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     Date : 19971107

     Dossier : IMM-2705-96

OTTAWA (ONTARIO), le 7 novembre 1997

EN PRÉSENCE DE : MONSIEUR LE JUGE SUPPLÉANT HEALD

ENTRE :

     DILBAT SINGH BRAR et MUKHTIAR DHILLON,

     requérants,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     ORDONNANCE

     La demande de contrôle judiciaire de la décision en date du 9 juillet 1996 de l'agent des visas est rejetée.

                                 Darrel V. Heald

                                     Juge suppléant

Traduction certifiée conforme             

                                 Marie Descombes, LL.L.

     Date : 19971107

     Dossier : IMM-2705-96

ENTRE :

     DILBAT SINGH BRAR et MUKHTIAR DHILLON,

     requérants,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE SUPPLÉANT HEALD

[1]      Il s'agit de la demande de contrôle judiciaire de la décision en date du 9 juillet 1996 par laquelle un agent des visas a refusé de réexaminer la demande de résidence permanente des requérants.

FAITS

[2]      Le requérant Dilbat Singh Brar (ci-après M. Brar) a demandé la résidence permanente au bureau du haut-commissariat du Canada à New Delhi. Il a présenté sa demande dans la catégorie des travailleurs autonomes puisqu'il avait l'intention de se joindre à son cousin, le requérant Mukhtiar Dhillon (M. Dhillon), pour exploiter, en Ontario, la station-service de ce dernier, laquelle offrait une gamme complète de prestations et disposait d'un débit d'essence libre-service. L'entreprise de M. Dhillon comportait également un garage pour les réparations automobiles ainsi qu'un lave-auto, une laverie automatique et un magasin à prix modiques. M. Brar a été interviewé par un agent des visas le 22 juin 1995. Cette entrevue s'est déroulée en l'absence d'un interprète. Sa demande de résidence permanente a été refusée par lettre en date du 23 janvier 1996.

LA DÉCISION DE L'AGENT DES VISAS

[3]      L'agent des visas a fait remarquer que M. Brar avait déclaré au cours de son entrevue que sa mise de fonds dans l'entreprise de M. Dhillon prendrait la forme d'un transfert de terrain. Toutefois, M. Brar a précisé que le terrain en question était la propriété de son père et non la sienne. Cela étant, il semblait que le requérant ne possédait aucun élément d'actif pouvant être investi dans l'entreprise canadienne de M. Dhillon. Fort de cette preuve, l'agent des visas a conclu que le plan d'échange de terrain avait été conçu dans le seul but d'obtenir l'entrée de M. Brar au Canada. L'agent des visas a en outre fait remarquer que M. Brar n'avait aucune pratique des affaires ni aucune connaissance de l'entreprise de M. Dhillon. Il a conclu que M. Brar n'avait pas démontré que son emploi autonome procurerait un avantage économique considérable au Canada.

[4]      Le 5 mars 1996, l'avocat de M. Brar a écrit à l'agent des visas pour demander la révision de la décision pour les raisons suivantes :

     1.      Aucun interprète n'était présent à l'entrevue.
     2.      Pour conclure que le terrain devant être transféré n'appartenait pas à M. Brar, l'agent des visas n'a tenu aucun compte de l'affidavit du père de M. Brar selon lequel M. Brar avait légalement droit à ce terrain.
     3.      L'agent des visas n'a pas précisé à M. Brar qu'une approbation foncière était nécessaire.
     4.      L'agent des visas n'a tenu aucun compte des lettres de membres de la collectivité portant sur le travail de soudage de M. Brar. De plus, il n'a tenu aucun compte des photos illustrant le travail de ce dernier.
     5.      M. Brar n'a pas été invité à prendre connaissance des états financiers. Il avait cru comprendre que l'agent des visas s'était simplement renseigné sur la valeur de l'entreprise.
     6.      L'agent des visas a mal interprété le témoignage de M. Brar concernant la personne qui s'occuperait de l'entreprise en cas de pénurie de main-d'oeuvre.

[5]      Le 26 juin 1996, l'avocat de M. Brar a de nouveau écrit à l'agent des visas pour lui faire parvenir un affidavit du cousin de M. Brar qui confirmait le transfert de la somme 50 000 $ dans l'entreprise de M. Brar. Cette somme s'ajoutait à la somme de 10 000 $ déjà investie.

