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Date : 20191125


Dossier : T‑1316‑18

Référence : 2019 CF 1498

[TRADUCTION FRANÇAISE RÉVISÉE PAR L’AUTEUR]

Ottawa (Ontario), le 25 novembre 2019

En présence de monsieur le juge Gascon

ENTRE :

GARY CURTIS

demandeur

et

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE ET BANQUE DE NOUVELLE‑ÉCOSSE

défenderesses

ORDONNANCE ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La Cour est saisie d’un appel interjeté par le demandeur, monsieur Gary Curtis, au titre des articles 51, 359, 364 et 400 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 [Règles] à l’égard d’une ordonnance rendue le 29 mai 2019 par le protonotaire Aalto [Ordonnance]. Dans son Ordonnance, le protonotaire Aalto a accueilli une requête déposée par les défenderesses, la Commission canadienne des droits de la personne [Commission] et la Banque de Nouvelle‑Écosse [BNÉ], et a radié la demande de contrôle judiciaire [Demande] de M. Curtis en raison de son caractère théorique, sans autorisation de modification. Le protonotaire Aalto a également adjugé des dépens de 1 500 $ à la BNÉ. En concluant que la Demande de M. Curtis était théorique, le protonotaire Aalto, qui était juge responsable de la gestion de la présente instance, a appliqué les principes juridiques liés à la doctrine relative au caractère théorique énoncés par la Cour suprême du Canada [CSC] dans l’arrêt Borowski c Canada (Procureur général), [1989] 1 RCS 342 [Borowski].

[2] Dans son avis de requête modifié, M. Curtis, qui se représente lui‑même, sollicite une ordonnance de la Cour :

  • a) annulant l’Ordonnance du protonotaire Aalto qui rejette sa Demande en raison de son caractère théorique;

  • b) annulant l’Ordonnance du protonotaire Aalto l’obligeant à payer les dépens de 1 500 $ de la BNÉ, exigibles sans délai; et

  • c) lui adjugeant les dépens liés à son appel.

[3] Essentiellement, M. Curtis prétend que le protonotaire Aalto a commis une erreur en concluant que la Commission avait rendu une décision sur sa plainte sous‑jacente puisqu’elle n’a jamais produit de [traduction] « compte rendu de décision », en concluant que sa Demande était théorique et en adjugeant les dépens à la BNÉ. M. Curtis soutient en outre que le protonotaire Aalto n’était pas impartial et qu’il était en conflit d’intérêts en raison d’appels interjetés antérieurement par M. Curtis contre d’autres ordonnances défavorables rendues contre lui par le protonotaire Aalto dans cette affaire. Ces appels d’ordonnances antérieures ont récemment été rejetés par la Cour, et des dépens ont été adjugés contre M. Curtis (Curtis v Canada (Human Rights Commission), 2019 FC 43 [Curtis]).

[4] Pour les motifs exposés ci‑après, l’appel de M. Curtis sera rejeté, car il a omis de démontrer une erreur de droit, une erreur manifeste et dominante de fait, ou mixte de fait et de droit, dans l’Ordonnance du protonotaire Aalto. À mon avis, l’argument de M. Curtis selon lequel aucune décision n’a été rendue par la Commission est totalement dénué de mérite. De plus, le protonotaire Aalto n’a commis aucune erreur susceptible de révision en radiant la Demande en raison de son caractère théorique et en adjugeant les dépens à la BNÉ, et je ne vois aucune raison d’interférer avec son Ordonnance. Le protonotaire Aalto a appliqué les principes bien connus de la doctrine relative au caractère théorique à des conclusions de faits, lesquels étaient manifestement étayés par le dossier dont il disposait. De plus, il n’y a aucune raison d’infirmer sa décision discrétionnaire sur les dépens. Quant aux allégations liées à la partialité et au parti pris formulées par M. Curtis, elles ne sont absolument pas fondées et vont à l’encontre de la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale [CAF] à cet égard. Je suis également d’accord avec la BNÉ et la Commission pour dire que l’appel de M. Curtis est une autre procédure injustifiée, sans fondement et vexatoire qu’il a intentée dans cette affaire et qu’elle doit être rejetée avec dépens.

II. Contexte

A. Les faits

[5] En avril 2013, la Commission a reçu une plainte (20130462) déposée par M. Curtis contre la BNÉ [Plainte], dans laquelle M. Curtis invoquait une différence de traitement défavorable et une cessation d’emploi fondée sur la race et la couleur de la peau, contrairement à ce qui est prévu à l’article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, SC 1976‑1977, c 33, art 1 [LCDP]. Après quelques retards attribuables à des recours parallèles entrepris par M. Curtis dans d’autres instances, la Commission a entrepris d’enquêter sur la Plainte selon son processus habituel. La Commission a publié son rapport d’enquête en août 2018 [Rapport] et a invité les parties à fournir leurs commentaires. Le Rapport et les observations des parties ont été remis aux décideurs de la Commission. Dans une lettre de décision datée du 2 janvier 2019, la Commission a informé les parties de sa décision de rejeter la Plainte de M. Curtis [Décision].

