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Date : 20050713

Dossier : IMM-7023-04

Référence : 2005 CF 982

OTTAWA (Ontario), le 13 juillet 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE ROULEAU

ENTRE :

                                                               QUI YIN ZHANG

                                                                                                                                          demandeur

ET :

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Le demandeur sollicite, en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (la Loi), L.C. 2001, ch. 27, l'autorisation de déposer une demande de contrôle judiciaire de la décision d'un agent de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission), en date du 13 juillet 2004. Selon la Commission, le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger. La Commission n'a pas cru l'identité du demandeur en tant que ressortissant de la République populaire de Chine (la Chine).


[2]                Le demandeur, Qui Yin Zhang, dit être de nationalité chinoise. Il dit qu'il est persécuté parce qu'il professe la religion catholique.

[3]                Le demandeur a été initié au catholicisme en 2001 et il a été baptisé le 31 mars 2002.

[4]                Le demandeur dit que le Bureau de la sécurité publique (le BSP) cherche à l'arrêter parce qu'il s'adonne à des activités religieuses illégales. Il dit que l'un de ses amis, lui aussi un catholique, Feng Huang, a été arrêté et emprisonné. À la suite de l'arrestation, le demandeur a décidé de fuir la Chine et de se rendre au Canada.

[5]                Après son arrivée au Canada, le demandeur a appris qu'il était encore recherché par le BSP et qu'il avait été expulsé de son travail.

[6]                La Commission a jugé que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger, parce qu'elle n'a pas cru que le demandeur était un ressortissant chinois.

[7]                La Commission a relevé que les pièces d'identité présentées par le demandeur étaient les suivantes : acte de naissance original, diplôme, bulletins scolaires canadiens ainsi que photocopies de sa carte d'identité de résident et de son Hukou (enregistrement du ménage).


[8]                Le demandeur a été interrogé à propos de sa carte d'identité de résident. Il a d'abord dit que la carte avait été saisie par le BSP. Plus tard, il a dit que son père avait rendu en novembre 2002 toutes les cartes d'identité de résident détenues par la famille. La Commission a vu là une contradiction et n'a pas cru à l'identité du demandeur.

[9]                La Commission s'est alors intéressée au Hukou. Le demandeur dit être né dans la province de Guangdong et son Hukou est donc Guangdong. Toutefois, en 1993, son père a déménagé la famille dans la province de Fujian, où le demandeur a fréquenté l'école de 1993 à 1999. La Commission a relevé que le Hukou du demandeur n'avait pas été modifié et n'indiquait nulle part la province de Fujian. Le demandeur a expliqué que le Hukou n'avait pas été modifié parce que son père n'avait jamais acheté de maison dans la province de Fujian avant avril ou mai 2002. Les Hukou furent délivrés à la famille en février 2003 et la Commission a trouvé que celui du demandeur aurait dû indiquer la nouvelle adresse. La Commission a vu là une autre raison de ne pas croire à l'identité du demandeur. La Commission a aussi relevé que le formulaire de renseignements personnels (FRP) du demandeur n'indiquait pas la province de Fujian comme sa province de résidence.


[10]            La Commission n'a accordé aucune valeur à l'acte de naissance original, en raison de l'absence de la carte d'identité de résident et à cause des difficultés que posait le Hukou. Selon la Commission, les bulletins scolaires pouvaient prouver que le demandeur fréquentait un établissement scolaire au Canada, mais ils ne faisaient pas de lui un ressortissant chinois. La Commission a aussi relevé que la carte d'identité de résident originale (le Hukou) était la seule pièce d'identité qui puisse être scientifiquement analysée.

[11]            La Commission a conclu que le demandeur n'avait pas établi qu'il était de nationalité chinoise et elle a refusé sa demande d'asile.

[12]            Le demandeur dit que la Commission a rendu sa décision sans tenir compte de l'ensemble de la preuve, qu'elle n'a pas tenu compte de l'acte de naissance et du diplôme chinois et qu'elle a commis une erreur susceptible de révision dans sa manière d'apprécier le Hukou.

[13]            Le demandeur fait observer qu'il a été interrogé longuement sur sa connaissance du catholicisme et de la religion. Or, les motifs de la Commission ne disent rien de sa connaissance évidente de la religion, mais parlent simplement de ses pièces d'identité. Le demandeur soutient que la Commission n'a pas tenu compte de l'ensemble de la preuve.

