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Date : 20210128


Dossier : T‑611‑19

Référence : 2021 CF 95

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 28 janvier 2021

En présence de madame la juge Walker

ENTRE :

WAYNE PHILLIP MESSENGER

demandeur

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Le demandeur, M. Wayne Messenger, demande à la Cour de contrôler la décision d’un délégué du ministre du Revenu national (le ministre), qui a refusé d’annuler l’impôt exigé pour l’année d’imposition 2017 sur le montant des cotisations excédentaires qu’il a effectuées à son compte d’épargne libre d’impôt (CELI). Le refus a été communiqué à M. Messenger dans une lettre datée du 11 mars 2019 (la décision).

[2] La présente demande est rejetée pour les raisons suivantes : le délégué du ministre a motivé sa décision, par laquelle il a refusé la demande de renonciation à l’impôt payable sur le montant des cotisations excédentaires à un CELI présentée par M. Messenger, de façon logique et succincte; et son refus se concilie parfaitement avec les éléments au dossier et les contraintes que la loi impose au ministre. La décision contient le résumé exact des éléments de preuve présentés au délégué du ministre et des observations que M. Messenger a présentées à l’appui de sa demande de renonciation. Fait encore plus important, dans sa décision, le délégué du ministre explique clairement à M. Messenger l’exigence législative à laquelle il faut satisfaire pour que soient accueillies les demandes de renonciation à l’impôt exigé sur les cotisations excédentaires à un CELI, et il examine si la situation de M. Messenger satisfait à cette exigence.

[3] En bref, le paragraphe 207.06(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la LIR), LRC 1985, c 1 (5e supp), énonce deux exigences que doit remplir le contribuable pour que le ministre puisse exercer son pouvoir discrétionnaire de renoncer à l’impôt payable sur des cotisations excédentaires à un CELI, et les deux doivent être remplies. En l’espèce, le délégué du ministre a refusé la demande de renonciation parce que M. Messenger n’avait pas retiré tout le montant de sa cotisation excédentaire en 2017 dans un délai raisonnable, conformément à la seconde exigence.

[4] À titre préliminaire, l’intitulé est modifié de façon à ce que la bonne partie défenderesse, soit le procureur général du Canada, soit désignée en l’espèce.

I. Survol

[5] Les faits ayant mené à la demande de M. Messenger à la Cour sont simples. Le litige porte sur une cotisation à un CELI versée par M. Messenger en 2017 qui a entraîné un montant excédentaire dans son CELI. L’Agence du revenu du Canada (l’ARC) a exigé un impôt égal à 1 % du montant excédentaire pour chaque mois conformément à l’article 207.02 de la LIR, ce qui totalise 1 273,18 $. Avec les pénalités et les intérêts, au 17 juillet 2018, le solde total à payer était de 1 340,58 $.

[6] La séquence des cotisations et des retraits est importante dans mon analyse qui me permettra de répondre à la question de savoir si la décision était raisonnable. Voici les dates et les faits pertinents :

Le 8 février 2017 : M. Messenger a versé 17 075,20 $ dans son CELI. Ses droits de cotisation à un CELI pour 2017 étaient de 5 500,85 $, de sorte que l’excédent était de 11 574,35 $, et ce montant était toujours présent dans son compte au 31 décembre 2017. M. Messenger n’avait donc plus de droits de cotisation pour 2018.

Février 2018 : M. Messenger a versé 11 000 $ de plus dans son CELI, ce qui a entraîné une cotisation excédentaire de 17 075 $ dans ce compte.

Le 17 juillet 2018 : L’ARC a envoyé à M. Messenger un avis de cotisation l’informant du montant excédentaire de son CELI pour 2017 (avis de cotisation de 2017). L’avis de cotisation de 2017 indique l’impôt payable pour l’année d’imposition 2017 sur le montant excédentaire figurant chaque mois dans le CELI (1 273,18 $, plus les pénalités et les intérêts). L’avis informait M. Messenger qu’il devrait retirer le montant excédentaire encore dans son CELI afin de réduire l’impôt qu’il devrait payer à l’avenir.

Le 18 juillet 2018 : M. Messenger a retiré 4 300 $ de son CELI.

