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Date : 20021105

Dossier : T-472-02

Référence neutre : 2002 CFPI 1143

OTTAWA (ONTARIO), LE 5 NOVEMBRE 2002                              

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SIMON NOËL

ENTRE :

                         BIOVAIL CORPORATION et

GALEPHAR P.R. INC.

demanderesses

                                    et

                   LE MINISTRE DE LA SANTÉNATIONALE

ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL

et RHOXALPHARMA INC.

défendeurs

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]    La Cour est saisie d'une requête présentée pour le compte des demanderesses Biovail Corporation et Galephar P.R. Inc. (Biovail) en vue d'obtenir les mesures suivantes :


a)                    une ordonnance fondée sur l'article 51 des Règles de la Cour fédérale (1998) infirmant la décision en date du 19 septembre 2002 par laquelle le protonotaire Lafrenière a rejeté la requête présentée par les demanderesses en vue d'obtenir une ordonnance :

ii)          enjoignant à la défenderesse RhoxalPharma Inc. (Rhoxal), en vertu du paragraphe 6(7) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133 (le Règlement), de produire ou de rendre accessibles à Biovail les extraits de toute présentation de drogue nouvelle déposée par Rhoxal qui révèle, analyse ou mentionne la formulation de diltiazem à libération prolongée dont il est question dans l'avis d'allégation remis par Rhoxal et/ou pour laquelle Rhoxal solliciterait un avis de conformité;

  • ii)                     enjoignant au ministre de vérifier que les extraits produits correspondent fidèlement aux renseignements figurant dans la nouvelle présentation de drogue nouvelle;
  • iii)                   enjoignant à Rhoxal de produire les extraits de la présentation abrégée de drogue nouvelle (PADN) d'Andrx Pharmaceuticals Inc. (Andrx) et tout autre document se trouvant en sa possession, sous sa garde ou sous son contrôle, qui révèlent la formulation que Rhoxal affirme avoir fait « l'objet de l'instance introduite aux États-Unis » dont il est fait mention dans l'avis d'allégation remis par Rhoxal;

  • iv)                   autorisant Biovail à présenter une contre-preuve pour répondre aux extraits de toute présentation de drogue nouvelle produite par Rhoxal et aux extraits de toute PADN déposée par Andrx et produite par Rhoxal;
  • b)                    le prononcé de l'ordonnance en question;
  • c)                    les dépens de la présente requête;
  • d)                    toute autre réparation que la Cour jugera bon d'accorder.

[2]         La présente requête vise également à obtenir les mesures suivantes :

a)         une ordonnance permettant aux demanderesses de présenter une contre-preuve pour répondre au témoignage d'opinion donné le 28 juin 2002 par M. Weiner;

  • b)                    les dépens de la présente requête;
  • c)                    toute autre réparation que la Cour jugera bon d'accorder.

[3]         Ce dernier volet de la requête avait déjà été soumis au protonotaire Lafrenière, mais celui-ci ne disposait pas du nouvel affidavit à l'appui souscrit par Mme Dina Khairo le 17 septembre 2002 lorsque la requête de la demanderesse a été débattue. J'ai donc décidé de renvoyer ce volet de la requête au protonotaire Lafrenière.


[4]         Par ailleurs, l'ordonnance de production d'extraits de la PADN d'Andrx Pharmaceuticals Inc. (Andrx) est devenue sans objet depuis que l'avocat de Rhoxal a attiré l'attention de la Cour sur le paragraphe 5 de l'affidavit souscrit le 22 août 2002 par M. L. Arsenault (dossier de la requête de Biovail, recueil 3, onglet 14), dans lequel M. Arsenault affirme que Rhoxal n'a pas de copie de la PADN d'Andrx et qu'Andrx n'est pas partie à la présente instance et qu'elle n'est pas sous le contrôle de Rhoxal. Ce volet de la requête est donc devenu sans objet étant donné que Rhoxal n'avait aucun contrôle sur les renseignements demandés. L'avocat de Biovail souscrit à cet exposé de la situation.