[6]      Le 8 juillet 1996, l'agent des visas a envoyé par télécopieur à l'avocat de M. Brar une lettre qui disait ceci : [TRADUCTION] " Je vous prie de vous reporter à la lettre de refus en date du 23 janvier 1996. Comme cette lettre est clairement représentative de la preuve présentée avec la demande d'immigration ainsi que du témoignage du requérant à l'entrevue, il ne semble pas y avoir lieu de réviser le dossier. "

QUESTIONS EN LITIGE

     1.      La lettre en date du 8 juillet 1996 de l'agent des visas est-elle une " réponse de courtoisie " ou une décision qui peut faire l'objet d'une demande de contrôle judiciaire?
     2.      Le principe du functus officio s'applique-t-il à la décision d'un agent des visas?

ANALYSE

1.      La lettre en date du 8 juillet 1996

[7]      En l'espèce, le requérant Brar ne conteste pas la lettre de refus en date du 23 janvier 1996 de l'agent des visas. Il conteste plutôt la lettre en date du 8 juillet 1996 portant refus de la demande de nouvel examen. L'intimé qualifie cette lettre de simple " réponse de courtoisie " ne constituant pas une " décision " au sens où ce terme est employé à l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale .

[8]      Je suis d'accord avec l'intimé. Ce point de vue est appuyé par la décision rendue par le juge Noël dans l'affaire Dumbrava c. M.C.I.1, dans laquelle il a été décidé que lorsqu'il y a une nouvelle décision fondée sur des faits nouveaux, il y a toujours " nouvel exercice du pouvoir discrétionnaire ". En l'espèce, l'agente des visas n'avait pas fait référence à des faits ou à des arguments nouveaux, et elle n'avait pas déclaré qu'elle réexaminait sa décision. Comme le juge McKeown l'a indiqué dans l'affaire Dhaliwal c. M.C.I.2, " un procureur ne peut reporter la date d'une décision en envoyant une lettre dans l'intention de susciter une réponse ".

[9]      En l'espèce, rien ne permet d'expliquer pourquoi l'avocat de M. Brar n'a pas présenté de demande de contrôle judiciaire ou de demande de prorogation de délai en temps opportun. Je conviens avec l'avocat de l'intimé que la lettre en date du 8 juillet 1996 est une simple réponse de courtoisie et n'est pas susceptible de contrôle en vertu de l'article 18.1. Pour cette raison, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. J'ai toutefois l'intention d'exprimer mon opinion sur la deuxième question soulevée par les parties, à savoir celle du functus officio.

2.      Functus officio

[10]      Le requérant en l'espèce soutient que les agents des visas sont autorisés à réexaminer leur décision dans une situation comme celle qui nous intéresse lorsque le requérant a fourni un complément d'information. Dans les circonstances de l'espèce, c'est ce que l'agent des visas aurait dû faire. Par contre, l'intimé prétend qu'en l'absence d'une disposition législative habilitante à cet égard, le principe du functus officio devrait s'appliquer.

[11]      Dans l'arrêt Chandler3, le juge Sopinka a examiné le principe du functus officio tel qu'il s'appliquait aux tribunaux administratifs. Il a déclaré à la page 861 :

         Je ne crois pas que le juge Martland ait voulu affirmer que le principe functus officio ne s'applique aucunement aux tribunaux administratifs. Si l'on fait abstraction de la pratique suivie en Angleterre, selon laquelle on doit hésiter à modifier ou à rouvrir des jugements officiels, la reconnaissance du caractère définitif des procédures devant les tribunaux administratifs se justifie par une bonne raison de principe. En règle générale, lorsqu'un tel tribunal a statué définitivement sur une question dont il était saisi conformément à sa loi habilitante, il ne peut revenir sur sa décision simplement parce qu'il a changé d'avis, parce qu'il a commis une erreur dans le cadre de sa compétence, ou parce que les circonstances ont changé. Il ne peut le faire que si la loi le lui permet ou s'il y a eu un lapsus ou une erreur au sens des exceptions énoncées dans l'arrêt Paper Machinery Ltd. v. J. O. Ross Engineering Corp., précité.         
         Le principe du functus officio s'applique dans cette mesure. Cependant, il se fonde sur un motif de principe qui favorise le caractère définitif des procédures plutôt que sur la règle énoncée relativement aux jugements officiels d'une cour de justice dont la décision peut faire l'objet d'un appel en bonne et due forme. C'est pourquoi j'estime que son application doit être plus souple et moins formaliste dans le cas de décisions rendues par des tribunaux administratifs qui ne peuvent faire l'objet d'un appel que sur une question de droit. Il est possible que des procédures administratives doivent être rouvertes, dans l'intérêt de la justice, afin d'offrir un redressement qu'il aurait par ailleurs été possible d'obtenir par voie d'appel.         