Le 25 juillet 2018 : M. Messenger a produit tardivement sa déclaration de revenu donnant suite à l’avis de cotisation relatif à son CELI pour l’année d’imposition 2017.

Le 26 juillet 2018 : M. Messenger a payé tout le montant de l’impôt, des pénalités et des intérêts exigés à l’égard de sa cotisation excédentaire au CELI en 2017 (1 340,58 $).

[7] De plus, en juillet 2018, M. Messenger a présenté sa première demande de renonciation à l’impôt exigé à l’égard du montant excédentaire dans son CELI pour 2017 (la première demande de renonciation). Monsieur Messenger a fondé sa demande sur une erreur commise par l’ARC. Il a expliqué qu’il avait parlé à un représentant de l’ARC en février 2017, qui lui avait dit que pour 2017, il avait un plafond de cotisation au CELI de 17 075 $. Le 8 février 2017, il a ensuite versé la cotisation de 17 075,20 $ mentionnée plus haut. Selon M. Messenger, la même erreur s’est produite en février 2018, lorsqu’il a été informé par l’ARC qu’il avait un plafond de cotisation de 11 000 $, ce qui aurait été le cas n’eût été la cotisation de 17 075 $ versée en 2017. Monsieur Messenger a également affirmé qu’il ne savait pas que sa cotisation était excédentaire avant de recevoir l’avis de cotisation de 2017. Il a pris des mesures dès qu’il a été informé de l’excédent et il a retiré 4 300 $ de liquidités dans son CELI. Monsieur Messenger ne voulait pas vendre les actions placées dans son CELI parce qu’elles avaient perdu de la valeur et il aurait subi une perte.

[8] L’ARC a rejeté la première demande de renonciation le 1er octobre 2018 (le premier refus). Un agent de l’ARC a examiné l’explication donnée par M. Messenger concernant sa cotisation excédentaire au CELI en 2017, à savoir qu’il n’avait pas eu l’intention de verser des cotisations excédentaires et qu’il ne savait pas que le plafond dont il avait été informé par l’ARC ne comprenait pas ses cotisations antérieures. Selon l’agent, le ministre est autorisé à renoncer à tout ou partie de l’impôt sur tout montant excédentaire d’un CELI seulement si les deux conditions suivantes sont réunies : a) le contribuable établit que l’obligation de payer l’impôt fait suite à une erreur raisonnable de la part d’un contribuable; b) si le contribuable retire sans délai tout le montant de la cotisation excédentaire de son CELI. L’agent de l’ARC a cité la déclaration fournie par M. Messenger dans sa première demande de renonciation selon laquelle il n’avait retiré que 4 300 $ de son CELI parce qu’il ne voulait pas subir une perte, puis il a conclu que la demande de renonciation devait être rejetée. L’agent a conseillé à M. Messenger de retirer immédiatement tout montant excédentaire de son CELI pour limiter sa charge fiscale.

[9] Le 3 décembre 2018, M. Messenger a envoyé une seconde demande de renonciation à l’ARC (la seconde demande de renonciation). Selon M. Messenger, même si deux paragraphes du premier refus étaient illogiques (vu que l’agent de l’ARC a reconnu que les droits de cotisation dont le montant avait été précisé par l’ARC ne tenaient pas compte des montants déjà versés à son CELI) et même s’il a été avisé de sa contravention après le 31 décembre 2017, sa demande de renonciation a tout de même été refusée. Monsieur Messenger a fait valoir que l’erreur de l’ARC, qui a entraîné la cotisation excédentaire, devrait suffire pour appuyer sa demande de renonciation. Il a également fait remarquer que personne ne l’avait averti du fait qu’il aurait dû faire d’autres recherches pour confirmer les chiffres donnés par l’ARC. Monsieur Messenger a reconnu qu’il ne pouvait pas présenter cet argument pour l’année d’imposition 2018, car la décision de ne pas retirer le reste de sa cotisation excédentaire était sienne, mais il a fait valoir que ce n’était pas le cas pour l’année d’imposition 2017.