[6] Entre‑temps, en juillet 2018, M. Curtis a introduit la présente Demande. Dans celle‑ci, M. Curtis demandait notamment à la Cour de délivrer un bref de mandamus obligeant la Commission à mener et terminer son enquête sur la Plainte et rendre une décision concernant le traitement de la Plainte. La Demande contient d’autres demandes de mandamus, mais elles cherchent essentiellement à obtenir la même mesure de réparation, soit que la Commission mène une enquête sur la Plainte de M. Curtis.

[7] À la suite de la Décision de la Commission du 2 janvier 2019, M. Curtis a présenté une nouvelle demande de contrôle judiciaire dans le dossier judiciaire T‑208‑19 [Nouvelle Demande]. Dans sa Nouvelle Demande déposée le 29 janvier 2019, M. Curtis demande que la Cour rende une ordonnance annulant la Décision de la Commission. J’en profite pour souligner que, dans sa Nouvelle Demande, M. Curtis lui‑même qualifie la Décision de la Commission de [traduction] « décision finale » et demande à la Cour de l’annuler.

[8] Étant donné qu’elle avait en fait déjà terminé son enquête et avait rendu sa Décision sur la Plainte de M. Curtis le 2 janvier 2019, et compte tenu de la Nouvelle Demande de M. Curtis contre la Décision, la Commission a présenté une requête sollicitant le rejet de la Demande de M. Curtis en raison de son caractère théorique. La BNÉ a appuyé la Commission en ce qui concerne cette requête. M. Curtis a toutefois indiqué qu’il ne renoncerait pas à sa Demande malgré le fait qu’il en avait maintenant déposé une nouvelle relativement à la même Plainte, dans laquelle il conteste la Décision de la Commission.

[9] Dans son Ordonnance du 29 mai 2019, le protonotaire Aalto a accueilli la requête de la Commission et a radié la Demande de M. Curtis.

B. Ordonnance du protonotaire Aalto

[10] Dans son Ordonnance, le protonotaire Aalto a souligné les faits clés suivants : 1)°toutes les réparations demandées dans la Demande de M. Curtis portaient essentiellement sur la même question, à savoir la délivrance d’un bref de mandamus obligeant la Commission à mener une enquête sur sa Plainte; 2)°le 2 janvier 2019, la Commission a rendu sa Décision confirmant qu’elle avait terminé son enquête et qu’elle rejetait la Plainte; et 3) à la suite de l’émission de la Décision, M. Curtis a présenté une Nouvelle Demande visant à faire annuler la Décision.

[11] Le protonotaire Aalto a ensuite passé en revue les antécédents procéduraux de l’enquête de la Commission sur la Plainte, et a constaté que l’enquête a été suspendue à plusieurs reprises en vertu du paragraphe 41(1) de la LCDP, puisque M. Curtis avait engagé d’autres procédures dans lesquelles les questions soulevées dans la Plainte pouvaient être tranchées.

[12] Après avoir cité la décision de la CSC dans l’arrêt Borowski comme la décision de principe en ce qui concerne la doctrine relative au caractère théorique, le protonotaire Aalto a appliqué le critère énoncé par la CSC et a conclu que cette affaire s’inscrivait clairement dans les paramètres du caractère théorique définis dans l’arrêt Borowski. Plus précisément, le protonotaire Aalto a procédé à l’analyse en deux étapes prescrites par la CSC et a d’abord établi qu’une décision de la Cour n’aurait aucun effet pratique sur la résolution d’un litige entre les parties puisque la réparation demandée par M. Curtis avait été accordée. Il a également conclu que, de toute façon, rien ne justifiait l’exercice par la Cour de son pouvoir discrétionnaire d’entendre l’affaire, car les questions qui opposent les parties étaient distinctes, ne soulevaient aucune question concernant d’autres parties, qu’elles ne feraient pas autrement progresser le droit, et que la Cour s’en trouvait maintenant saisie dans le cadre de la Nouvelle Demande, où M. Curtis réitère les mêmes motifs et arguments que dans sa Demande.

[13] En rejetant la demande de M. Curtis, le protonotaire Aalto a adjugé des dépens d’un montant de 1 500 $ à la BNÉ, compte tenu du mémoire de dépens soumis, de sa conclusion selon laquelle M. Curtis aurait dû se désister de sa demande lorsqu’il avait été invité à le faire, et de sa conclusion selon laquelle l’adjudication des dépens était justifiée compte tenu de la nature des allégations formulées par M. Curtis contre la BNÉ dans le cadre de la demande.

