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Date : 20010515

Dossier : IMM-2291-01

Référence neutre : 2001 CFPI 491

ENTRE :

                                                        SALOME SINO CRUZ

                                                                                                                                 demanderesse

ET

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                         défendeur

                          ORDONNANCE ET MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE BLAIS

[1]                 Il s'agit d'une requête pour mesures provisoires en vue de l'obtention d'un permis de travail.

[2]                 Le 9 mai 2001, la demanderesse a déposé une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue le 27 avril 2001 par laquelle l'agent des visas E.A. Arnott du Consulat général du Canada à New York a rejeté sa demande de permis de travail.


[3]                 Le même jour, la demanderesse a signifié au défendeur une requête pour mesures provisoires en vue de l'obtention d'un permis de travail jusqu'à ce que la Cour rende une décision.

[4]                 La demanderesse a fondé sa requête sur le fait qu'aucun autre recours ne lui permettait de gagner sa vie légalement en attendant que la Cour statue de façon définitive sur son litige.

[5]                 Elle soutient qu'elle ne travaille pas depuis mars 1999 et que, comme il y aura un retard supplémentaire avant que la Cour n'entende la demande sur le fond, elle a instamment besoin de travailler durant cette période.

[6]                 Le 27 avril 2001, l'agent des visas a rejeté la demande de permis de travail qu'a présentée la demanderesse en application du Programme concernant les aides familiaux résidants.

[7]                 À mon avis, la demanderesse cherche à obtenir, quoique sur une base temporaire, l'annulation de la décision par laquelle l'agent des visas Arnott a refusé de lui délivrer un permis de travail.


[8]                 L'avocat du défendeur a raison de prétendre qu'il ne relève pas de la compétence de la Cour, conformément à l'article 18.2 de la Loi sur la Cour fédérale traitant des mesures provisoires, de prendre les mesures provisoires sollicitées par la demanderesse.

[9]                 Dans Strizhko, les demandeurs ont sollicité des mesures provisoires pour qu'un permis ministériel soit accordé jusqu'à ce que la Cour fédérale statue de façon définitive sur la demande contestant la décision par laquelle on avait refusé de délivrer de tels permis. Le juge Dubé a rejeté la demande, concluant ainsi :

L'avocat du ministre ne conteste pas les faits et n'a même pas déposé de dossier au nom du défendeur (en raison de la brièveté des délais et d'un décès survenu dans la famille du confrère chargé de ce dossier). L'avocat du défendeur fait uniquement valoir que la Cour n'est en l'espèce pas compétente pour faire droit à la demande.

L'argument n'est pas négligeable. En effet, selon l'article 18.2 de la Loi, la Section de première instance de la Cour peut, lorsqu'elle est saisie d'une demande de contrôle judiciaire, prendre les mesures provisoires qu'elle estime indiquées avant de rendre sa décision définitive. Mais cette disposition ne saurait être invoquée en lieu et place du contrôle judiciaire prévu à l'article 18.1 de la Loi, qui permet en effet à la Cour d'ordonner à un office fédéral d'accomplir tout acte qu'il a illégalement omis ou refusé d'accomplir ou dont il a retardé l'exécution de manière déraisonnable.

La présente demande conteste essentiellement la décision par laquelle, le 23 juin 1998, M. Spunt a refusé d'autoriser, dans le cadre de cette affaire, la délivrance d'un permis ministériel. Rappelons que, comme le précisait Mme Elaine Cooke dans une lettre en date du 25 juin 1998, cette décision s'appuyait sur le fait que « les représentants canadiens à Moscou, chargés des questions de visa, ne délivrent pas des permis ministériels afin de permettre aux demandeurs de se soustraire au service militaire » . La délivrance ou non d'un permis ministériel relève, à n'en pas douter, de l'appréciation du ministre. Ce pouvoir discrétionnaire doit évidemment être exercé de manière raisonnable. J'estime qu'il n'est pas manifestement déraisonnable de la part du ministre de refuser un permis à un demandeur qui tente de se soustraire au service militaire de son pays. En décider autrement serait inviter des millions de jeunes gens à travers le monde à solliciter un tel permis.

Strizhko c. M.C.I. (1998) 150 F.T.R. 244 (C.F. 1re inst.)


[10]            Dans la décision Encila, qui avait trait au refus de proroger le permis de travail d'un aide familial résidant originaire des Phillippines, le juge Gibson a fait droit à la demande de sursis, mais a conclu qu'il n'avait pas compétence pour accorder des mesures provisoires afin de permettre à la demanderesse de travailler au Canada jusqu'à ce qu'il soit statué sur sa demande de contrôle judiciaire.

