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Date : 20010502

Dossier : IMM-5-00

Référence neutre : 2001 CFPI 426

ENTRE :

RODOLFO PACIFICADOR

demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE

[1]                 Il s'agit d'une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire présentée selon l'article 82.1 de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi) à l'encontre de la mesure d'expulsion conditionnelle prononcée le 17 décembre 1999 par l'arbitre Frederica Douglas (l'arbitre Douglas), de la section d'arbitrage de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Le demandeur a également déposé un avis de question constitutionnelle.


Ordonnance demandée

[2]                 Le demandeur sollicite :

1.                    une ordonnance annulant la décision ci-dessus;

2.                    une ordonnance selon laquelle le sous-alinéa 19(1)c.1)(ii) de la Loi est nul, sans effet et inopérant, et ne peut être appliqué parce qu'il est incompatible avec les droits garantis au demandeur par l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, ch. 11 (ci-après la Charte);

3.                    subsidiairement, le demandeur prie la Cour d'interpréter et d'appliquer le sous-alinéa 19(1)c.1)(ii) d'une manière qui s'accorde avec ses droits selon l'article 7 de la Charte;

4.                    subsidiairement, comme solution de dernier recours, le demandeur voudrait que soit rendue une ordonnance portant réexamen de l'affaire par un tribunal différemment constitué, selon les directives que la Cour jugera à propos.


Les faits

[3]                 Le demandeur, Rodolfo Pacificador, un ressortissant de la République des Philippines, vient d'une famille qui a été politiquement très active aux Philippines. Son père, Arturo Pacificador, associé au parti de feu Ferdinand Marcos, le parti Kilusan Bagong Lipunan (KLP), avait été élu pour représenter la région Antique au Congrès de 1978 à 1986. Le demandeur a travaillé dans des campagnes électorales pour son père en 1978 et de nouveau en 1984, et il était le directeur général du bureau de la circonscription électorale de son père.

[4]                 Durant l'élection présidentielle de février 1986, Evelio Javier dirigeait au niveau local la campagne de Corazon Aquino, l'adversaire de Ferdinand Marcos. Le 11 février 1986, Evelio Javier fut tué par balle. Le demandeur a été accusé de meurtre et de tentative de meurtre aux Philippines le 13 octobre 1986, et un mandat d'arrêt a été décerné contre lui aux Philippines le 8 janvier 1987. S'agissant des présumées infractions, la dénonciation déposée contre le demandeur aux Philippines, qui apparaît dans le volume 6, à la page 1094, du dossier certifié de la décision de la section d'arbitrage, mentionne en partie ce qui suit :

[TRADUCTION]

Le procureur principal d'État soussigné du ministère de la Justice accuse JOHN PALOY, VINCENTE VEGAFRIA, EDUARDO IRAN alias « BOY MUSLIM » alias « MUKLO » , RUDOLFO PACIFICADOR alias « DING » , AVELINO T. JAVELLANA, ARTURO F. PACIFICADOR et X du crime de meurtre, commis dans les circonstances suivantes :

Entre 10 heures et 11 heures du matin le 11 février 1986, dans la municipalité de San Jose, province d'Antique, aux Philippines, dans le ressort de cette Cour, les accusés ci-dessus, savoir JOHN PALOY, VINCENTE VEGAFRIA, EDUARDO IRAN alias « BOY MUSLIM » alias « MUKLO » , RUDOLFO PACIFICADOR alias « DING » , AVELINO T. JAVELLANA, ARTURO F. PACIFICADOR, d'accord, complices et associés tous ensemble avec X, dont les identités et les allées et venues demeurent inconnues, ont séance tenante, avec intention de tuer, traîtrise et préméditation évidente, attaqué, agressé et abattu, délibérément, illégalement et criminellement, l'ex-gouverneur Evelio Javier, à l'aide de fusils à grande puissance, l'atteignant ainsi aux parties essentielles du corps, ce qui entraîna son décès instantané » .


[5]                 Le demandeur a témoigné devant l'arbitre Douglas qu'il s'est caché après la chute de Ferdinand Marcos le 25 février 1986, jusqu'à son départ des Philippines le 15 mars 1986. Le demandeur est entré au Canada depuis les États-Unis en septembre 1987 et la date du 8 octobre 1987 fut retenue pour une audience d'immigration avant qu'il ne soit retourné aux États-Unis (il y a contestation sur ses allées et venues entre le moment où il a quitté les Philippines et celui où il est arrivé aux États-Unis). Aux États-Unis, un juge de l'immigration a prononcé une mesure d'expulsion vers la France le 8 octobre 1987. Ce jour-là, l'audience d'immigration au Canada a été reportée au jour suivant. Le demandeur a été libéré au Canada le 9 octobre 1987 moyennant un cautionnement d'immigration, et par la suite au titre de garanties distinctes. Selon le demandeur, il a été jugé le 16 septembre 1988 qu'il n'était pas un réfugié au sens de la Convention, décision dont il a demandé le réexamen le 18 octobre 1988. Le 24 avril 1991, il a été jugé que la revendication du statut de réfugié présentée par le demandeur avait un minimum de fondement, mais le demandeur n'a pas, à la suite de cette décision, demandé le droit d'établissement. À la fin de décembre 1991, il a été détenu au titre d'un mandat d'extradition et placé en détention provisoire dans une prison de Toronto jusqu'à sa mise en liberté sous caution assortie de conditions, par ordonnance du juge Dambrot, de la Cour de justice de l'Ontario, Division générale, le 23 janvier 1998. La revendication du statut de réfugié présentée par le demandeur a été renvoyée à la Section du statut de réfugié en 1998.

[6]                 Le demandeur a fait l'objet d'une enquête d'immigration, qui faisait suite à une directive prévoyant la tenue d'une enquête et à un rapport selon l'article 27 de la Loi, tous deux portant la date du 18 février 1997. Le rapport mentionne que le demandeur est une personne décrite à l'alinéa 27(2)a) et au sous-alinéa 19(1)c.1)(ii) de la Loi. L'enquête a débuté en février 1998 devant l'arbitre Douglas. Diverses requêtes ont été présentées entre cette date et la décision de l'arbitre du 17 décembre 1999, y compris une requête pour que l'arbitre Douglas se récuse. Dans sa décision, l'arbitre Douglas a prononcé une mesure d'expulsion conditionnelle contre le demandeur conformément au paragraphe 32.1(4) de la Loi.

Arguments du demandeur

[7]    1.          Partialité


L'arbitre Douglas avait siégé lors d'un examen antérieur des motifs de détention du demandeur, examen durant lequel, au dire du demandeur, elle avait fait certaines déclarations et observations qui attestaient une appréciation défavorable de l'intégrité ou de la crédibilité de l'avocat du demandeur. Le demandeur affirme que l'arbitre Douglas n'a pas examiné le fond de sa requête en récusation et qu'elle n'a pas bien saisi l'argument au soutien de cette requête. Sur ces seules bases, la décision de l'arbitre ne saurait donc subsister selon le demandeur.