C. Norme d’intervention

[14] Depuis la décision de la CAF dans l’arrêt Corporation de soins de la santé Hospira c Kennedy Institute of Rheumatology, 2016 CAF 215 [Hospira], il est bien établi que la norme d’intervention applicable dans les appels des ordonnances discrétionnaires des protonotaires est la norme qu’a énoncée la CSC dans l’arrêt Housen c Nikolaisen, 2002 CSC 33 [Housen]. Pour ce qui est des questions de droit, des questions de principes juridiques et des questions mixtes de fait et de droit où des questions de droit ou un principe juridique isolable sont en cause, les ordonnances des protonotaires sont assujetties à la norme de la décision correcte. Quant aux autres questions, en particulier les questions de fait ou les questions mixtes de fait et de droit ainsi que les inférences de fait, la Cour ne peut intervenir que si le protonotaire en cause a commis une « erreur manifeste et dominante » (Maximova c Canada (Procureur général), 2017 CAF 230 [Maximova] au para 4; Hospira aux para 27, 64-66, 79; Housen aux para 19-37).

[15] La CAF a affirmé à maintes reprises que la norme de « l’erreur manifeste et dominante » est une « norme de contrôle appelant un degré élevé de retenue » (Figueroa c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2019 CAF 12 au para 3; 1395804 Ontario Ltd (Blacklock’s Reporter) c Canada (Procureur général), 2017 CAF 185 au para 3; NOV Downhole Eurasia Limited c TLL Oilfield Consulting Ltd, 2017 CAF 32 au para 7; Revcon Oilfield Constructors Incorporated c Canada (Revenu national), 2017 CAF 22 au para 2; Cobalt Pharmaceuticals Company c Bayer Inc, 2015 CAF 116 au para 53). Comme l’a déclaré de façon métaphorique le juge Stratas dans les arrêts Mahjoub c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CAF 157 [Mahjoub] et Canada c South Yukon Forest Corporation, 2012 CAF 165 [South Yukon], pour satisfaire à cette norme, « [...] on ne peut se contenter de tirer sur les feuilles et les branches et laisser l’arbre debout. On doit faire tomber l’arbre tout entier » (Mahjoub au para 61; South Yukon au para 46). Décrivant ce que signifient les termes « manifeste » et « dominante », le juge Stratas a ajouté ce qui suit dans l’arrêt Mahjoub :

[62] Par erreur « manifeste », on entend une erreur évidente. Bien des choses peuvent être qualifiées de « manifestes ». À titre d’exemples, mentionnons l’illogisme évident dans les motifs (notamment les conclusions de fait qui ne vont pas ensemble), les conclusions tirées sans éléments de preuve admissibles ou éléments de preuve reçus conformément à la notion de la connaissance d’office, les conclusions fondées sur des inférences erronées ou une erreur de logique, et le fait de ne pas tirer de conclusions en raison d’une ignorance complète ou quasi complète des éléments de preuve.

[63] Cependant, même si une erreur est manifeste, le jugement de l’instance inférieure ne doit pas nécessairement être infirmé. L’erreur doit également être dominante.

[64] Par erreur « dominante », on entend une erreur qui a une incidence déterminante sur l’issue de l’affaire. Il se peut qu’un fait donné n’aurait pas dû être tenu comme avéré parce qu’il n’existe aucun élément de preuve pour l’étayer. Si ce fait manifestement erroné est exclu, mais que la décision tient toujours sans ce fait, l’erreur n’est pas « dominante ». Le jugement du tribunal de première instance demeure.

[16] En outre, selon la CAF, une erreur manifeste et dominante est une erreur qui est évidente et apparente, dont l’effet est de vicier l’intégrité des motifs (Madison Pacific Properties Inc c Canada, 2019 CAF 19 au para 26 Maximova au para 5).

[17] La CSC a récemment fait écho à ces principes dans l’arrêt Salomon c Matte‑Thompson, 2019 CSC 14 [Salomon] : « Lorsque la norme déférentielle de l’erreur manifeste et déterminante s’applique, les tribunaux d’appel ne peuvent intervenir que dans les cas où la décision de première instance est entachée d’une erreur évidente qui a déterminé l’issue de l’affaire » (Salomon au para 33, citant l’arrêt Benhaim c St‑Germain, 2016 CSC 48 au para 38). La CSC a également fait référence à une autre métaphore utilisée par la Cour d’appel du Québec dans l’arrêt J G c Nadeau, 2016 QCCA 167, au paragraphe 77, où la Cour a affirmé qu’« une erreur manifeste et dominante tient, non pas de l’aiguille dans une botte de foin, mais de la poutre dans l’œil ». En termes simples, par erreur « manifeste », on entend une erreur évidente, et par erreur « dominante », une erreur qui touche directement à l’issue de l’affaire et qui a pour effet de changer le résultat (Maximova au para 5; South Yukon au para 46).

