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Date : 20050603

Dossier : T-1103-03

Référence : 2005 CF 804

Ottawa (Ontario), le 3 juin 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'KEEFE

ENTRE :

REDLON AGENCIES LTD.

demanderesse

et

ARVINE NORGREN

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire en application de l'article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R., 1985, ch. F-7, de la décision du 29 mai 2003 rendue par Judi Korbin, arbitre (l'arbitre) nommée en application du Code canadien du travail, L.R., 1985, ch. L-2 ( « le Code » ) par laquelle celle-ci a statué que le défendeur avait été congédié injustement de l'emploi qu'il occupait chez la demanderesse et ordonné que la demanderesse verse au défendeur des dommages-intérêts à la place de la réintégration dans l'emploi.

[2]                Voici les demandes formulées par la demanderesse :

1.          une ordonnance annulant la décision rendue par Judi Korbin le 29 mai 2003 et accordant à Arvine Norgren la somme de 5 500 $ à la place de la réintégration dans l'emploi.

2.          Une ordonnance selon laquelle il n'a pas droit à des dommages-intérêts ou à une indemnité de départ.

3.          Toute autre réparation que la Cour peut juger pertinente.

4.                   Les dépens de la présente demande.

Contexte

[3]                Redlon Agencies Ltd. (la demanderesse) a été constituée en 1986 en Colombie-Britannique. Elle est actuellement une société par actions inscrite en Colombie-Britannique et qui détient un permis de livraison de colis dans la municipalité de Powell River. La demanderesse a effectué du travail à contrat pour Postes Canada depuis 1986, dans le cadre de divers contrats de service urbain fusionné (DCUS). Le défendeur était à l'emploi de la demanderesse depuis 1998.

[4]                En juillet 2001, le contrat de la demanderesse arrivait à échéance mais, puisqu'elle n'était pas assurée qu'il serait renouvelé, elle a répondu à un appel d'offres de Postes Canada demandant des soumissions pour la fourniture de services de livraison de courrier et de colis dans la région de Powell River, dans le cadre d'un contrat DCUS. La soumission de la demanderesse a été retenue.

[5]                Certaines allégations ont été formulées sur la capacité du défendeur de continuer à effectuer son travail mais, quoi qu'il en soit, la demanderesse a gardé à son emploi le défendeur pendant un certain temps après l'obtention du contrat.

[6]                Dans une lettre datée du 22 avril 2002, la demanderesse a donné au défendeur un préavis de quatre semaines lui annonçant qu'il serait congédié le 16 mai 2002 de son poste de chauffeur de camion de livraison du courrier, apparemment selon l'interprétation faite par la demanderesse d'une disposition sur la mise à la retraite dans la British Columbia Employment Standards Act, R.S.B.C. 1996, chapitre 114.

[7]                Le défendeur a présenté une plainte de congédiement injuste en vertu du Code. Dans une lettre datée du 28 août 2002, les parties ont été informées qu'une arbitre avait été nommée par le ministre du Travail de l'époque, en application du Code, pour statuer sur la plainte.

La décision de l'arbitre

[8]                L'arbitre a d'abord traité la question préliminaire de sa compétence. La demanderesse s'était opposée à l'application du Code à la question, du fait que ses activités commerciales sont régies par la législation provinciale. L'arbitre a mentionné qu'un avis de question constitutionnelle avait été envoyé aux procureurs généraux des provinces et du Canada. Seul le Procureur général du Canada a répondu; il indiquait qu'il n'interviendrait pas.