[5]         Il ne reste plus à traiter que de la partie de sa décision dans laquelle le protonotaire Lafrenière a refusé d'accorder à Biovail une ordonnance enjoignant à Rhoxal de divulguer les extraits de toute présentation de drogue nouvelle dans lesquels il est question du diltiazem mentionné dans l'avis d'allégation de Rhoxal, enjoignant au ministre de vérifier cette divulgation et autorisant Biovail à répondre aux extraits de toute présentation de drogue nouvelle produite par Rhoxal et aux extraits de toute PADN déposée par Andrx et produite par Rhoxal ou à présenter une contre-preuve pour y répondre.

LES FAITS

[6]         Biovail est le titulaire exclusif du brevet canadien no 2,111,085 intitulé Formulation de diltiazem à libération lente se rapportant à un médicament, le diltiazem (le brevet 085). Le brevet 085 a été inscrit au registre des brevets par Biovail.


[7]         Le 24 juillet 2001, Rhoxal a fait parvenir un premier avis d'allégation à Biovail.

[8]         Le 31 août 2001, Rhoxal a envoyé à Biovail des extraits de sa PADN, dont une liste d'ingrédients et des instructions de fabrication.

[9]         Aux termes d'une demande présentée le 12 septembre 2001, Biovail a introduit une instance visant à interdire au ministre de la Santé (le ministre) de délivrer un avis de conformité à Rhoxal en liaison avec ses gélules de chlorhydrate de diltiazem de 120 mg, 180 mg, 240 mg, 300 mg et 360 mg jusqu'à l'expiration du brevet 085.

[10]       Le 24 septembre 2001, Rhoxal a retiré son premier avis d'allégation et a demandé que Biovail se désiste de sa demande, laquelle était devenue sans objet par suite du retrait de l'avis d'allégation. Biovail ne s'est pas désistée de sa demande. Le 12 juillet 2002, la Cour a fait parvenir aux parties un avis d'examen d'état de l'instance. Une requête en rejet est présentement en cours.

[11]       Le 31 janvier 2002, Rhoxal a envoyé à Biovail un second avis d'allégation dans lequel elle concluait à l'absence de contrefaçon et à l'invalidité du brevet 085. Cet avis d'allégation compte 16 pages.

[12]       Dans son avis d'allégation, Rhoxal décrit comme suit sa formulation :


[TRADUCTION] Le diltiazem et le sucre contenus dans la gélule de Rhoxal ne sont pas des adjuvants. Pour qu'il y ait un « adjuvant » , il faut qu'il y ait au moins deux substances qui sont mélangées et dispersées pour obtenir un produit homogène. Le produit de Rhoxal contient des sphères dont le noyau dur neutre en sucre est enrobé de multiples couches superposées composées d'un mélange de chlorhydrate de diltiazem (un sel de diltiazem) et d'adjuvants courants tels que l'éthylcellulose et la polyvinylpyrrolidone, ces couches multiples étant enrobées d'un pelliculage gastro-résistant. Ainsi, le sucre contenu dans la gélule de Rhoxal sert d'appui solide aussi appelé « amorce » sur laquelle d'autres substances sont superposées par enrobage au moyen d'un dispositif à lit fluidisé. Le sucre n'est donc pas un « adjuvant » .

  

[13]       Au moyen d'une demande datée du 19 mars 2002, Biovail a introduit la présente instance en vue d'interdire au ministre de délivrer à Rhoxal un avis de conformité relativement à ses gélules de chlorhydrate de diltiazem de 120 mg, 180 mg, 240 mg, 300 mg et 360 mg jusqu'à l'expiration du brevet 085.

[14]       Le 8 avril 2002, à la demande de Rhoxal, la Cour a prononcé une ordonnance de non-divulgation dans la présente affaire.

[15]       Le 18 avril 2002, après que l'ordonnance de non-divulgation eut été prononcée, Rhoxal a transmis à Biovail la formulation détaillée, la description du procédé de fabrication et un tableau schématique du procédé de fabrication de ses gélules. Tous ces documents font partie de la PADN de Rhoxal, qui a par ailleurs accepté que le délai imparti à Biovail pour déposer sa preuve soit prorogé de 15 jours. La description du procédé de fabrication faisait mention des dossiers de lot et des dossiers de fabrication proposée de lot mais ne les incluait pas.


