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Date : 20201218


Dossier : T‑648‑20 :

Référence : 2020 CF 1168

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 18 décembre 2020

En présence de la juge en chef adjointe Gagné

ENTRE :

MARVIN YAHEY, WAYNE YAHEY ET SHERRY DOMINIC

demandeurs

et

ROBIN EWASKOW, TROY WOLF ET SHELLEY GAUTHIER

défendeurs

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1] Les défendeurs soumettent la présente requête au titre de l’article 467 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, pour obtenir une ordonnance enjoignant au demandeur, le chef Marvin Yahey :

a) de comparaître devant un juge de la Cour aux date, heure et lieu à préciser;

b) d’être prêt à entendre la preuve de l’acte qui lui est reproché, plus précisément qu’il est coupable d’outrage au tribunal relativement à l’ordonnance de la Cour du 29 juin 2020, modifiée par l’ordonnance de la Cour du 27 juillet 2020.

[2] Dans son ordonnance du 29 juin 2020, la Cour a conclu que les résolutions no 2020‑012 et no 2020‑013 du conseil de bande n’avaient pas dûment été adoptées lors d’une réunion spéciale du conseil de bande régulièrement convoquée par le chef. Par conséquent, elles ont été suspendues jusqu’à ce qu’une décision définitive soit rendue sur le fond de la demande.

[3] De plus, la Cour a ordonné au chef Marvin Yahey de convoquer une réunion du conseil de bande dans un délai de 30 jours et d’inscrire à l’ordre du jour la pétition des membres de la bande et le rapport établi au titre de l’article 188, qui devaient être dûment traités conformément au Blueberry River Custom Election By‑law, 2017.

[4] À la demande des parties, la Cour a rendu une deuxième ordonnance datée du 27 juillet 2020, par laquelle elle a prorogé jusqu’au 28 septembre 2020 le délai accordé au chef Marvin Yahey pour la convocation d’une réunion du conseil de bande en vue d’apprécier la pétition des membres de la bande et le rapport établi au titre de l’article 188. Puisque le conseil de bande avait l’obligation de tenir des assemblées générales ordinaires du conseil pour traiter les affaires de la bande, tel que l’indique le By‑law7 mentionné ci‑dessus, la Cour a ajouté que son ordonnance prorogeant le délai accordé pour tenir une réunion spéciale en vue de traiter le rapport établi au titre de l’article 188 ne devait pas être interprétée comme empêchant le conseil de bande de tenir de telles assemblées générales ordinaires.

[5] Depuis, les demandeurs n’ont toutefois pas entrepris de démarche procédurale supplémentaire pour mettre en état la demande de contrôle judiciaire, et les défendeurs ont décidé de retirer le rapport établi au titre de l’article 188 qui faisait l’objet des ordonnances de la Cour du 29 juin et du 27 juillet. Les défendeurs ont plutôt choisi de déposer une demande distincte de contrôle judiciaire dans le dossier T‑1013‑20 afin de contraindre le chef Yahey et les membres du conseil, Wayne Yahey et Sherry Dominic, à tenir des assemblées générales ordinaires, puisqu’ils ne l’avaient pas fait depuis avril 2020. Ils ont sollicité une injonction interlocutoire provisoire exigeant que les réunions du conseil de bande soient prévues et tenues. Bien que les défendeurs dans le cadre de la requête en injonction aient consenti en grande partie aux réparations demandées dans celle‑ci, le juge Richard Bell a exercé son pouvoir discrétionnaire de ne pas l’accorder. Il a d’abord déclaré :

[5] Le défi auquel la Cour est confrontée est que les demandeurs en l’espèce (T‑1013‑20) sont les défendeurs dans le dossier de la Cour T‑648‑20 et que, à l’inverse, dans le dossier T‑648‑20, les trois demandeurs individuels sont trois des quatre défendeurs individuels nommés dans la présente requête (T‑1013‑20). En outre, la directrice des opérations de la bande, à qui la juge en chef adjointe Gagné a fait référence dans l’ordonnance rendue dans le dossier de la Cour T‑648‑20, est la dernière défenderesse individuelle dans la présente requête. Bien que les défendeurs dans le dossier T‑648‑20 aient retiré une partie des allégations formulées contre les demandeurs dans cette affaire, ils ne se sont jamais désistés de leur demande relative à la tenue d’une réunion du conseil de bande.

[6] Il a ensuite souligné qu’« aucune procédure d’exécution n’a[vait] été engagée […] que ce soit par la voie d’un outrage au tribunal, aux termes de l’article 466 des Règles des Cours fédérales, ou autrement », et a poursuivi en rejetant la requête en injonction pour les motifs suivants :

[9] Premièrement, il convient que les juges fassent preuve, par courtoisie judiciaire, de respect et de retenue à l’égard des décisions et des ordonnances des autres juges qui siègent au même tribunal. Bien qu’elles ne portent pas sur ce sujet précisément, voir, à cet égard, les décisions Almrei c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 1025 au para 61 et Canada Steamship Lines Ltd. v Minister of National Revenue, [1966] Ex CR 972 au para 10. En l’espèce, aucune partie n’a demandé que soit modifiée l’ordonnance de la juge en chef adjointe Gagné. La demande sous‑jacente dans le dossier T‑648‑20 concerne essentiellement les mêmes parties, et elle comprend au moins une question identique, à savoir le fait qu’il n’y a pas eu de réunion du conseil de bande et la requête en injonction découlant de ce manquement. Je suis d’avis que la courtoisie judiciaire m’oblige à faire preuve de retenue et de respect tant que l’ordonnance de la juge en chef adjointe Gagné demeure en vigueur et qu’elle n’est pas contestée. On ne devrait pas considérer que je modifie son ordonnance, laquelle concerne essentiellement les mêmes parties et portes expressément sur la principale réparation sollicitée par les demandeurs dans le cadre de la présente requête. Je dis « porte expressément sur la principale réparation sollicitée » parce que la juge en chef adjointe Gagné parle de l’exigence pour le conseil de bande de se réunir deux fois par mois et ordonne la tenue d’une réunion.

