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Date : 20040122

Dossier: IMM-5772-03

Référence : 2004 CF 98

Toronto (Ontario), le 22 janvier 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE LEMIEUX                           

ENTRE :

                                                         LARA HANNA SLEIMEN

                                                                                                                                       demanderesse

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                                                                                                                                           

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Lara Hanna Sleiman est une libanaise chrétienne, âgée de 20 ans. Elle a fui son pays le 23 juin 2002, et sa demande d'asile a été rejetée le 23 juillet 2003 dans une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission).

[2]                La demanderesse a habilement agi pour son propre compte lors de l'audition de sa demande de contrôle judiciaire.

[3]                Dans son argumentation, elle a fait valoir qu'à l'examen de la transcription, elle a relevé une erreur d'interprétation importante. Cependant, je suis d'avis que cette erreur n'a eu aucune conséquence sur l'instance parce que la Commission n'a pas tiré de conclusion défavorable sur la crédibilité de la demanderesse relativement à la question soulevée.

[4]                La Commission n'a pas non plus remis en question sa crainte subjective, engendrée par la réception de deux lettres anonymes, non datées, contenant des menaces de mort; selon la demanderesse, ces lettres auraient comme source(s) possible(s) un groupe de fanatiques musulmans « comme le Hezbollah » .

[5]                Elle a reçu ces lettres alors qu'elle était étudiante en première année à l'Université de Saïda, située au sud du Liban, juste à côté du plus important camp de réfugiés palestiniens au pays. La population étudiante à l'Université est musulmane à 98 pour 100.

[6]                La demanderesse a témoigné que, lors de discussions étudiantes, elle a exprimé des opinions politiques qui ont déplu aux étudiants musulmans (soit des opinions concernant le conflit Israël-Palestine, les peines infligées aux anciens membres de l'ALS et les événements tragiques du 11 septembre).


[7]                La première menace de mort est survenue après qu'elle eut fermé la fenêtre de la classe parce qu'elle ne pouvait pas entendre le professeur en raison de la tenue des prières musulmanes à la mosquée. Ce geste a provoqué la consternation parmi ses confrères et consoeurs de classe musulmans.

[8]                La deuxième lettre de menace de mort est arrivée à la suite de sa participation à une manifestation publique sympathique aux États-Unis.

[9]                La demanderesse a fourni de la preuve documentaire récente qui faisait état des attentats à la bombe perpétrés contre les églises orthodoxes ou maronites, de la mise à mort pour motifs religieux de 8 travailleurs de l'UNESCO (dont 7 étaient des chrétiens) par A. Mansour, un musulman chiite, et du meurtre à Saïda de Bonnie Weatherall, une infirmière missionnaire américaine de 31 ans. D'autres documents fournis par la demanderesse faisaient état d'assassinats d'anciens membres de l'armée libanaise, de la mise à mort d'un leader étudiant, d'attentats à la bombe perpétrés contre des boîtes de nuit et des magasins d'alcools, tous des indices, selon la demanderesse, du fanatisme politique et religieux qui existe dans ce pays.

[10]            C'est d'un autre oeil que la Commission a vu la preuve documentaire. Cependant, elle a reconnu l'existence de la violence sectaire. Voici la partie pertinente de la conclusion de la Commission :


Dans ses arguments, le conseil a renvoyé au cas d'un homme qui avait été arrêté et maltraité par le Hezbollah parce qu'il avait contesté un membre du Hezbollah. Le tribunal est d'avis qu'un pareil cas est l'exception plutôt que la règle. Selon la prépondérance de la preuve documentaire, les citoyens ordinaires, tels que la demandeure, ne sont pas inquiétés par le Hezbollah ni par d'autres groupes de fanatiques au Liban. Le tribunal fait remarquer que la demandeure n'a pas le profil politique ou religieux qui pourrait faire d'elle la cible de menaces ou d'intimidation de la part de groupes radicaux. Ses allégations selon lesquelles elle était ciblée par des musulmans fanatiques parce qu'elle avait fermé la fenêtre durant la prière ou parce qu'elle avait participé à une manifestation proaméricaine ne sont pas étayées par le contenu de la preuve documentaire. Qui plus est, son allégation selon laquelle elle ferait l'objet de menaces et d'intimidation du fait de son lien de parenté avec son beau-frère qui a été membre de l'armée du Sud-Liban n'est pas étayée non plus par le contenu de la preuve documentaire [...]