[16]       Le 30 avril 2002, l'avocat de Biovail a accusé réception des documents susmentionnés sans remarquer que les documents transmis étaient incomplets.

[17] Le 2 mai 2002, Biovail a déposé sa preuve sur le fond qui était composée des affidavits de Maria Susana Diaz et de Dina Khairo.

[18] Le 30 mai 2002, Biovail a accuséréception du consentement signé mentionné dans la lettre du 18 avril 2002 et a précisé qu'elle s'attendait à obtenir des documents plus détaillés dans le cadre de la preuve présentée sous forme d'affidavits.

[19] Le 2 juillet 2002, Rhoxal a déposé sa preuve sur le fond qui était constituée de deux affidavits souscrits par M. Norman Weiner, le premier sur la question de l'invalidité et le second, sur l'absence de contrefaçon.

[20] Le 9 juillet 2002, Biovail a déposé une requête visant à obtenir la production de la PADN de Rhoxal et de la PADN d'Andrx, le fournisseur de Rhoxal. Biovail demandait également l'autorisation de présenter une contre-preuve.


[21] À l'appui de sa requête, Biovail a produit les affidavits qu'elle avait déposés sur le fond, c'est-à-dire les affidavits souscrits par Mmes Khairo et Diaz le 1er mai 2002. Elle a aussi déposé l'affidavit souscrit par un stagiaire en droit, Nicholas Whalen, le 9 juillet 2002, ainsi que l'affidavit souscrit le 23 août 2002 par Me Heather Watts, un des avocats de Biovail.

[22] Le 19 septembre 2002, le protonotaire Lafrenière a rejeté la requête de Biovail.

[23] Je suis maintenant saisi de l'appel interjeté de cette décision.

THÈSE DES PARTIES

LES DEMANDERESSES

[24] L'avocat de Biovail soutient que la décision du protonotaire est susceptible d'appel, étant donné que la divulgation réclamée fait partie du genre de divulgation visée par le paragraphe 6(7) du Règlement et que cette sorte de demande peut être formulée en tout temps.

[25] L'avocat de Biovail ajoute que la divulgation qui doit être faite devrait être vérifiée par le ministre conformément à l'alinéa 6(7)b) du Règlement.


[26] L'avocat de Biovail soutient également que, comme les documents qui ont été produits n'ont pas été faits sous serment, ils ne font pas partie des éléments de preuve dont la Cour peut tenir compte. Cet argument n'avait pas été plaidé devant le protonotaire Lafrenière lorsqu'il a rendu sa décision.

[27] Biovail affirme qu'elle devrait être autorisée à déposer une contre-preuve si la Cour ordonne la divulgation des renseignements demandés.

LA DÉFENDERESSE

[28] Rhoxal soutient que la seule question en litige est celle de savoir si Biovail a démontré que le protonotaire a exercéson pouvoir discrétionnaire en vertu d'un mauvais principe ou d'une mauvaise appréciation des faits. Rhoxal estime qu'il faut répondre par la négative à cette question.

[29] Rhoxal fait valoir ce qui suit :

a)    Elle a communiqué à deux reprises à Biovail les renseignements pertinents, qui comprenaient une description détaillée de la formulation et du procédé de fabrication, ainsi qu'un tableau schématique du procédé de fabrication des gélules de Rhoxal;

b)    Les documents qui ont été communiqués sont des copies des documents faisant partie de la PADN de Rhoxal et ils représentent le produit pour lequel elle réclame un avis de conformité;


c)    Biovail aurait pu produire en preuve les documents en question sous réserve des modalités de l'ordonnance de non-divulgation;

d)    Il n'était pas nécessaire de produire les documents sous serment parce que Rhoxal n'était nullement tenue de déposer des affidavits dans le cadre de l'instance en interdiction.

