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Date : 20050617

Dossier : T-1473-91

Référence : 2005 CF 870

Ottawa (Ontario), le 17 juin 2005

En présence de monsieur le juge SHORE

Entre :

REMO IMPORTS LTD.

demanderesse/

défenderesse reconventionnelle

et

JAGUAR CARS LIMITED et FORD MOTOR COMPANY OF CANADA, LIMITED/FORD DU CANADA LIMITÉE exerçant leur activité sous le nom de JAGUAR CANADA

défenderesses/

demanderesses reconventionnelles

MOTIFS D'ORDONNAnce et ordonnance

INTRODUCTION

[1]                La chute d'un arbre dans la forêt ne fait aucun bruit s'il n'y a personne pour l'entendre. Dès lors qu'ils sont figés dans le temps, les droits ne peuvent être déterminés s'ils demeurent inconnus ou s'ils ne sont pas revendiqués dans ce cadre temporel.

            Il y a une saison pour chaque chose. Une fois passée, une nouvelle situation se met en branle...

« Yla règle générale est qu'une modification devrait être autorisée à tout stade de l'action aux fins de déterminer les véritables questions litigieuses entre les parties, pourvu, notamment, que cette autorisation ne cause pas d'injustice à l'autre partie que des dépens ne pourraient réparer, et qu'elle serve les intérêts de la justice[1]. »

« Y.les tribunaux et les parties sont en droit de s'attendre à ce qu'un procès aboutisse, et les retards et la tension et les inquiétudes que suscite chez toutes les parties concernées une modification tardive soulevant une nouvelle question, peuvent fort bien être considérés comme un obstacle aux fins de la justice[2]. »

« Il existe une claire distinction entre les modifications ayant pour but de rendre plus claires les questions en litige, et celles qui permettent de soulever une défense différente pour la première fois[3]. »

[2]                Il s'agit d'une requête datée du 4 novembre 2004, pour le compte de la demanderesse, Remo Imports Ltd. (Remo), en vue d'obtenir, en vertu de l'article 75[4] des Règles de la Cour fédérale (1998)[5], une ordonnance autorisant Remo à ajouter, au paragraphe 21 de sa réponse à la défense modifiée des défenderesses et de sa défense à leur demande reconventionnelle, les paragraphes 21 e), f) et g) visant à faire valoir les défenses de préclusion par assentiment et de délai préjudiciable, comme il appert de la modification proposée par Remo qui fait l'objet de l'annexe A.

ContextE

[3]                Au procès, M. Moïse Bassal, président de Remo, a témoigné qu'il n'a été mis au courant de l'existence des accessoires Jaguar Cars que grâce à une annonce parue dans le numéro de juin 1990 du Montreal Magazine (un cahier encarté dans le Globe and Mail) et qu'il a, en conséquence, envoyé le 29 mai 1990 une mise en demeure au concessionnaire agréé de Jaguar.

[4]                Le 24 août 1990, l'avocat de Jaguar Cars a répondu à la mise en demeure de Remo. Tentant de la régler à l'amiable, il a averti que, si Remo n'était pas disposée à coexister avec Jaguar Cars, il ferait en sorte d'obtenir la radiation de l'enregistrement de Remo.


[5]                Le 22 décembre 1993, Remo a versé au dossier son affidavit des documents. Parmi ces documents figuraient le dossier concernant la demande numéro 581,257 (enregistrement numéro 378,643) de Jaguar Cars ainsi que le dossier concernant la demande numéro 581,258 (enregistrement numéro 378,644) de Jaguar Cars.

[6]                Les 29 et 30 avril, le 1er mai, les 26 et 27 août 1996 et les 27 et 28 février 2001 a eu lieu l'interrogatoire préalable de Vivien Shortt agissant pour le compte de Jaguar Cars. Vivien Shortt a été interrogée sur la date à laquelle Jaguar Cars a pour la première fois été mise au courant de l'existence de l'enregistrement de la marque de commerce JAGUAR par Remo et sur le contenu des dossiers des demandes de marques de commerce de Jaguar Cars, y compris sur la correspondance de 1987 avec le Bureau des marques de commerce.

[7]                Le 10 septembre 2002, le protonotaire Lafrenière a émis une directive exigeant notamment que les parties signifient et déposent leur requête en modification d'actes de procédure, le cas échéant, au plus tard le 1er octobre 2002.

[8]                Dans une requête en date du 1er octobre 2002, Jaguar Cars demande l'autorisation de modifier sa défense et sa demande reconventionnelle, y compris par l'ajout d'une allégation de préclusion relativement à l'utilisation de la marque JAGUAR, par Remo, sur des marchandises spécifiées, et d'une allégation de préclusion relativement à la question du caractère distinctif soulevée par l'importante campagne de tableaux publicitaires entreprise par Remo en 1999.


[9]                Le 13 novembre 2002, Remo a contesté la plupart des modifications demandées, y compris les deux allégations de préclusion.

[10]            Par ordonnance en date du 9 décembre 2002, le protonotaire Lafrenière a refusé l'ajout des allégations de préclusion. L'ajout de l'allégation de préclusion relativement à l'utilisation par Remo de la marque JAGUAR sur des marchandises spécifiées a été rejeté [traduction] « étant donné les défenderesses étaient au courant, depuis 1999, des faits allégués au paragraphe [proposé] et que leur retard à obtenir la permission d'ajouter ce nouveau sujet de préclusion ouvrirait nécessairement la porte à de nouveaux interrogatoires préalables et retarderait l'instruction de l'affaire » .

[11]            Le 29 septembre 2004, la modification proposée qui fait l'objet de la présente requête a été évoquée pour la première fois dans une conférence téléphonique avec la Cour.

