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Date : 20210301


Dossier : IMM‐6652‐19

Référence : 2021 CF 188

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 1er mars 2021

En présence de monsieur le juge Bell

ENTRE :

DAVID ALFONZO BLANCO CARRERO

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

(Prononcés à l’audience par vidéoconférence à Fredericton (Nouveau‐Brunswick), le 25 février 2021. La syntaxe et la grammaire ont été corrigées et des renvois à la jurisprudence ont été incorporés.)

I. Nature de l’affaire

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire, présentée conformément au paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], à l’encontre d’une décision rendue par le bureau canadien des visas au Mexique, le 3 septembre 2019. M. Kevin Ascott (l’agent) a rejeté la demande de résidence permanente de M. David Alfonzo Blanco Carrero (le demandeur) au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés du Québec parce qu’il n’était pas convaincu que l’appelant satisfaisait aux exigences du paragraphe 86(2) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‐227 [le Règlement]. Plus spécifiquement, l’agent n’était pas satisfait qu’il avait l’intention de résider dans la province de Québec.

II. Faits

[2] Le demandeur est un citoyen du Vénézuéla. Il est arrivé à Montréal (Québec) en mai 2008 en tant que résident temporaire détenant le statut de représentant diplomatique du Vénézuéla pour l’Organisation de l’aviation civile internationale (l’OACI). En 2010, il a reçu un Certificat de sélection du Québec (CSQ) et a ensuite présenté une demande de résidence permanente au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés du Québec avec sa conjointe de l’époque et sa fille. Le 3 juin 2011, il a reçu une confirmation écrite que le ministère de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté du Canada (IRCC) avait reçu sa demande.

[3] Entre 2012 et 2017, le demandeur a fait l’objet de contrôles médicaux et de vérifications d’antécédents criminels à la demande d’IRCC. Cela a donné lieu à une série d’examens et d’entrevues menés par divers représentants du Service canadien du renseignement de sécurité (le SCRS), de la Gendarmerie royale du Canada (la GRC) et de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC).

[4] Le demandeur a retenu les services d’une avocate en 2017. Le 23 octobre 2017, en raison des retards de traitement, le demandeur a déposé plusieurs demandes d’accès à ses renseignements personnels auprès d’IRCC et de l’ASFC. Le dossier indiquait que les agents avaient relevés des inquiétudes concernant le service militaire du demandeur au Vénézuéla, le coup d’État qui a eu lieu en 1992 et l’emploi du demandeur à la direction générale sectorielle des services de renseignement et de prévention du Vénézuéla, entre 2003 et 2005. Malgré les questions soulevées par les agents, les explications détaillées du demandeur ont satisfait IRCC.

[5] Le 19 avril 2018, le Centre de traitement des demandes d’Ottawa a informé le demandeur que sa demande de résidence permanente avait été transférée au bureau canadien des visas au Mexique pour un examen plus approfondi.

[6] Pendant cette période, le CSQ du demandeur a expiré et le demandeur s’est séparé de son ancienne conjointe de fait. De plus, en 2018, la demande de visa étudiant de sa fille a été rejetée. Le demandeur affirme qu’il n’avait pas d’autre choix que d’envoyer sa fille dans un autre pays en raison du danger grandissant au Vénézuéla. Il a pour sa part déménagé en Colombie.

A. Interaction avec le système d’immigration québécois

[7] Le 9 avril 2019, le demandeur a communiqué avec le ministère de l’Immigration du Québec (le MIDI) afin de retirer son CSQ et celui de son ancienne conjointe et de demander un CSQ conjointement avec sa fille. Par conséquent, le MIDI a fermé son ancien dossier et en a ouvert un nouveau.