II. Décision faisant l’objet du présent contrôle judiciaire

[10] La réponse à la seconde demande de renonciation de M. Messenger est la décision à l’examen. Le délégué du ministre, qui n’était pas intervenu dans le premier refus, a examiné les observations fournies par M. Messenger à l’appui de sa seconde demande. Le délégué a fait remarquer que, selon les documents contenus dans le dossier de l’ARC, la cotisation excédentaire au CELI de 2017 n’a pas été retirée dans un délai raisonnable. Pour ce motif, le délégué du ministre a confirmé le premier refus et a rejeté la seconde demande de renonciation présentée par M. Messenger. Le délégué du ministre a souligné qu’il est de la responsabilité du contribuable de tenir un registre des opérations dans son CELI et de s’assurer qu’elles respectent le plafond de ses droits de cotisation.

III. Question en litige et norme de contrôle

[10] La seule question à trancher en l’espèce est celle de savoir si la décision était raisonnable.

[11] Selon les juges majoritaires de la Cour suprême du Canada dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 (Vavilov), la présomption de contrôle selon la norme de la décision raisonnable est celle qui s’applique lorsqu’une cour de justice se penche sur le fond d’une décision administrative, sous réserve de certaines exceptions précises, « lorsqu’une indication claire de l’intention du législateur ou la primauté du droit l’exige » (Vavilov, au para 10). En l’espèce, rien ne permet de déroger à cette présomption (Société canadienne des postes c Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, 2019 CSC 67, au para 27 (Postes Canada)). L’examen du caractère raisonnable de la décision est également conforme à la jurisprudence antérieure à Vavilov (Bonnybrook Park Industrial Development Co. Ltd. c Canada (Revenu national), 2018 CAF 136, au para 22; Weldegebriel c Canada (Procureur général), 2019 CF 1565, au para 5 (Weldegebriel)).

[12] Dans Vavilov, les juges majoritaires ont examiné en détail les motifs auxquels une cour de révision peut s’attendre et ont rappelé que l’examen du caractère raisonnable doit tenir compte à la fois du résultat de la décision et du raisonnement à l’origine de ce résultat (Vavilov, aux para 86‑87). La cour de révision doit déterminer si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité (Vavilov, au para 99). Une décision raisonnable est une décision fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles (Vavilov, aux para 105‑106). Dans la présente demande, les exigences énoncées au paragraphe 207.06(1) de la LIR, ainsi que le régime fixé par cette loi, sont au cœur de mon examen de la décision (Vavilov, para 108; Entertainment Software Association c Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, 2020 CAF 100, aux para 34‑35).

IV. Analyse

[13] Le point de départ pour comprendre la décision du délégué du ministre de rejeter la demande de renonciation de M. Messenger se trouve dans les dispositions de la LIR en vertu desquelles il a pris sa décision. La cotisation sur l’excédent CELI de M. Messenger pour l’année d’imposition 2017 a été établie conformément à l’article 207.02 de la LIR. Monsieur Messenger a fondé sa demande, par laquelle il priait le ministre d’exercer son pouvoir discrétionnaire de renoncer à l’impôt exigé à l’égard du montant excédentaire dans son CELI, sur le paragraphe 207.06(1).

[14] D’après le paragraphe 207.06(1) de la LIR, le pouvoir discrétionnaire du ministre de renoncer à l’impôt sur les cotisations excédentaires à un CELI peut être exercé dans les cas suivants :

  1. Le particulier convainc le délégué du ministre que l’obligation de payer l’impôt fait suite à une erreur raisonnable;

  2. L’excédent CELI est retiré sans délai par le contribuable.

[15] Les exigences énoncées au paragraphe 207.06(1) constituent un critère conjonctif, ce qui signifie que le contribuable doit satisfaire aux deux exigences avant que le ministre puisse exercer son pouvoir discrétionnaire d’accorder un allègement (Kapil c Canada (Agence du revenu), 2011 CF 1373, para 28; Ifi c Canada (Procureur général), 2020 CF 1150, au para 16). Pour faciliter la consultation, les dispositions de l’article 207.02 et du paragraphe 207.06(1) de la LIR sont reproduites intégralement à l’annexe A du présent jugement.

