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Date : 19990610


Dossier : IMM-3915-98

Entre :

     PITA TSHIMANGA

     Partie demanderesse

Et:

     LE MINISTRE

     Partie défenderesse

     MOTIFS D'ORDONNANCE

LE JUGE ROULEAU

[1]      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire interjetée à l'encontre de la décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié ("la Commission") rendue le 2 juillet 1998, selon laquelle le demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention.

[2]      Le demande veut une ordonnance infirmant la décision de la Commission et renvoyant son dossier devant différents commissaires.

[3]      Le demandeur est un citoyen de la République Démocratique du Congo (RDC) (ex-Zaïre). Il revendique le statut de réfugié sur la base de ses opinions politiques.

[4]      Le demandeur a terminé ses études secondaires en juillet 1996. Il a joint le parti de l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) parce que tous les membres de sa famille en font partie. Son père est très actif au sein du parti et est un ami personnel de M. Tshisékédi, le chef du parti; il organisait plusieurs réunions de l'UDPS à la maison.

[5]      Le 9 avril 1997, le demandeur et d'autres membres de l'UDPS ont accompagné M. Tshisékédi à la Primature suite à sa destitution par Mobutu, le président du pays à l'époque. Alors que le groupe se trouvait sur la Place Mandela, les soldats de la DSP et de la Garde civile les ont dispersés en lançant des gaz lacrymogènes. Ils ont remané M. Tshisékédi de force chez lui.

[6]      Des patrouilles circulaient partout en ville. Le demandeur a été appréhendé près de sa maison alors qu'il tenait encore une banderole proclamant "Étienne Tshisékédi à la Primature/Fini la dictature". Après l'avoir maltraité et menacé de mort, les soldats ont pillé la maison du demandeur.

[7]      Le lendemain, des rumeurs circulainet que Mobutu voulait se débarrasser des étudiants fauteurs de trouble. Le demandeur s'est alors réfugié chez un oncle à Malete et n'est plus retourné chez lui. Il a quitté la RDC le 26 avril 1997. Il est arrivé au Canada le 5 mai 1997 et est devenu membre de l'UDPS Canada.

[8]      La Commission est d'avis que le demandeur n'a pas établi une crainte bien fondée de persécution. Cette conclusion se fonde sur l'absence de crédibilité du demandeur quant aux aspects essentiels de sa revendication et l'absence de fondement objectif de la crainte de persécution du demandeur.

[9]      La Commission a douté de la participation du demandeur à la manifestation. La preuve documentaire ne rapporte aucune manifestation à la Place Mandela à cette date là. On rapporte cependant une manifestation devant la résidence de M. Tshisékédi qui aurait été dispersée par la force.

[10]      De plus, l'interpellation du demandeur par les soldats est peu conforme à la pratique courante. En effet, ces soldats ont tendance à arrêter les manifestants et les détenir dans des cachots. Le demandeur n'a jamais été arrêté, ni détenu.

[11]      Le demandeur n'a pas pu se souveniri du nom de la cellule de l'UDPS à laquelle il appartenait à Kinshasa.

[12]      Le demandeur a déposé en preuve une attestation de l'UDPS datée du 18 juillet 1997, prétendument signée par M. Tshisékédi. Elle se lit comme suit:

                 Son fils, Pierre Pita Tshimanga est également un membre activiste dont la sécurité est constamment en danger de part surtout les activités politiques de son père et a été victime, à maintes reprises, des humiliations et traitements dégradants au point de se voir dans l'obligation de s'exiler à l'étranger.                 

[13]      La Commission a douté de l'authenticité du document. La déclaration est exagérée, le demandeur n'ayant rapporté qu'une seule instance où il a éprouvé des problèmes avec les autorités.

[14]      Enfin, le demandeur a témoigné qu'il n'habitait pas avec son père qui s'était séparé de sa mère. Les autres enfants de son père sont aussi membres de l'UDPS. Le père et les aînés travaillent dans l'entreprise familiale. Il était invraisemblable, selon la Commission, que les autorités s'en prennent au demandeur plutôt qu'à son père qui est un membre plus actif.

[15]      Il y a eu un changement de régime à la RDC en mai 1997. Le pays est désormais présidé par Laurent-Désiré Kabila. À l'instar du régime Mobutu, le gouvernement Kabila ne tolère aucune oppsotion politique. Le demandeur a premièrement déclaré ne pas savoir s'il devait craindre le nouveau régime. Puis, il a affirmé craindre d'être persécuté à la RDC étant donné son intention de continuer de s'exprimer sur les questions politiques.

