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Date : 20200915

Dossiers : T-97-19

T-98-19

T-503-19

T-504-19

Référence : 2020 CF 897

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 15 septembre 2020

En présence de monsieur le juge Zinn

Dossier : T-97-19

ENTRE :

BRISTOL-MYERS SQUIBB CANADA CO. ET BRISTOL-MYERS SQUIBB HOLDINGS IRELAND UNLIMITED COMPANY

demanderesses

et

PHARMASCIENCE INC.

défenderesse

Dossier : T-98-19

ET ENTRE :

BRISTOL-MYERS SQUIBB CANADA CO. ET BRISTOL-MYERS SQUIBB HOLDINGS IRELAND UNLIMITED COMPANY, ET PFIZER INC.

demanderesses

et

PHARMASCIENCE INC.

défenderesse

Dossier : T-503-19

ET ENTRE :

BRISTOL-MYERS SQUIBB CANADA CO. ET BRISTOL-MYERS SQUIBB HOLDINGS IRELAND UNLIMITED COMPANY, ET PFIZER INC.

demanderesses

et

SANDOZ CANADA INC.

défenderesse

Dossier : T-504-19

ET ENTRE :

BRISTOL-MYERS SQUIBB CANADA CO.

ET BRISTOL-MYERS SQUIBB HOLDINGS IRELAND UNLIMITED COMPANY

demanderesses

et

SANDOZ CANADA INC.

défenderesse

ORDONNANCE MODIFIÉE ET MOTIFS

[1] La Cour est saisie de requêtes présentées par les défenderesses, Sandoz Canada Inc. [Sandoz] et Pharmascience Inc. [PMS], en vue d’obtenir l’autorisation de signifier et de déposer des rapports en réponse dans la présente affaire. Ces requêtes sont présentées dans le cadre d’une action en contrefaçon de brevet fondée sur le paragraphe 6(1) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93‑133. Les deux brevets suivants sont en cause : le brevet canadien no 2791171 [le brevet no 171] et le brevet canadien no 2461202 [le brevet no 202].

[2] Comme je l’ai mentionné dans la décision Bristol-Myers Squibb Canada Co c Apotex Inc, 2019 CF 1379, aux paragraphes 4 et 5, les principes qui régissent l’admissibilité d’une contre‑preuve ont été examinés par le juge Manson dans la décision Janssen Inc c Teva Canada Limited, 2019 CF 1309, aux paragraphes 16 et 17, citant le juge Pelletier dans la décision Halford c Seed Hawk Inc, 2003 CFPI 141, au paragraphe 15 :

1. La preuve qui sert uniquement à corroborer une preuve déjà soumise au tribunal n’est pas admissible.

2. La preuve qui porte sur une question qui a été soulevée pour la première fois en contre‑interrogatoire et qui aurait dû faire partie de la preuve principale du demandeur n’est pas admissible. Toute autre nouvelle question qui se rapporte à une des questions en litige et qui ne vise pas uniquement à contredire un des témoins de la défense est admissible.

3. La preuve qui sert uniquement à réfuter un élément de preuve qui a été présenté en défense et qui aurait pu être présenté dans le cadre de la preuve principale n’est pas admissible.

4. Le tribunal acceptera d’examiner la preuve qui est exclue parce qu’elle aurait dû être présentée dans le cadre de la preuve principale, pour déterminer s’il doit admettre cette preuve en vertu de son pouvoir discrétionnaire.

Le juge Manson a également fait observer ce qui suit, au paragraphe 17 : « Un simple désaccord avec les énoncés d’un autre témoin ne peut faire l’objet d’une contre‑preuve. Les désaccords entre experts peuvent être réglés par voie de contre‑interrogatoire. »

[3] Les demanderesses me rappellent qu’au paragraphe 25 de la décision Merck-Frosst c Canada (Santé), 2009 CF 914 [Merck-Frosst], j’ai indiqué qu’une partie doit présenter ses meilleurs arguments dès le départ, et qu’elle ne peut demeurer embusquée jusqu’à ce que l’autre partie dépose sa réponse, puis ensuite déposer ses éléments de preuve supplémentaires pour étayer sa thèse à la lumière des arguments soulevés en défense.