[8] Le 3 juin 2019, le MIDI a communiqué avec le demandeur pour lui signaler son intention de refuser sa demande, car il n’avait pas obtenu suffisamment de points pour se qualifier. Le MIDI a accordé au demandeur un délai de 90 jours pour soumettre des documents supplémentaires qui pourraient influer sur sa décision concernant sa demande. Cependant, le 16 juin 2019, la province de Québec a adopté le projet de loi 9, la Loi visant à accroître la prospérité socio‐économique du Québec et à répondre adéquatement aux besoins du marché du travail par une intégration réussie des personnes immigrantes, 1re session, 42législature, Québec, 2019 (a reçu la sanction royale le 16 juin 2019), LQ 2019, c 11 (projet de loi 9). L’objectif du projet de loi 9 était de donner au gouvernement du Québec un plus grand contrôle sur la détermination des personnes acceptées dans la province et sur les moyens par lesquels elles s’intégreront dans la province. Fait plus important encore, il comprenait un amendement qui a entraîné l’annulation d’un arriéré de demandes existantes au titre du programme des travailleurs qualifiés du Québec. Par conséquent, le dossier du demandeur au bureau d’immigration du Québec a été annulé et supprimé de ses registres. À l’audience que j’ai présidée le 25 février 2021, l’avocate du demandeur a soutenu que sa demande au Québec avait été annulée et supprimée par erreur, car elle n’était pas censée être visée par la nouvelle disposition législative.

B. Source des préoccupations d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada

[9] Le 3 juillet 2019, l’avocate du demandeur a communiqué avec le bureau canadien des visas au Mexique pour lui demander de prendre des mesures spéciales fondées sur des motifs d’ordre humanitaire. C’est sur la base de ce courriel qu’IRCC a finalement conclu que le demandeur n’avait pas l’intention de résider au Québec. Une partie du courriel du 3 juillet 2019 est reproduite ci‐dessous :

[TRADUCTION]

[...]

Soyez assurés que nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour nous conformer à toutes les exigences.

Cependant, Immigration Québec (le MIDI) ne peut pas tout simplement délivrer un CSQ à un membre accompagnateur de la famille. Cela serait trop facile.

Immigration Québec recalcule les points du demandeur, lequel, malheureusement, à cause du temps qui s’est écoulé (CIC a gardé son dossier en suspens pendant 11 ans), n’atteint pas le seuil minimal, surtout parce qu’il n’est plus au Canada. Nous avons donc reçu une lettre d’intention de refuser la demande de CSQ de notre client. Cela reste à régler, puisque le système de points utilisé pour évaluer le dossier est incomplet, mais notre client, M. Blanco Carrero, répondra en présentant ses résultats aux tests d’évaluation linguistique (IELTS et TEF) ainsi qu’avec une preuve d’expérience dans son domaine connexe, qui n’ont pas été pris en compte.

Cependant, pour le moment, puisqu’il a vendu ses biens au Québec lorsqu’il a été pressé par IRCC de quitter le Canada, notre client n’insiste plus pour immigrer au Québec si d’autres options sont disponibles.

Les options que nous vous demandons de considérer sont les suivantes :

Transférer sa demande à l’immigration fédérale pour des motifs humanitaires, compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant concernée (elle ne peut plus retourner au Vénézuéla, et le demandeur est, à l’heure actuelle, sa seule famille).

Tenir compte des longs délais associés à son dossier à IRCC depuis 2011; son dossier n’a pas été traité parce que certains agents de différents organismes ont mal évalué son passé, notamment en formulant des hypothèses biaisées et non étayées.

Comme vous le savez déjà, s’il avait fait l’objet d’une évaluation correcte dans un délai raisonnable, il y a 8 ans, M. Blanco Carrero aurait immigré au Canada et, en vertu de la législation et des politiques en vigueur à l’époque, aurait été autorisé à parrainer sa fille.

Si cette option peut être envisagée, nous sommes prêts à présenter des observations complètes pertinentes et à remplir tout formulaire requis à cette fin.

Une autre option serait qu’il renonce simplement à faire immigrer sa fille avec lui pour le moment. Comme elle a déjà passé le contrôle médical, s’il obtient la résidence permanente en temps opportun, il pourra la parrainer à une date ultérieure : elle vient d’avoir 19 ans.

[...]

[10] Le 20 août 2019, l’agent a envoyé au MIDI une lettre dans laquelle il demandait si le demandeur avait, tel que requis, l’intention de rester au Québec et si le MIDI appuierait toujours sa demande au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés. Pour des motifs inconnus, l’agent a supposé que le CSQ de la fille du demandeur avait été refusé en raison de problèmes financiers. Une partie du courriel est reproduite ci‐dessous.

[...]