[8]                 Le demandeur avance que, lorsqu'un décideur s'est déjà prononcé, en qualité d'arbitre, sur le même point ou sur un point apparenté, au vu des mêmes éléments de preuve ou d'éléments de preuve très semblables, alors il y a crainte raisonnable de partialité, en ce sens que cet arbitre ne modifiera vraisemblablement pas sa manière de voir.

[9]                 Le demandeur soutient aussi que, si le décideur a, lors d'une audience antérieure, tiré des conclusions en matière de crédibilité dans un cas comme celui ci-dessus, et s'est fait une idée de la crédibilité ou de l'intégrité de l'avocat, il y a crainte raisonnable de partialité dans les deux cas.

[10]            Le demandeur discute ensuite trois situations particulières tirées de l'audience relative aux motifs de détention, dont chacune donnerait lieu à une crainte raisonnable de partialité.


13)              Le demandeur soutient que, en citant avec approbation, à la page 10 de sa décision sur l'examen du bien-fondé de la détention, les commentaires d'un arbitre antérieur selon lesquels le demandeur « fuit la justice des Philippines » , l'arbitre Douglas a porté un jugement prématuré sur cet aspect central de l'enquête.

14)              L'arbitre Douglas note, à la page 10 de ses motifs concernant l'examen du bien-fondé de la détention, que, après avoir eu gain de cause à l'audience relative au minimum de fondement, le demandeur avait la possibilité de demander le droit d'établissement, bien que son avocat lui ait expliqué que cette possibilité ne lui offrait aucun avantage. L'arbitre Douglas est arrivée à la même conclusion dans sa décision relative à l'enquête et a fait reposer sur le demandeur l'obligation de faire avancer sa revendication du statut de réfugié.

15)              L'arbitre Douglas a attaqué l'intégrité et la crédibilité de l'avocat lors de l'audience relative au bien-fondé de la détention, en accusant l'avocat d'avoir tardé à se rendre compte que le demandeur aurait dû prendre sur lui de faire avancer sa revendication du statut de réfugié. La position de l'avocat était qu'il incombait légalement aux autorités de l'immigration de tenir l'audience en temps opportun.


Le demandeur invoque l'arrêt R c. Curragh, [1997] 1 R.C.S. 537, au soutien de son argument selon lequel, s'il est constaté après contrôle judiciaire qu'il y a prévention ou crainte raisonnable de partialité, le recours sera en général une nouvelle audience devant un autre décideur.

[11]                         2.          Communication de documents

Le demandeur a adressé à l'arbitre Douglas une requête demandant communication de documents du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration et du ministère de la Justice. Le demandeur a reçu des documents du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, mais, des exemptions ayant été alléguées, certains documents n'ont pas été communiqués, en totalité ou en partie. Selon le demandeur, un agent d'immigration a indiqué au codéfenseur du demandeur, avant la requête en communication de documents, que le ministère de la Justice aurait en sa possession des documents pertinents se rapportant au dossier d'immigration. Le demandeur soutient donc que l'intérêt de ces documents pour son cas ne saurait être contesté. Le ministère de la Justice a allégué une exemption intégrale pour l'ensemble des documents concernant le demandeur.


[12]            Le demandeur affirme qu'il a droit aux documents en question et qu'ils lui permettraient d'appuyer davantage son argument constitutionnel de l' « extradition déguisée » , et il affirme que le ministère de l'Immigration et celui de la Justice se sont entendus secrètement pour influer sur son expulsion du Canada. Le demandeur soutient que non seulement le gouvernement est-il tenu de communiquer intégralement la preuve à toute personne concernée par une enquête d'immigration, mais encore que l'équité et la justice naturelle requièrent que cette personne ait connaissance des arguments qui seront présentés à son encontre et qu'elle ait la possibilité de présenter ses propres éléments de preuve au soutien de sa position.

[13]            L'arbitre Douglas a jugé qu'elle n'avait pas compétence pour forcer la communication des documents et a fait observer que de telles demandes étaient faites en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, L.R.C. (1985), ch. A-1 et de la Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. (1985), ch. P-21. Elle a indiqué subsidiairement que, si elle devait se déclarer compétente, alors rien ne permettait d'affirmer que la non-communication des documents ferait obstacle à une enquête en bonne et due forme. Le demandeur affirme qu'un arbitre a le pouvoir de forcer la communication de documents lorsque de tels documents intéressent la capacité d'une personne de se défendre adéquatement dans une enquête d'immigration. Au soutien de cet argument, le demandeur invoque le paragraphe 80.1(2) de la Loi.


[14]            Selon le demandeur, l'esprit de l'article 7 de la Charte requiert une communication intégrale des documents. Il affirme également que l'exception figurant à l'alinéa 21(1)b) de la Loi sur l'accès à l'information en ce qui a trait aux « consultations ou délibérations où sont concernés des cadres ou employés d'une institution fédérale, un ministre de la Couronne ou le personnel de celui-ci » ne devrait pas l'empêcher de consulter des dossiers pouvant renfermer la preuve d'une collusion. Le demandeur soutient aussi que le privilège du secret professionnel de l'avocat n'est pas applicable lorsque le dossier révèle des irrégularités, et, selon lui, une collusion abusive conduisant à une « extradition déguisée » constitue une telle irrégularité.

[15]            L'arbitre Douglas, de l'avis du demandeur, a commis une erreur de droit en affirmant que la communication des documents ne s'imposait pas parce que [TRADUCTION] l' « avocat n'est pas en mesure de dire quels documents particuliers il souhaite obtenir » . Obliger une partie à préciser le document qu'elle recherche, un document dont elle n'a pas connaissance à l'avance au point de pouvoir le désigner, impose selon le demandeur un fardeau impossible à cette partie. Les conclusions de l'arbitre Douglas étaient donc erronées sur ces aspects.


[16]                         3.          Questions constitutionnelles

a)          Atteinte à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne

Selon le demandeur, la protection conférée par l'article 7 de la Charte est très large et l'on peut mesurer les conséquences possibles de son expulsion du Canada en se demandant si telle expulsion contreviendra à l'article 7 de la Charte. Le demandeur affirme que son enquête d'immigration faisait intervenir l'article 7 de la Charte sous les quatre aspects suivants :

1.                    Compte tenu de la preuve indiquée ci-après, sa vie, sa liberté et sa sécurité sont mises en péril par des procédures qui entraîneront son expulsion vers les Philippines, où il sera exposé, entre autres choses, à la torture ou à la mort.