Cette manière d'envisager la question me paraît très convaincante. La Loi sur l'immigration ne prévoit pas le nouvel examen d'une décision par un agent des visas. Il existe toutefois une disposition claire sur le contrôle judiciaire d'erreurs présumées. Selon moi, il s'agit d'un fait important qui rend irrecevable les moyens invoqués par le requérant sur ce point.

[12]      Le requérant invoque également la décision que j'ai rendue dans l'affaire Gudino c. M.E.I.4. Cette décision porte sur la validité d'un visa une fois qu'il a été délivré. Elle ne concerne pas le pouvoir d'un agent des visas de réexaminer une décision. Il n'existe aucune disposition législative en matière de réévaluation. Par conséquent, le défaut de réévaluer ne constitue pas un motif de contrôle judiciaire.

[13]      Pour les motifs qui précèdent, donc, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

CERTIFICATION

[14]      L'avocat des requérants de même que l'avocat de l'intimé ont demandé à la Cour de certifier que l'affaire soulève une question grave de portée générale en vertu de l'article 83 de la Loi sur l'immigration. Cette question est ainsi libellée : " Un agent des visas est-il functus officio à l'égard d'une demande de visa d'immigrant une fois qu'il a refusé la demande?5"

[15]      Dans l'arrêt Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration c. Liyanagamage6, le juge Décary a écrit :

     Lorsqu'il certifie une question sous le régime du paragraphe 83(1), le juge des requêtes doit être d'avis que cette question transcende les intérêts des parties au litige, qu'elle aborde des éléments ayant des conséquences importantes ou qui sont de portée générale ... et qu'elle est aussi déterminante quant à l'issue de l'appel.         

[16]      J'ai rejeté la présente demande de contrôle judiciaire parce que la lettre de l'agent des visas en date du 8 juillet 1996 était une " réponse de courtoisie " et non une décision pouvant servir de fondement à une demande de contrôle judiciaire. Puisqu'il en est ainsi, la question proposée par les avocats ne serait pas déterminante quant à l'issue de l'appel de ma décision. Par conséquent, aucune question ne sera certifiée.

                                 Darrel V. Heald

                                     Juge suppléant

OTTAWA (ONTARIO)

Le 7 novembre 1997

Traduction certifiée conforme             

                                 Marie Descombes, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉRO DU GREFFE :              IMM-2705-96

INTITULÉ DE LA CAUSE :          DILBAT SINGH BRAR et MUKHTIAR DHILLON

                         c.

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :          TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :          LE 29 OCTOBRE 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE SUPPLÉANT DARREL V. HEALD

EN DATE DU :                  7 NOVEMBRE 1997

ONT COMPARU :

                         M. Lorne Waldman

                         (416) 482-6501

                                     pour les requérants

                         M. Jeremiah A. Eastman

                         (416) 973-9267

                                     pour l'intimé

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

                         JACKMAN, WALDMAN & ASSOCIATES

                         281, av. Eglinton est

                         Toronto (Ontario)

                         M4P 1L3

                                     pour les requérants

                         George Thomson

                         Sous-procureur général

                         du Canada

                                     pour l'intimé

__________________

     1      (1995), 101 F.T.R. 230.

     2      IMM-7381-93, 6 juin 1995.

     3      Chandler c. Association of Architects, [1989] 2 R.C.S. 848, à la p. 861.

     4      [1982] 2 C.F. 40, à la p. 43 (C.A.F.).

     5      J'ai légèrement modifié la question soumise par les avocats pour des raisons grammaticales.

     6      A-703-93, 1er novembre 1994 (C.A.F.).

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