[30] Rhoxal soutient que Biovail n'a pas démontré que les documents demandés sont utiles pour trancher les questions en litige et elle ajoute qu'aucun affidavit et aucun argument n'ont été présentés en ce sens.

[31] Rhoxal fait également valoir que le protonotaire n'a pas commis d'erreur en refusant d'accorder l'autorisation de déposer d'autres éléments de preuve.

NORME DE CONTRÔLE APPLICABLE DANS LE CAS DE L'APPEL D'UNE DÉCISION DU PROTONOTAIRE

[32] Dans l'arrêt Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd., [1993] 2 C.F. 425, le juge MacGuigan explique, à la page 462, quelle est la norme de contrôle que doit appliquer le juge saisi d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision discrétionnaire rendue par un protonotaire :

Selon en particulier la conclusion tirée par lord Wright dans Evans v. Bartlam, [1937] A.C. 473 (H.L.) à la page 484, et par le juge Lacourcière, J.C.A., dans Stoicevski v. Casement, (1983), 43 O.R. (2d) 436 (C. div.), le juge saisi de l'appel contre l'ordonnance discrétionnaire d'un protonotaire ne doit pas intervenir sauf dans les deux cas suivants :


a) l'ordonnance est entachée d'erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d'un mauvais principe ou d'une mauvaise appréciation des faits;

b) l'ordonnance porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue du principal.

PREUVE SOUMISE ÀLA COUR

[33] La Cour qui est saisie d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision du protonotaire ne peut se servir que des éléments de preuve dont disposait le protonotaire lorsqu'il a rendu sa décision. Dans le jugement James River Corp. of Virginia c. Hallmark Cards Inc., [1997] 72 C.P.R. (3rd) 157, à la page 168, le juge Reed explique clairement le rôle du juge en pareil cas :

Si je comprends bien l'explication de l'avocat, le protonotaire adjoint a refusé de prononcer l'ordonnance demandée parce qu'aucun élément de preuve approprié ne lui a été présenté afin d'établir que la poursuite américaine existe réellement et que celle-ci est parallèle à la présente affaire. De même, aucune preuve montrant que la documentation souhaitée était pertinente quant à la présente instance n'a été soumise. Cette décision du protonotaire adjoint n'est pas contestée. L'avocat de la demanderesse a tenté de déposer auprès de la Cour un affidavit visant àfournir la preuve manquante. Il affirme que l'appel de la décision d'un protonotaire devant un juge constitue une nouvelle instance et que, par conséquent, j'étais en droit d'accepter cette preuve par affidavit et de rendre la décision que le protonotaire adjoint aurait rendue si la preuve en question lui avait été soumise.

À mon avis, ce n'est pas là le rôle du juge siégeant en appel de l'ordonnance d'un protonotaire. En effet, quelle que soit la différence, s'il en est, entre l'interprétation du juge en chef àla page 454 de l'arrêt Canada c. Aqua-Gem, précité, et celle de l'opinion majoritaire àla page 463, c'est àcette dernière qu'il faut s'en remettre. Il en ressort clairement que le juge doit exercer son pouvoir discrétionnaire en reprenant l'affaire depuis le début en fonction des éléments de preuve présentés au protonotaire, et non tenir une nouvelle audience fondée sur de nouveaux éléments de preuve.


PREUVE SOUMISE AU PROTONOTAIRE PAR BIOVAIL

[34] Biovail a déposé quatre affidavits à l'appui de la requête qu'elle a soumise au protonotaire :

a)    l'affidavit souscrit par Diana Khairo le 1er mai 2002;

b)    l'affidavit souscrit par la stagiaire en droit Susana Diaz, le 1er mai 2002, dans le but de déposer des pièces;

c)    l'affidavit souscrit par le stagiaire en droit Nicholas J. Whalem, le 9 juillet 2002, dans le but de déposer la première entente de non-divulgation conclue le 28 août 2001 et une lettre écrite par l'avocat de Biovail à l'avocat de Rhoxal le 17 mai 2002;

d)    l'affidavit souscrit par Me Heather E.A. Watts, le 23 août 2002, dans le but de déposer des lettres datées respectivement du 18 avril, du 30 avril, du 30 mai, du 10 juillet et du 7 août 2002 et d'expliquer pourquoi la requête n'a été instruite que le 26 août 2002.

