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Date : 20210304


Dossier : IMM-7898-19

Référence : 2021 CF 205

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 4 mars 2021

En présence de monsieur le juge Mosley

ENTRE :

SAMSONDEEN BOLANLE LASISI

RAHEEMAT GBEMISOLA BOLANLE-LASISI

BAHEERA BOLATITO BOLANLE-LASISI

BAIZA BOLAYOLE BOLANLE-LASISI

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Introduction

[1] Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire d’une décision rendue le 17 novembre 2019 par la Section d’appel des réfugiés [SAR], qui a confirmé que les demandeurs ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger au sens des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR]. La SAR a conclu que les demandeurs disposaient de possibilités de refuge intérieur viables (PRI) à Port Harcourt, à Abuja ou à Kaduna.

[2] Pour les motifs qui suivent, la demande est rejetée.

II. Contexte

[3] Les demandeurs, Samsondeen Bolanle Lasisi (demandeur principal) et Raheemat Gbemisola Bolanle-Lasisi (codemanderesse), ainsi que Baheera Bolatito Bolanle-Lasisi et Baiza Bolayole Bolanle-Lasisi (demandeurs mineurs) sont une famille du Nigéria. Ils demandent l’asile afin d’échapper à la famille du demandeur principal, qui exercerait depuis plusieurs années des pressions pour que la mère et les filles soient excisées.

[4] En janvier 2018, le demandeur principal a quitté le Nigéria pour les États‑Unis sans son épouse et ses filles. Les demandeurs affirment que la codemanderesse a subi des pressions de la part de membres de la famille de son époux pour qu’elle et ses filles se fassent exciser. Par conséquent, elles ont rejoint le demandeur principal aux États-Unis en avril 2018. Quelques semaines plus tard, ils sont arrivés au Canada, où ils ont demandé l’asile.

[5] La Section de la protection des réfugiés (SPR) a conclu que le récit des demandeurs n’était pas crédible et que ces derniers disposaient de PRI viables à Port Harcourt, à Abuja ou à Kaduna. La SAR a confirmé la décision de la SPR et a rejeté l’appel.

[6] La SAR a conclu que l’existence de PRI viables à Port Harcourt, à Abuja ou à Kaduna était un facteur déterminant et n’a pas examiné les conclusions de la SPR en matière de crédibilité.

III. Question en litige

[7] Dans la présente affaire, la question centrale et déterminante consiste à savoir si la décision de la SAR est raisonnable.

IV. Analyse

[8] La norme de contrôle applicable à la décision de la SAR est celle de la décision raisonnable : Canada (Citoyenneté et Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] au para 30.

[9] La cour de justice qui effectue un contrôle selon la norme de la décision raisonnable doit centrer son attention sur la décision même qu’a rendue le décideur administratif, notamment sur sa justification. Une cour de justice qui applique la norme de contrôle de la décision raisonnable ne se demande pas quelle décision elle aurait rendue à la place du décideur administratif, ne tente pas de prendre en compte l’éventail des conclusions, ne se livre pas à une analyse de novo, et ne cherche pas à déterminer la solution correcte au problème. La cour de révision n’est plutôt appelée qu’à décider du caractère raisonnable de la décision rendue par le décideur, ce qui inclut à la fois le raisonnement suivi et le résultat obtenu. (Vavilov, au para 83).

[10] Comme il est mentionné ci-dessus, la question déterminante dans la présente affaire consiste à savoir si la décision de la SAR est raisonnable quant à l’existence d’une PRI viable dans l’une des trois villes désignées. Le critère à deux volets à appliquer pour décider s’il existe une PRI viable est le suivant : (i) selon la prépondérance des probabilités, il ne doit pas exister de possibilité sérieuse que la personne soit persécutée dans la partie du pays où il existe une la PRI; (ii) la situation dans la partie du pays où il existe une PRI doit être telle que, compte tenu de toutes les circonstances, il ne serait pas déraisonnable pour la personne de s’y réfugier. Le critère pour qualifier une PRI de déraisonnable est strict : Thirunavukkarasu c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 CF 589 (CAF) [Thirunavukkarasu].

