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                                                                                                                              Date : 20020301

                                                                                                                Dossier : IMM-2469-01

OTTAWA (ONTARIO), LE 1er MARS 2002

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE KELEN

ENTRE :

HARKIRPAL SINGH KALKAT

                                                                                                                                        demandeur

                                                                            et

                LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                         défendeur

                                                              ORDONNANCE

Une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle Michael Cobb, agent principal, a conclu, le 4 mai 2001, que le demandeur Harkirpal Singh Kalkat ne peut pas faire traiter sa demande de visa d'immigrant en se fondant sur des raisons d'ordre humanitaire pendant qu'il est au Canada;

Les documents qui ont été déposés ayant été lus et les arguments des parties ayant été entendus;

Pour les motifs d'ordonnance qui sont prononcés en ce jour;


                                                                                                                                              Page : 2

LA COUR ORDONNE PAR LES PRÉSENTES :

Cette demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Michael A. Kelen »

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                                                                                              Date : 20020301

                                                                                                                Dossier : IMM-2469-01

                                                                                              Référence neutre : 2002 CFPI 224

ENTRE

HARKIRPAL SINGH KALKAT

                                                                                                                                        demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                         défendeur

                                               MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE KELEN

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, à l'encontre de la décision par laquelle l'agent principal Michael Cobb (l'agent) a conclu, le 4 mai 2001, que le demandeur ne peut pas bénéficier d'une dispense en vertu du paragraphe 9(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, et qu'il ne peut pas faire traiter sa demande de visa d'immigrant en se fondant sur des raisons d'ordre humanitaire (la demande d'ordre humanitaire) pendant qu'il est au Canada.


LES FAITS

[2]                 Le demandeur Harkipal Singh Kalkat, qui est né le 20 juillet 1965, est citoyen de l'Inde. Il est arrivé au Canada à titre de visiteur en 1991.

[3]                 Le demandeur avait déjà présenté deux demandes d'ordre humanitaire qui ont respectivement été rejetées le 21 juin 1996 et le 29 novembre 1999. Le 30 décembre 1999, la section du statut a conclu que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention. Le 1er juin 2000, cette cour a refusé d'accorder l'autorisation de demander le contrôle judiciaire de la décision rendue par la section du statut.

[4]                 Le 8 novembre 2000, le demandeur a présenté une troisième demande qui était ainsi libellée :

[TRADUCTION] Si je quitte le Canada, cela causera des difficultés excessives à ma conjointe, à mon enfant issu de ce mariage, et à mes deux enfants issus d'un mariage antérieur qui résident au Canada. Si je quitte le pays pour y revenir ensuite, cela coûtera inutilement des centaines de dollars, ce qui sera fort onéreux pour moi.

[5]                 Le 4 mai 2001, l'agent a décidé de rejeter la demande d'ordre humanitaire.


LA DÉCISION DE L'AGENT D'IMMIGRATION

[6]                 Dans le [TRADUCTION] « Résumé du cas » , l'agent a énoncé les considérations sur lesquelles était fondée sa décision, notamment :

[TRADUCTION]

Facteurs pris en considération qui militent pour la renonciation à l'application du paragraphe 9(1)

·        L'intéressé a une conjointe qui réside en permanence au Canada;

·        L'intéressé a trois enfants qui sont nés au Canada, dont deux sont issus d'un mariage antérieur et un de son mariage actuel;

·        L'intéressé et sa conjointe attendent un autre enfant, qui doit naître au mois de novembre 2001.

Facteurs pris en considération qui militent contre la renonciation à l'application du paragraphe 9(1)

·        L'intéressé a fait l'objet de trois déclarations de culpabilité au criminel au Canada. Il a été déclaré coupable d'avoir agressé sa première conjointe le 2 janvier 1995 à Surrey (Colombie-Britannique). Il a été déclaré coupable de capacité de conduite affaiblie à Surrey (Colombie-Britannique) le 10 avril 1995. Il a été déclaré coupable d'avoir omis ou refusé de fournir un échantillon d'haleine à Edmonton (Alberta) le 25 avril 2001.

·        L'intéressé fait actuellement l'objet d'accusations au criminel - le 19 mars 1998, il a été accusé de capacité de conduite affaiblie, de conduite dangereuse et de conduite pendant interdiction en Colombie-Britannique. Un mandat d'arrestation s'appliquant partout en Colombie-Britannique est encore en vigueur pour ces accusations. Le 19 octobre 2000, l'intéressé a été arrêté et accusé d'usurpation d'identité, de refus de fournir un échantillon d'haleine et de capacité de conduite affaiblie à Ponoka (Alberta). Un mandat d'arrestation a été délivré à l'égard de ces accusations et le mandat a été exécuté par les services de la police d'Edmonton le 2 avril 2001. L'intéressé doit comparaître devant les tribunaux le 3 août 2001 à Wetaskawin (Alberta) pour répondre à des accusations de capacité de conduite affaiblie, d'omission de fournir un échantillon d'haleine, de l'infraction d'avoir gêné un agent de la paix, d'omission de comparaître et d'omission de se conformer à un engagement.