[10] Deuxièmement, l’arrêt RJR‑MacDonald Inc. c Canada (Procureur général), [1994] 1 RCS 311 (CSC), établit un critère conjonctif en trois étapes pour déterminer si une injonction interlocutoire ou une injonction provisoire doit être prononcée. Les demandeurs doivent établir qu’il existe une question sérieuse à juger, qu’ils subiront un préjudice irréparable si l’injonction n’est pas accordée et que la prépondérance des inconvénients penche en faveur de l’octroi de l’injonction. Pour les besoins de mon analyse, je présumerai que les demandeurs ont démontré qu’il existe une question sérieuse à trancher. Cependant, la requête ne satisfait pas aux exigences relatives au préjudice irréparable et à la prépondérance des inconvénients. Je suis convaincu que, si les demandeurs avaient vraiment cru qu’ils subissaient un préjudice irréparable ou qu’un préjudice irréparable leur serait infligé, ils n’auraient pas négligé, depuis le 30 juillet 2020, soit la date limite à laquelle une réunion du conseil de bande aurait dû être tenue, de faire valoir les droits que la juge en chef adjointe Gagné leur a conférés. Le fait que les défendeurs dans ce dossier (les demandeurs en l’espèce) n’aient pas fait exécuter une ordonnance qui leur est favorable et qui leur accorde clairement et dans une large mesure ce qu’ils sollicitent devant moi ne fait pas pencher la balance en faveur de l’octroi de l’ordonnance demandée. La prépondérance des inconvénients ne joue pas non plus en faveur de l’octroi d’une injonction. Les demandeurs disposent déjà d’une ordonnance qui leur accorde une partie de ce qu’ils demandent. Il ne serait pas dans l’intérêt des demandeurs ni dans celui des défendeurs qu’une autre ordonnance soit prononcée par notre Cour; en effet, il pourrait y avoir des divergences d’opinions quant à l’interprétation de cette deuxième ordonnance et à l’échéancier qu’elle fixerait par rapport à ceux de l’ordonnance actuellement en vigueur. Par souci d’économie et d’efficacité judiciaires, il n’est pas nécessaire que je rende une autre ordonnance dont le principal objectif est d’exiger la tenue d’une réunion du conseil de bande. La prépondérance des inconvénients favorise le statu quo, ce qui comprend bien entendu l’ordonnance exécutoire de la juge en chef adjointe Gagné.

[11] En conclusion, je tiens à souligner que je suis conscient des différences entre l’ordonnance demandée en l’espèce et celle rendue par la juge en chef adjointe Gagné. Je sais également que le chef peut ordonner la tenue d’une réunion spéciale du conseil de bande même si d’autres réunions sont régulièrement prévues. Toutefois, une réunion du conseil de bande serait tenue si l’ordonnance de la juge en chef adjointe Gagné était exécutée. À mon avis, le fait qu’il s’agisse d’une réunion spéciale convoquée par le chef ou d’une réunion régulière n’a aucune importance.

[7] Malheureusement, les demandeurs dans le dossier T‑1013‑20 avaient demandé que leur requête en injonction soit tranchée par écrit. S’il y avait eu une audience, les parties auraient eu l’occasion de souligner le fait que les demandeurs avaient retiré le rapport établi au titre de l’article 188 et que, par conséquent, les ordonnances du 29 juin et du 27 juillet étaient devenues sans objet. Elles auraient également pu faire valoir que la question en litige dans le présent dossier (la tenue d’une réunion spéciale pour apprécier la pétition et le rapport établi au titre de l’article 188) était différente de celle qui a été soulevée dans le dossier T‑1013‑20 (la tenue d’une assemblée générale ordinaire pour traiter les affaires de la bande). Le chef Yahey s’était fait ordonner de convoquer une réunion spéciale de la bande afin de passer en revue la pétition et le rapport établi au titre de l’article 188, et non de tenir des assemblées générales du conseil de bande pour traiter des affaires courantes de la bande (la Cour a toutefois souligné qu’aucune assemblée générale n’avait été tenue depuis avril 2020).

[8] Puisque les ordonnances du 29 juin et du 27 juillet sont maintenant sans objet, il n’y a aucune raison d’ordonner au chef Yahey de comparaître devant la Cour pour faire face à des accusations d’outrage au tribunal.

[9] Enfin, la Cour exercera son pouvoir discrétionnaire pour rejeter la présente requête sans dépens.


ORDONNANCE dans le dossier T‑648‑20

LA COUR ORDONNE :

  1. La requête des défendeurs est rejetée;

  2. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Jocelyne Gagné »

Juge en chef adjointe

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑648‑20

 

INTITULÉ :

MARVIN YAHEY, WAYNE YAHEY ET SHERRY DOMINIC c ROBIN EWASKOW, TROY WOLF ET SHELLEY GAUTHIER

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE ENTRE VANCOUVER (COLOMBIE‑BRITANNIQUE) ET OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 27 NOVEMBRE 2020

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LA JUGE EN CHEF ADJOINTE GAGNÉ

 

DATE DE L’ORDONNANCE

ET DES MOTIFS :

Le 18 décembre 2020

 

COMPARUTIONS :

Georges Rivard

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Mark Underhill

Caroline North

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Arvay Finlay LLP

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Rivard Law

Fort St. John (Colombie‑Britannique)

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

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