Au sujet de l'autre réparation provisoire demandée par la requérante, je n'ai pas compétence pour accorder la réparation qui « ...lui permettrait de travailler au Canada en attendant qu'il soit statué sur la demande [de la requérante] [d'autorisation et de contrôle judiciaire]. »

Dans l'affaire Canada (M.E.I.) c. Kahlon, le juge Mahoney a dit :

...en toute déférence, nous estimons que le juge de première instance a commis une erreur en ordonnant au Ministre de faire délivrer des visas de visiteurs. L'agent des visas avait rejeté la demande de visas, de sorte qu'aucun devoir ne pouvait plus être exécuté par voie de mandamus. Ce bref ordonne l'exécution d'un devoir; il ne peut cependant pas dicter le résultat à atteindre.

En général, je suis convaincu que, par analogie, on peut dire la même chose à l'égard d'une ordonnance visant à accorder un permis de travail ou à exiger de l'intimé qu'il fasse délivrer, rétablir ou proroger un permis de travail. Il existe indubitablement des exceptions à ce principe général. Par exemple, dans l'affaire Martinoff c. Canada, Madame le juge Reed s'est exprimée en ces termes :

Ainsi, lorsque le preneur de décision a donné gain de cause au requérant sur le fond et que le seul point litigieux tient à ce que dans la décision, il a tenu compte d'une considération supplémentaire ou étrangère, un bref de mandamus peut alors être décerné quant au fond de la décision. De plus, si la décision que doit prendre le fonctionnaire compétent n'est pas, de fait, de nature discrétionnaire mais obligatoire, et si les conditions exigées ont été respectées, il peut être rendu une ordonnance de mandamus exigeant une décision positive au fond.

Ni l'une ni l'autre des exceptions citées par Madame le juge Reed ne s'applique aux faits dont je suis saisi. Compte tenu de ces faits, je conclus que je n'ai pas compétence pour accorder un permis de travail, pour enjoindre à l'intimé d'accorder un tel permis ni pour lui enjoindre de rétablir ou de proroger le permis expiré de la requérante. À ce sujet, je me permets de ne pas suivre les précédents établis par le juge en chef adjoint.

Encila c. M.C.I. (1996) 34 Imm. L.R. (2d) 180 (C.F. 1re inst.)

Canada (M.E.I.) c. Kahlon [1986] 3 C.F. 386 (C.A.F.)


[11]            À mon avis, la demanderesse a eu tort de conclure de l'ordonnance du juge Lemieux du 29 juin 2000 qu'elle obtiendrait un permis de travail, et elle a eu tort de conclure que cette ordonnance devrait être considérée comme emportant chose jugée en ce qui touche le permis de travail.

[12]            En fait, l'ordonnance de la Cour renvoie l'affaire à un autre agent des visas pour que celui-ci rende une nouvelle décision, comme le veut la pratique dans de tels cas, et la décision de l'agent des visas de convoquer la demanderesse à une entrevue en août 2000 relevait de son pouvoir discrétionnaire.

[13]            Quoi qu'il en soit, toutes les circonstances entourant la décision qu'a rendue l'agent des visas devraient être examinées à l'audition de la demande de contrôle judiciaire et ne sont pas vraiment pertinentes quant à la présente requête pour mesures provisoires.

[14]            À mon avis, la demanderesse n'a pas convaincu la Cour qu'il convient en l'espèce de prendre des mesures provisoires en vue de la délivrance d'un permis de travail.

[15]            J'ai examiné attentivement la décision Encila et je ne puis conclure que les exceptions qu'a citées le juge Reed dans la décision Martinoff, à laquelle fait référence le juge Gibson, s'appliquent aux faits dont je suis saisi.


[16]            En conséquence, la présente requête pour mesures provisoires est rejetée.

« Pierre Blais »

J.C.F.C.

Montréal (Québec)

Le 15 mai 2001

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

Date : 20010515

Dossier :    IMM-2291-01

ENTRE :

                         SALOME SINO CRUZ

                                                          demanderesse

ET :

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                 défendeur

                                                                                                                     

             ORDONNANCE ET MOTIFS

DE L'ORDONNANCE

                                                                                                                     


                                              COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                       SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                           AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                                            

NO DU GREFFE :                        IMM-2291-01

INTITULÉ DE LA CAUSE :     

SALOME SINO CRUZ

                                                                                                                                     demanderesse

ET

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                                                                                                                                          

LIEU DE L'AUDIENCE :          Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :         Le 14 mai 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE BLAIS

DATE DES MOTIFS :              Le 15 mai 2001

ONT COMPARU :

Vonnie E. Rochester                                                                POUR LA DEMANDERESSE

Daniel Latulippe                                                                        POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Vonnie E. Rochester                                                                POUR LA DEMANDERESSE

Montréal, Québec

Morris Rosenberg                                                                     POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

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