III. Analyse

[18] Après avoir examiné l’Ordonnance du protonotaire Aalto, lu le dossier et examiné les observations écrites et orales des parties, je conclus que M. Curtis n’a pas démontré qu’il y avait une erreur de droit ou une erreur manifeste et dominante de fait, ou mixte de fait et de droit, dans l’Ordonnance.

A. La Décision

[19] M. Curtis affirme que la Commission n’a jamais rendu de décision lorsqu’elle a émis et envoyé sa lettre de décision du 2 janvier 2019 car il n’y avait pas de [traduction] « compte rendu de décision ». J’estime que cet argument est sans fondement. Au contraire, il ne fait aucun doute que la Décision rendue le 2 janvier 2019 par la Commission est une [traduction] « décision » concernant la Plainte de M. Curtis, et M. Curtis n’a présenté aucune preuve ni aucun argument solide à l’appui de sa position.

[20] La LCDP ne prescrit pas la forme que doit prendre la décision prise par la Commission. En tant que maître de son propre fonctionnement, la Commission décide de quelle façon elle avise les parties de ses décisions. En l’espèce, elle a choisi une lettre contenant sa Décision de rejeter la Plainte de M. Curtis. La lettre de la Commission est une décision respectant les exigences de la LCDP. La lettre présente deux types différents d’avis de décision décrits dans la LCDP. Il est utile de reproduire les parties pertinentes de la présente lettre telles qu’elles figurent dans l’Ordonnance du protonotaire Aalto :

[traduction]

Je vous écris pour vous informer de la décision prise par la Commission canadienne des droits de la personne relativement à la plainte (20130462) de Gary Curtis contre la Banque de Nouvelle‑Écosse.

Avant de rendre la décision, la Commission a examiné le rapport qui vous avait été communiqué, ainsi que les observations déposées en réponse au rapport. Après avoir examiné ces renseignements, la Commission a décidé, en vertu de l’alinéa 41(1)e) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, de ne traiter que les allégations liées à des événements qui seraient survenus de septembre 2011 au 25 avril 2012, car les autres allégations formulées ans la plainte relativement à la période allant de novembre 2007 à l’été 2011 sont distinctes des allégations plus récentes et ne constituent pas, avec les allégations ultérieures, une tendance continue de discrimination.

En outre, la Commission a décidé, en vertu du sous‑alinéa 44(3)b)(i) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, de rejeter la plainte parce que, compte tenu des circonstances relatives à la plainte, la poursuite de l’enquête n’est pas justifiée.

En conséquence, le dossier relatif à cette plainte est désormais clos.

[Je souligne.]

[21] Premièrement, la Commission a décidé, en vertu de l’alinéa 41(1)(e) de la LCDP de ne pas statuer sur une partie de la Plainte. Le paragraphe 42(1) de la LCDP décrit l’avis qui doit être envoyé au plaignant dans une telle situation. Il stipule que « la Commission motive par écrit sa décision auprès du plaignant dans les cas où elle décide que la plainte est irrecevable ». En effet, la lettre est sous forme écrite et fournit les motifs suivants d’une telle conclusion : [traduction] « les autres allégations formulées dans la plainte relativement à la période allant de novembre 2007 à l’été 2011 sont distinctes des allégations plus récentes et ne constituent pas, avec les allégations ultérieures, une tendance de pratiques discriminatoires. » Cette partie de la Décision est donc conforme aux exigences de la LCDP.

[22] Deuxièmement, après avoir enquêté sur les allégations portant sur des événements qui seraient survenus de septembre 2011 au 25 avril 2012, la Commission a décidé de rejeter le reste de la Plainte de M. Curtis en vertu du sous‑alinéa 44(3)(b)(i) de la LCDP, qui prévoit que la Commission doit rejeter la plainte si elle est convaincue que « compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l’examen de celle‑ci n’est pas justifié ». Dans cette situation, l’alinéa 44(4)(a) de la LCDP dispose que la Commission « informe par écrit les parties à la plainte ». La Décision accompli ceci et respecte donc une fois de plus la LCDP.