[14]            Selon le demandeur, son diplôme chinois, qui contient une photo, et son acte de naissance original, sont des documents qui suffisent à prouver qu'il est un ressortissant chinois. Le demandeur dit que la Commission n'a accordé aucune valeur à ces deux documents ou n'en a pas tenu compte (dans le cas du diplôme).


[15]            Le défendeur fait valoir que la décision de la Commission était raisonnable, puisque la Commission a le droit de tirer des conclusions sur l'identité du demandeur. Selon lui, la Cour doit montrer une retenue plus élevée envers les conclusions de la Commission qui concernent l'identité, parce que la Commission est spécialisée en la matière et qu'elle a pu voir les documents produits.

[16]            Pour la norme de contrôle, le défendeur invoque la décision rendue par le juge Kelen dans l'affaire Gasparyan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CF 863, où l'on peut lire, au paragraphe 6 :

¶ 6       La norme de révision applicable à    l'appréciation de pièces d'identité par la Section du statut est le caractère manifestement déraisonnable : Adar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1997), 132 F.T.R. 35, au paragraphe 15; et Mbabazi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 1191, au paragraphe 7. Le tribunal avait un accès de première main aux pièces d'identité et aux témoignages des demandeurs et dispose en outre d'un niveau élevé de compétence technique dans ce domaine.

[17]            La décision Gasparyan donne à entendre qu'une conclusion défavorable à propos de pièces d'identité autorise une conclusion défavorable quant à la crédibilité du demandeur d'asile. Cependant, lorsque des pièces d'identité sont produites, la Commission doit faire preuve de prudence avant de simplement refuser de leur ajouter foi.


[18]            La Commission est un tribunal spécialisé envers lequel il convient de montrer une retenue considérable lorsqu'il s'agit d'apprécier des pièces d'identité, ou encore la crédibilité ou la crainte subjective d'un demandeur d'asile. Cependant, lorsqu'elle apprécie l'identité d'un demandeur d'asile, la Commission ne peut pas laisser de côté des documents originaux, pas plus qu'elle ne peut laisser de côté des facteurs pertinents lorsqu'elle apprécie la crédibilité du demandeur. En l'espèce, la Commission n'a pas fait état du diplôme chinois dans sa décision. Le demandeur a raison de dire que le diplôme porte une photographie, avec sceau estampé, et qu'il confirme son identité ainsi que le fait qu'il a fréquenté une école dans la province de Fujian. Le demandeur relève que la Commission n'a accordé aucune valeur à son acte de naissance original, à cause du Hukou ou de la carte d'identité de résident. La preuve a pour l'essentiel été laissée de côté. Parce qu'elle n'a tenu aucun compte du diplôme et qu'elle n'a accordé aucune valeur probante à l'acte de naissance, je crois que la Commission a commis une erreur susceptible de révision. L'ensemble des preuves rejetées ou simplement laissées de côté aurait dû inciter la Commission à analyser plus avant les circonstances subjectives et objectives du demandeur, ainsi que sa crédibilité à propos de la persécution qu'il craignait parce qu'il était un catholique romain.


[19]            L'identité d'un revendicateur en tant que ressortissant d'un pays donné ne saurait être niée sans un examen raisonnable de toutes les pièces d'identité. En méconnaissant le diplôme chinois et en n'accordant aucune valeur probante à l'acte de naissance, la Commission a commis une erreur susceptible de révision. J'ai examiné la transcription et il ne fait aucun doute que, abstraction faite des questions touchant son identité, les affirmations du demandeur concernant ses croyances religieuses n'ont pas été mises en doute. De plus, son explication selon laquelle c'est son père qui s'était chargé de faire modifier les cartes d'identité est assez logique. Comment un garçon de huit ans qui n'a plus de mère (son père était veuf) pouvait-il savoir, au moment de déménager dans une autre province, ce que son père faisait au nom de la famille?

                                                                ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour nouvel examen.

« Paul U.C. Rouleau »

Juge

OTTAWA (Ontario)

Le 13 juillet 2005

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                             IMM-7023-04

INTITULÉ :                                            QUI YIN ZHANG c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                     TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                    LE 13 JUIN 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :       LE JUGE ROULEAU

DATE DES MOTIFS :                           LE 13 JUILLET 2005

COMPARUTIONS :

Kathy Clark                                             POUR LE DEMANDEUR

Kristina Dragaitis                                      POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lewis & Associés

Toronto (Ontario)                                      POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada            POUR LE DÉFENDEUR


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