[4] Sandoz cherche à obtenir l’autorisation de déposer les rapports d’expert en réplique de M. Eliot H. Ohlstein [la contre-preuve de M. Ohlstein] et de M. Arthur Hamilton Kibbe [la contre-preuve de M. Kibbe]. Les demanderesses s’opposent aux paragraphes 4 à 6 et 8 à 21 de la contre-preuve de M. Ohlstein et à l’ensemble de la contre-preuve de M. Kibbe.

[5] PMS cherche à obtenir l’autorisation de déposer les rapports d’expert en réplique de M. Michael Rieder [la contre-preuve de M. Rieder], de M. Stephen Hanessian [la contre-preuve de M. Hanessian] et de M. Paul A. Laskar [la contre-preuve de M. Laskar]. Les demanderesses s’opposent à l’ensemble de la contre-preuve de MM. Rieder et Laskar, ainsi qu’aux paragraphes 20 à 36 de la contre‑preuve de M. Hanessian.

La contre‑preuve de M. Ohlstein

[6] Aux paragraphes 4 à 6 et 8 à 21, M. Ohlstein donne son opinion sur la façon dont une personne versée dans l’art interpréterait la page 6 du brevet no 202. M. Ohlstein atteste au paragraphe 8 de sa contre‑preuve qu’il [traduction] « n’aurait pas pu prévoir qu’une personne lisant le brevet no 202 […] interpréterait les critères énumérés à la page 6 de la manière dont M. Taft les a interprétés ».

[7] Toutefois, M. Ohlstein s’est déjà penché sur la page 6. Au paragraphe 93 de son rapport d’expert initial, il cite la page 6 et la décrit comme une [traduction] « “liste de souhaits” de caractéristiques souhaitables et préférables ». À mon sens, le rapport d’expert en réplique de M. Ohlstein constitue un désaccord avec l’opinion de M. Taft et une réitération de son opinion initiale. Cette contre‑preuve est irrégulière. De plus, la réitération ressort clairement de sa déclaration au paragraphe 15 de sa contre‑preuve, où il écrit : [traduction] « [C]omme je l’ai indiqué dans mon premier rapport […] »

[8] L’opposition des demanderesses aux paragraphes 4 à 6 et 8 à 21 de la contre‑preuve de M. Ohlstein est maintenue.

La contre‑preuve de M. Kibbe

[9] M. Kibbe atteste qu’il [traduction] « n’aurait pas pu prévoir l’opinion de M. Davies selon laquelle les études de robustesse menées par les inventeurs du brevet no 171 et le personnel de BMS, résumées dans le rapport sur la robustesse, n’étaient pas courantes ». Au paragraphe 5 de ses observations, Sandoz affirme que cette contre‑preuve doit être admise parce qu’elle porte sur [traduction] « une preuve concernant des documents produits que M. Kibbe n’a pas vus auparavant et qui ont été invoqués dans le rapport de M. Davies ».

[10] En ce qui concerne l’admissibilité de la contre‑preuve de M. Kibbe, Sandoz fait principalement observer qu’il s’agit d’une [traduction] « nouvelle preuve sur des essais effectués dans le cadre de l’étude de la robustesse de la préparation, car elle n’était pas considérée comme pertinente par Sandoz auparavant ». Elle cite la décision Merck-Frosst, au paragraphe 24 :

Si la preuve à laquelle la réponse est proposée se rapporte à des éléments de preuve nouveaux qui n’étaient pas auparavant considérés comme pertinents par la première partie, il se pourrait bien qu’il s’agisse d’une contre‑preuve appropriée.