[23] Plus particulièrement, contrairement à ce que prétend M. Curtis, il n’est pas nécessaire que la lettre soit accompagnée d’un [traduction] « compte rendu de décision ». En fait, M. Curtis n’a fait allusion à aucune jurisprudence convaincante pour appuyer sa position à cet égard. En fait, dans le contexte des contrôles judiciaires des décisions de la Commission de rejeter des plaintes en vertu de l’alinéa 44(3)(b) de la LCDP, la CAF et la Cour ont toutes deux convenu que l’utilisation d’un libellé faisant simplement référence au rapport de l’enquêteur, comme ce fut le cas en l’espèce, constitue des motifs suffisants. Lorsque la Commission adopte les recommandations d’un enquêteur et ne fournit aucun motif ou seulement de brefs motifs, le rapport de l’enquêteur doit être traité comme constituant le raisonnement de la Commission aux fins de la décision rendue en vertu de l’alinéa 44(3)(b) de la LCDP (Sketchley c Canada (Procureur général), 2005 CAF 404 au para 37; Kwan c Banque Amex du Canada, 2017 CF 1053 [Kwan] aux para 19, 28‑32, conf. par 2018 CAF 189).

[24] M. Curtis a également fait valoir à l’audience devant la Cour que la lettre du 2 janvier 2019 aurait dû être signée par un membre de la Commission (aussi souvent appelé commissaire), plutôt que par une personne au nom du directeur des services du greffe. En plus de ne pas figurer dans les observations écrites de M. Curtis, cet argument est aussi sans fondement et a été expressément rejeté par la Cour dans l’arrêt Kwan, au paragraphe 40. Comme dans l’arrêt Kwan, la lettre représente le moyen par lequel la Décision de la Commission a été communiquée à M. Curtis. Le fait que la lettre ait été signée par le directeur des services du greffe ne permet pas de conclure que la Décision n’a pas été dûment prise par la Commission elle‑même.

[25] J’ajoute que, dans le contexte de la détermination de la question de savoir s’il y a eu une décision pouvant faire l’objet d’un contrôle judiciaire, la CAF a laissé entendre que pour qu’il y ait une « décision », il doit y avoir une décision exécutoire et définitive (Ferrow v Canada (Minister of Employment and Immigration), [1983] 1 FC 679, 1983 CanLII 3675 (CAF) à la p 296). C’est manifestement le cas en l’espèce.

[26] Je ne peux pas non plus m’empêcher de souligner que, malgré ses allégations selon lesquelles la Décision du 2 janvier 2019 n’est pas une « décision », M. Curtis a déposé sa Nouvelle Demande dans laquelle il attaque la décision même de la Commission qui, selon lui, n’existe pas. Dans sa propre instance dans le dossier judiciaire T‑208‑19, il qualifie lui‑même la lettre de décision de la Commission de « décision finale » concernant sa Plainte. Il va sans dire que M. Curtis ne peut pas défendre sérieusement des positions aussi contradictoires de façon simultanée. Cette approche cherchant à « avoir le beurre et l’argent du beurre » ne peut tout simplement pas fonctionner, n’a pas sa place devant la Cour et ne fait que souligner la nature frivole et vexatoire de l’appel de M. Curtis.

[27] Pour tous ces motifs, je conclus que le protonotaire Aalto n’a commis aucune erreur de droit, ni aucune erreur manifeste et dominante de fait, ou mixte de fait et de droit, lorsqu’il a estimé que la lettre du 2 janvier 2019 était la Décision de la Commission.

B. Le caractère théorique

[28] Je ne constate également aucune erreur dans la conclusion du protonotaire Aalto selon laquelle la Demande de M. Curtis est théorique.

[29] Il est bien connu que Borowski est l’arrêt de principe en ce qui concerne la doctrine relative au caractère théorique. M. Curtis n’a pas présenté d’argument convaincant à l’effet contraire. L’arrêt Borowski prescrit qu’une analyse en deux volets soit faite pour déterminer si un litige est théorique (Borowski à la p 353). Premièrement, la Cour doit se demander si le différend a disparu en ce sens qu’il n’y a plus de litige et si les questions en jeu sont devenues académiques. Deuxièmement, si la réponse à la première question est affirmative, la Cour doit décider si elle devrait exercer son pouvoir discrétionnaire d’entendre l’affaire en tout état de cause. Pour déterminer si elle doit de toute manière exercer son pouvoir discrétionnaire d’entendre l’affaire, la Cour doit tenir compte des principes suivants : l’existence d’un débat contradictoire, le souci d’économie des ressources judiciaires et la nécessité pour le tribunal de ne pas empiéter sur les fonctions législatives et d’éviter de s’écarter de sa fonction juridictionnelle (Borowski aux pp 358‑363).

