Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

     Date: 1980123

     Dossier: IMM-3986-96

ENTRE

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     requérant,

     et

     TRAN TRUC NGUYEN

     (alias THANH TRUC NGUYEN),

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE GIBSON :

[1]      Ces motifs découlent d'une décision par laquelle la Section d'appel de l'immigration (la SAI) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a annulé la mesure de renvoi dont l'intimé avait fait l'objet. La mesure de renvoi était fondée sur la conclusion selon laquelle l'intimé était un résident permanent qui avait obtenu le droit d'établissement en raison d'une fausse indication sur un fait important, faite par l'intimé lui-même ou par une autre personne. Toutefois, malgré l'objection que le requérant avait soulevée, la SAI a conclu qu'elle avait compétence en vertu du paragraphe 70(1) de la Loi sur l'immigration (la Loi)1 pour examiner l'appel interjeté contre la mesure de renvoi; elle a conclu que la mesure était valide en droit, mais elle l'a néanmoins annulée pour le motif que, eu égard aux circonstances particulières de l'espèce, l'intimé ne devait pas être renvoyé du Canada. La décision de la SAI qui fait l'objet du présent contrôle est datée du 4 octobre 1996.

[2]      Dans cette demande de contrôle judiciaire, je suis uniquement saisi de la question de savoir quelle est la norme de révision qu'il convient d'appliquer et de la question de savoir si, compte tenu de cette norme, la SAI a commis une erreur susceptible de révision en concluant qu'elle avait compétence pour entendre l'appel de l'intimé.

[3]      Dans le jugement Canada (Minister of Citizenship and Immigration) v. Hundal2, Monsieur le juge Rothstein a dit ceci, à la page 312 :

             L'avocat de l'intimé a soutenu qu'étant donné la disposition privative concernant la compétence de la section d'appel au paragraphe 69.4(2) de la Loi sur l'immigration, cette Cour devrait faire preuve de déférence judiciaire en étudiant les appels juridictionnels des décisions de la section d'appel. Le paragraphe 69.4(2) prévoit ce qui suit :                 
             69.4 (2) La section d'appel a compétence exclusive, dans le cas des appels visés aux articles 70, 71 et 77, pour entendre et juger sur des questions de droit et de fait " y compris en matière de compétence " relatives à la prise d'une mesure de renvoi ou au rejet d'une demande de droit d'établissement présentée par un parent.                         
         Vu ma décision de confirmer la décision de la section d'appel, il ne m'est pas nécessaire d'examiner la question de la déférence judiciaire et le sens du paragraphe 69.4(2).                 

[4]      L'avocat de l'intimé a soutenu que le paragraphe 69.4(2) équivalait à une clause privative et que cette cour devrait donc faire preuve de retenue à l'égard de la conclusion que la SAI avait tirée en l'espèce au sujet de sa compétence, puisque cette conclusion n'était pas manifestement déraisonnable. Je conclus que le paragraphe 69.4(2) n'est pas, par sa nature, une clause privative en ce qui concerne la présente demande, en ce sens qu'il n'y est absolument pas question de la compétence que possède cette cour dans le cadre du contrôle judiciaire d'une décision que la Division d'appel a rendue au sujet de sa propre compétence. Cela étant, je ne puis constater l'existence d'aucun motif me permettant de conclure qu'il faut faire preuve d'une retenue spéciale à l'endroit de la SAI. La conclusion relative à la compétence dans le contexte de la présente espèce est essentiellement une question d'interprétation légale par rapport aux faits dont disposait la SAI. Dans ces conditions, je suis convaincu que la SAI n'est pas mieux placée que cette cour, dans le cadre du contrôle judiciaire de la décision de la SAI, pour accomplir cette tâche3.

[5]      J'examinerai maintenant la décision que la SAI a rendue au sujet de la question de la compétence. Dans le jugement Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration c. Yu4, Monsieur le juge Dubé était saisi d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision que la SAI avait rendue au sujet de sa compétence en vertu du paragraphe 70 de la Loi à l'égard de faits fort semblables à ceux de la présente espèce. Je souscris entièrement à l'analyse effectuée par Monsieur le juge Dubé dans ce jugement-là et je la fais mienne. Sur la base de cette analyse, j'arrive à la même conclusion que celle qu'a tirée mon savant collègue : la SAI n'avait pas compétence pour entendre cet appel. Comme dans l'affaire Yu, les principaux motifs justifiant la délivrance d'un visa à l'intimé avaient cessé d'exister avant la délivrance de ce visa. Le visa sur lequel l'intimé s'est fondé était nul au moment où il a été délivré.

[6]      Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est accueillie.

[7]      Dans le jugement Yu, Monsieur le juge Dubé a certifié une question à triple volet. Les deux avocats qui ont comparu devant moi ont convenu qu'il serait approprié de certifier les deux premières parties de cette question en l'espèce; quant à la troisième partie, elle n'a pas été débattue devant moi. La question énoncée ci-après est donc certifiée :

         La SAI a-t-elle compétence, en vertu du paragraphe 70(1), pour entendre l'appel d'une personne qui a obtenu le droit d'établissement sur la base d'une fausse indication qu'elle avait faite? En particulier, une personne qui a obtenu le droit d'établissement sur la base d'une fausse indication a-t-elle obtenu l'"autorisation de s'établir au Canada" de façon à être un "résident permanent" habilité à interjeter appel en vertu du paragraphe 70(1) de la Loi sur l'immigration ?                 

     "Frederick E. Gibson"

    

     Juge

Toronto (Ontario),

le 23 janvier 1998.

Traduction certifiée conforme

François Blais, LL.L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

Avocats et procureurs inscrits au dossier

DOSSIER :      IMM-3986-96

INTITULÉ DE LA CAUSE :      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

     et

     TRAN TRUCK NGUYEN

     (alias THANH TRUC NGUYEN)

     et

DATE DE L'AUDIENCE :      LE 20 JANVIER 1998

LIEU DE L'AUDIENCE :      TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU      JUGE GIBSON
     EN DATE DU 23 JANVIER 1998

ONT COMPARU :

     Leena A. Jaakkimainen
         pour le requérant
     Lloyd W. MacIlquham
         pour l'intimé

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

     George Thomson
     Sous-procureur général du Canada
         pour le requérant

     55, Town Centre Court

     Bureau 519

     Scarborough (Ontario)
     M1P 4X4

         pour l'intimé

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Date: 19980123

     Dossier: IMM-3986-96

ENTRE

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

     requérant,

et

TRAN TRUC NGUYEN

(alias THANH TRUC NGUYEN)

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

__________________

     1      L.R.C. (1985), ch. I-2.

     2      (1995), 96 F.T.R. 306; (1996), 36 Imm. L.R. (2d) 153 (C.A.F.).

     3      Voir, par exemple, Canada (P.G.) c. Alliance de la Fonction publique du Canada, [1991] 1 R.C.S. 614; U.E.S. Local 298 c. Bibeault, [1988] 2 R.C.S. 1048.

     4      6 juin 1997, dossier du greffe IMM-1264-96 (inédit) (C.F. 1re inst.).

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.