[16] Les observations faites par M. Messenger dans sa seconde demande de renonciation et dans la présente demande portent sur la première exigence énoncée au paragraphe 207.06(1), celle de l’erreur raisonnable. Monsieur Messenger soutient que l’ARC lui a donné des renseignements inexacts lorsqu’il a téléphoné en 2017 pour s’informer au sujet de son plafond de cotisation au CELI. Il soutient que ces renseignements inexacts donnés par l’ARC sont la cause directe de l’erreur raisonnable qu’il a commise lorsqu’il a fait une cotisation excédentaire en 2017, et que sa demande de renonciation devrait être accueillie pour cette raison. Monsieur Messenger fait valoir que le ministre n’a pas indiqué dans ses motifs pourquoi il n’avait pas tenu compte de l’erreur de l’ARC et que cette omission met en doute la qualité de l’examen de sa demande. En ce qui concerne la seconde exigence énoncée au paragraphe 207.06(1), M. Messenger soutient qu’on ne devrait s’attendre à ce qu’il liquide les actions qu’il a achetées en vue d’un placement dans son CELI et qu’il perde ainsi une partie de son placement, vu que c’est l’erreur de l’ARC qui a entraîné sa cotisation excédentaire.

[17] Pour répondre à une demande de renonciation à l’impôt sur les montants excédentaires d’un CELI, le délégué du ministre doit appliquer les exigences d’allègement prévues au paragraphe 207.06(1) à la trame factuelle de l’affaire en question (Vavilov, aux para 125‑126). Dans les motifs faisant état de son examen et de la décision qu’il a rendue à l’égard de la demande du contribuable, le délégué doit tenir valablement compte des principales préoccupations soulevées par le contribuable, en l’occurrence les arguments soulevés par M. Messenger dans sa seconde demande de renonciation (Vavilov, aux para 94, 127).

[18] Voici les faits d’importance capitale dans la présente affaire. Premièrement, M. Messenger fonde sa demande de renonciation sur l’erreur de l’ARC. Le délégué du ministre ne conteste pas l’argument de M. Messenger selon lequel il a été mal informé quant à ses droits de cotisation et ces renseignements erronés sont la cause de sa cotisation excédentaire en 2017. Le défendeur ne formule aucune observation à cet égard dans la présente demande. Deuxièmement, le délégué se fonde sur le fait que M. Messenger n’a pas retiré du CELI la cotisation excédentaire qu’il y a versée en 2017 dans un délai raisonnable après avoir appris qu’il ne respectait pas son plafond. Monsieur Messenger ne conteste pas ce fait, mais il soutient qu’il ne devrait pas être tenu de liquider les actions placées dans son CELI pour retirer l’excédent.

[19] Dans sa décision, le délégué du ministre renvoie à la seconde demande de renonciation de M. Messenger, et résume comme suit les observations faites par M. Messenger : le fait que l’ARC n’a pas mis à jour ses droits de cotisation pour 2017 devrait être considéré comme une erreur raisonnable qui a causé la cotisation excédentaire; il n’a été informé de la cotisation excédentaire qu’en 2018; il a choisi de ne pas retirer tout l’excédent pour des raisons économiques. Voici le paragraphe déterminant de la décision :

[traduction]
Il appert, de l’examen de votre situation et de nos dossiers, que vous n’avez pas retiré les cotisations excédentaires de votre CELI dans un délai raisonnable. Nous devons donc confirmer qu’après avoir examiné les documents que vous nous avez envoyés et les renseignements à notre disposition, aucune circonstance ne justifie l’annulation de l’impôt sur vos cotisations excédentaires au CELI.

[20] J’estime que les motifs fournis par le délégué du ministre pour justifier son refus de la seconde demande de renonciation présentée par M. Messenger démontrent qu’il a appliqué aux faits et aux observations contenues au dossier les dispositions impératives du paragraphe 207.06(1) de la LIR de manière raisonnable et cohérente. La décision était fondée sur le fait que M. Messenger n’avait pas retiré tout le montant de sa cotisation excédentaire à son CELI en 2017 dans un délai raisonnable. Le refus de la demande de renonciation par le délégué n’est que la conséquence logique des déclarations faites par M. Messenger lui‑même, selon lesquelles il n’a pas retiré toute la cotisation excédentaire. Monsieur Messenger le dit clairement dans la première et dans la seconde demande de renonciation, ainsi que dans ses observations jointes à la présente demande. Comme je l’ai mentionné ci‑dessus, les deux exigences préalables doivent être respectées pour que le ministre puisse exercer le pouvoir discrétionnaire de renoncer à l’impôt sur l’excédent CELI que lui confère le paragraphe 207.06(1). Monsieur Messenger n’a pas satisfait à la seconde exigence et c’est sur ce défaut que le délégué du ministre s’est fondé pour refuser la demande de renonciation de M. Messenger. La justification du délégué est raisonnable, voire impérative, et les explications qu’il a fournies dans sa décision satisfont aux exigences d’intelligibilité.