[30] Il s’agit exactement de l’analyse entreprise et menée par le protonotaire Aalto dans son Ordonnance. Il ne restait absolument plus aucune question à trancher, puisque la seule question soulevée dans la Demande, à savoir une ordonnance de mandamus obligeant la Commission à entreprendre une enquête sur la Plainte, a cessé d’exister lorsque la Commission a conclu son enquête et rendu sa Décision, le 2 janvier 2019. M. Curtis a bien sûr le droit de ne pas être d’accord avec la Décision, et il a en fait exercé son droit de demander le contrôle judiciaire de la Décision dans sa Nouvelle Demande. Toutefois, en ce qui concerne la Demande, l’enquête a été menée par la Commission, la Décision a été rendue et la demande de réparation sous forme de bref de mandamus demandée par M. Curtis est manifestement devenue théorique. Autrement dit, la tâche que, selon M. Curtis, la Commission devrait accomplir a déjà été satisfaite. La preuve en est donnée par le fait que M. Curtis a depuis déposé la Nouvelle Demande soulevant essentiellement les mêmes questions que la Demande.

[31] Il vaut la peine de souligner qu’un mandamus est un recours extraordinaire et discrétionnaire qui comporte son propre ensemble de conditions. Les principales conditions de base pour la délivrance d’un bref de mandamus sont bien établies et ont été énoncées par la CAF dans l’arrêt Apotex Inc c Canada (Procureur général), [1994] 1 CF 742 (CAF) [Apotex] au para 45, conf. par [1994] 3 RCS 110 (voir aussi Lukács c Canada (Office des transports), 2016 CAF 202 au para 29; Complexe Enviro Progressive Ltée c Canada (Transports), 2018 CF 1299 aux para 68-70). Ces conditions sont cumulatives et doivent toutes être respectées pour que la Cour puisse envisager de délivrer un bref de mandamus (voir Rocky Mountain Ecosystem Coalition c Canada (Office national de l’énergie) (1999), 174 FTR 17 (CF) au para 30. Ces conditions ont été décrites en détail dans l’arrêt Apotex, aux pages 766 à 769. Elles établissent notamment que, même si un mandamus peut être demandé pour forcer l’exécution d’une obligation légale, il ne peut être demandé pour forcer l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire d’une façon particulière et il ne peut dicter le résultat d’un tel processus (Canada (Directeur général des élections) c Callaghan, 2011 CAF 74 au para 126). Parmi les critères à prendre en considération, mentionnons les suivants : la Cour doit être convaincue qu’une obligation légale d’agir à caractère public est due envers le demandeur; que le décideur a refusé de s’acquitter de cette obligation; et que compte tenu de toutes les circonstances – y compris l’absence de tout autre recours –, l’émission d’une ordonnance obligeant un fonctionnaire public à s’acquitter de cette obligation est justifiée.

[32] Ce n’est pas le cas en l’espèce. L’enquête de la Commission est terminée et une décision finale a été rendue relativement à la Plainte de M. Curtis. Il a été impossible d’émettre une ordonnance de mener et de terminer l’enquête puisque la Commission est maintenant functus officio. Il ne faut pas en conclure que la Commission a refusé de s’acquitter de son obligation envers M. Curtis puisqu’elle s’en est acquittée dans les faits. En outre, M. Curtis ne peut pas, au même moment, demander à la Commission de rendre une décision (dans la présente Demande) et attaquer simultanément la même décision une fois qu’elle a été rendue (comme il le fait dans sa Nouvelle Demande).

[33] Dans ses observations sur la question du caractère théorique, M. Curtis allègue également que la Commission s’est appuyée sur le mauvais Avis de Demande dans ce dossier et que le protonotaire Aalto a mal interprété les faits et le droit dans sa Décision. Ces prétentions ne me convainquent pas. En ce qui concerne l’Avis de Demande, la Commission s’est fondée sur l’avis qui lui avait été signifié. Le protonotaire Aalto a procédé à un examen approfondi des questions soulevées dans l’Avis de Demande et a rejeté les arguments de M. Curtis. Il ressort clairement des transcriptions de l’audience devant le protonotaire Aalto (qui ont été présentées par M. Curtis) que le protonotaire Aalto a examiné la version modifiée de l’Avis de Demande de M. Curtis et qu’aucune erreur n’a été commise relativement à l’Avis en question. En outre, M. Curtis ne fait état, dans une version quelconque de sa Demande, d’aucun redressement demandé qui pourrait en fait être accordé par la Cour et qui n’a pas été dûment pris en compte par le protonotaire Aalto dans son Ordonnance.

[34] Pour les motifs qui précèdent, je suis convaincu que le protonotaire Aalto n’a commis aucune erreur de droit ni erreur manifeste et dominante de fait, ou mixte de fait et de droit, en radiant la Demande en raison de son caractère théorique, sans autorisation de modifier.