[12]            L'instruction a commencé le 18 octobre 2004 et a été ajournée le 27 octobre 2004. Elle doit reprendre le 20 juin 2005 et continuer jusqu'au 22 juillet 2005.

questions EN LITIGE

Questions de procédure


[13]            1. Faut-il rejeter la requête du fait qu'elle a été présentée sous le régime des articles 200 et 201 des Règles de la Cour fédérale (1998), lesquels ne s'appliquent pas au recours sollicité?

2. Certaines parties des documents de la demanderesse constituent-elles des communications de règlement privilégiées qui doivent donc être radiées?

3. Faut-il ordonner à la demanderesse de déposer toute sa jurisprudence en anglais si elle est disponible?

Questions de fond

4. Faut-il rejeter la requête en modification d'actes de procédure de la demanderesse sur le fondement de facteurs tels que le préjudice aux défenderesses et l'intérêt de la justice?

5. Subsidiairement, faut-il rejeter la requête en modification d'actes de procédure de la demanderesse du fait qu'aucune action ne peut être présentée en justice sur le fondement du manque de diligence ou de l'assentiment?

ANALYSE

1. Faut-il rejeter la requête du fait qu'elle a été présentée sous le régime des articles 200 et 201des Règles de la Cour fédérale (1998), lesquels ne s'appliquent pas au recours sollicité?

[14]       Remo a d'abord introduit la présente requête sous le régime des articles 200 et 201 des Règles, mais a ensuite rectifié cette erreur dans sa réponse au dossier de requête des défenderesses, en demandant de présenter la requête sous le régime de l'article 75 des Règles.


[15]       Selon l'article 200 des Règles, le droit de modifier un acte de procédure sans autorisation de la Cour ou consentement des autres parties cesse d'exister à la clôture des actes de procédure. L'article 201 des Règles vise les modifications faites au titre de l'article 76 des Règles, c'est-à-dire les modifications visant à corriger le nom d'une partie ou la qualité en laquelle une partie introduit une instance. La modification sollicitée par Remo ne concerne pas de telles questions. L'article 201 des Règles ne s'applique donc pas à la requête.

[16]       Dans la présente affaire, Remo devait demander l'autorisation de la Cour pour modifier sa réponse à la défense modifiée des défenderesses et sa défense à leur demande reconventionnelle en vertu de l'article 75 des Règles.

[17]       La Cour convient que Remo a d'abord présenté sa requête sous le régime du mauvais article des Règles, mais cette erreur procédurale ayant ensuite été corrigée, elle est disposée à traiter du fond de la requête.

2. Certaines parties des documents de la demanderesse constituent-elles des communications de règlement privilégiées, qui doivent donc être radiées?

[18]       Jaguar fait valoir que les courriels du 13 octobre 2004 entre son avocat et celui de Remo, cotés comme pièces 6 et 7 de l'affidavit de Richard Uditsky, ont été échangés dans le cadre de négociations en vue d'un règlement relativement aux modifications mêmes qui font l'objet de la présente requête, qu'ils n'ont donc pas été régulièrement soumis à la Cour et devraient être radiés. Jaguar fait aussi valoir que la lettre de l'avocat de Remo datée du 14 octobre 2004, cotée comme pièce 10 de l'affidavit de M. Uditsky, contient des allusions aux mêmes discussions sous réserve de la page 3, qu'elle a donc aussi été présentée irrégulièrement à la Cour et que ces deux paragraphes de la page 3 devraient être radiés.

[19]       La Cour convient que les pièces 6 et 7, de même que les deux paragraphes à la page 3 de la pièce 10 mentionnés ci-dessus, constituent des communications en vue de régler la présente requête et doivent donc être radiés. (Pirie c. Wyld[6], Caribbean Ispat Ltd. c. Companhia de Navegacao Lloyd Brasilairo[7]).

3. Faut-il ordonner à la demanderesse de déposer toute sa jurisprudence en anglais si disponible?

[20]       Conformément à l'ordonnance du protonotaire Lafrenière en date du 9 décembre 2003 portant que le procès se déroulera en langue anglaise, la Cour demande à toutes les parties de présenter leur jurisprudence en anglais si disponible.

4. Faut-il accueillir la requête en modification d'actes de procédure de la demanderesse sur le fondement de facteurs tels que le préjudice aux défenderesses et l'intérêt de la justice?

L'état du droit

[21]       L'état du droit en ce qui concerne la modification des actes de procédure a été résumé par la Cour d'appel fédérale dans Canderel Ltd c. Canada (C.A)[8] :

Y même s'il est impossible d'énumérer tous les facteurs dont un juge doit tenir compte en décidant s'il est juste, dans une situation donnée, d'autoriser une modification, la règle générale est qu'une modification devrait être autorisée à tout stade de l'action aux fins de déterminer les véritables questions litigieuses entre les parties, pourvu, notamment, que cette autorisation ne cause pas d'injustice à l'autre partie que des dépens ne pourraient réparer, et qu'elle serve les intérêts de la justice.[Non souligné dans l'original.]

[22]       Dans l'arrêt Canderel, traitant des facteurs à prendre en compte pour décider s'il y a lieu d'accueillir une requête en modification d'actes de procédure, le juge Décary a cité l'extrait suivant de Continental Bank Leasing Corporation et al. c. La Reine[9] :

...Je préfère tout de même examiner la question dans une perspective plus large: les intérêts de la justice seraient-ils mieux servis si la demande de modification ou de rétractation était approuvée ou rejetée? Les critères mentionnés dans les affaires entendues par d'autres tribunaux sont évidemment utiles, mais il convient de mettre l'accent sur d'autres facteurs également, y compris le moment auquel est présentée la requête visant la modification ou la rétractation, la mesure dans laquelle les modifications proposées retarderaient l'instruction expéditive de l'affaire, la mesure dans laquelle la thèse adoptée à l'origine par une partie a amené une autre partie à suivre dans le litige une ligne de conduite qu'il serait difficile, voire impossible, de modifier, et la mesure dans laquelle les modifications demandées faciliteront l'examen par la Cour du véritable fond du différend. Il n'existe aucun facteur qui soit prédominant, ou dont la présence ou l'absence soit nécessairement déterminante. On doit accorder à chacun des facteurs le poids qui lui revient dans le contexte de l'espèce. Il s'agit, en fin de compte, de tenir compte de la simple équité, du sens commun et de l'intérêt qu'ont les tribunaux à ce que justice soit faite. [Non souligné dans l'original.]