2.                    En tant que revendicateur du statut de réfugié au Canada, il s'expose à « la menace d'un châtiment corporel ou de souffrances physiques » , selon les mots employés dans l'arrêt Singh c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) [1985] 1 R.C.S. 177; (1985), 14 C.R.R. 13, le juge Wilson, à la page 49. Le demandeur bénéficie donc de la protection de l'article 7 de la Charte, puisque le résultat de l'enquête pourrait avoir une incidence directe sur l'arbitrage de sa revendication du statut de réfugié.


3.                    Le demandeur a été assujetti à un « cautionnement d'immigration » durant l'enquête, lequel renferme des conditions qui entravent sa liberté pendant que se déroule l'enquête, et dont la contravention fait peser sur lui la menace de sanctions.

4.                    Le processus d'enquête, dans le contexte du dossier général d'immigration du demandeur, conduira à des symptômes d'insécurité, par exemple [TRADUCTION] « tension et anxiété résultant d'une multitude de facteurs, notamment perturbation de la vie sociale et familiale ainsi que de la vie professionnelle, frais juridiques, incertitude quant à l'issue et à la sanction » .

Le demandeur affirme que, à la suite de l'arrêt Singh, précité, la Cour d'appel fédérale a rendu des décisions antagonistes quant à savoir si, lorsqu'une personne risque l'expulsion, elle peut invoquer le droit garanti par l'article 7.

b)                                        Les principes de justice fondamentale et la norme des « motifs raisonnables de croire »

Le demandeur affirme que, puisque la Charte est la loi suprême du Canada, le sous-alinéa 19(1)c.1)(ii) de la Loi doit être interprété dans le contexte des principes de justice fondamentale et en conformité avec l'article 3 de la Loi. Plus précisément, les mots « motifs raisonnables de croire » , au sous-alinéa 19(1)c.1)(ii), s'ils sont interprétés comme ils l'ont déjà été par la Cour dans l'affaire Chiau c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 2 C.F. 642 (C.F. 1re inst.), conduiraient à une négation des droits que reconnaît au demandeur l'article 7 de la Charte.


Le demandeur affirme que, pour produire une norme constitutionnellement acceptable, les mots « motifs raisonnables de croire » , au sous-alinéa 19(1)c.1)(ii), doivent s'entendre de motifs requérant une « preuve manifeste et convaincante » que le demandeur a commis une infraction punissable d'un emprisonnement d'au moins dix ans.

c)                                           Application rétroactive de la loi en tant que négation des principes de justice fondamentale

Le demandeur affirme que le sous-alinéa 19(1)c.1)(ii) de la Loi est entré en vigueur en février 1993, en même temps qu'une disposition transitoire, l'article 109 de L.C. 1992, ch. 49. Il soutient que, en raison du libellé de l'article 109, le sous-alinéa 19(1)c.1)(ii) ne s'applique pas à lui. Selon lui, même si les articles s'appliquent à lui, ils sont contraires aux principes de justice fondamentale et devraient être jugés nuls et de nul effet. Il soutient aussi que l'application du sous-alinéa 19(1)c.1)(ii) à son cas revient à nier les droits que lui confère l'article 7 de la Charte.

d)                                        Présomption d'innocence


Le demandeur avance que le sous-alinéa 19(1)c.1) renferme une exception pour les personnes qui convainquent le ministre qu'elles se sont réadaptées ou qu'au moins cinq ans se sont écoulés depuis l'expiration de leur peine ou depuis la survenance des faits, selon le cas. Il affirme que, puisqu'il doit, pour pouvoir bénéficier de cette disposition, plaider coupable en réponse à une accusation qui lui attribue une infraction dont il n'est pas coupable, la disposition est contraire aux principes de justice fondamentale et devrait être invalidée.

e)                                           Extradition déguisée

Selon le demandeur, il est un principe de justice fondamentale d'après lequel on ne peut pas faire l'objet d'une « extradition déguisée » au moyen d'une expulsion. Ce principe reconnaît, d'après lui, qu'il est inconvenant pour un pays d'accomplir indirectement ce qu'il ne peut pas faire directement (renvoyer un fugitif vers un État étranger qui a demandé ce renvoi).

[17]Selon le demandeur, l'ensemble de la preuve démontre que l'intention du défendeur lorsqu'il a ouvert l'enquête de 1998-1999 était de renvoyer le demandeur aux Philippines parce que le gouvernement philippin avait demandé ce renvoi. Selon l'argument du demandeur, rien n'indique que l'intention du défendeur était de l'expulser parce que sa présence au Canada ne s'accordait pas avec l'intérêt public. Pour le demandeur, les facteurs suivants prouvent les mauvais desseins du défendeur :

(1) Les déclarations faites à divers moments par les agents d'immigration, qui donnent à entendre que l'intention du défendeur est de renvoyer le demandeur pour donner suite à la demande du gouvernement philippin :


(6)                 En 1990, un agent d'immigration a affirmé que, si le demandeur devait être déclaré réfugié, il serait extrêmement difficile de le renvoyer aux Philippines comme le demandait le gouvernement philippin.

(7)                 En mai 1994, un agent d'immigration a indiqué que le dossier d'immigration du demandeur était probablement hypothétique, parce que les appels à l'encontre de son extradition allaient échouer et que le demandeur serait extradé.

(iii) En octobre 1994, une note a été insérée dans le dossier d'immigration du demandeur pour qu'il soit « laissé en suspens » jusqu'à ce que l'extradition devienne définitive.

(iv) En mai 1997, un agent d'immigration a écrit que, si le demandeur n'est pas extradé, « alors nous reconsidérerons la question » .

(2) L'identité d'intérêt et la collaboration étroite des fonctionnaires de l'immigration et des fonctionnaires du ministère de la Justice chargés du dossier d'extradition du demandeur.

(3) Certains éléments qui montrent que le traité d'extradition entre le Canada et les Philippines visait expressément à contrecarrer la revendication du statut de réfugié du demandeur.


(4) La date de l'enquête en cours. Après qu'eut été rendue en faveur du demandeur la décision relative au minimum de fondement, le défendeur a adopté le point de vue qu'aucune autre procédure d'immigration ne devait avoir lieu jusqu'à ce que le dossier d'extradition soit classé, et il a conclu que le demandeur n'avait pas droit à une audience portant sur sa revendication du statut de réfugié parce qu'il n'avait pas adressé une demande de droit d'établissement au titre du programme de l'arriéré. Lorsque le demandeur a été libéré sous cautionnement dans son dossier d'extradition, la position du défendeur s'est alors modifiée et des mesures ont été prises pour que cette enquête ait lieu. Le demandeur affirme que, en instituant cette enquête, le défendeur voulait renvoyer le demandeur aux Philippines (ce que les autorités canadiennes n'ont pas encore réussi à faire). Selon le demandeur, il s'agit là d'un objectif d'extradition et non d'un objectif d'expulsion.