[35] Les quatre affidavits qui ont été déposés ne traitaient pas explicitement des exigences du paragraphe 6(7) du Règlement.

LA DÉCISION DU PROTONOTAIRE

[36] Le protonotaire Lafrenière a déclaré, aux pages 4 et 5 des motifs de sa décision :


[TRADUCTION] « Il est acquis aux débats que le requérant doit démontrer que la divulgation demandée est à la fois nécessaire et importante ou encore que la divulgation qui a déjà été faite est insuffisante. À mon avis, Biovail ne s'est pas acquittée de ce fardeau de la preuve. En premier lieu, il est loin d'être sûr que les affidavits de RhoxalPharma renferment des faits que Biovail ne pouvait logiquement pas prévoir ou que ces affidavits justifient la demande de divulgation supplémentaire. Deuxièmement, le fait que la PADN de RhoxalPharma fasse l'objet d'une ordonnance de non-divulgation dans le cadre d'une autre instance n'empêchait pas Biovail de réclamer à une date antérieure une ordonnance de divulgation, en supposant que la pertinence pouvait en être démontrée. Troisièmement, aucune explication n'a été fournie pour expliquer pourquoi Biovail a choisi d'attendre le dépôt de la preuve sur le fond de RhoxalPharma pour demander la divulgation de renseignements qu'elle affirme être importants et pertinents.

Lorsque Biovail a introduit la demande, elle avait déjà en main l'avis d'allégation détaillé dans lequel RhoxalPharma expliquait sa formulation. L'avis d'allégation expose clairement la position de RhoxalPharma tant sur la question de la contrefaçon (ses gélules ne contiennent pas de sphères comprenant un agent d'humidification) et sur celle de l'invalidité (les revendications sont invalides, compte tenu d'exemples concrets au sujet de l'état antérieur de la technique). Qui plus est, lorsqu'elle a déposé sa preuve, Biovail avait en main la formulation détaillée, la description du procédé de fabrication et le tableau schématique du procédé utilisé pour fabriquer les gélules de RhoxalPharma. Armée de ces renseignements et ayant choisi de déposer ses affidavits, Biovail ne saurait prétendre qu'on ne lui a pas divulgué suffisamment de renseignements pour qu'elle puisse préparer adéquatement sa preuve. »

ANALYSE

[37] La question en litige peut être formulée de la façon suivante :

-     La décision du protonotaire Lafrenière était-elle entachée d'une erreur flagrante, en ce sens qu'il a exercéson pouvoir discrétionnaire en vertu d'un mauvais principe ou d'une mauvaise appréciation des faits ou que sa décision portait sur une question ayant une influence déterminante sur l'issue du principal?


PARAGRAPHE 6(7) DU RÈGLEMENT

[38] Le paragraphe 6(7) du Règlement est ainsi libellé :

(7) Sur requête de la première personne, le tribunal peut, au cours de l'instance :

a)      ordonner à la seconde personne de produire les extraits pertinents de la demande d'avis de conformité qu'elle a déposée et lui enjoindre de produire sans délai tout changement apporté à ces extraits au cours de l'instance;

b)      enjoindre au ministre de vérifier que les extraits produits correspondent fidèlement aux renseignements figurant dans la demande d'avis de conformité.

(7) On the motion of a first person, the court may, at any time during a proceeding,

a)      order a second person to produce any portion of the submission for a NOC filed by the second person relevant to the disposition of the issues in the proceeding and may order that any change made to the portion during the proceeding be produced by the second as it is made;

and

b)      order the Minister to verify that any portion produced corresponds fully to the information in the submission.

[39] Le paragraphe 6(7) a pour objet de réduire le nombre de litiges inutiles [voir le jugement SmithKline Beecham Pharma Inc. et autre c. Apotex Inc. et autre, 3 C.P.R. (4th) 22, à la page 33 (le juge McGillis)].