C. Dépens adjugés

[35] M. Curtis soutient en outre que la Cour devrait intervenir et annuler l’ordonnance de dépens du protonotaire Aalto en faveur de la BNÉ. Cet argument est également sans fondement.

[36] Le paragraphe 400(1) des Règles accorde le « pouvoir discrétionnaire de déterminer le montant des dépens [et] de les répartir ». L’adjudication des dépens est très discrétionnaire (Alani c Canada (Premier ministre), 2017 CAF 120 au para 11, citant Nolan c Kerry (Canada) Inc, 2009 CSC 39 au para 126), et les tribunaux n’interviennent que rarement. Par conséquent, l’adjudication des dépens sera examinée selon la norme énoncée par la CSC dans l’arrêt Housen, ce qui signifie que M. Curtis était tenu de démontrer l’existence d’une erreur de droit ou une erreur manifeste et dominante.

[37] Dans son adjudication des dépens, le protonotaire Aalto a correctement tenu compte de la nature de la requête, de la conduite de M. Curtis (y compris son refus de se désister de sa Demande même s’il a été invité à le faire et de ses allégations d’actes répréhensibles de la part de la BNÉ) et du fait que la BNÉ a obtenu gain de cause pour ce qui est de la requête. Il y avait amplement d’éléments de preuve à l’appui de ces conclusions de fait et ceux‑ci justifiaient manifestement l’adjudication des dépens contre M. Curtis. En ce qui concerne le montant adjugé, j’estime que la décision du protonotaire Aalto déterminant la somme de 1 500 $ est très raisonnable compte tenu des circonstances et compte tenu du mémoire de dépens de la BNÉ. Rien ne justifie l’intervention de la Cour.

[38] Encore une fois, M. Curtis n’a pas démontré qu’il y avait eu erreur de droit ou erreur manifeste et dominante dans l’adjudication des dépens par le protonotaire Aalto en faveur de la BNÉ. Je m’arrête un instant pour ajouter qu’en ce qui concerne les dépens adjugés, M. Curtis ne devrait pas se surprendre de la conclusion de la Cour, car il a déjà été informé, dans la récente décision Curtis, de la portée limitée de l’intervention de la Cour à cet égard.

D. Partialité et parti pris

[39] L’allégation de partialité et de parti pris formulée par M. Curtis à l’endroit du protonotaire Aalto est aussi totalement sans fondement. Le seul motif soulevé par M. Curtis pour laisser entendre qu’il y aurait eu parti pris de la part du protonotaire Aalto est le fait que M. Curtis avait déjà interjeté appel des ordonnances rendues par le protonotaire Aalto dans la décision défavorable à son endroit rendue en l’espèce, appels qui ont été rejetés et qui ont été jugés totalement sans fondement.

[40] Comme la CAF l’a clairement établi dans la décision Collins c Canada, 2011 CAF 123 [Collins] aux para 3-4, dans la décision Gandhi c Canada (Procureur général), ordonnance du 7 février 2017, dossier A‑44‑16, et dans la décision Canada (Procureur général) c Yodjeu, 2019 CAF 178 aux para 12-15, il y a une forte présomption voulant que les juges respectent leur serment d’office de rendre justice de manière impartiale. Une telle présomption n’est pas facile à réfuter, et une preuve convaincante est nécessaire pour prouver une allégation de crainte raisonnable de partialité de la part d’un juge. En l’espèce, M. Curtis n’a présenté aucun élément de preuve à l’appui de son allégation de partialité et de crainte de partialité de la part du protonotaire Aalto.

[41] La CAF a spécifiquement déclaré qu’il sera particulièrement difficile pour un plaideur d’établir l’existence d’un préjugé défavorable fondé sur les rencontres antérieures d’un juge avec un plaideur en sa qualité de juge. À la connaissance de cette Cour, il n’existe aucune jurisprudence indiquant qu’un juge est inhabile à siéger pour cause de partialité du simple fait qu’il ait rendu, dans la même instance ou dans une instance connexe, une décision interlocutoire défavorable à une partie, ou qu’il ait rédigé les motifs d’un jugement rendu en appel dans une affaire connexe (Collins au para 4).

[42] Je me dois d’ajouter que M. Curtis aurait dû être bien au fait de ces principes puisqu’il a récemment tenté, sans succès, de présenter des arguments semblables devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario dans Curtis c Pinto, 2018 ONSC 618. Dans cette affaire, le juge saisi de la requête a longuement expliqué qu’un appel interjeté relativement à une ordonnance antérieure d’un juge ne donne pas lieu à une crainte raisonnable de partialité. Malheureusement, il semble que M. Curtis ait décidé d’en faire fi, et il a encore une fois répété des arguments de même nature devant la Cour.

