamment que (1) la Déléguée du ministre a transmis la plainte liée à la qualité du service au département approprié au sein de l’ASFC; (2) le 24 octobre 2019, la surintendante du poste frontière présente sa version des évènements survenus le 9 août 2019 au point d’entrée; (3) le 20 novembre 2019, M. Célestin contacte un surintendant de l’ASFC, en réponse au courriel que ce dernier lui avait adressé en lien avec cette plainte. M. Célestin confirme alors au surintendant avoir deux préoccupations, soit (i) l’impact que la saisie aura sur son dossier et ses futurs passages à la frontière et (ii) le refus des agents à la frontière de lui donner accès à la toilette lorsqu’il l’a demandé. Le rapport dressé par le surintendant indique que des explications ont été fournies et que M. Célestin s’est déclaré satisfait et a confirmé qu’aucun suivi n’était nécessaire. M. Célestin ne traite pas de ces éléments dans son dossier devant la Cour.

[31] À tout évènement, l’évaluation de la conduite des agents de l’ASFC n’entre pas dans le champ de compétence de la Déléguée du ministre en révision, ni dans celui de la Cour. La Déléguée du ministre est exclusivement chargée de valider ou non la contravention et la mesure de saisie. Je fais miens les propos du juge Martineau dans l’affaire Leslie :

[23] [..]Aux termes de l’article 131 de la Loi sur les douanes, le délégué n’avait pas la compétence pour examiner la conduite des agents des douanes, et la Cour ne l’a pas non plus dans la présente demande. De plus, l’arbitre et le délégué ont tous les deux informé le demandeur que leur mandat ne leur permettait pas d’examiner le comportement des agents des douanes, mais seulement de contrôler l’exécution de la saisie selon les circonstances de l’affaire [].

V. Conclusion

[32] La Cour n’a pas compétence pour entendre la présente demande de contrôle judiciaire. Considérant les représentations des parties, la Cour fixe les dépens à 2 000$.

 


JUGEMENT dans T-530-20

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

  2. Des dépens au montant de 2 000$ sont accordés en faveur du défendeur;

  3. L’intitulé de cause est amendé pour nommer le Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile à titre de défendeur.

« Martine St-Louis »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

t-530-20

INTITULÉ :

JEFFSON JUNIOR CÉLESTIN C. LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

LIEU DE L’AUDIENCE :

montréal (par vidéoconférence – zoom)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 3 mars 2021

jugement et motifs:

LA JUGE ST-LOUIS

DATE DES MOTIFS :

LE 16 MARS 2021

COMPARUTIONS :

Me Joseph-Alphonse André

Pour LE DEMANDEUR

Me Elsa Michel

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Joseph-Alphonse André

Ottawa (Ontario)

Pour LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

Pour le défendeur

 

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