[40] Pour pouvoir justifier l'application du paragraphe 6(7) du Règlement, un plaideur doit convaincre la Cour de trois choses :


a)    la demande de divulgation a été formulée en temps opportun;

b)    les renseignements déjà fournis ne sont pas suffisants pour pouvoir traiter des questions en jeu;

c)    la divulgation des renseignements demandés est nécessaire parce qu'elle est utile pour trancher les questions en litige dans l'instance.

[41] Il est précisé au paragraphe 6(7) que la requête peut être présentée « au cours de l'instance » (en anglais « at any time » ). Cette expression ne doit pas être interprétée littéralement. Pour convaincre la Cour que la requête a été présentée en temps opportun, il faut établir qu'elle a été soumise sans tarder. Il faut se rappeler qu'il est interdit au ministre de délivrer un avis de conformitépour une période d'au moins 24 mois pendant que le tribunal décide si un médicament inscrit en second lieu contrefait ou non les brevets inscrits au registre des brevets. La Cour doit être en mesure de contrôler le délai de présentation de cette demande.

[42] La première personne doit aussi présenter des éléments de preuve démontrant que les renseignements fournis par la seconde personne ne sont pas suffisants pour permettre au tribunal de trancher les questions en litige dans l'instance.


[43] Finalement, la première personne doit déposer des éléments de preuve sur la façon dont les renseignements exigés sont utiles pour trancher les questions en litige dans l'instance. Ce n'est qu'alors que la Cour examinera et tranchera, selon la prépondérance des probabilités, la question de savoir si les renseignements réclamés doivent être divulgués.

[44] Comme il a déjà été mentionné, l'application du paragraphe 6(7) du Règlement peut être déclenchée à condition que les éléments de preuve soumis à la Cour permettent d'affirmer ce qui suit :

a)    même si la requête peut être présentée « au cours de l'instance » , elle doit être présentée en temps opportun;

b)    les renseignements divulgués ne sont pas suffisants pour permettre au tribunal de trancher les questions en litige dans l'instance;

c)                    les renseignements demandés, en l'occurrence des extraits de la demande d'avis de conformité, sont utiles pour trancher les questions en litige dans l'instance.

[45]       En l'espèce, en ce qui concerne le premier élément du paragraphe 6(7) du Règlement, Biovail n'a soumis aucun affidavit pour expliquer pourquoi la requête a été présentée après que les parties eurent déposé leur preuve dans l'instance principale.

[46]       En ce qui a trait au deuxième élément du paragraphe 6(7), la seule preuve qui a été déposée qui semble indiquer que la divulgation qui a été faite était insuffisante aux yeux de Biovail est une lettre adressée à Rhoxal le 30 mai 2002. Toutefois, aucun affidavit n'a été déposé pour expliquer pourquoi cette divulgation n'était pas suffisante.


[47]       En ce qui concerne le troisième élément du paragraphe 6(7), Biovail n'a déposé aucun affidavit qui établirait la pertinence des renseignements réclamés.

[48]       Je constate que, dans l'affaire SmithKline Beecham Pharma Inc. et autres c. Apotex Inc., précitée, les parties avaient déposé des affidavits d'experts pour appuyer leur thèse respective et que c'est en évaluant ce type de preuve que le juge McGillis a conclu, selon la prépondérance des probabilités, que la demande de divulgation devait être accueillie.

[49]       Biovail a décidé de ne pas déposer d'affidavits à l'appui de sa requête fondée sur le paragraphe 6(7).

[50]       Le protonotaire Lafrenière a conclu qu'il ne pouvait faire droit à la requête parce qu'il ne disposait pas d'éléments de preuve ou d'éléments de preuve suffisants pour l'accueillir.

[51]       Biovail soutient par ailleurs que, parce que Rhoxal aurait dû produire sous serment la liste d'ingrédients et les directives de fabrication de ses gélules plutôt que de se contenter de faire parvenir une lettre rédigée en vue d'une éventuelle transaction, les documents qu'elle a produits ne constituaient pas des éléments de preuve et ne pouvaient pas être déposés.