Je suis en train de traiter la demande de travailleur qualifié de M. Blanco Carrero que nous avons reçue en 2011. La demande est âgée parce que nous avions des préoccupations particulières. Finalement, nous avons conclu que le demandeur n’est pas inadmissible. Pendant le traitement de sa demande, sa composition familiale accompagnante a changé. Nous lui avons donc demandé que le demandeur obtienne un CSQ pour sa fille accompagnatrice, mais le MIDI l’avez refusé pour des raisons financières.

En réception du refus du MIDI, le demandeur nous a informés qu’il voulait arriver au Québec sans sa fille, et, à cause de son refus québécois, qu’il va déménager à une autre province afin de faire une demande de parrainage. À cause de cette information, j’ai des préoccupations que le demandeur n’ait pas intention de rester au Québec.

[...]

[11] L’agent a rendu sa décision le 3 septembre 2019. Il a reçu une réponse du MIDI le 4 septembre 2019. Le MIDI a nié avoir refusé le CSQ de la fille du demandeur en raison de préoccupations financières et a affirmé avoir simplement égaré le paiement requis pour l’ajout d’un enfant au dossier du demandeur. De plus, il a indiqué que la demande aurait probablement été refusée après sa réponse, car le demandeur ne satisfaisait plus aux critères. Le MIDI a également confirmé que le traitement du dossier du demandeur n’a jamais été achevé, puisqu’il a été supprimé le 16 juin 2019 en raison du projet de loi 9. Encore une fois, je mentionne que le demandeur soutient que le MIDI n’aurait pas dû supprimer son dossier.

III. Décision faisant l’objet du contrôle

[12] Le 3 septembre 2019, l’agent a rejeté la demande de résidence permanente du demandeur en tant que travailleur qualifié du Québec, ayant conclu que le demandeur ne satisfaisait pas aux exigences énoncées au paragraphe 86(2) du Règlement.

[13] Dans ses motifs, l’agent a indiqué qu’il n’était pas convaincu que les exigences étaient satisfaites parce que le demandeur a indiqué que son enfant à charge s’était vu refuser un CSQ et qu’il était prêt à déménager dans une autre province afin de parrainer son enfant.

[14] Les motifs d’ordre humanitaire soulevés par le demandeur ont été brièvement traités dans les notes incluses dans la décision. Ils ont été abordés de manière plutôt superficielle, l’agent ayant déclaré qu’il n’était pas convaincu que la demande justifiait ce type d’examen.

IV. Dispositions pertinentes

[15] Les dispositions pertinentes sont l’alinéa 9(1)b) et les paragraphes 25.2(1) et 25.2(3) de la LIPR, le paragraphe 86(2) du RIPR et la clause 28 du projet de loi 9, reproduits ci‐dessous :

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27

Immigration and Refugee Protection Act, S.C. 2001, c. 27

Responsabilité provinciale exclusive : résidents permanents

Sole provincial responsibility — permanent residents

9 (1) Lorsqu’une province a, sous le régime d’un accord, la responsabilité exclusive de sélection de l’étranger qui cherche à s’y établir comme résident permanent, les règles suivantes s’appliquent à celui‐ci sauf stipulation contraire de l’accord :

9 (1) Where a province has, under a federal‐provincial agreement, sole responsibility for the selection of a foreign national who intends to reside in that province as a permanent resident, the following provisions apply to that foreign national, unless the agreement provides otherwise:

b) le statut de résident permanent ne peut être octroyé à l’étranger qui ne répond pas aux critères de sélection de la province;

(b) the foreign national shall not be granted permanent resident status if the foreign national does not meet the province’s selection criteria;

Séjour dans l’intérêt public

Public policy considerations

25.2 (1) Le ministre peut étudier le cas de l’étranger qui est interdit de territoire ou qui ne se conforme pas à la présente loi et lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, si l’étranger remplit toute condition fixée par le ministre et que celui‐ci estime que l’intérêt public le justifie.

25.2 (1) The Minister may, in examining the circumstances concerning a foreign national who is inadmissible or who does not meet the requirements of this Act, grant that person permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligations of this Act if the foreign national complies with any conditions imposed by the Minister and the Minister is of the opinion that it is justified by public policy considerations.