[11]            Avant de tirer cette conclusion, la Commission a cité de la preuve documentaire selon laquelle [traduction] « [o]n n'a pas signalé que le Hezbollah harcelait ou menaçait des gens qui sont publiquement en désaccord avec ses politiques [¼] pour autant que l'on sache le gouvernement n'a pas eu à fournir de protection à des citoyens ordinaires parce qu'ils craignaient le Hezbollah » .

[12]            En résumé, la Commission a conclu que même si la demanderesse avait une crainte subjective de rentrer au Liban, cette crainte n'avait pas été établie de façon objective. La Commission a donc conclu que la demanderesse n'avait pas une crainte fondée de persécution au sens de la Convention et qu'elle n'était pas une personne à protéger parce qu'il n'y avait pas de motif sérieux de croire qu'elle s'exposerait personnellement à un risque de torture, ni de sérieuses possibilités qu'elle s'expose à une menace à sa vie ou à un risque de traitements ou de peines cruels ou inusités.

[13]            La demanderesse a contesté plusieurs éléments de la décision de la Commission, relevant notamment que :

1.             La Commission a mentionné un seul incident et a omis de mentionner chacune des confrontations dont elle a été l'objet à l'université.

2.             La Commission n'a pas tenu compte du fait que Saïda était juste à côté du plus important camp de réfugiés palestiniens à partir duquel des organisations terroristes opèrent avec impunité.

3.             La Commission a commis des erreurs concernant certaines dates.

4.             La Commission a mal interprété le fondement de sa crainte, laquelle n'est pas forcément une crainte du Hezbollah, mais de fanatiques religieux tels que Mansour et le meurtrier de Bonnie Weatherall.

5.             La Commission a mal interprété la preuve en tirant la conclusion que des civils ordinaires ne sont pas ciblés par les fanatiques.

[14]            Il est vrai que la Commission a commis des erreurs concernant certaines dates, mais ces deux erreurs n'ont pas eu de répercussion sur la décision de la Commission. Ces erreurs auraient eu trait au manque de crédibilité, ce qui n'a pas été soulevé devant la Commission.

[15]            J'ai étudié la transcription du témoignage rendu par la demanderesse à l'audience ainsi que toute la preuve documentaire produite au dossier certifié de la Commission.

[16]            Sur la foi de cette preuve, je ne puis conclure que les conclusions de la Commission ont été tirées de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait. Il n'y a pas eu d'interprétation erronée de la preuve.

[17]            La Commission s'est fondée sur des éléments de preuve suffisants pour lui permettre de conclure qu'une personne ayant le profil de la demanderesse ne serait pas personnellement ciblée par des fanatiques religieux au Liban et qu'elle ne s'exposerait pas à un plus grand risque que les membres de la population en général.

[18]            En clair, ce que la demanderesse demande à la Cour, c'est de réévaluer les éléments de preuve qui ont été soumis à la Commission. Selon une jurisprudence récente, la Cour suprême du Canada a une fois de plus souligné que cela n'est pas le mandat de la cour qui effectue le contrôle judiciaire.

                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Le défendeur ne soulève aucune question pour certification. La demanderesse a jusqu'au 30 janvier 2004, pour soulever une ou plusieurs questions pour certification. Le défendeur aura jusqu'au mercredi 4 février 2004 pour faire part de ses commentaires.

                                                                            « François Lemieux »                      

                                                                                                     Juge                                     

Traduction certifiée conforme

Caroline Raymond, LL.L.                                                                                                                                         


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                    IMM-5772-03

INTITULÉ :                                                   LARA HANNA SLEIMEN

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                           

DATE DE L'AUDIENCE :                           LE 20 JANVIER 2004

LIEU DE L'AUDIENCE :                            TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                  LE JUGE LEMIEUX

DATE DES MOTIFS :                                 LE 22 JANVIER 2004

COMPARUTIONS :

Lara Hanna Sleimen                                         POUR SON PROPRE COMPTE

Jamie Todd                                                      POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lara Hanna Sleimen                                         POUR SON PROPRE COMPTE

Mississauga (Ontario)

Morris Rosenberg                                            POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)


             COUR FÉDÉRALE

                             

Date : 20040122

Dossier : IMM-5772-03

ENTRE :

LARA HANNA SLEIMEN

                                    demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                           défendeur

                                                                                                                 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

                                                                                                                 


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