[21] Selon M. Messenger, la part de responsabilité qui incombe à l’ARC dans la cotisation excédentaire qu’il a versée en 2017 devrait justifier la renonciation à l’impôt dont il est redevable, et le ministre a mal évalué cet argument dans sa décision. Or, le délégué du ministre n’a pas mis en doute le témoignage de M. Messenger concernant l’inexactitude commise par l’ARC au sujet de ses droits de cotisation, et il n’a pas eu tort de simplement mentionner les observations de M. Messenger. Le délégué n’était pas tenu d’effectuer une analyse complète de la première exigence énoncée au paragraphe 207.06(1) puisque l’existence d’une erreur raisonnable n’était pas déterminante.

[22] Monsieur Messenger soutient également que, comme c’est l’ARC qui l’a induit en erreur sans laquelle il n’aurait pas versé des cotisations excédentaires en 2017, il ne devrait être tenu de subir les conséquences économiques découlant de la liquidation de ses placements dans son CELI que lui impose le retrait du plein montant de l’excédent. Son argument ne me convainc pas.

[23] Dans ses deux demandes de renonciation, M. Messenger a clairement exprimé son intention de laisser une partie importante de la cotisation excédentaire de 2017 dans le CELI pour des raisons économiques :

Première demande de renonciation :

[traduction]
Depuis, j’ai retiré 4 300 $ de liquidités de mon compte afin de diminuer les répercussions de la cotisation excédentaire en 2018. Or, je suis réticent à vendre mes actions, car je les vendrais à perte. [...].

Je n’entends pas liquider mes actions, mais je m’engage à déclarer l’excédent jusqu’à ce qu’il soit absorbé quand j’aurai atteint ce plafond, pour ainsi dire. J’espère que le tout sera conforme.

Seconde demande de renonciation :

[traduction]
En ce qui concerne la petite partie de l’impôt dû le 30 juin 2019 pour l’année d’imposition 2018, mon argument [l’erreur de l’ARC] ne s’applique pas, car la décision de ne pas retirer les montants excédentaires est mienne et je suis disposé à payer de l’impôt pour des raisons économiques, que j’expliquerai dans la présente affaire [...].

[24] Monsieur Messenger a été informé de l’excédent pour 2017 le 17 juillet 2018, dans l’avis de cotisation de 2017. L’auteur de l’avis y mentionnait ce qui suit : [traduction] « [S]i vous avez des montants excédentaires dans votre CELI, vous devriez les retirer immédiatement pour limiter votre charge fiscale. » Monsieur Messenger a retiré une partie de sa cotisation excédentaire, mais il a choisi de ne pas retirer le reste pour éviter une perte causée par la vente de ses actions. Dès lors, la responsabilité de ses décisions économiques lui incombait. Certes, je comprends la réticence de M. Messenger à liquider les placements qu’il détenait dans son CELI, mais l’ARC n’a aucune responsabilité à l’égard de la nature des placements que détient M. Messenger dans son CELI. C’est à lui seul d’en assumer le risque. Il a choisi d’éviter une perte économique dans son CELI, mais il ne peut, après avoir fait ce choix, présenter une demande d’allègement discrétionnaire à l’égard de l’impôt payable sur le montant excédentaire. Le refus de sa demande, tel qu’il est motivé, était justifié.

[25] Je tiens à souligner que, dans sa seconde demande de renonciation, M. Messenger a déclaré que l’ARC ne lui a pas conseillé de chercher à connaître ses obligations légales relativement à son CELI. Or, il incombait à M. Messenger de comprendre la loi et d’organiser ses affaires en conséquence (Weldegebriel, au para 10).

[26] Monsieur Messenger s’appuie sur le manuel des politiques de l’ARC et sur les directives aux agents pour affirmer qu’une erreur commise par l’ARC peut constituer une circonstance atténuante justifiant un allègement. Je répète que l’erreur de l’ARC n’est pas en cause dans la présente demande. Je tiens également à souligner que dans la section suivante du manuel, les situations qui ne donnent pas lieu à un allègement sont énoncées, dont le défaut du contribuable de retirer ses cotisations excédentaires dans un délai raisonnable.