[23]       Toujours dans l'arrêt Canderel[10], traitant de la question des intérêts de la justice, le juge Décary statue :

Pour ce qui est des intérêts de la justice, on peut dire que les tribunaux et les parties sont en droit de s'attendre à ce qu'un procès aboutisse, et les retards et la tension et les inquiétudes que suscite chez toutes les parties concernées une modification tardive soulevant une nouvelle question, peuvent fort bien être considérés comme un obstacle aux fins de la justice16    [Non souligné dans l'original.]

[24]       Dans l'arrêt Levi Strauss and Co. c. Lois Canada Inc.[11], la Cour fédérale, Section de première instance, a rejeté la requête en modification de déclaration des demandeurs qui visait à inclure de nouvelles parties défenderesses, pour les motifs suivants :

J'ai rejeté la demande pour les raisons suivantes. Premièrement, les demanderesses ont découvert l'existence de ces deux parties en 1995, mais n'ont rien fait pour rouvrir leurs plaidoiries écrites afin de les constituer défenderesses et de soulever de nouvelles questions. Les questions en réponse que ces modifications susciteraient et la nécessité d'un interrogatoire préalable oral et d'une communication intégrale de documents font en sorte que la défenderesse et les défenderesses éventuelles seront dans l'impossibilité d'être prêtes pour l'instruction le 4 novembre 1996. Il est tout simplement trop tard à ce moment-ci pour déposer une déclaration modifiée de cette nature.

Deuxièmement, je ne suis pas convaincu que les parties que les demanderesses veulent constituer défenderesses sont nécessaires au règlement des points litigieux dans l'action.. [Non souligné dans l'original.]

[25]       Dans A. Lassonde Inc c. Sun Pac Foods Ltd[12], le protonotaire Morneau a refusé en partie la requête en modification de déclaration, de la demanderesse, pour les motifs suivants :

[...] cette requête doit être rejetée puisqu'il m'apparaît impératif et primordial que l'on puisse considérer les plaidoiries écrites comme closes dès à présent. L'ajout des amendements recherchés par la demanderesse ne ferait assurément que pousser la défenderesse à vouloir à ce stade-ci amender sa défense et poursuivre les interrogatoires au préalable sur ces nouveaux éléments. Une pluie de requêtes suivrait assurément ces mesures. En ce sens, je suis d'avis qu'un dommage irréparable en termes de dépens serait encouru tant par la défenderesse que par l'administration de la justice si la requête en amendements de la demanderesse était accueillie.. [Non souligné dans l'original.]

[26]       DansValue Village Market (1990) Ltd. c. Value Village Stores Co.[13], la Cour fédérale, Section de première instance, a rejeté la requête du défendeur en vue de modifier sa défense et sa demande reconventionnelle et a statué ainsi :

Lorsqu'une partie est autorisée à poursuivre une action en fonction d'un échéancier qui fixe la date à laquelle les requêtes touchant les actes de procédure doivent être déposées, je ne pense pas qu'il soit justifié d'autoriser, après cette date, une modification fondée sur des faits dont cette partie pouvait raisonnablement avoir connaissance avant la date limite.

Y

Par conséquent, je suis arrivée à la conclusion que le fait d'autoriser la modification fondée sur l'alinéa 7a) causerait un préjudice à la demanderesse et prolongerait l'échéancier fixé; il n'est donc pas opportun d'accorder cette modification [Non souligné dans l'original.]

[27]       DansScannar Industries Inc. (Receiver of ) c. Canada[14], rejetant la requête en modification de déclaration de la demanderesse, la Cour fédérale, Section de première instance, a statué que, puisque l'avocat de la demanderesse avait déjà eu maintes opportunités de soulever la question de la validité des désignations, cette requête n'avait nullement été présentée « en temps opportun » . Il aurait résulté de la modification proposée à la déclaration une injustice irrémédiable qui n'aurait pas pu être réparée par l'octroi des dépens. Cette décision a été confirmée par la Cour d'appel fédérale[15].

[28]       DansBelsat Video Marketing Inc c. Astral Communications Inc et al.[16], la Cour d'appel de l'Ontario a confirmé la décision du juge de première instance qui avait rejeté la requête en modification de déclaration du demandeur, et a statué :


[traduction] Les modifications à la demande ont été sollicitées à la veille d'une date péremptoire pour l'instruction de la requête en jugement sommaire. Elles survenaient à la fin d'un long processus de gestion d'instance concernant un litige commercial important. Les modifications sollicitées étaient importantes. Aucun affidavit n'a été présenté pour expliquer la nécessité des modifications proposées ni le retard dans la présentation de la requête. Le juge Rosenberg a rejeté la requête en modification parce que, dans l'exercice de sa discrétion, il a conclu que les modifications constituaient, compte tenu des circonstances, un abus de procédure.

Nous ne voyons aucun motif pour modifier cette décision discrétionnaire. Bien que le système de gestion d'instance n'exige pas l'adhésion servile, dans les circonstances présentes il était tout à fait indiqué, et sans doute même essentiel, qu'une très bonne raison soit donnée au juge des requêtes pour dévier si tardivement d'une procédure régie par une date péremptoire. Autrement, l'efficacité du système de gestion d'instance risque d'être gravement compromise. [Non souligné dans l'original.]