Critères provinciaux

Provincial criteria

(3) Le statut de résident permanent ne peut toutefois être octroyé à l’étranger visé au paragraphe 9(1) qui ne répond pas aux critères de sélection de la province en cause qui lui sont applicables.

(3) The Minister may not grant permanent resident status to a foreign national referred to in subsection 9(1) if the foreign national does not meet the province’s selection criteria applicable to that foreign national.

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (DORS/2002‐227)

Immigration and Refugee Protection Regulations (SOR/2002‐227)

Qualité

Member of the class

(2) Fait partie de la catégorie des travailleurs qualifiés (Québec) l’étranger qui satisfait aux exigences suivantes :

(2) A foreign national is a member of the Quebec skilled worker class if they

a) il cherche à s’établir dans la province de Québec;

(a) intend to reside in the Province of Quebec; and

 

b) il est visé par un certificat de sélection du Québec délivré par cette province.

(b) are named in a Certificat de sélection du Québec issued to them by that Province.

PL 9, Loi visant à accroitre la prospérité socio‐économique du Québec et à répondre adéquatement aux besoins du marché du travail par une intégration réussie des personnes immigrantes, 1re sess, 42e légis, Québec, 2019, c 11 (sanctionné le 16 juin 2019), LQ 2019, c 11

Bill 9 An Act to increase Québec's socio‐economic prosperity and adequately meet labour market needs through successful immigrant integration, 1st Sess, 42nd Leg, Québec, 2019, (assented to 16 june 2019), SQ 2019, c 11

28. Il est mis fin à toute demande présentée au ministre dans le cadre du Programme régulier des travailleurs qualifiés avant le 2 août 2018 si, le 16 juin 2019, il n’a pas pris de décision de sélection, de refus ou de rejet concernant cette demande

28. An application filed with the Minister before 2 August 2018 under the Regular Skilled Worker Program is terminated if, on 16 June 2019, the Minister has not made a selection, refusal or rejection decision on the application.

V. Questions en litige

[16] Même si le demandeur soulève plusieurs questions, je suis convaincu que l’on peut trancher la présente demande en évaluant si la décision satisfait au critère du caractère raisonnable et, à titre subsidiaire, s’il y a eu manquement à l’équité procédurale.

VI. Analyse

[17] Le demandeur et le défendeur conviennent que la décision de l’agent est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable; voir Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65. Ils conviennent également que, pour les questions d’équité procédurale, la norme applicable est celle de la décision correcte.

[18] Le demandeur soutient que la décision de l’agent est déraisonnable en ce qu’elle est fondée sur une interprétation erronée du courriel du demandeur daté du 3 juillet 2019. Il affirme que, dans ce courriel, il a déclaré que son dossier auprès du bureau d’immigration du Québec était toujours en suspens et qu’il prenait les mesures nécessaires pour se conformer aux exigences afin que le MIDI puisse lui délivrer un CSQ ainsi qu’à sa fille. Le demandeur souligne avec pertinence qu’il n’a jamais déclaré que le MIDI avait refusé de délivrer un CSQ à sa fille en raison de préoccupations financières et qu’il n’a jamais déclaré avoir eu l’intention de résider à l’extérieur du Québec, comme l’a indiqué l’agent dans sa décision.

[19] En outre, le demandeur fait valoir que l’agent a agi de manière déraisonnable en prenant sa décision avant de recevoir une réponse du MIDI. Le 20 août 2019, l’agent avait envoyé un courriel au MIDI pour s’enquérir du statut du demandeur. Le demandeur affirme que le fait que l’agent a rendu sa décision le 3 septembre 2019, avant d’avoir reçu des renseignements qu’il (l’agent) estimait importants, montre que la logique de la décision est déraisonnable. De plus, la réponse du MIDI, reçue le 4 septembre 2019, confirme que le raisonnement et les interprétations de l’agent présentent des lacunes. Dans cette réponse, le MIDI a confirmé que la fille du demandeur ne s’était pas vu refuser un CSQ en raison de préoccupations financières, mais que le dossier du demandeur avait été annulé et supprimé sans être traité en totalité parce que le Québec avait adopté le projet de loi 9; voir la décision Zhang c Canada, 2020 CF 53 au paragraphe 12.