(5) Les moyens pris pour obtenir une mesure d'expulsion font défaut. Le demandeur soutient qu'il a fait l'objet d'un ajournement d'enquête depuis 1988 et que, après qu'eut été rendue en sa faveur la décision relative au minimum de fondement, les dispositions transitoires figurant aux paragraphes 43(4) et (5) de L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, exigeaient que sa revendication du statut de réfugié soit déférée à la SSR pour qu'elle tienne audience « dès que possible » sur la revendication. Selon le demandeur, la revendication n'a jamais été déférée à la SSR et le défendeur a retenu son dossier parmi les dossiers en souffrance et il n'a jamais clairement communiqué ses intentions au demandeur.

[18]Finalement, selon le demandeur, le défendeur a décidé, sans y être autorisé par la loi, que sa revendication du statut de réfugié pouvait être classée. L'enquête initiale relative au demandeur ne pouvait reprendre, afin que soit prononcée la mesure d'expulsion, tant que sa revendication du statut de réfugié n'était pas réglée. D'après le demandeur, si le défendeur a choisi de ne rien faire (au lieu d'examiner la revendication dans le dessein d'obtenir une mesure d'expulsion à la faveur d'une reprise de l'enquête initiale), cela signifie que l'intention du défendeur n'est pas de l'expulser parce que sa présence va à l'encontre de l'intérêt public.

[19]Le demandeur estime donc avoir démontré que, en instituant la présente enquête, l'État se livre à une extradition déguisée. Comme il s'agit là d'une négation des principes de justice fondamentale au sens de l'article 7 de la Charte, le demandeur affirme que l'enquête devrait être déclarée nulle.


[20]                                                                4.          Le fond

Selon le demandeur, le jugement Legault c. Canada (Secrétaire d'État) (1997), 90 F.T.R. 145, (C.F. 1re inst.), infirmé par (1997) 219 N.R. 376, n'autorise pas la proposition générale selon laquelle il peut être satisfait au sous-alinéa 19(1)c.1)(ii) par production des documents prouvant qu'il avait été accusé aux Philippines. L'affaire Legault contient des éléments qui en écartent l'application : le demandeur n'avait pas témoigné à propos des accusations portées contre lui, il n'avait pas témoigné qu'il était innocent, et l'arbitre avait affaire à des accusations déposées aux États-Unis à la suite des conclusions d'un grand jury. Il était donc fautif de la part de l'arbitre Douglas de considérer les documents d'accusation comme des preuves dignes de foi au regard du demandeur (qui considère que l'État philippin se sert de fausses accusations pour le poursuivre politiquement).

[21]L'arbitre Douglas n'était pas persuadée que le témoignage du demandeur était crédible et digne de foi et elle a jugé que l'information contenue dans les documents d'accusation répondait amplement au [TRADUCTION] « faible critère appliqué en vertu de l'alinéa 19(1)c.1)(ii) » . Selon le demandeur, cinq conclusions de fait tirées par l'arbitre Douglas au soutien de sa conclusion selon laquelle la preuve du demandeur n'était pas crédible ou digne de foi sont abusives, arbitraires ou excessives.


Arguments du défendeur

[22]                                                                A.         Réponse aux arguments de partialité avancés par le demandeur

Le défendeur affirme que l'arbitre Douglas a rejeté à juste titre la requête du demandeur pour qu'elle se récuse. Le défendeur répond à chacune des trois affirmations faites par le demandeur et portant sur l'examen des motifs de détention.

13.              À la lecture du paragraphe de la page 10 de la décision issue de l'examen des motifs de détention, il est manifeste que l'arbitre Douglas ne faisait que récapituler les conclusions tirées par un autre arbitre lors d'un examen antérieur des motifs d'une détention. Le défendeur affirme que, quoi qu'il en soit, et vu la preuve dont disposait l'arbitre Douglas, il n'était pas inexact de dire que le demandeur fuyait la justice : il avait été accusé de crimes graves aux Philippines et un mandat d'arrêt avait été décerné contre lui. L'arbitre Douglas ne faisait qu'énoncer des conclusions sur les preuves déposées devant elle dans l'exercice de ses fonctions. Au soutien de cet argument, le défendeur invoque l'arrêt Arthur c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] 1 C.F. 94 (C.A.F.) et l'arrêt Nord-Deutsche Versicherungs Gesellschaft c. R., [1968] 1 C. de l'É. 443.


Dans l'arrêt Arthur, la requérante avait soutenu que, puisque le même arbitre s'était déjà fait une opinion sur la question générale de sa crédibilité lors d'un examen des motifs de sa détention, ce même arbitre ne pouvait, dans une audience relative au minimum de fondement, instruire une demande portant sur une question semblable. S'exprimant au nom de la Cour, le juge MacGuigan a rejeté la demande et conclu ainsi à la page 106 : « Je suis incapable de déceler le moindre parti pris de la part de l'arbitre sur la franchise générale de la requérante, parti pris qui équivaudrait à préjuger l'issue de la seconde audience » .

Dans l'arrêt Gesellschaft, le protonotaire Jackett a lui aussi jugé qu'une partie ne saurait alléguer une crainte de partialité simplement parce qu'un juge a, dans l'exercice de ses fonctions judiciaires, exprimé son opinion sur les conclusions à tirer de la preuve produite, après avoir pleinement examiné les arguments des parties en la matière.

14.                                                                               Le défendeur soutient que l'affirmation correcte de l'arbitre Douglas selon laquelle le demandeur aurait pu solliciter le droit d'établissement en avril 1991 après l'audience relative au minimum de fondement est sans conséquence et inoffensive. Selon le défendeur, le demandeur n'a pas prouvé en quoi ce commentaire pouvait le moindrement entraîner une crainte raisonnable de partialité durant l'enquête le concernant.

