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Date : 20010412

Dossier : IMM-3364-00

Référence neutre : 2001 CFPI 322

Entre :

                                    EBOLFAZL SULTANI VELASHDJERDI

                                                                                                        Partie demanderesse

                                                                      ET

                                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                   ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                          Partie défenderesse

                                            MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LEMIEUX

[1]                Le demandeur Ebolfazl Sultani Velashdjeri est un citoyen de l'Iran qui revendique le statut de réfugié craignant être persécuté pour ses opinions politiques. Il échoue devant la Section du statut de réfugié (le « tribunal » ) qui le 11 avril 2000 conclut que la revendication du demandeur n'a pas de minimum de fondement aux termes de l'article 69.1(9.1)) de la Loi sur l'immigration (la « Loi » ).


[2]                Le procureur du demandeur soulève quatre erreurs de droit; il suffit d'en retenir une pour les fins de cette cause.

[3]                Le procureur du demandeur dépose comme pièce P-6 un avis de convocation émis le 30 octobre 1999 par le Revolutionary Justice Department. La traduction anglaise de cette convocation se lit :

Motive: to proceed with your file at the Court. In case of absence, an arrest warrant would be issued.

[4]    Le demandeur avait avec lui l'original de ce document.

[5]    Le demandeur avait écrit dans son FRP qu'il est devenu membre des « Gardiens de l'Iran Éternel » (NID) et s'est engagé de reproduire un livre intitulé « Héritier des biens de Kian » dont l'auteur est le docteur Nassim.

[6]    Le tribunal constate :

Ce livre décrit l'histoire de monsieur Passandideh, le frère adoptif de Khomeiny, qui prétendait que ce dernier était d'origine « Sikh » indienne, et que ses parents étaient venus en Iran par bateau.

Étant donné que le leader religieux en Iran doit être d'origine iranienne, l'Ayatollah Khomeini ne pouvait accéder au pouvoir en Iran. Ce livre serait, selon le revendicateur, proscrit au même titre que les « Versets sataniques » de Salman Rushdie.

Il aurait photocopié une partie de ce livre au sous-sol de sa maison, et l'aurait caché dans des boîtes à chaussures. Ces copies auraient été remises à des membres du NID.

                                                                       ...

Entre le 20 et le 22 septembre 1999, alors que le revendicateur et sa mère auraient été absents, trois personnes seraient allées à leur maison et auraient découvert les papiers et le photocopieur dans le sous-sol.

[7]    Le procureur du demandeur soutient que le tribunal a commis une erreur de droit en omettant de se prononcer sur la preuve documentaire spécifique au demandeur, un document qui corrobore le témoignage du demandeur à l'effet que les autorités iraniennes le recherchent.

[8]    Le procureur du demandeur dit que la preuve documentaire établit que les tribunaux révolutionnaires en Iran commettent les pires abus.

[9]    Dans son mémoire le procureur du demandeur écrit ceci :

Dans la décision, les membres du tribunal ne font référence à cette preuve documentaire spécifique que lorsqu'ils citent la pièce A-5, le document complété au point d'entrée qui constitue l'exhibit E de l'affidavit du demandeur. En effet, dans ce document il est écrit :

« Is the Police or Army looking for you in your country? Yes (x) No () Why? Because you received a paper to go to court and they came to his house. »

À la page 4 de la décision le tribunal écrit :

« À la pièce A-5 (1), document du point d'entrée, il base sa revendication sur le fait qu'il se serait enfui de son pays parce que sa mère aurait reçu un avis de convocation(2) demandant au revendicateur de se présenter à la Cour de Téhéran, à cause de son implication dans la manifestation étudiante de cinq jour en février (sic) 1999, à l'université de Téhéran. »

En aucun moment les membres du tribunal ne traitent dans leur analyse de cet élément de preuve qui est pourtant au coeur même de la revendication du demandeur. En effet c'est à cause de ce document que le demandeur a pris la décision de fuir l'Iran. C'est ce qu'il a dit a (sic) point d'entrée, c'est ce qu'il a dit aussi dans son FRP. Au dernier paragraphe de sa réponse à la question #37 de son FRP le demandeur indique :

« On s'est donné rendez-vous quelque part dans le nord de la ville, d'où il m'a amené dans un jardin dans la banlieue où je me suis caché pendant une semaine. D'après les renseignements donnés par ma mère au colonel, un mandat était émis contre moi et deux agents l'avaient remis à ma mère qui était sommée de me remettre entre les mains des autorités. D'après le colonel, ma vie était sérieusement en danger, je devais absolument fuir l'Iran (...) »

Compte tenu de l'importance de ce document il est invraisemblable que les membre (sic) du tribunal le mentionne dans leur décision sans se prononcer sur son compte tenu[sic][contenu], sa valeur, sa force probante. L'omission de la Commission de traiter dans son analyse d'un élément de preuve particulier au demandeur qui en plus corrobore son témoignage et est au coeur de sa revendication constitue une erreur susceptible de contrôle. Les demandeurs soumettent que cette position est solidement appuyée sur la jurisprudence de cette cour.


[10]            Il existe une jurisprudence abondante de cette Cour qu'il y a matière à intervention si le tribunal ne traite pas dans son analyse des éléments de preuve documentaire particulière et personnelle qui paraissent corroborer des aspects importants de la revendication déposée par le demandeur (voir Numbi c. Le Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, IMM-1378-98, 17 février 1999, Mme le juge McGillis (1e inst.); Bains c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 20 IMM L.R. (2e ed.) 296 à la page 300 et Khawaja c. Le Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, IMM 5385-98, 28 juillet 1999, le juge Denault (1e inst.).

[11]            Je cite aussi l'arrêt Mahanandan c. Le Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, A-608-91, 24 août 1994, (C.A.F.). Le juge en chef écrit :

C'est aussi notre avis. Lorsqu'une preuve documentaire comme celle en cause est admise en preuve à l'audience, et pourrait vraisemblablement influer sur l'appréciation, par la Commission, de la revendication dont elle est saisie, il nous semble que plus qu'un simple constatation de son admission, la Commission doit indiquer dans ses motifs l'incidence, si elle existe, de cette preuve sur la revendication du requérant. Comme je l'ai déjà dit, la Commission ne l'a pas fait en l'espèce. À notre avis, cette omission équivalait à une faute irréparable, et il s'ensuit que la décision de la Commission ne peut être maintenue.

[12]            Le défendeur invoque les arrêts Woolaston c. M.E.I., [1993] R.C.S. 102; Hassan c. M.E.I. (1992), 147 N.R. 317 (C.A.F.) et Florea c. M.E.I., A-1307-91, 11 juin 1993 (C.A.F.) au soutien de deux propositions : (1) le fait que le tribunal n'a pas mentionné ce document n'est pas un indice qu'il n'en a pas tenu compte; (2) la jurisprudence de la Section de première instance citée par le demandeur impose un fardeau plus onéreux qu'exigé par la Cour suprême du Canada et la Cour d'appel fédérale. Je ne peux accepter les arguments du défendeur.

[13]            Dans Woolaston, il s'agissait d'un témoignage transcrit; dans Hassan, c'était une preuve documentaire provenant d'Amnesty International; et dans Florea, la Cour d'appel fédérale n'indique pas la nature des documents.


[14]            À mon avis, la jurisprudence citée par le défendeur n'infirme pas le principe invoqué par le demandeur.

[15]            Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accueillie et le dossier est retourné devant une formation de la Commission nouvellement constituée.

                                                                              "François Lemieux"       

                                                                                                                                                                         

                                                                                                     Juge                      

Ottawa (Ontario)

le 12 avril 2001

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