Application aux faits

i) Préjudice à Jaguar Cars

a) Retard dans la présentation de la requête

1. La requête de Remo est fondée sur des faits qu'elle connaissait depuis au moins 1996.

[29]       En cherchant à présenter son argument de préclusion, l'objectif de Remo est de prouver que Jaguar Cars connaissait la marque déposée JAGUAR depuis 1987, qu'elle n'a rien fait à ce sujet avant 1990 et qu'elle a, donc, perdu le droit, s'il en est, d'opposer sa marque de commerce JAGUAR à Remo. La preuve présentée par Jaguar Cars est que celle-ci n'était pas au courant de l'enregistrement de Remo avant de recevoir la mise en demeure de celle-ci en mai 1990. Le 24 août 1990, Jaguar Cars a répondu que, advenant l'impossibilité de parvenir à un règlement, elle ferait en sorte d'obtenir la radiation de l'enregistrement de Remo. Les éléments sur lesquels Remo s'appuie pour prouver la connaissance de Jaguar Cars depuis 1987 se divisent en trois catégories :

1. les dossiers datant de 1987, relatifs aux demandes d'enregistrement numéros 581,258 et 581,257 de Jaguar Cars pour les marques JAGUAR et JAGUAR et dessin;


2. les questions posées à Vivien Shortt, la représentante de Jaguar Cars, lors de son interrogatoire préalable tenu en 1996;

3. le témoignage écrit et oral donné au procès par Alice-Ann Morlock, l'avocate qui a présenté les demandes d'enregistrement de Jaguar Cars en 1987.

[30]       La Cour examinera d'abord le témoignage de Mme Morlock qui fera l'objet d'une ordonnance distincte rendue à la même date que les présents motifs d'ordonnance et la présente ordonnance. La Cour conclut que les quatre documents déposés par Mme Morlock ainsi que son témoignage de vive voix relativement à ses communications avec son client sont protégés par le privilège des communications entre client et avocat et qu'ils sont donc inadmissibles. Par conséquent, ces éléments de preuve ne peuvent pas servir à décider du bien-fondé de la requête en l'espèce.

[31]       Quant aux dossiers de 1987 relatifs aux demandes d'enregistrement des marques JAGUAR et JAGUAR et dessin, par Jaguar Cars, ils comprennent une lettre en date du 10 juillet 1987 du Bureau des marques de commerce au cabinet d'avocats de Jaguar Cars, McMillan Binch, portant que les demandes d'enregistrement de Jaguar Cars prêtent à confusion avec trois marques déposées, dont l'une est la marque JAGUAR de Remo. Les dossiers comprennent aussi une lettre, datée du 15 décembre 1987, de Mme Morlock au Bureau des marques de commerce, visant à modifier les demandes d'enregistrement de JAGUAR et JAGUAR et dessin déposées par Jaguar Cars en supprimant certaines marchandises. Ces dossiers ont été déposés par Remo en 1993 pour les fins du procès. Par conséquent, Remo possédait depuis 1993 l'information sur laquelle elle se fonde pour invoquer la préclusion. Comme la requête en modification d'actes de procédure de Remo visant à ajouter l'argument de la préclusion a été introduite en 2004, cela signifie que Remo a pris onze ans pour introduire sa requête. Un tel retard est déraisonnable.


[32]       Remo soutient aussi que les questions posées à Vivien Shortt, la représentante de Jaguar Cars, lors de son interrogatoire préalable tenu en 1996, sont pertinentes en ce qui a trait à son argument touchant la préclusion. Les questions les plus pertinentes sont :

[traduction]

Q. 1412 : Quand l'une ou l'autre des défenderesses a-t-elle appris l'existence de l'enregistrement numéro 263,924?

R. (donnée le 2 novembre 1998) : Quand la mise en demeure a été reçue ce qui nous a amené à agir [en 1990].

Q. 1475 : Est-ce en réponse à une demande du bureau qu'une demande modifiée a été déposée le 15 décembre 1987?

R. (donnée à l'interrogatoire préalable) : Oui.

Q. 1494: Quand les défenderesses ont-elles d'abord été mises au courant de ces ventes de Remo? Ont-elles alors appris l'existence de l'enregistrement de Remo?

R. (donnée le 2 novembre 1998) : voir réponse à la question 1412.

Quoique la Cour ne soit pas convaincue que ces questions et réponses ajoutent quoi que ce soit à l'argument de la préclusion - l'argument de Rémo étant que, depuis 1987, Jaguar Cars était au courant de la marque JAGUAR de Remo - , la Cour a quand même analysé le retard de 1996 à 2004. Même selon cette méthode plus indulgente pour compter les années écoulées, la Cour conclut qu'un retard de 8 ans dans la présentation d'une requête en modification d'actes de procédure est déraisonnable.

[33]       En résumé, la requête en modification d'actes de procédure que présente Remo de 2004, est fondée sur des renseignements qu'elle possédait dès 1993 ou, selon une méthode plus indulgente, dès 1996. Accueillir la requête, compte tenu d'un délai aussi long pour la présenter, serait injuste envers Jaguar Cars.

2. La requête en modification d'actes de procédure de Jaguar Cars visant à ajouter deux arguments touchant la préclusion a été rejetée le 1er octobre 2002, soit deux ans avant le début de l'instruction.

[34]       Jaguar Cars a présenté le 1er octobre 2002 une requête en modification de sa défense et demande reconventionnelle pour plusieurs motifs dont celui d'ajouter deux allégations de préclusion. Remo s'y est opposée en invoquant le retard dans la présentation de la requête. Le protonotaire Lafrenière a rejeté la requête de Remo pour le motif que cela ouvrirait la porte à de nouveaux interrogatoires préalables et à de nouveaux retards dans l'instruction, ce qui serait injuste envers Remo.