[27] Enfin, M. Messenger soutient que l’ARC n’a pas fait savoir à ses avocats dans la présente instance qu’elle avait jugé valides les avis d’opposition transmis par M. Messenger en 2017 et 2018. La lettre de l’ARC sur laquelle M. Messenger se fonde porte la date du 16 juillet 2019. L’auteur de la lettre informe M. Messenger que la prorogation du délai prévu pour le dépôt de son avis d’opposition de 2017 lui est accordée et que son avis d’opposition serait jugé valide.

[28] La validité de l’avis d’opposition de 2017 n’est pas pertinente pour la présente demande. Mon examen de la décision porte uniquement sur la demande de M. Messenger pour l’obtention d’un allègement fiscal de nature discrétionnaire et ne comporte aucun aspect qui concerne la validité de l’avis de cotisation de 2017. Les faits et les éléments du droit pertinents pour le refus d’une demande d’allègement fondée sur le paragraphe 207.06(1) et pour mon examen de cette décision ne sont pas les mêmes que ceux qui s’appliquent à un avis d’objection présenté à l’égard d’une cotisation établie par l’ARC.

V. Conclusion

[29] La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[30] Le défendeur n’a sollicité aucuns dépens dans la présente affaire. Je n’en adjugerai donc aucuns.


JUGEMENT dans le dossier T‑611‑19

LA COUR STATUE QUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. L’intitulé de la cause est modifié de manière à ce que le procureur général du Canada y soit désigné à titre de défendeur.

  3. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Elizabeth Walker »

Juge

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.


Annexe A

Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, c. 1 (5e supp.)

Income Tax Act, RSC (1985), c. 1 (5th Supp.)

Impôt à payer sur l’excédent CÉLI

Tax payable on excess TFSA amount

207.02 Le particulier qui a un excédent CÉLI au cours d’un mois civil est tenu de payer pour le mois, en vertu de la présente partie, un impôt égal à 1 % du montant le plus élevé de cet excédent pour le mois.

207.02 If, at any time in a calendar month, an individual has an excess TFSA amount, the individual shall, in respect of that month, pay a tax under this Part equal to 1% of the highest such amount in that month.

Renonciation

Waiver of tax payable

207.06 (1) Le ministre peut renoncer à tout ou partie de l’impôt dont un particulier serait redevable par ailleurs en vertu de la présente partie par l’effet des articles 207.02 ou 207.03, ou l’annuler en tout ou en partie, si, à la fois :

207.06 (1) If an individual would otherwise be liable to pay a tax under this Part because of section 207.02 or 207.03, the Minister may waive or cancel all or part of the liability if

a) le particulier convainc le ministre que l’obligation de payer l’impôt fait suite à une erreur raisonnable;

(a) the individual establishes to the satisfaction of the Minister that the liability arose as a consequence of a reasonable error; and

b) sont effectuées sans délai sur un compte d’épargne libre d’impôt dont le particulier est titulaire une ou plusieurs distributions dont le total est au moins égal au total des sommes suivantes :

(b) one or more distributions are made without delay under a TFSA of which the individual is the holder, the total amount of which is not less than the total of

(i) la somme sur laquelle le particulier serait par ailleurs redevable de l’impôt,

(i) the amount in respect of which the individual would otherwise be liable to pay the tax, and

(ii) le revenu, y compris le gain en capital, qu’il est raisonnable d’attribuer, directement ou indirectement, à la somme visée au sous‑alinéa (i).

(ii) income (including a capital gain) that is reasonably attributable, directly or indirectly, to the amount described in subparagraph (i).

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑611‑19

 

INTITULÉ :

WAYNE PHILLIP MESSENGER c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

SUR DOSSIER, À OTTAWA (ONTARIO), CONFORMÉMENT À l’ordonnance RENDUE PAR la Cour LE 25 juin 2020

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE WALKER

 

DATE DES MOTIFS :

Le 28 janvier 2021

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Wayne Phillip Messenger

Pour le demandeur

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Lise A. Walsh

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

Pour le défendeur

 

 

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