[11] Comme le conclut la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Thirunavukkarasu, l’existence ou non d’une possibilité de refuge dans une autre partie du pays fait partie intégrante de la décision portant sur le statut de réfugié au sens de la Convention du demandeur, et il appartient à ce dernier de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il risque sérieusement d’être persécuté dans tout le pays, y compris la partie qui offrait prétendument une possibilité de refuge.

[12] Les observations présentées par les demandeurs devant la SPR quant à l’existence de PRI au Nigéria reposaient principalement sur la proposition que l’un de leurs persécuteurs, un certain M. Lukman, pourrait les localiser où qu’ils soient dans ces villes parce qu’il voyage beaucoup en tant qu’agent d’un parti politique. De plus, compte tenu de leur situation financière, comme en témoigne le fait qu’ils n’ont pas quitté le pays ensemble, ils n’avaient pas les moyens de s’établir dans l’une ou l’autre des trois villes désignées comme PRI.

[13] Concernant la question des PRI, les observations présentées par les demandeurs en appel devant la SAR ont porté sur le fait que la SPR n’a pas tenu compte de l’application non uniforme dans le pays de la loi nigériane interdisant la mutilation génitale des femmes. Ils n’ont pas contesté la conclusion de la SPR selon laquelle leurs agents de persécution ne seraient pas en mesure de les localiser au Nigéria et qu’il n’était pas déraisonnable de s’attendre à ce qu’ils s’établissent dans les villes proposées comme PRI compte tenu de leur situation financière.

[14] Les conclusions de la SPR qui n’ont pas été contestées en appel par les demandeurs ne peuvent pas constituer le fondement du contrôle judiciaire de la décision de la SAR : Akintola c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 971 au para 21; Abdulmaula c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 14 aux para 13-16; Dovha c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 864 au para 6; Zakka c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2005 CF 1434 au para 13; Dahal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 1102 au para 35.

[15] Je rejette l’argument des demandeurs selon lequel la SAR n’a pas effectué une analyse indépendante des conclusions de la SPR en ce qui a trait à la viabilité des PRI. Les demandeurs ont choisi d’axer leur appel principalement sur les questions de crédibilité soulevées par la SPR. La SAR a admis de nouveaux éléments de preuve en lien avec ces questions, mais elle a jugé qu’il n’était pas nécessaire de les examiner compte tenu de la viabilité des PRI. Elle a souscrit à la conclusion de la SPR que les agents de persécution n’auraient ni les moyens ni la capacité de trouver les demandeurs dans les trois villes. Par conséquent, il était inutile pour les demandeurs de se fonder sur la capacité de l’État à appliquer les mesures interdisant la MGF.

[16] Les demandeurs n’ont pas contesté la conclusion de la SPR selon laquelle il était raisonnable de s’attendre à ce qu’ils puissent se réinstaller dans les endroits proposés comme PRI. Les demandeurs adultes ont tous deux une formation postsecondaire et parlent l’anglais, langue couramment employée dans tout le Nigéria. La SPR pouvait rejeter l’affirmation selon laquelle les demandeurs ne pouvaient pas se réinstaller dans un endroit offrant une PRI parce qu’ils n’en avaient pas les moyens. Quoi qu’il en soit, ils ne peuvent pas contester maintenant la conclusion de la SPR puisqu’ils ne l’ont pas soulevée devant la SAR.

V. Conclusion

[17] La SAR a réalisé une analyse indépendante de la viabilité des PRI pour les demandeurs. Sa décision est fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et elle est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles elle est assujettie.

[18] Aucune question grave de portée générale n’a été proposée, et aucune ne sera certifiée.

 


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-7898-19

LA COUR STATUE QUE la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’est certifiée.

« Richard G. Mosley »

Juge

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-7898-19

INTITULÉ :

SAMSONDEEN BOLANLE LASISI

RAHEEMAT GBEMISOLA BOLANLE-LASISI

BAHEERA BOLATITO BOLANLE-LASISI

BAIZA BOLAYOLE BOLANLE-LASISI

c

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE À TORONTO ET À OTTAWA

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 20 JANVIER 2021

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MOSLEY

DATE DES MOTIFS :

LE 4 MARS 2021

COMPARUTIONS :

Sina Ogunleye

POUR LES DEMANDEURS

Amy King

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Sina Ogunleye

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LES DEMANDEURS

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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