[11] Sandoz affirme qu’elle ne considérait pas auparavant le rapport sur la robustesse comme pertinent, car ni ce rapport ni l’étude de robustesse de la préparation d’apixaban à laquelle il fait référence ne sont mentionnés dans le brevet no 171, et leur pertinence alléguée ne ressort pas clairement de l’acte de procédure, puisqu’ils ne précisent pas les études ou les essais précis qui ont été réalisés sur la préparation.

[12] Les demanderesses soutiennent que ces deux déclarations sont erronées sur le plan des faits. Elles soulignent qu’en réponse à l’interrogatoire préalable concernant les figures 3 et 4 du brevet no 171, elles ont indiqué que le rapport sur la robustesse est la source des données. Elles affirment que [traduction] « nul ne conteste que Sandoz aurait pu prévoir que les demanderesses se fonderaient sur le rapport sur la robustesse dans le cadre de leur preuve ». Je souscris à cette conclusion.

[13] Je conviens également avec les demanderesses que M. Kibbe s’est déjà prononcé sur la question de savoir si les essais réalisés sur la préparation étaient courants et si la balance dont il est question dans sa contre‑preuve [traduction] « aurait pu et aurait dû être examinée dans son rapport principal ». Sandoz ne lui a pas remis ce rapport. Elle a pris cette décision dans le cadre de sa stratégie de litige. Tenter maintenant de l’aborder en réplique revient à fractionner la cause, et cette stratégie est inadmissible.

La contre‑preuve de M. Rieder

[14] On indique que M. Rieder a répondu aux commentaires de M. Weitz concernant deux documents des demanderesses. Il atteste qu’il n’aurait pas pu prévoir cette preuve d’opinion, puisqu’il n’était pas au courant de ces documents. PMS ne lui a pas remis ces documents et a indiqué que ce ne sont [traduction] « que deux documents parmi des dizaines de milliers de documents » produits par les demanderesses et qu’elle ne pouvait pas savoir sur lequel de ces documents les demanderesses s’appuieraient.

[15] Je conviens avec les demanderesses que cette observation ne peut sérieusement être retenue; elle n’est pas étayée par le dossier. Plus précisément, comme les demanderesses l’indiquent au paragraphe 30 de leur mémoire, cette observation est démentie :

[traduction]

a) Tant le rapport de pharmacologie que la présentation PowerPoint ont été formellement signifiés à Pharmascience le 15 janvier 2019 parmi les documents produits initialement par les demanderesses conformément à l’alinéa 6.03(1)a) du Règlement sur les MB(AC), soit 26 documents se rapportant au brevet no 202;

b) Le rapport de pharmacologie faisait l’objet des réponses données par les demanderesses lors de leur interrogatoire préalable.

[16] Quoi qu’il en soit, la preuve proposée par M. Rieder n’ajoute à peu près rien à l’opinion qu’il a déjà exprimée. Il affirme au paragraphe 11 de sa contre‑preuve qu’elle [traduction] « ne change en rien son opinion ».

[17] Pour ces motifs, la contre‑preuve de M. Rieder est inadmissible.

La contre‑preuve de M. Hanessian

[18] Les paragraphes 31 à 36 de la contre‑preuve de M. Hanessian font également état des deux documents précités et, pour les motifs exposés dans la présente ordonnance, ces paragraphes sont inadmissibles.

[19] Les paragraphes 20 à 29 de la contre‑preuve de M. Hanessian font état de la page 6 du brevet no 202. Le raisonnement ci‑dessus concernant la contre‑preuve de M. Ohlstein s’applique en grande partie dans ce cas‑ci. De plus, M. Hanessian renvoie à la page 6 de son rapport initial, aux paragraphes 198, 199 et 252. La contre‑preuve de M. Hanessian semble répéter simplement l’opinion qu’il a exprimée dans son rapport initial et constitue un simple désaccord avec l’expert des demanderesses. Ces paragraphes sont inadmissibles.