[52]       Biovail n'a cité à la Cour aucune décision pour appuyer cet argument. Je ne connais aucune condition qui obligerait la seconde personne à déposer des documents sous serment lorsqu'elle considère qu'un document déterminé n'est pas nécessaire à la présentation de la preuve (Merck Frosst Canada Inc. et autre c. Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social et autre, (55) C.P.R. (3d) 362, à la page 320).

[53]       En l'espèce, l'avis d'allégation a été déposé et chacune des parties a soumis des affidavits. L'article 6 impose à Biovail la charge de réfuter les allégations contenues dans l'avis d'allégation. Elle doit établir elle-même le bien-fondé de sa cause. Normalement, une requête en divulgation est présentée avant le dépôt de la preuve de la partie qui réclame la production. Exceptionnellement, une telle requête peut être présentée après le dépôt de la preuve lorsque la partie adverse soulève dans sa preuve de nouvelles questions qui n'étaient pas prévues et qu'elle fournit des explications pour justifier le retard.

[54]       Biovail n'a pas invoqué de raison ou soumis de preuve pour justifier pourquoi elle estime que les renseignements déjà communiqués ne sont pas suffisants, elle n'a pas expliqué pourquoi les renseignements demandés sont importants et, finalement, elle n'a pas expliqué pourquoi elle avait présenté sa requête après avoir déposé sa preuve sur le fond.


[55]       Lors des débats, Biovail a effectivement tenté de se servir des éléments de preuve versés au dossier pour convaincre la Cour qu'elle avait respecté les exigences du paragraphe 6(7) et, à de nombreuses reprises, l'avocat de Biovail a essayé d'ajouter des faits qui ne faisaient pas partie du dossier de la requête. Ainsi que l'avocat de Rhoxal l'a fait valoir, le témoignage ainsi proposé ne saurait compenser le fait que Biovail a décidé de ne pas déposer d'affidavit au soutien de sa requête.

[56]       Lecture faite des pièces versées au dossier et des observations écrites et après avoir entendu les avocats et après avoir attentivement lu les motifs de la décision du protonotaire Lafrenière, force m'est de conclure que celui-ci a exercé son pouvoir discrétionnaire à bon droit et qu'il a fondé sa décision sur les éléments de preuve dont il disposait.

[57]       Pour tous ces motifs, l'appel de l'ordonnance rendue le 19 septembre 2002 par le protonotaire Lafrenière est rejeté avec dépens.

EN CONSÉQUENCE DE QUOI, LA COUR :

­                       RENVOIE AU PROTONOTAIRE LAFRENIÈRE la requête visant à obtenir une ordonnance permettant à Biovail de déposer une contre-preuve pour répondre au témoignage d'opinion donné par M. Weiner le 28 juin 2002;

  • ­                       REJETTE l'appel interjeté par les demanderesses de l'ordonnance rendue le 19 septembre 2002 par le protonotaire Lafrenière;
  • ­                       ADJUGE les dépens de la présente requête à la défenderesse Rhoxal selon l'issue de la cause.

          « Simon Noël »                  

                      Juge

  

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                         

DOSSIER :                 T-472-02

INTITULÉ :              BIOVAIL CORPORATION et GALEPHAR P.R. INC.

et le MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE et      RHOXALPHARMA INC.

                                                                                                                   

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                              22 octobre 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : MONSIEUR LE JUGE SIMON NOËL

DATE DES MOTIFS :                                     5 novembre 2002

  

COMPARUTIONS :

Douglas N. Deeth                                                 POUR LES DEMANDERESSES

Marie Lafleur                                                         POUR LA DÉFENDERESSE

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

DEETH WILLIAMS WALL s.r.l.                                   POUR LES DEMANDERESSES

Toronto (Ontario)

  

FASKEN MARTINEAU DuMOULIN s.r.l.     POUR LA DÉFENDERESSE

Montréal (Québec)

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