15.                                                                               Selon le défendeur, l'arbitre Douglas n'attaquait pas l'intégrité et la crédibilité de l'avocat lorsqu'elle a à bon droit déclaré ce qui suit, en réponse aux arguments de l'avocat lors de l'examen des motifs de détention :


[TRADUCTION]

On a affirmé que, s'il n'a pas cherché à obtenir une audience en bonne et due forme devant la Section du statut de réfugié, c'est parce qu'il n'en a pas fait état. Pour sa part, l'avocat allègue que ce processus a été refusé à son client par le ministère de l'Immigration. Il a fait état de documents en sa possession qui appuieraient sa position, mais les documents en question n'ont pas été produits. Il convient aussi de noter que l'attribution du statut de réfugié au sens de la Convention semble être le seul moyen qui puisse empêcher M. Pacificador d'être renvoyé aux Philippines et que dès lors l'avocat et M. Pacificador mettraient tout en oeuvre pour que l'affaire soit entendue, sans qu'il importe de savoir si le ministère de l'Immigration est ou non fautif. Il a fallu plus de six ans à l'avocat pour faire ce constat. Il est tout simplement malvenu à adopter aujourd'hui une position aussi vigoureuse, en accusant autrui lorsque lui-même aurait pu prendre des mesures beaucoup plus tôt. (Non souligné dans l'original)

Selon le défendeur, l'arbitre Douglas ne faisait que réagir aux affirmations inexactes du demandeur et il ajoute qu'il n'est d'ailleurs nullement prouvé que la conclusion tirée à l'enquête par l'arbitre a été de quelque manière influencée par sa prétendue opinion de l'avocat.

[23]B.                                        Réponse aux arguments du demandeur concernant la communication des documents


Selon le défendeur, l'arbitre Douglas a rejeté à juste titre la requête du demandeur en vue d'obtenir communication des documents. La requête du demandeur a été présentée après qu'une demande identique faite en vertu de la Loi sur l'accès à l'information et de la Loi sur la protection des renseignements personnels eut été refusée par le bureau du ministère de la Justice et celui de la Direction de l'administration des droits du public du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration. Ces instances ont estimé que les documents sollicités par le demandeur étaient protégés par le secret professionnel de l'avocat et/ou par une autre immunité d'ordre public. Par conséquent, ils étaient soustraits à la communication en vertu des exceptions indiquées dans les deux lois ci-dessus.

[24]       Le demandeur n'a pas exercé son droit, prévu par les textes de loi applicables, de faire appel de ces décisions auprès du Commissaire à l'information du Canada. Ainsi, d'affirmer le défendeur, le requête du demandeur était en réalité une tentative déguisée de tourner les règles officielles d'appel énoncées dans la Loi sur l'accès à l'information. Le défendeur souligne également que la majorité des documents sollicités par le demandeur sont protégés par le secret professionnel de l'avocat et soustraits à la communication; de l'avis du défendeur, il s'agit là d'une immunité aujourd'hui reconnue par la Cour suprême du Canada, non seulement comme une règle de fond, mais également comme un droit civil fondamental et une garantie juridique fondamentale.


[25]       Le défendeur affirme aussi que l'arbitre Douglas a jugé à bon droit que l'affaire R. c. Creswell, [1998] B.C.J. no 1770, 1er avril 1998 (C.S. de la C.-B.) est une affaire pénale qui n'intéresse pas la présente espèce. Le défendeur soutient que les enquêtes d'immigration ont toujours été considérées comme des instances civiles dans lesquelles la personne sujette à expulsion, qu'elle soit ou non un revendicateur du statut de réfugié, ne bénéficie pas des mêmes droits qu'un accusé. De plus, contrairement à l'affaire Creswell, précitée, il n'y avait en l'espèce aucune preuve d'activités illégales lorsque le demandeur a été soumis à une enquête.

[26]       Il n'y a eu, de l'avis du défendeur, aucun déni injustifié de compétence. Contrairement à un juge de cour supérieure, la compétence d'un arbitre découle de la Loi sur l'immigration et de ses Règlements, et l'arbitre est donc dépourvu de compétence propre. Selon le défendeur, les pouvoirs conférés à un arbitre par le paragraphe 80.1(2) de la Loi ne peuvent par conséquent être exercés que dans le cadre des dispositions légales dont se réclame l'arbitre.

[27]       Finalement, le défendeur affirme que la décision de l'arbitre Douglas montre clairement que la requête du demandeur n'était qu'un exercice à l'aveuglette, dépourvu de toute base factuelle vraisemblable.

[28]       C.      Réponse aux arguments constitutionnels du demandeur

a) Atteinte à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne


Selon le défendeur, les arguments du demandeur selon lesquels ses droits fondamentaux au sens de l'article 7 de la Charte ont été compromis ou d'une autre manière ignorés par la tenue d'une enquête fondée sur le sous-alinéa 19(1)c.1)(ii) n'ont aucune valeur. D'après le défendeur, la Cour d'appel fédérale a jugé, dans les arrêts Hoang c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1990), 13 Imm. L.R. (2d) 35 (C.A.F.), Canepa c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] 3 C.F. 270 (C.A.F.) et Barrera c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1992), 18 Imm. L.R. (2d) 81 (C.A.F.), que le droit à la liberté n'est pas une garantie contre une expulsion du Canada. Le défendeur soutient que le principe jurisprudentiel selon lequel l'expulsion ne constitue pas une privation de liberté dispose entièrement de la prétention du demandeur selon laquelle ses droits selon l'article 7 de la Charte auraient été niés.


[29]       Deuxièmement, le défendeur affirme que le pays particulier vers lequel le demandeur pourrait éventuellement être renvoyé n'était pas en cause à l'enquête, car un arbitre n'a pas compétence dans une enquête pour déterminer ou considérer le lieu vers lequel un demandeur sera expulsé. Les arguments du demandeur sont par conséquent prématurés. Le défendeur affirme qu'il est bien établi que le gouvernement du Canada n'est pas tenu de s'abstenir d'agir d'une manière qui pourrait éventuellement compromettre le droit de quelqu'un à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne. Le défendeur affirme qu'il y a une différence radicale entre le prononcé d'une mesure d'expulsion par un arbitre et l'exécution effective de cette mesure. En l'espèce, la mesure d'expulsion prononcée contre le demandeur est conditionnelle à l'issue de sa revendication du statut de réfugié, et son pays de renvoi n'a pas encore été déterminé. De l'avis du défendeur, la simple tenue d'une enquête visant à déterminer si le demandeur tombe dans une catégorie non admissible, et l'éventuelle mesure d'expulsion qui sera prononcée en conséquence, ne mettent pas en cause les droits fondamentaux du demandeur et n'y portent pas atteinte.

[30]       Finalement, le défendeur dit que le sous-alinéa 19(1)c.1)(ii) a été édicté pour protéger les Canadiens des personnes dont on croit qu'elles ont commis des crimes graves à l'étranger, mais qui n'ont pas encore été reconnues coupables à ce titre (p. ex. parce qu'elles se sont enfuies avant d'être traduites en justice). Le défendeur soutient que les prononcés suivants, qui apparaissent aux pages 733 et 734 de l'arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Chiarelli c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] 1 R.C.S. 711, et se rapportant au sous-alinéa 27(1)d)(ii) de la Loi, sont applicables, avec les aménagements de circonstances, au sous-alinéa 19(1)c.1)(ii) :

La distinction entre citoyens et non-citoyens est reconnue dans la Charte. Bien que le paragraphe 6(2) accorde aux résidents permanents le droit de se déplacer dans tout le pays, d'établir leur résidence et de gagner leur vie dans toute province, seuls les citoyens ont le droit « de demeurer au Canada, d'y entrer ou d'en sortir » , que garantit le paragraphe 6(1).