[35]       Pour introduire sa requête, Jaguar Cars s'est appuyée sur les faits révélés six ans auparavant à l'interrogatoire préalable d'un représentant de Remo. Si une durée de six ans après la tenue de l'interrogatoire en 1996 est, selon Remo, excessive et doit donc entraîner le rejet des modifications de Jaguar Cars visant à ajouter les allégations de préclusion, la Cour estime que les principes de justice et d'équité prescrivent de considérer que la durée plus longue de cinq ans (calculée à partir du dépôt des dossiers par Remo en 1993) et même celle aussi longue (calculée depuis l'interrogatoire préalable de Vivien Shortt par Remo en 1996) sont également excessives et doivent entraîner le rejet, dans la même instance, des modifications de Remo visant à ajouter des allégations de préclusion.

3. Le protonotaire Lafrenière avait ordonné que toutes les requêtes pour modifier les actes de procédure soient déposées au plus tard le 1er octobre 2002.

[36]       Le 10 septembre 2002, le protonotaire Lafrenière a donné comme instruction que toute requête en modification soit présentée au plus tard le 1er octobre 2002. La requête de Remo en modification de sa réponse à la défense modifiée des défenderesses et de sa défense à leur demande reconventionnelle datée du 4 novembre 2004 a donc été présentée deux ans après la date limite fixée par le protonotaire Lafrenière, sans explication du retard.

[37]       La Cour adopte le raisonnement de la juge Reed dans Value Village[17] selon lequel, dès lors qu'une partie est autorisée à poursuivre une action dans le cadre d'un échéancier comportant une date de dépôt des requêtes touchant les actes de procédure, il n'est pas justifié de permettre, après cette date, une modification fondée sur des faits dont, raisonnablement, cette partie pouvait avoir connaissance avant la date limite.

[38]       Pour les trois motifs précités, la Cour conclut, sur toute la question du retard de Remo dans la présentation de sa requête pour modifier ses actes de procédure, que ce retard est déraisonnable et qu'accueillir cette requête serait potentiellement injuste envers Jaguar Cars.

b) Nouvelle cause d'action

[39]       Les modifications proposées par Remo à sa réponse à la défense modifiée des défenderesses et à sa défense à leur demande reconventionnelle, visant à ajouter la défense de préclusion par assentiment et délai préjudiciable soulèvent une question entièrement nouvelle non soulevée auparavant. À ce propos, la Cour d'appel fédérale dans Canderel[18] cite Ketteman c. Hansel Properties[19] :

Il existe une claire distinction entre les modifications ayant pour but de rendre plus claires les questions en litige, et celles qui permettent de soulever une défense différente pour la première fois.

[40]       En refusant la requête du 9 décembre 2002 en modification d'actes de procédures de Jaguar Cars, qui visait à ajouter la prétention de la préclusion, le protonotaire Lafrenière, à propos de l'addition d'un nouveau point en litige, a écrit au paragraphe 3 de l'ordonnance :

[traduction] L'autorisation de modifier le paragraphe 4 de la défense modifiée et de la demande reconventionnelle jointes à l'avis de requête est refusée, car les défenderesses étaient au courant depuis 1999 des faits allégués à ce paragraphe, et leur retard à obtenir l'autorisation d'ajouter ce nouveau point de préclusion ouvrirait nécessairement la porte à d'autres interrogatoires préalables et retarderait l'instruction de la présente affaire.

[41]       Les mêmes commentaires s'appliquent à la demande de Remo d'ajouter la prétention de préclusion à ses actes de procédure. Remo elle-même, reconnaît, au paragraphe 46 de sa réponse au dossier de requête des défenderesses, que [traduction] « [l]es modifications ajoutent une défense supplémentaire à l'encontre de la demande reconventionnelle » . Ce facteur tend aussi à montrer que Jaguar Cars subirait une injustice si la requête était accueillie.

c) Les mesures additionnelles que Jaguar Cars aurait droit de prendre retarderaient encore davantage l'instruction.

[42]       Pour éviter que Jaguar Cars ne subisse un préjudice, il faudrait lui donner l'occasion de répondre à la défense modifiée à la demande reconventionnelle. Il faudrait ensuite lui donner l'occasion d'interroger préalablement Remo, y compris sur la question de la confiance de Remo suite à l'encouragement qu'elle aurait reçu de Jaguar en ce qui concerne l'utilisation de la marque JAGUAR. Mais si, comme elle le dit aux paragraphes 14 et 45 de sa réponse au dossier de requête des défenderesses, Remo reconnaît qu'elle ne s'est pas fondée sur l'encouragement de Jaguar Cars pour utiliser la marque de commerce JAGUAR, alors aucun interrogatoire préalable sur cette question n'est nécessaire. Et alors, il n'y aurait certainement pas lieu d'accorder à Remo l'autorisation de modifier ses actes de procédure, vu son incapacité à prouver l'un des éléments de l'assentiment (la confiance de l'autre partie fondée sur l'encouragement du détenteur de droits), dont il sera question au deuxième point.

[43]       Pour lui éviter un préjudice, Jaguar Cars devrait être autorisée à répondre aux actes de procédure modifiés de Remo et à mener des interrogatoires préalables, ce qui retarderait encore l'instruction de l'affaire. Remo fait valoir que Jaguar Cars aurait pu répondre plus tôt à la présente requête, ce qui aurait donné assez de temps pour un interrogatoire préalable supplémentaire avant la reprise de l'instruction. Selon l'échéancier établi par la Cour, le dernier document concernant la requête devait être produit au plus tard le 3 juin 2005. Par conséquent, on ne peut pas dire que Jaguar Cars ait causé de retard dans l'affaire.

