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Date : 20050719

Dossier : IMM-6438-04

Référence : 2005 CF 998

Ottawa (Ontario), le 19 juillet 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE ROULEAU

ENTRE :

                                             NADINE LINDONA SEARLES

                                                                                                                        demanderesse

                                                                       et

               LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                               défendeur

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE ROULEAU


[1]                Il s'agit d'une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire fondée sur le paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C 2001, ch. 27, (la Loi), de la décision (la décision) rendue par un agent (l'agent) de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) le 17 juin 2004. La Commission a conclu que la demanderesse n'était ni une réfugiée au sens de la Convention, ni une personne à protéger. La Commission a conclu qu'il n'y avait aucune preuve que le père de l'enfant de la demanderesse s'intéressait actuellement à la demanderesse et que, par conséquent, le fondement de sa crainte de retourner à la Grenade ne saurait être justifié.

[2]                La demanderesse Nadine Lindona Searles est une citoyenne de la Grenade. Elle revendique le statut de réfugiée et de personne à protéger au motif qu'elle était maltraitée par son ex-conjoint de fait, Seth Harris, avec qui elle a eu un enfant.

[3]                La demanderesse a entretenu une relation avec M. Harris, et ce, de l'âge de 19 ans jusqu'à ce qu'elle arrive au Canada, à l'âge de 24 ans. M. Harris, un barbier et un trafiquant de drogue, s'est conduit de façon violente à l'égard de la demanderesse tout au long de leur relation.

[4]                En décembre 1999, la demanderesse a eu un fils avec M. Harris. L'enfant est mort peu de temps après sa naissance prématurée. Sa mort a été provoquée par des voies de fait que M. Harris lui avait infligés. La demanderesse porte une marque de brûlure permanente suite à cet incident.

[5]                En avril 2000, la demanderesse est allée vivre chez sa tante en Angleterre. Elle y est demeurée un mois, puis, à la demande de M. Harris, elle est retournée à la Grenade. Elle a insisté pour que M. Harris lui fasse un deuxième enfant en raison du décès du premier enfant. Un deuxième enfant est né à Saint-Vincent en novembre 2000.


[6]                La demanderesse a quitté M. Harris en mai 2001 et est allée vivre avec sa mère. Elle est arrivée au Canada en octobre 2001. Sa fille est demeurée à la Grenade. M. Harris a appelé la demanderesse à un certain nombre de reprises mais celle-ci, avec l'aide de sa mère, l'a empêché de voir l'enfant. La demanderesse souligne que M. Harris n'a aucunement tenté de communiquer avec elle récemment. M. Harris a vu sa fille pour la dernière fois alors que celle-ci était âgée de six mois; celle-ci est maintenant âgée de quatre ans. Selon son témoignage, M. Harris a appelé sa mère, à une ou deux reprises, après que celle-ci eut quitté la Grenade; on n'a pas entendu parler de lui depuis.

[7]                La Commission a conclu que la demanderesse était crédible et elle a cru que celle-ci avait entretenu une relation marquée par la violence avec M. Harris. La Commission a également cru que M. Harris exerce une certaine influence sur la police à la Grenade. Toutefois, la Commission a conclu que, au moment de l'audience, rien n'indiquait que M. Harris avait tenté de voir sa fille, à part le fait qu'il ait téléphoné à quelques reprises. La Commission a conclu que rien n'indiquait que M. Harris s'intéressait toujours à la demanderesse ou à sa fille et qu'il n'insisterait pas pour continuer la relation si la demanderesse retournait à la Grenade.


[8]                La demanderesse prétend que, compte tenu de la conclusion qu'elle a subi des mauvais traitements et des préjudices physiques dans le passé et compte tenu de la conclusion que M. Harris exerce une certaine influence sur la police, la conclusion de la Commission qu'elle ne subirait aucun préjudice si elle retournait à la Grenade est déraisonnable et que la présente décision a été prise sans tenir compte des éléments de preuve soumis à la Commission.

[9]                La demanderesse prétend que la décision de la Commission est fondée sur la conclusion singulière que M. Harris a eu des contacts très limités avec elle et sa fille depuis qu'elle l'a quitté et qu'il ne s'intéresse plus à elle, ni à sa fille. La demanderesse prétend qu'elle a toujours peur de M. Harris et que sa crainte de retourner à la Grenade est fondée sur la peur qu'elle a de M. Harris.

[10]            La demanderesse prétend également que si sa famille a été incapable de l'aider pendant la période où elle a été victime de violence, elle ne sera pas davantage capable de l'aider dans l'avenir.