[20] Au paragraphe 30, M. Hanessian se penche sur le paragraphe 98 du rapport de M. Greenlee. Les demanderesses font valoir qu’il a mal compris la preuve de M. Greenlee et que cette mauvaise compréhension peut se régler au moyen d’un contre‑interrogatoire. M. Greenlee parlera évidemment en son nom pour expliquer ce qu’il voulait dire; or, en ce moment, on ne le sait pas. À mon avis, ce paragraphe peut être utile et est donc admissible.

La contre‑preuve de M. Laskar

[21] Aux paragraphes 5 à 10 de sa contre‑preuve, M. Laskar affirme que M. Davies a mal interprété sa preuve principale. Je conviens avec les demanderesses que M. Laskar ne fait que réaffirmer sa preuve initiale; toutefois, ce fait à lui seul ne rend pas ces paragraphes inadmissibles puisqu’il ne s’agit pas d’un simple désaccord entre experts; dans ce cas‑ci, le premier affirme que le second a mal interprété son opinion. À mon sens, cette preuve est admissible pour cette raison.

[22] Aux paragraphes 11 à 23 de sa contre‑preuve, M. Laskar examine certaines réalisations antérieures mentionnées dans le rapport de M. Davies et jointes à celui‑ci. À son avis, elles n’étayent pas l’opinion de M. Davies et il n’en a pas fait mention auparavant dans son rapport initial.

[23] Je suis d’accord avec PMS pour dire que si ces parties de la contre‑preuve de M. Laskar ne sont pas admises, il pourrait s’avérer impossible de parvenir au même résultat au moyen d’un contre‑interrogatoire. À mon sens, ces paragraphes pourraient s’avérer utiles au juge du procès, et ils sont donc admissibles.


ORDONNANCE MODIFIÉE dans les dossiers T-97-19, T-98-19, T-503-19 et T-504-19

LA COUR ordonne ce qui suit :

  1. Sandoz Canada Inc. est autorisée à déposer en réplique le rapport de M. Ohlstein, soit les paragraphes 1 à 3, 7 et 22 à 23 de son projet de rapport en réplique; à tous autres égards, sa requête est rejetée.

  2. Pharmascience Inc. est autorisée à déposer en réplique le rapport de M. Hanessian, soit les paragraphes 1 à 19 et 30 de son projet de rapport en réplique, et à déposer en réplique le rapport de M. Laskar, soit les paragraphes 5 à 10 et 11 à 23 de son projet de rapport en réplique; à tous autres égards, sa requête est rejetée;

  3. Chacune des parties assume ses propres dépens.

« Russel W. Zinn »

Juge

Traduction certifiée conforme

Caroline Tardif


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIERS :

t-97-19

BRISTOL-MYERS SQUIBB CANADA CO ET AL c PHARMASCIENCE INC

T-98-19

BRISTOL-MYERS SQUIBB CANADA CO ET AL c PHARMASCIENCE INC

T-503-19

BRISTOL-MYERS SQUIBB CANADA CO ET AL c SANDOZ CANADA INC

T-504-19

BRISTOL-MYERS SQUIBB CANADA CO ET AL c SANDOZ CANADA INC

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER, SANS COMPARUTIONS DES parties

ORDONNANCE MODIFIÉE ET MOTIFS :

LE JUGE zinn

DATE DES MOTIFS :

LE 15 SEPTEMBRE 2020

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Carol Hitchman

Nathaniel Dillonsmith

Nick Kawar

Rae Daddon

POUR LA DÉFENDERESSE/DEMANDERESSE RECONVENTIONNELLE/REQUÉRANTE

SANDOZ CANADA INC

Kavita Ramamoorthy

Neil Fineberg

POUR LA DÉFENDERESSE

PHARMASCIENCE INC

Steven G. Mason

David A. Tait

Laura MacDonald

Sanjaya Mendis

James S.S. Holtom

POUR LES DEMANDERESSES/DÉFENDERESSES RECONVENTIONNELLES/INTIMÉES

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

McCarthy Tétrault SENCRL, srl

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

Fineberg Ramamoorthy LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

pharmascience inc

 

Sprigings IP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

sandoz canada inc

 

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