Le Parlement a donc le droit d'adopter une politique en matière d'immigration et de légiférer en prescrivant les conditions à remplir par les non-citoyens pour qu'il leur soit permis d'entrer au Canada et d'y demeurer. C'est ce qu'il a fait dans la Loi sur l'Immigration . . .

L'une des conditions auxquelles le législateur fédéral a assujetti le droit d'un résident permanent de demeurer au Canada est qu'il ne soit pas déclaré coupable d'une infraction punissable d'au moins cinq ans de prison. Cette condition traduit un choix légitime et non arbitraire fait par le législateur d'un cas où il n'est pas dans l'intérêt public de permettre à un non-citoyen de rester au pays. (Non souligné dans l'original)


[31]       b)       Réponse aux arguments du demandeur concernant les « motifs

raisonnables de croire » et la « présomption d'innocence »

Selon le défendeur, la norme de preuve des « motifs raisonnables de croire » est équitable, sur le fond comme sur la forme, et elle ne contrevient pas à l'article 7 de la Charte. Le défendeur soutient que les arguments du demandeur procèdent d'un faux postulat par le fait qu'ils éludent la différence fondamentale entre les procédures d'expulsion et les procédures criminelles.


[32]       Selon le défendeur, les dispositions de la Loi qui font de la personne assujettie à une enquête d'immigration un témoin contraignable ont résisté à une contestation fondée sur l'article 7 et l'alinéa 11c) de la Charte. Le défendeur exprime donc l'avis que la position du demandeur ne s'apparente pas à celle d'un accusé, lequel bénéficie de la « présomption d'innocence » . Par ailleurs, le défendeur soutient que la norme de preuve en matière criminelle ne vaut pas pour les procédures d'immigration. Dans l'arrêt Sivakumar c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] 1 C.F. 433 (C.A.F.), la Cour d'appel fédérale a jugé que les « motifs raisonnables de croire » se situent quelque part entre le simple soupçon et la prépondérance des probabilités. Cette norme ne requiert pas un niveau élevé de preuve, mais le défendeur affirme que, puisque c'est la sécurité du public canadien qui est en jeu, et puisque nulle personne autre qu'un citoyen canadien n'a le droit d'entrer au Canada et d'y demeurer, la norme des « motifs raisonnables de croire » ne constitue en aucune façon une atteinte à la vie, à la liberté ou à la sécurité de la personne. De l'avis du défendeur, cette norme ne contrevient pas non plus aux principes de justice fondamentale.

[33]       c) Réponse à l'argument du demandeur portant sur la prétendue « application rétroactive »

Selon le défendeur, le juge MacKay a rejeté les mêmes arguments avancés par le demandeur concernant la prétendue application rétroactive du sous-alinéa 19(1)c.1)(ii) dans l'affaire McAllister c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1996] 2 C.F. 190 (C.F. 1re inst.).


[34]       Deuxièmement, le défendeur affirme que les arguments du demandeur sont illogiques. Selon le défendeur, d'après la disposition transitoire en question (l'article 109), lorsqu'une demande a été présentée, une procédure instruite ou une question soulevée avant l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions (c'est-à-dire le 1er février 1993), et qu'elle est encore pendante après cette date, les nouvelles dispositions s'appliquent à ladite demande, procédure ou question. Selon le défendeur, le demandeur semble affirmer que, parce que l'enquête le concernant a débuté en 1998, elle n'était pas pendante et par conséquent les nouvelles dispositions ne s'appliquent pas. Le défendeur soutient que cela ne saurait être exact puisque, si la procédure en cause n'a pas même débuté avant l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions, alors ce sont manifestement les nouvelles dispositions qui s'appliquent. Subsidiairement, si le demandeur affirme que c'est sa revendication du statut de réfugié (laquelle n'a pas encore été réglée) qui est en cause, alors les procédures en question étaient manifestement en cours d'instruction le 1er février 1993. Par conséquent, de l'avis du défendeur, les nouvelles dispositions doivent s'appliquer conformément à l'article 109.

[35]       d) Réponse à l'argument du demandeur concernant la prétendue « extradition déguisée »

Le défendeur affirme qu'il n'existait aucun fondement pouvant un tant soit peu autoriser l'arbitre Douglas à dire que l'enquête du demandeur constituait une extradition déguisée. Le défendeur soutient que, pour que son argument de l'extradition déguisée soit recevable, le demandeur doit établir que les autorités canadiennes de l'immigration tentent de l'extrader sans aucun dessein légitime ou licite et que les procédures d'immigration ne sont qu'une imposture.


[36]       De l'avis du défendeur, l'arbitre Douglas a conclu à juste titre que la preuve ne renfermait rien de conséquent pouvant justifier le rejet de la proposition selon laquelle l'objet de l'enquête était d'expulser le demandeur parce qu'il n'est pas admissible (et parce que sa présence n'est pas conforme à l'intérêt public). Selon le défendeur, rien ne donnait à penser non plus que l'objet des procédures était de remettre le demandeur en tant que criminel fugitif à un État parce que cet État le réclamait. L'arbitre Douglas n'a pas accepté la manière dont le demandeur a interprété les événements et les commentaires des fonctionnaires de l'immigration, et elle a conclu à juste titre qu'il n'avait pas apporté la preuve requise.

[37]       D. Réponse aux arguments du demandeur concernant le fond

Selon le défendeur, la preuve produite autorisait l'arbitre Douglas à conclure qu'il existait des motifs raisonnables de croire que le demandeur relevait du sous-alinéa 19(1)c.1)(ii) de la Loi. D'après le défendeur, les mots « motifs raisonnables de croire » établissent un seuil très faible, et la Cour d'appel fédérale a jugé que cette expression constitue une norme de preuve qui est bien en deçà de la norme requise par le droit criminel ou par le droit civil.

[38]       Selon le défendeur, l'arbitre Douglas a appliqué le bon critère à la preuve dont elle disposait et elle a pris en compte la preuve contenue dans les documents en date du 13 octobre 1986 accusant le demandeur de meurtre et de tentative de meurtre aux Philippines, ainsi que le mandat d'arrêt décerné contre le demandeur le 8 janvier 1987. L'arbitre Douglas a jugé cette preuve crédible et digne de foi eu égard aux circonstances de cette affaire. Le défendeur invoque l'arrêt Legault, précité, dans lequel la Cour d'appel fédérale a jugé, au vu de faits très semblables, qu'il était loisible à un arbitre de conclure, sur la foi de documents de cette nature, qu'une personne relevait du sous-alinéa 19(1)c.1)(ii) de la Loi.