[43] Les accusations de partialité et de parti pris sont très graves et ne devraient jamais être prises à la légère, surtout lorsqu’un demandeur a l’habitude de soulever des arguments similaires, lesquels sont rejetés par les tribunaux. Des allégations gratuites et non étayées de partialité, comme celles faites par M. Curtis en l’espèce, ne peuvent qu’entraîner l’émission d’autres ordonnances de dépens, car elles constituent un abus de procédure judiciaire.

IV. Dépens liés au présent appel

[44] La BNÉ sollicite des dépens de 1 500 $, plus les débours et la TVH, à être fixés et exigibles immédiatement, et a présenté un mémoire de dépens à l’appui de sa demande. En présentant sa position, la BNÉ fait valoir que l’adjudication des dépens du protonotaire Aalto a elle‑même été faite pour dissuader les requêtes inappropriées et frivoles, mais la réaction de M. Curtis a plutôt été de présenter cette requête sans fondement en appel de l’Ordonnance. La BNÉ soutient que, dans de telles circonstances, une adjudication des dépens devrait s’imposer.

[45] La Commission sollicite également des dépens de 1 000 $ pour le présent appel, ce qu’elle ne fait habituellement pas dans le cadre de son rôle de partie représentant l’intérêt public. La Commission soutient qu’elle a droit à des dépens dans ce cas particulier puisque M. Curtis a inutilement interjeté appel. La Commission affirme que, dans les circonstances, l’appel interjeté par M. Curtis contre l’Ordonnance du protonotaire Aalto présente de nombreux attributs d’une requête vexatoire et qu’il contient des allégations gratuites et non étayées de partialité. M. Curtis a refusé d’abandonner sa Demande même si elle était devenue théorique et malgré le fait qu’il avait déposé sa Nouvelle Demande qui soulevait essentiellement les mêmes questions. La Commission prétend que le présent appel n’aurait pas dû être interjeté, qu’il n’aurait pas dû se poursuivre et qu’il constitue un gaspillage de ressources publiques.

[46] Je suis du même avis que la BNÉ et la Commission. Des dépens peuvent être adjugés contre un demandeur qui présente des requêtes inutiles et frivoles, même si ce demandeur se représente lui‑même. Je suis convaincu que le présent appel était inutile et qu’une adjudication des dépens est justifiée dans les circonstances. La conduite vexatoire prend des formes et des aspects multiples. L’une de ses manifestations est le nombre d’instances ou de requêtes sans fondement présentées par un demandeur, ou la réitération d’instances et de requêtes qui ont déjà été tranchées (Canada c Olumide, 2017 CAF 42 au para 32). C’est précisément ce qui s’est produit en l’espèce. Pour la deuxième fois dans cette instance, M. Curtis a interjeté appel de ce qui était manifestement une Ordonnance réfléchie et bien raisonnée du juge responsable de la gestion de l’instance, et il a répété des allégations sans fondement de partialité à l’égard d’un décideur judiciaire.

[47] Compte tenu des circonstances, je fixerai les dépens à adjuger à la BNÉ dans le cadre du présent appel à 1 250 $ et les dépens à adjuger à la Commission à 750 $, TVH comprise, et exigibles immédiatement de la part de M. Curtis. Bien sûr, ces derniers s’ajoutent aux dépens que M. Curtis doit déjà verser en vertu de l’Ordonnance du protonotaire Aalto.


ORDONNANCE dans le dossier T‑1316‑18

LA COUR STATUE que :

  1. L’appel interjeté par M. Curtis contre l’Ordonnance du protonotaire Aalto datée du 29 mai 2019 est rejeté;

  2. Des dépens sont adjugés à la Banque de Nouvelle‑Écosse, fixés au montant total de 1 250 $ et exigibles immédiatement; et

  3. Des dépens sont adjugés à la Commission canadienne des droits de la personne, fixés au montant total de 750 $ et exigibles immédiatement.

« Denis Gascon »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑1316‑18

 

INTITULÉ :

GARY CURTIS c COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE ET BANQUE DE NOUVELLE‑ÉCOSSE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 25 juin 2019

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE GASCON

 

DATE DES MOTIFS :

Le 25 novembre 2019

 

COMPARUTIONS :

Gary Curtis

le DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Daniel Poulin

Julie Hudson

POUR LA DÉFENDERESSE

(COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE)

 

Ian R. Dick

POUR LA DÉFENDERESSE

(BANQUE DE NOUVELLE‑ÉCOSSE)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Division des services du contentieux

Commission canadienne des droits de la personne

Ottawa (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

(COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE)

Hicks Morley Hamilton Stewart Storie s.r.l.

Toronto (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

(BANQUE DE NOUVELLE‑ÉCOSSE)

 

 

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