·        L'intéressé doit, au 10 avril 2001, une somme de 4 447,25 $ au titre de la pension alimentaire qu'il doit verser pour les deux enfants issus de son premier mariage.

·        L'intéressé a été en Colombie-Britannique, loin de sa conjointe et de son enfant, du mois de novembre 2000 jusqu'à la fin du mois de février ou jusqu'au début du mois de mars 2001.


Décision :

Demande refusée.

Motifs :

Pendant son séjour au Canada, l'intéressé a récidivé à maintes reprises.

[...]

L'intéressé affirme qu'on lui a ordonné de payer une pension alimentaire pour enfants [...] il ne paie pas cette pension.

[...]

L'intéressé affirme que s'il était séparé de sa conjointe et de ses enfants, la chose causerait des difficultés excessives. Toutefois, il faut noter que l'intéressé déclare ne pas avoir habité avec sa conjointe et son enfant pendant la période allant du mois de novembre 2000 jusqu'à la fin du mois de février ou jusqu'au début du mois de mars 2001 au moins.

Cette décision tient compte de l'effet qu'elle aurait sur un véritable mariage et sur les enfants qui sont nés au Canada, mais à mon avis, les risques de récidive sont trop élevés. J'ai tenu compte de tous les renseignements et je ne suis pas convaincu de l'existence d'un nombre suffisant de motifs d'ordre humanitaire justifiant une renonciation à l'application du paragraphe 9(1) de la Loi sur l'immigration.

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

[7]                 Le paragraphe 9(1) de la Loi sur l'immigration est ainsi libellé :


Visas et autorisations spéciales

Demande de visa

9. (1) Sous réserve du paragraphe (1.1), sauf cas prévus par règlement, les immigrants et visiteurs doivent demander et obtenir un visa avant de se présenter à un point d'entrée.


Visas and Special Authorizations

Applications for visas

     9. (1) Except in such cases as are prescribed, and subject to subsection (1.1), every immigrant and visitor shall make an application for and obtain a visa before that person appears at a port of entry.


LA NORME DE CONTRÔLE

[8]    Dans la décision Liu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.F. no 1125, 2001 CFPI 751 (C.F. 1re inst.), Monsieur le juge Teiltelbaum a dit ce qui suit :

La norme de contrôle applicable à ce genre de décision - c'est-à-dire la décision discrétionnaire de l'agent des visas - est celle qu'a énoncée le juge McIntyre dans l'arrêt Maple Lodge Farms c. Gouvernement du Canada, [1982] 2 R.C.S. 1, aux pages 7 et 8 :

C'est aussi une règle bien établie que les cours ne doivent pas s'ingérer dans l'exercice qu'un organisme désigné par la loi fait d'un pouvoir discrétionnaire simplement parce que la cour aurait exercé ce pouvoir différemment si la responsabilité lui en avait incombé. Lorsque le pouvoir discrétionnaire accordé par la loi a été exercé de bonne foi et, si nécessaire, conformément aux principes de justice naturelle, si on ne s'est pas fondé sur des considérations inappropriées ou étrangères à l'objet de la loi, les cours ne devraient pas modifier la décision.

Dans Wang c. Canada (M.C.I.), [2001] A.C.F. no 95 (IMM-2813-00, 25 janvier 2001), renvoyant à l'extrait qui précède de même qu'à l'arrêt de la Cour suprême du Canada Baker c. Canada (M.C.I.), [1999] 2 R.C.S. 817, le juge Rouleau a statué que la norme de contrôle appropriée est celle de la décision raisonnable simpliciter.

[Non souligné dans l'original.]

Par conséquent, la norme de la décision raisonnable simpliciter est celle qu'il convient d'appliquer en l'espèce à la décision de l'agent d'immigration. Cette norme a été définie par Monsieur le juge Iacobucci dans l'arrêt Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc. [1997] 1 R.C.S. 748 :

Est déraisonnable la décision qui, dans l'ensemble, n'est étayée par aucun motif capable de résister à un examen assez poussé. En conséquence, la cour qui contrôle une conclusion en regard de la norme de la décision raisonnable doit se demander s'il existe quelque motif étayant cette conclusion. Le défaut, s'il en est, pourrait découler de la preuve elle-même ou du raisonnement qui a été appliqué pour tirer les conclusions de cette preuve.


POINTS LITIGIEUX

[9]    La décision était-elle déraisonnable, c'est-à-dire qu'elle n'était étayée par aucun motif capable de résister à un examen assez poussé?

[10]            L'agent a-t-il tenu compte de l'intérêt des enfants?

ANALYSE

[11]            Les questions qui se posent en ce qui concerne le caractère raisonnable de la décision de refuser la demande d'ordre humanitaire se rapportent aux antécédents criminels du demandeur, à l'arriéré de la pension alimentaire pour enfants et aux répercussions qu'aura le renvoi du demandeur pour sa conjointe et ses enfants.