[16]      La Commission a conclu que la crainte du demandeur n'était pas fondée; il était improbable que le nouveau régime ait un intérêt pour le demandeur relativement à son éventuelle implication politique.

[17]      Les questions en litige sont les suivantes: (1) Est-ce que la Commission a erré en ne confrontant pas le demandeur quant au doute sur l'authenticité de l'attestation de l'UDPS qu'il a fournie en preuve; et (2) Est-ce que la Commission a erré en jugeant que le demandeur n'a pas de raison de craindre pour sa vie s'il devait retourner en RDC?

[18]      Le demandeur soumet que l'attestation de son appartenance à l'UDPS était l'élément le plus important de la preuve. Elle confirmait qu'il était membre de l'UDPS à la RDC, qu'il avait eu des problèmes en raison de ses activités politiques et que son père est un ami de M. Tshisékédi. La Commission aurait dû mentionner son doute quant à l'authenticité du document au demandeur afin de lui permettre de fournir des explications. De même, la Commission aurait pu faire authentifier la signature de M. Tshisékédi par un expert.

[19]      Tout d'abord, je suis d'avis que le tribunal a donné des motifs suffisants et raisonnables pour avoir rejeté l'attestation. Les allégations contenues dans l'attestation sont manifestement exagérées par rapport au récit du demandeur. En effet, ce dernier a témoigné avoir été interpellé une seule fois par des soldats suite à une manifestation. Or, l'attestation indique qu'il a été victime de mauvais traitement à plusieurs reprises.

[20]      Le demandeur n'explique pas la contradiction dans son affidavit. De plus, dans son mémoire, il écrit:

                 Même si l'auteur a semblé exagéré les faits (ce n'est pas nécessairement M. Tshisékédi qui a rédigé l'attestation), le document peut être authentique.                 

[21]      Une confrontation avec le demandeur au sujet de la contradiction aurait été sans conséquence. Les prétentions du demandeur confirment que la Section du statut était justifiée de conclure comme elle l'a fait.

[22]      Le demandeur a aussi suggéré que la Commission aurait pu faire authentifier la signature de M. Tshisékédi. Tout d'abord, la Commission a douté de l'attestation parce qu,elle était exagérée et non pas parce qu'elle était signée par M. Tshisékédi. De toute façon, il n'appartient pas à la Commission de prouver le bien-fondée de la revendication du demandeur. Dans l'affaire Culinescu c. M.C.I. (17 septembre 1997), IMM-3395-96, on a soumis que la Commission avait l'obligation de faire expertiser un document dont elle doutait de l'authenticité. La Cour a répondu:

                 La Commission n'avait aucune obligation d'agir de la sorte. Il suffit qu'elle dispose de suffisamment d'éléments de preuve pour mettre en question l'authenticité de la citation à procès pour conclure que le témoignage des requérants était invraisemblable.                 

[23]      Le gouvernement Kabila ne tolère aucune opposition politique. Les membres de l'UDPS qui participent aux manifestations risquent d'être arrêtés, détenus et maltraités. Le demandeur et sa famille sont connus comme étant des militants de l'UDPS. Selon le demandeur, ces éléments démontrent qu'il a une crainte bien fondée de persécution à la RDC.

[24]      Un demandeur doit prouver l'existence d'une possibilité raisonnable ou sérieuse qu'il soit persécuté dans son pays d'origine pour un des motifs énumérés à la Convention; voir Adjei c. M.E.I. (1989), 2 C.F. 680 (C.A.F.). Le demandeur n'attaque nullement les conclusions de la Commission au sujet de la crédibilité de sa revendication dans son mémoire. Or, les implausibilités relevées dans son témoignage mettent en doute la véracité du récit des événements qui l'ont conduit à quitter la RDC, voire même son appartenance ou sa participation active dans l'UDPS. Il n'y a aucune indication que les membres de sa famille, pourtant si actifs au sein de l'UDPS, ont été menacés par les autorités actuelles. Les conclusions de la Commission sont parfaitement raisonnables.

[25]      La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[26]      De consentement, il a été déterminé qu'il n'y a aucune question sérieuse à trancher.

                                     JUGE

OTTAWA, Ontario

Le 10 juin 1999

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