[20] Je suis en accord avec la position avancée par le demandeur en ce qui concerne le caractère déraisonnable de la décision. Il n’existe aucun élément de preuve montrant que la fille du demandeur s’est vu refuser un CSQ. En fait, la lettre du MIDI datée du 4 septembre 2019 indique que la demande de CSQ de sa fille n’a pas été refusée en raison de préoccupations financières; le fait est plutôt que la demande n’a jamais été finalisée parce qu’elle a été supprimée et annulée après l’adoption par le Québec du projet de loi 9. Je suis également d’avis que l’agent a enfreint les règles de l’équité procédurale en demandant au MIDI des renseignements concernant le demandeur et en prenant sa décision avant d’avoir reçu les renseignements demandés. Comme je l’ai indiqué, les renseignements du MIDI, qui contredisaient une conclusion tirée dans la décision du 3 septembre, sont arrivés le 4 septembre.

[21] Par ailleurs, l’agent a interprété de façon déraisonnable un geste de coopération du demandeur concernant la région du Canada où il était prêt à se réinstaller. À mon avis, l’agent a interprété de manière déraisonnable la tentative du demandeur de se sortir de ce qui semble avoir été un cauchemar bureaucratique créé par le Canada et le Québec, inférant du courriel du 3 juillet 2019 une intention de résider à l’extérieur de la province de Québec. À mon avis, la seule interprétation raisonnable de l’ensemble du dossier est que le demandeur veut s’établir au Québec. Toutefois, en dernier recours, il serait prêt à déménager ailleurs au Canada.

C. Considérations d’ordre humanitaire

[22] Je suis également d’accord avec le demandeur pour dire que l’agent n’a pas adéquatement tenu compte des considérations d’ordre humanitaire. La province de Québec n’a pas conclu que le demandeur ne satisfaisait pas à l’exigence de sélection. Au contraire, il semble qu’en raison d’une application erronée du projet de loi 9, elle a annulé et supprimé la demande du demandeur. Il faut faire une distinction entre l’annulation d’une demande par effet de la loi et la prise d’une décision finale selon laquelle une partie ne satisfait pas aux critères d’admissibilité.

VII. Conclusion

[23] Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision est déraisonnable et ne respecte pas les exigences de l’équité procédurale.


JUGEMENT dans le dossier IMM‐6652‐19

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

  2. La décision de l’agent des visas rendue le 3 septembre 2019 est annulée.

  3. À moins que les parties ne s’entendent sur la question de la réparation appropriée avant le 14 mai 2021 :

    1. la demande est ajournée au 31 mai 2021, à 10 h, pour que des observations supplémentaires soient présentées sur la question de la réparation appropriée;

    2. les deux parties doivent soumettre des observations écrites supplémentaires au plus tard le 14 mai 2021;

    3. l’une ou l’autre des parties doit présenter une observation en réponse à la position prise par l’autre partie au plus tard le 21 mai 2021;

    4. dans leurs observations écrites devant être déposées au plus tard le 14 mai 2021, les deux parties doivent aborder la question des dépens entre avocat et client et indiquer si la Cour peut ordonner, dans le cadre de la réparation, que la demande de visa soit renvoyée à un autre agent des visas pour un nouvel examen fondé sur le droit du Québec l’entrée en vigueur du projet de loi 9. En outre, les parties peuvent présenter toute autre observation sur la question de la réparation, sur les conseils de leurs représentants.

  4. Les dépens, s’il y en a, seront déterminés à la reprise de la demande le 31 mai 2021, ou sur demande des parties si cette question n’est pas réglée.

Aucune question n’est certifiée aux fins d’examen par la Cour d’appel fédérale.

« B. Richard Bell »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‐6652‐19

 

INTITULÉ :

DAVID ALFONZO BLANCO CARRERO c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE par vidéoconférence à Fredericton (Nouveau‐Brunswick); MONTRÉAL (QUéBEC)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 25 FÉVRIER 2021

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LE JUGE BELL

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 1er MARS 2021

 

COMPARUTIONS :

MPatricia Gamliel

 

pour le demandeur

 

MMichel Pépin

 

pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Dunton Rainville S.E.N.C.R.L.

Montréal, Québec

 

pour le demandeur

 

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

pour le défendeur

 

 

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