[11]            Le défendeur prétend que c'est à la demanderesse qu'il incombe de présenter une preuve claire et convaincante du bien-fondé de sa revendication. Le défendeur souligne que la Commission a accepté que M. Harris avait fait subir des mauvais traitements à la demanderesse dans le passé, mais que la preuve ne permettait pas de conclure qu'il existait un risque grave qu'il agisse de la même façon dans l'avenir.


[12]            Le défendeur prétend qu'il était loisible à la Commission de conclure que la demanderesse ne s'était pas acquittée de l'obligation qui lui incombait de démontrer qu'il existait un risque grave qu'elle soit persécutée à la Grenade.

[13]            Dans RKL c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CFPI 116, [2003] A.C.F. no 162, la Cour a souligné ce qui suit au paragraphe 7 :

¶ 7      [...] La Cour a statué que la Commission a une expertise bien établie pour statuer sur des questions de fait, et plus particulièrement pour évaluer la crédibilité et la crainte subjective de persécution d'un demandeur : voir Rahaman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F.. no 1800, au paragr. 38 (QL) (1re inst.); Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 157 F.T.R. 35, au paragraphe 14.

[14]            De plus, dans Akhigbe c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 249, [2002] A.C.F. no 332, le juge Dawson a souligné ce qui suit au paragraphe 11 :

¶ 11       C'est à la SSR qu'il incombe d'évaluer le poids à accorder aux éléments de preuve, et la Cour ne peut pas substituer, tout simplement, sa propre opinion à celle de la SSR en cette matière. Les conclusions de faits de la SSR doivent être examinées selon la norme de contrôle qui appelle le plus haut degré de retenue et ne devraient être modifiées que si elles ont été tirées de façon abusive ou arbitraire ou si elles ne tiennent pas compte de la documentation produite devant la SSR.


[15]            Dans la cause dont je suis saisi, la Commission a cru la demanderesse mais a rejeté sa demande pour deux raisons : 1) la Commission a conclu que l'ex-conjoint de fait de la demanderesse ne s'intéresse plus ni à elle, ni à sa fille; 2) la demanderesse jouirait à d'un fort soutien familial à la grenade lors de son retour.

[16]            La fille de la demanderesse se trouve toujours à la Grenade. Le fait que M. Harris n'entretienne plus de relation avec sa fille, laquelle se trouve dans le même pays que lui, et le fait qu'il ne s'intéresse plus à elle, étaye la conclusion de la Commission qu'il n'est plus intéressé à poursuivre la relation avec la demanderesse et avec leur fille. La demanderesse a donné naissance à sa fille en novembre 2000 et elle a quitté M. Harris en mai 2001; elle est ensuite allée vivre chez sa mère puis elle est partie pour le Canada en octobre 2001. M. Harris n'a pas vu sa fille depuis mai 2001. La demanderesse et sa mère ont réussi à tenir l'enfant à l'écart de M. Harris, et ce, de l'âge de six mois jusqu'à aujourd'hui. Elles n'ont fait l'objet d'aucune menace, ni durant les six mois pendant lesquels elles sont demeurées à la Grenade, ni depuis ce temps.

[17]            La demanderesse a quitté M. Harris à une reprise pour aller vivre avec sa tante en Angleterre, puis elle est retournée à la Grenade à la demande de M. Harris. Un mois plus tard, elle a décidé de retourner vivre avec M. Harris puis, elle l'a quitté en mai 2001.


[18]            La décision de la Commission est raisonnable; son appréciation du risque est de nature prospective, eu égard à la preuve en l'espèce. La conclusion de la Commission est fondée sur les faits et les principes mentionnés dans la jurisprudence et ne devrait pas être modifiée.

                                                          ORDONNANCE

La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

   « Paul Rouleau »

Juge

Ottawa (Ontario)

Le 19 juillet 2005

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc. LL.B., trad. a.


                                                       COUR FÉDÉRALE

                                        AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                                       

DOSSIER :                                               IMM-6438-04

INTITULÉ :                                              NADINE LINDONA SEARLES

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                        TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                      LE 15 JUIN 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :         LE JUGE ROULEAU

DATE DES MOTIFS :                             LE 19 JUILLET 2005

COMPARUTIONS :                               

Laurence Cohen                                          POUR LA DEMANDERESSE

Janet Chisolm                                             POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Laurence Cohen

Toronto (Ontario)                                        POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)                                         POUR LE DÉFENDEUR


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