[44]       En résumé, Jaguar Cars subirait une injustice si la requête pour modifier les actes de procédure de Remo était accueillie. Cette injustice ne pourrait pas être réparée par l'adjudication des dépens.

ii) Intérêt de la justice

[45]       Les commentaires de la Cour sur le retard déraisonnable dans la présentation de la requête en modification d'actes de procédure de Remo s'appliquent également à l'analyse du facteur de l'intérêt de la justice. La Cour reprend l'observation de la Cour d'appel fédérale dans Canderel[20] :

Pour ce qui est des intérêts de la justice, on peut dire que les tribunaux et les parties sont en droit de s'attendre à ce qu'un procès aboutisse, et les retards et la tension et les inquiétudes que suscite chez toutes les parties concernées une modification tardive soulevant une nouvelle question, peuvent fort bien être considérés comme un obstacle aux fins de la justice16 [Non souligné dans l'original.]

[46]       En l'espèce, la requête n'a été présentée qu'après le début de l'instruction alors que Remo connaissait l'information sur laquelle elle repose depuis au moins 1996. De plus, il faudrait accorder du temps à Jaguar Cars pour l'interrogatoire préalable, ce qui retarderait encore plus l'instruction d'un dossier vieux de 14 ans. En conséquence, la Cour conclut que l'accueil de la requête entraverait le cours de la justice.

[47]       Pour ces motifs, la Cour conclut que la requête de Remo visant à modifier sa réponse à la défense modifiée des défenderesses et sa défense à leur demande reconventionnelle doit être rejetée.

5. Subsidiairement, faut-il refuser la requête en modification d'actes de procédure de la demanderesse du fait qu'aucune action ne peut être présentée en justice sur le fondement du manque de diligence ou de l'assentiment?

[48]       Si la Cour admet l'aveu dans la requête de Remo que celle-ci ne s'est pas fiée à l'encouragement de Jaguar Cars pour utiliser la marque de commerce JAGUAR, alors, comme on le verra ci-dessous, Remo ne pourra ultimement pas prouver l'assentiment et il convient donc même de lui interdire de modifier ses actes de procédure dans le but de soutenir cet argument. Comme cela apparaîtra ci-dessous, l'allégation de délai préjudiciable est aussi ultimement indémontrable, et il s'ensuit qu'il convient de rejeter une modification pour présenter ce moyen.

L'état du droit

[49]       Lorsqu'une modification projetée à des actes de procédure n'a de toute évidence aucune chance de succès, il ne faut pas la permettre. Il n'est pas nécessaire, dans un tel cas, de considérer le critère énoncé dans Canderel, précité, pour déterminer s'il y a lieu de permettre une modification, car aucun des facteurs à considérer en application de ce critère ne pourrait remédier au manque de substance de la modification projetée. Dans Faurecia Lear Automotive Seating Canada Ltd c. Lear Corporation Canada Ltd.[21], le juge O'Keefe a affirmé :

Je refuserai également l'autorisation de permettre à Faurecia d'alléguer que Lear Canada [traduction] « contribue » à la contrefaçon d'un tiers, sur le fondement qu'il est clair et manifeste que l'argument n'est pas défendable et est voué à l'échec (pour un exemple de la norme de la radiation des actes de procédure, voir l'arrêt Hunt c. Carey Canada Inc., 1990 IIJCan 90 (C.S.C.), [1990] 2 R.C.S. 959). Comme il a été jugé dans l'arrêt Visx Inc. c. Nidek Co., [1996] A.C.F. no1721 (C.A.) (QL) ((1996) 209 N.R. 342) au paragraphe 16 et les autres décisions qui l'ont suivi en vertu des Règles de la Cour fédérale (1998), tel que modifiées, précitées, selon lesquels des modifications aux actes de procédure qui sont susceptibles d'être radiées ne devraient pas être permises par la Cour. [Non souligné dans l'original.]

[50]       Dans Merck & Co., Inc. c. Apotex Inc. (C.A.F.)[22], la Cour d'appel fédérale écrit :

   Dans l'arrêt Nidek, le juge en chef Isaac a fait, à la page 24, le commentaire incident suivant : « Pour déterminer s'il convient d'autoriser la modification d'une défense, il est souvent utile que la Cour se demande si la modification, si elle faisait déjà partie de l'acte de procédure proposé, serait un moyen susceptible d'être radié en vertu de la règle 419. Dans l'affirmative, la modification ne devrait pas être autorisée » . (Non souligné dans l'original.). Il est clair que si une modification peut être radiée pour le motif qu'elle ne démontre pas l'existence d'une cause d'action raisonnable, elle ne devrait en aucune circonstance être autorisée. La Cour ne dit cependant pas que si une modification n'est pas radiée en vertu de la Règle 419 [Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663], maintenant la règle 221 [Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106], la Cour doit examiner la demande de modification d'un oeil favorable.

Application aux faits

(i) Le délai préjudiciable

[51]       La doctrine du délai préjudiciable, qui est fondée sur la notion de délai déraisonnable, ne s'applique pas lorsqu'il y a un délai de prescription imposé par la loi et que la personne fait valoir son droit à l'intérieur de ce délai (Prince Edward Island Mutual Insurance c. Insurance Co. of Prince Edward Island[23]; 392278 Ontario Ltd. (c. o. b. Group Three) c. Interopeka S.A.[24]).

[52]       Une allégation de délai préjudiciable est donc vouée à l'échec dans la présente affaire car le délai de prescription prévu au paragraphe 39(2) de la Loi sur les Cours fédérales[25] est de 6 ans (puisque Remo fait des ventes dans tout le Canada) alors que, pour faire valoir son droit, Jaguar Cars n'avait au plus que cinq ans (en comptant de 1987, au moment où elle a appris l'existence de la marque JAGUAR de Remo, à mars 1992, moment du dépôt de sa demande reconventionnelle contre Remo). La Cour ne peut donc pas permettre à Remo de modifier ses actes de procédure pour alléguer le délai préjudiciable.