[39]       Finalement, en réponse aux cinq conclusions prétendument erronées, le défendeur affirme que l'arbitre Douglas a appuyé de motifs détaillés sa conclusion selon laquelle le demandeur n'avait pas été un témoin crédible durant l'enquête le concernant. Le défendeur affirme que l'analyse grammaticale microscopique appliquée par le demandeur à certaines conclusions mineures apparaissant dans les motifs de l'arbitre Douglas ne réussit pas à établir une erreur, et encore moins une erreur qui va au coeur de la décision.

Dispositions légales applicables

[40]       Les articles applicables de la Loi sur l'immigration sont les suivants :



2.(1) « réfugié au sens de la Convention » Toute personne_ :

a) qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques_ :

(i) soit se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(ii) soit, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ou, en raison de cette crainte, ne veut y retourner;

b) qui n'a pas perdu son statut de réfugié au sens de la Convention en application du paragraphe (2).

Sont exclues de la présente définition les personnes soustraites à l'application de la Convention par les sections E ou F de l'article premier de celle-ci dont le texte est reproduit à l'annexe de la présente loi;

2.(1) "Convention refugee" means any person who

(a) by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

(i) is outside the country of the person's nationality and is unable or, by reason of that fear, is unwilling to avail himself of the protection of that country, or

(ii) not having a country of nationality, is outside the country of the person's former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, is unwilling to return to that country, and

(b) has not ceased to be a Convention refugee by virtue of subsection (2),

but does not include any person to whom the Convention does not apply pursuant to section E or F of Article 1 thereof, which sections are set out in the schedule to this Act.


19. (1) Les personnes suivantes appartiennent à une catégorie non admissible_ :

. . .

c.1) celles dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elles ont, à l'étranger_ :

(i) soit été déclarées coupables d'une infraction qui, si elle était commise au Canada, constituerait une infraction qui pourrait être punissable, aux termes d'une loi fédérale, d'un emprisonnement maximal égal ou supérieur à dix ans, sauf si elles peuvent justifier auprès du ministre de leur réadaptation et du fait qu'au moins cinq ans se sont écoulés depuis l'expiration de toute peine leur ayant été infligée pour l'infraction,

(ii) soit commis un fait -- acte ou omission -- qui constitue une infraction dans le pays où il a été commis et qui, s'il était commis au Canada, constituerait une infraction qui pourrait être punissable, aux termes d'une loi fédérale, d'un emprisonnement maximal égal ou supérieur à dix ans, sauf si elles peuvent justifier auprès du ministre de leur réadaptation et du fait qu'au moins cinq ans se sont écoulés depuis la commission du fait;

. . .

h) celles qui, de l'avis d'un arbitre, ne sont pas de véritables immigrants ou visiteurs;. . .

(2) Appartiennent à une catégorie non admissible les immigrants et, sous réserve du paragraphe (3), les visiteurs qui_ :

. . .

c) accompagnent un membre de leur famille qui ne peut être admis ou n'est pas par ailleurs autorisé à entrer au Canada;

19. (1) No person shall be granted admission who is a member of any of the following classes :

. . .

(c.1) persons who there are reasonable grounds to believe

(i) have been convicted outside Canada of an offence that, if committed in Canada, would constitute an offence that may be punishable under any Act of Parliament by a maximum term of imprisonment of ten years or more, or

(ii) have committed outside Canada an act or omission that constitutes an offence under the laws of the place where the act or omission occurred and that, if committed in Canada, would constitute an offence that may be punishable under any Act of Parliament by a maximum term of imprisonment of ten years or more,

. . .

(h) persons who are not, in the opinion of an adjudicator, genuine immigrants or visitors;

. . .

(2) No immigrant and, except as provided in subsection (3), no visitor shall be granted admission if the immigrant or visitor is a member of any of the following classes :

. . .

(c) other members of a family accompanying a member of that family who may not be granted admission or who is not otherwise authorized to come into Canada; Canada; or

27. (2) L'agent d'immigration ou l'agent de la paix doit, sauf si la personne en cause a été arrêtée en vertu du paragraphe 103(2), faire un rapport écrit et circonstancié au sous-ministre de renseignements concernant une personne se trouvant au Canada autrement qu'à titre de citoyen canadien ou de résident permanent et indiquant que celle-ci, selon le cas_ :

a) appartient à une catégorie non admissible, autre que celles visées aux alinéas 19(1)h) ou 19(2)c);

27. (2) An immigration officer or a peace officer shall, unless the person has been arrested pursuant to subsection 103(2), forward a written report to the Deputy Minister setting out the details of any information in the possession of the immigration officer or peace officer indicating that a person in Canada, other than a Canadian citizen or permanent resident, is a person who

(a) is a member of an inadmissible class, other than an inadmissible class described in paragraph 19(1)(h) or 19(2)(c);

32.1(4) S'il conclut que le demandeur de statut faisant l'objet d'une enquête relève d'un des cas visés par le paragraphe 27(2), l'arbitre, sous réserve du paragraphe (5), prend une mesure d'expulsion conditionnelle à son endroit.

32.1(4) Where an adjudicator decides that a claimant who is the subject of an inquiry is a person described in subsection 27(2), the adjudicator shall, subject to subsection (5), make a conditional deportation order against the claimant.


[41]       Les dispositions applicables de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), sont les suivantes :



52.(1) La Constitution du Canada est la loi suprême du Canada; elle rend inopérantes les dispositions incompatibles de toute autre règle de droit.

(2) La Constitution du Canada comprend :

a) la Loi de 1982 sur le Canada, y compris la présente loi;

b) les textes législatifs et les décrets figurant à l'annexe;

c) Les modifications des textes législatifs et des décrets mentionnés aux alinéas a) ou b).

(3) La Constitution du Canada ne peut être modifiée que conformément aux pouvoirs conférés par elle.

52. (1) The Constitution of Canada is the supreme law of Canada, and any law that is inconsistent with the provisions of the Constitution is, to the extent of the inconsistency, of no force or effect.

(2) The Constitution of Canada includes :

(a) the Canada Act 1982, including this Act;

(b) the Acts and orders referred to in the schedule; and

(c) any amendment to any Act or order referred to in paragraph (a) or (b).

(3) Amendments to the Constitution of Canada shall be made only in accordance with the authority contained in the Constitution of Canada.


[42]       Points en litige

1.              L'arbitre a-t-elle manifesté un parti pris pour le motif que, dans un examen antérieur des motifs de détention, elle s'est prononcée d'une manière défavorable au demandeur à propos de questions soulevées dans l'enquête, et le refus de l'arbitre de se retirer de l'enquête constitue-t-il une erreur sujette à révision?