(A) Casier judiciaire comportant quatre déclarations de culpabilité

[12]            Le demandeur affirme, en ce qui concerne ses antécédents criminels, que certaines infractions ont été commises il y a plus de cinq ans et qu'il a [TRADUCTION] « remédié à la situation » , en ce qui concerne ces accusations ainsi qu'en ce qui concerne des déclarations de culpabilité plus récentes, en purgeant les peines qui lui avaient été infligées et que ces accusations ne devraient pas l'emporter sur l'intérêt supérieur de sa famille.


[13]            L'agent a tenu compte du casier judiciaire du demandeur; il a décidé que le demandeur présente un risque élevé de récidive. Les antécédents du demandeur, en ce qui concerne la capacité de conduite affaiblie, sont de nature continue et le demandeur a notamment été déclaré coupable de pareille infraction au mois d'août 2001. La Cour conclut que l'agent a tenu compte d'une façon raisonnable des infractions criminelles passées du demandeur et qu'il a conclu avec raison que le demandeur présente un risque de récidive.

(B) L'intérêt des enfants

[14]            L'agent a mentionné l'intérêt des enfants du demandeur et il est arrivé à une conclusion qu'il lui était avec raison loisible de prendre. Dans l'arrêt Baker c. Canada (MCI), [1999] 2 R.C.S. 817, la Cour suprême du Canada a statué qu'il est important de tenir compte de l'intérêt supérieur des enfants nés au Canada, mais pas au détriment de toutes les autres considérations. Madame le juge L'heureux-Dubé a fait les remarques suivantes au paragraphe 75 :

La question certifiée demande s'il faut considérer l'intérêt supérieur des enfants comme une considération primordiale dans l'examen du cas d'un demandeur sous le régime du par. 114(2) et du Règlement.    Les principes susmentionnés montrent que, pour que l'exercice du pouvoir discrétionnaire respecte la norme du caractère raisonnable, le décideur devrait considérer l'intérêt supérieur des enfants comme un facteur important, lui accorder un poids considérable, et être réceptif, attentif et sensible à cet intérêt.    Cela ne veut pas dire que l'intérêt supérieur des enfants l'emportera toujours sur d'autres considérations, ni qu'il n'y aura pas d'autres raisons de rejeter une demande d'ordre humanitaire même en tenant compte de l'intérêt des enfants.    Toutefois, quand l'intérêt des enfants est minimisé, d'une manière incompatible avec la tradition humanitaire du Canada et les directives du ministre, la décision est déraisonnable.


[15]            Le dossier montre que la question de l'intérêt des enfants a été soupesée. L'agent a noté le manque apparent d'engagement du demandeur envers ses enfants ainsi que le manque d'interaction. Dans son affidavit, le demandeur a déclaré ce qui suit :

[TRADUCTION] [...] Je continuerai à payer une pension alimentaire pour enfants lorsque j'aurai un permis de travail.

Comme l'agent, le défendeur affirme que, même lorsqu'il détenait un permis de travail, le demandeur n'a pas versé régulièrement la pension alimentaire pour le soin des deux enfants issus d'un mariage antérieur. Dans ses motifs, l'agent fait expressément mention de la question de l'aide apportée par le demandeur à ses enfants :

[TRADUCTION] Cette décision tient compte de l'effet qu'elle aurait sur un véritable mariage et sur les enfants qui sont nés au Canada, mais à mon avis, les risques de récidive sont trop élevés.

CONCLUSION

[16]            La décision de l'agent est raisonnable, en ce sens que les motifs résistent à un examen assez poussé. Le demandeur a fait l'objet de quatre déclarations de culpabilité au criminel pendant qu'il était au Canada et il n'a pas agi comme un bon père, comme un bon conjoint ou comme un bon soutien de famille à l'égard des enfants issus des deux mariages.


[17]            Par conséquent, cette demande de contrôle judiciaire est rejetée.

   

« Michael A. Kelen »

Juge

OTTAWA (ONTARIO),

le 1er mars 2002.

  

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.

  

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

  

DOSSIER :                                                                      IMM-2469-01

INTITULÉ :                                                                     HARKIRPAL SINGH KALKAT

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                             EDMONTON (ALBERTA)

DATE DE L'AUDIENCE :                                           LE 25 FÉVRIER 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                           MONSIEUR LE JUGE KELEN

DATE DES MOTIFS :                                                  LE 1er MARS 2002

  

COMPARUTIONS :

M. DEVINDERJIT S. PUREWAL                                 POUR LE DEMANDEUR

Mme TRACY KING                                                         POUR LE DÉFENDEUR

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

VENKATRAMAN ET ASSOCIÉS                               POUR LE DEMANDEUR

EDMONTON (ALBERTA)

M. MORRIS ROSENBERG                                            POUR LE DÉFENDEUR

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

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