(ii) Assentiment

[53]       Les critères pour établir l'assentiment sont les suivants. 1. Il faut quelque chose de plus que le simple retard. À lui seul, le silence ne suffit pas pour empêcher une procédure judiciaire (Canadian Memorial Services c. Personal Alternative[26], Institut National des Appellations d'Origine des Vins et Eaux-de-Vie et al. c. Andres Wines Ltd. et al.[27]); 2. le détenteur de droits doit connaître son droit et doit connaître la violation de son droit par l'autre partie (Omark Industries v. Sabre Saw Chain (1963) Ltd.[28], Electrolux v. Electrix[29]); 3. le détenteur de droits doit encourager l'autre partie à continuer la violation (Omark[30],Institut national[31],Electrolux[32]); et 4. l'autre partie doit agir à son détriment en se fiant à l'encouragement du détenteur de droits (Institut National[33], White Consolidated Industries, Inc. c. Beam of Canada Inc.[34], Canadian Memorial[35], Kirkbi AG c. Ritvik Holdings Inc.[36], Omark[37], Electrolux[38]). Dans Institut national[39], par exemple, la Haute Cour de justice de l'Ontario a clairement exposé l'exigence que la partie encourage l'autre partie à croire qu'elle n'exercerait pas ses droits et que cette autre partie s'est fondée sur l'inaction du demandeur :

[traduction] En d'autres termes, le « critère » du lord juge Goff est essentiellement le même que celui énoncé par le Conseil privé dans Lindsay Petroleum (page 136) :

... dans le cas d'une transgression continue, le véritable critère pour décider s'il faut refuser la réparation en equity pour le motif que le demandeur a atermoyé avant d'exercer ses droits est de savoir, dans les faits, si le titulaire du droit légal a fait davantage que d'attendre dans le but d'encourager l'auteur du préjudice à croire qu'il n'a pas l'intention d'invoquer rigoureusement ses droits, et si l'auteur du préjudice a agi à son détriment dans cette croyance ...


Par conséquent, la Cour doit décider si les demandeurs ont agi de façon à inciter les défendeurs à croire qu'ils n'exerceraient pas leurs droits contre eux. Il s'agit ensuite de se demander si les défendeurs, en se fiant à l'inertie des demandeurs, ont agi à leur propre détriment au cours de la période qui a suivi, c'est-à-dire les dernières soixante années. Ces facteurs, jumelés au « retard indu » des demandeurs avant d'exercer leurs droits permettront de décider s'il est opportun de décerner une injonction dans la présente affaire. [Non souligné dans l'original.]

[54]       Quant aux faits, M. Bassal a déclaré au procès n'avoir appris l'existence des accessoires Jaguar Cars que grâce à une annonce de Jaguar Cars dans le numéro de juin 1990 du Montreal Magazine. Dans son affidavit à l'appui de la présente requête, M. Bassal n'a dit ni que Jaguar Cars encourageait Remo à utiliser la marque de commerce JAGUAR, ni que Remo s'est fondée, à quelque moment que ce soit, sur l'encouragement de Jaguar Cars pour agir à son détriment. Plus important encore, aux paragraphes 14 et 45 de sa réponse au dossier de requête des défenderesses, Remo admet qu'elle ne s'est jamais fondée sur l'encouragement de Jaguar Cars pour utiliser la marque de commerce JAGUAR. Selon le paragraphe 14 :

[traduction] Les procureurs soussignés précisent que Remo ne s'est pas fondée sur l'inaction de Jaguar pour poursuivre Remo avant le dépôt de la demande reconventionnelle des défenderesses.

[55]       Il est donc certain qu'il serait impossible à Remo de prouver à tout le moins l'un des éléments de l'assentiment (agir à son détriment en se fiant à l'encouragement du titulaire de droits). L'argument d'assentiment serait à l'évidence voué à échouer. En conséquence, il n'y a pas lieu d'accueillir la requête en modification de Remo visant à lui permettre d'alléguer l'assentiment.


CONCLUSION

[56]       Pour ces motifs, la Cour répond aux première et quatrième questions par la négative, et aux deuxième, troisième et cinquième questions par l'affirmative. La requête est, par conséquent, rejetée.

[57]       La Cour accorde les dépens avocat-client aux défenderesses.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1. La requête est rejetée.

2. Les dépens avocat-client sont adjugés aux défenderesses.

« Michel M.J. Shore »

JUGE

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


Annexe A

Modification proposée par Remo pour ajouter des éléments à sa réponse à la défense modifiée des défenderesses et à sa défense à leur demande reconventionnelle

21.e) Depuis au moins le 10 juillet 1987, soit à la date des rapports du Bureau des marques de commerce relatifs aux demandes de numéros 581,257 et 581,258 déposées le 1er avril 1987 par la défenderesse Jaguar Cars Limited aux fins d'enregistrer au Canada les marques de commerce « JAGUAR » et dessin (un jaguar bondissant) et « JAGUAR » , les défenderesses, demanderesses reconventionelles, ont su ou ont été avisées par leurs agents de marque de commerce, McMilan Binch, de l'enregistrement de la marque de commerce canadienne numéro 263,924 de la demanderesse (défenderesse reconventionnelle), accordé le 30 octobre 1981, et à l'époque pertinente, les défenderesses (demanderesses reconventionnelles) étaient au courant ou ont été mises au courant des faits sur lesquels la demanderesse (défenderesse reconventionnelle) s'est fondée dans sa déclaration remodifiée.

f) Les défenderesses (demanderesses reconventionnelles) ne se sont jamais ni opposées ni à l'enregistrement par la demanderesse (défenderesse reconventionnelle) de la susdite marque de commerce, ni à la vente par la demanderesse (défenderesse reconventionnelle) de marchandises associées à la susdite marque de commerce.