2.              L'arbitre a-t-elle commis une erreur de droit en affirmant que le sous-alinéa 19(1)c.1)(ii) impose, pour une infraction criminelle commise à l'étranger, un niveau de preuve « très faible » ?

3.              La décision de l'arbitre selon laquelle elle était incompétente selon le paragraphe 80.1(2) de la Loi sur l'immigration pour ordonner la communication de documents que voulait consulter le demandeur était-elle un « déni erroné de compétence » ?

4.              Subsidiairement, la décision de l'arbitre selon laquelle les documents sollicités étaient hors de propos était-elle fondée sur une conclusion de fait erronée tirée d'une manière abusive ou arbitraire?

5.              L'article de la Loi sur l'immigration en vertu duquel l'enquête a eu lieu, soit le sous-alinéa 19(1)c.1)(ii), est-il inconstitutionnel à l'égard du demandeur pour le motif qu'il revient à nier les droits que lui garantit l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés?

6.              En rendant sa décision sur le fond, l'arbitre a-t-elle commis une erreur de droit ou a-t-elle fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées tirées d'une manière abusive ou arbitraire ou sans égard aux documents dont elle disposait?


Analyse et décision

[43]       Point no 1

L'arbitre a-t-elle manifesté un parti pris pour le motif que, dans un examen antérieur des motifs de détention, elle s'est prononcée d'une manière défavorable au demandeur à propos de questions soulevées dans l'enquête, et le refus de l'arbitre de se retirer de l'enquête constitue-t-il une erreur sujette à révision?

Au début de l'audience et avant la production des éléments de preuve, le demandeur a présenté une requête à l'arbitre pour qu'elle se récuse, au motif qu'elle n'était pas impartiale ou qu'il y avait lieu de craindre de sa part une absence d'impartialité. Le demandeur a fondé sa requête sur ce qui suit :

7.              La décision de l'arbitre mentionnait que le demandeur « fuyait la justice des Philippines » .

8.              L'arbitre a reproché au demandeur de ne pas avoir fait davantage pression pour que soit instruite sa revendication du statut de réfugié au sens de la Convention.

9.              L'arbitre a déclaré [TRADUCTION] « Il a fallu plus de six ans à l'avocat pour faire ce constat » .


Dans la décision, l'arbitre semble avoir adopté le point de vue selon lequel le demandeur se plaignait d'une partialité existante parce qu'elle s'était déjà prononcée lors de l'audience concernant les motifs de sa détention et qu'elle instruisait maintenant une autre affaire intéressant le demandeur. D'après ce que je crois comprendre, ce n'est pas ce que le demandeur avait à l'esprit. Il soutenait plutôt que certaines observations faites par l'arbitre à l'audience antérieure faisaient que l'arbitre n'était pas impartiale ou qu'il y avait lieu de craindre chez elle une absence d'impartialité.

[44]       Le critère employé pour savoir s'il existe une crainte raisonnable de partialité a été énoncé par le juge DeGrandpre dans l'arrêt Committee for Justice & Liberty c. Office national de l'énergie, [1978] 1 R.C.S. 369, à la page 394 :

À quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique[?] Croirait-elle que, selon toute vraisemblance, [le décideur], consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste?


[45]       En l'espèce, lors de l'audience antérieure relative aux motifs de détention, l'arbitre a fondé sa décision de maintenir la détention du demandeur sur le fait qu'il [TRADUCTION] « risquait de ne pas se présenter pour la poursuite de l'enquête le concernant » . Essentiellement, l'arbitre a estimé que le demandeur ne se présenterait pas pour la poursuite de l'enquête le concernant, étant donné qu'une décision défavorable rendue à l'issue de l'audience entraînerait une mesure d'expulsion à son encontre.

[46]       Il m'apparaît que l'arbitre a adopté et fait siens les commentaires de l'autre arbitre pour qui le demandeur [TRADUCTION] « fuit la justice des Philippines » , lorsqu'elle est arrivée à la décision de maintenir la détention du demandeur lors de l'audience antérieure relative aux motifs de détention. Cette déclaration se trouve dans sa décision qui renferme les mots « risque de ne pas se présenter pour la poursuite de l'enquête le concernant » . Il est noté aussi que l'arbitre a utilisé le temps présent, en disant « fuit la justice . . . » . Ma lecture de la décision de l'arbitre m'incite à croire que l'arbitre s'est effectivement formé l'opinion selon laquelle le demandeur fuyait la justice des Philippines. Cela laisserait à penser que l'arbitre a dû croire ce fait et qu'elle a eu dans l'idée que les accusations portées contre le demandeur étaient de véritables accusations et non des accusations lancées pour des motifs politiques. Il y aurait donc eu absence d'impartialité relativement aux points mêmes qui devaient être tranchés à l'enquête. Si l'on ajoute à cela la remarque concernant l'avocat du demandeur, alors je suis d'avis qu'il y a crainte de partialité relativement à l'arbitre, et celle-ci aurait donc dû se retirer de l'enquête. La décision de l'arbitre est donc annulée, et l'enquête devrait être reprise devant un autre arbitre.


[47]       Je tiens à préciser qu'il ne saurait y avoir partialité ni crainte de partialité en ce qui concerne un arbitre simplement parce que celui-ci a siégé dans une affaire antérieure intéressant le même demandeur.

[48]       Vu ma conclusion concernant le point no 1, il ne m'est pas nécessaire de statuer sur les points restants soulevés par le demandeur.

[49]       Les avocats des parties auront la possibilité de demander que soit certifiée une question grave de portée générale. L'avocat du demandeur déposera des observations écrites, le cas échéant, au plus tard le 9 mai 2001 concernant la certification d'une question grave. L'avocat du défendeur déposera une réponse écrite, le cas échéant, au plus tard le 16 mai 2001.

« John A. O'Keefe »

Juge

Toronto (Ontario)

le 2 mai 2001

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                        IMM-5-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :             RODOLFO PACIFICADOR

                                                                                                  demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                    défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :      TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :    LE MERCREDI 29 NOVEMBRE 2000

MOTIFS DE

L'ORDONNANCE PAR :     MONSIEUR LE JUGE O'KEEFE

DATE DES MOTIFS :     LE MARDI 1er MAI 2001

ONT COMPARU

Douglas Lehrer et                 Pour le demandeur

Wes Wilson

Stephen H. Gold                   Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

VanderVennen Lehrer         Pour le demandeur

45, rue Saint-Nicholas

Toronto (Ontario)

M4Y 1W6

Morris Rosenberg                 Pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

Date : 20010502

Dossier : IMM-5-00

ENTRE :

RODOLFO PACIFICADOR

demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                                                                                      

                     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                                                                                      

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