g) La conduite des défenderesses (demanderesses reconventionnelles) durant la période du 10 juillet 1987 au 6 mars 1992, que ce soit au titre de leur démarche pour modifier le 15 décembre 1987 les demandes d'enregistrement (numéros 581,257 et 581,258) pour les marques de commerce « JAGUAR » et dessin (un jaguar bondissant) et « JAGUAR » afin d'y supprimer certaines marchandises afin de ne pas être en conflit avec l'enregistrement numéro 263,924 de la demanderesse (défenderesse reconventionnelle), ou que ce soit au titre de leurs omissions de ne pas faire valoir leurs prétendus droits de marque, fait en sorte que les défenderesses (demanderesses reconventionnelles) sont précluses par assentiment et par le délai préjudiciable et par conséquent sont forcloses d'invoquer leurs prétendus droits de marque à l'encontre de la demanderesse (défenderesse reconventionnelle).


COUR FÉDÉRALE

AVocats inscrits au dossier

Dossier :                                         T-1473-91

INtitulÉ :                                        REMO IMPORTS LTD. c. JAGUAR CARS LIMITED et FORD MOTOR COMPANY OF CANADA, LIMITED/FORD DU CANADA LIMITÉE exerçant ses activités sous le nom de JAGUAR CANADA

Lieu De l'audience :                  Ottawa (Ontario)

DATE De l'audience :                Jugé sur dossier

MOtifs D'ORDonnance ET

ORDonnance :                              le juge SHORE

DATE des motifs :                       LE 17 JUIN 2005

COMPARUTIONS :

J. Douglas Wilson                                Pour la demanderesse/défenderesse Pauline Bosman                                    reconventionnelle

Richard Uditsky                                   POUr les défenderesses/

Arthur Garvis                                       dEmanderesses reconventionnelles

Avocats inscrits au dossier :

RIDOUT & MAYBEE LLP                  Pour la demanderesse/défenderesse TORONTO, ONTARIO                       reconventionnelle


MENDELSOHN                                    POUr les défenderesses/

MONTRÉAL (QUÉBEC)                      dEmanderesses reconventionnelles



[1] Extrait des motifs du juge Décary dans Canderel Ltd c. Canada (C.A.), [1994] 1 C.F. 3, à la page 10.

[2] Autre extrait des motifs du juge Décary dans Canderel, supra, à la page 11.

[3] Citation par la Cour d'appel fédérale, dans Canderel, de l'arrêt de la Chambre des lords Ketteman c. Hansel Properties Ltd., [1987] 1 All. E.R. 38 (H.L.), à la page 62.

[4] La requête a d'abord été présentée en vertu des articles 200 et 201des Règles de la Cour fédérale (1998), mais, ceux-ci ne permettant pas le recours sollicité en l'espèce, la demanderesse a indiqué dans sa réponse au dossier de requête qu'elle introduisait la présente requête en vertu de l'article 75 des Règles.

[5] DORS/98-106.

[6] (1886) 11 O.R. 422 (C.A.), aux pages 427 et 429.

[7] (1992) 59 F.T.R. 207, [1992] A.C.F.. No 1163 ( 1re inst.)) (QL).

[8] [1994] 1 C.F. 3 (C.A.), à la page 10.

[9] (1993) 93 D.T.C. 298 (T.C.C.), à la page 302.

[10] Supra, à la page 11.                                                                                                                    

[11] (1996) 70 C.P.R. (3d) 23 (C.F. 1re inst.), à la page 23.

[12] (2002) 232 F.T.R. 68, [2002] A.C.F. No 122 (C.F. 1re inst.) (QL), au paragraphe 18.

[13] [1999] A.C.F. No 1663 ( 1re inst.)), (QL), aux paragraphes 17 et 19.

[14] (1993) 69 F.T.R. 310 (C.F. 1re inst.), [1993] A.C.F. No 1194 (1re inst.).) (QL).

[15] (1994) 172 N.R. 313 (C.A.F.).

[16] (1999) 86 C.P.R. (3d) 413 (Ont. C.A.), à la page 413.

[17] Supra, au paragraphe 17.

[18] Supra, au paragraphe 12.

[19] [1988] 1 All E.R. 38 (H.L.), à la page 62.

[20] Supra, à la page 11.

[21] [2004] A.C.F. No 513 (QL), au paragraphe 50.

[22] [2003] A.C.F. No 1925 (C.A.) (QL), au paragraphe 37.

[23] [1999] A.C.F. No 112 ( 1re inst.). (QL), aux paragraphes 24-25.

[24] [2001] O.J. No. 400 (J.C.S.), au paragraphe 72. Le droit relatif au délai préjudiciable a été confirmé en appel [2002] O.J. No. 3795 (C.A.), au paragraphe 3.

[25] L.R.C. 1985, ch. F-7.

[26] [2000] A.C.F.. No 140 (1re inst.) (QL), aux paragraphes 50 à 52.

[27] (1987) 16 C.P.R. (3d) 385 (H.C.J.), à la page 445; confirmé 74 O.R. (2d) 203 (C.A.).

[28] [1976] A.C.F. No 303 (1re inst.). (QL), au paragraphe 66.

[29] (1954), 71 R.P.C. 23 (C.A.) aux pages 27-29, 32, 34-35.

[30] Supra, au paragraphe 64.

[31] Supra, à la page 445.

[32] Supra, à la page 32.

[33] Supra, à la page 445

[34] (1991) 39 C.P.R. (3d) 94 (C.F. 1re inst.), à la page 113.

[35] Supra, au paragraphe 52.

[36] [2002], A.C.F. No 793 (1re inst.) (QL), au paragraphe 149.

[37] Supra, au paragraphe 66.

[38] Supra.

[39] Supra à la page 445.

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