[9]                L'arbitre a d'abord traité divers éléments du contrat DCUS et du supplément connexe sur le service urbain fusionné (le supplément), puis a relevé les composantes de la relation entre la société et Postes Canada en vertu du contrat DCUS et du supplément. Par exemple, l'arbitre a noté ce qui suit : (i) le contrat DCUS vise le transport d'objets qui peuvent être transmis par la poste par Postes Canada conformément à l'horaire; (ii) la société fournit trois ou quatre fourgonnettes et le personnel qui les exploite afin de livrer les produits à Powell River (Colombie-Britannique); (iii) la société traite les sacs de courrier pour les boîtes postales, les colis à livrer, une partie du courrier recommandé et une partie des colis et du courrier exprès destinés aux foyers et entreprises de Powell River; (iv) la contravention aux conditions du supplément (qui énonce les conditions du contrat DCUS) constitue une faute qui peut avoir des répercussions graves, y compris l'annulation du contrat DCUS; (v) le contrat DCUS désigne l'entrepreneur et ses employés comme mandataires de Postes Canada; (vi) Postes Canada définit les procédures de livraison que la société respecte; (vii) il n'existe pas de « liste de clients » , mais les clients sont les particuliers et les entreprises qui ont choisi d'utiliser les services postaux fournis par Postes Canada.

[10]            L'arbitre a pris note de l'observation de la demanderesse selon laquelle les clients qu'elle dessert utilisent simplement un service de livraison. Puisque ses activités commerciales sont de nature provinciale, elles sont régies à ce titre par la législation provinciale. Elle avait donc le droit de mettre le défendeur à la retraite en vertu de la législation provinciale sur la retraite; elle ajoute que les dispositions du Code sur le congédiement injuste ne s'appliquent pas en l'espèce.

[11]            L'arbitre a statué que si l'examen des activités normales et courantes de la société demanderesse l'amenait à conclure que celle-ci est, en totalité ou en partie, une partie intégrante des activités de Postes Canada, la demanderesse relève de la législation fédérale et le Code s'applique.

[12]            Pour statuer sur sa propre compétence, l'arbitre s'est appuyée sur la méthode et l'analyse de la décision de l'ancien Conseil canadien des relations du travail dans Muir's Cartage Ltd. and Canada Post Corporation (1992), 17 C.L.R.B.R. (2d) 182 (conf. par la C.A.F.), demande d'autorisation d'interjeter appel rejetée par [1994] S.C.C.A. N º . 50. L'arbitre a noté que, dans Muir's Cartage, précité, le conseil a appliqué le critère à trois volets énoncé par la Cour suprême du Canada dans Northern Telecom Ltée c. Travailleurs en communication du Canada et autres, [1980] 1 R.C.S. 115, qui a été appliqué en relation avec les services postaux dans Canada Post Corporation and Shoppers Drug Mart Limited (1987), 1 C.L.R.B.R. (2d) 218 (conf. par la C.A.F.) de la manière suivante :

1.                   Postes Canada est-elle une entreprise fondamentalement fédérale?

L'arbitre a statué que c'était le cas, en raison de l'exclusivité de la compétence législative du Parlement fédéral à l'égard des services postaux.

2.          a)          Est-ce que cette activité fait partie des activités normales de l'employeur?

b)          Est-ce que cette activité constitue, en tout ou en partie, une partie intégrante des activités commerciales de Postes Canada?

a)          L'arbitre s'est exprimée en ces termes :

[TRADUCTION]

La défenderesse (Redlon) a confirmé que ses employés remplissent la paperasserie nécessaire fournie par Postes Canada pour le traitement des envois C.R., des colis par exprès et des objets non distribuables et qu'ils utilisent l'équipement, des numériseurs fourni par Postes Canada pour prendre part au suivi des articles susceptibles d'être postés dans le réseau de Postes Canada. En effet, comme dans l'affaire Muir's, la défenderesse participait directement à l'accomplissement du mandat de Postes Canada conformément aux alinéas 5(1)a) et b) de sa loi habilitante. Après avoir examiné attentivement les observations et la preuve documentaire, j'estime qu'au moins une partie des activités de l'intimée concernait l'accomplissement de ses obligations en application du contrat DCUS, soit la fraction des activités où travaillait l'appelant, et qu'elle visait la prestation de services postaux.

b)          L'arbitre a noté que l'apport de la société à la prestation de services postaux à Powell River, une petite collectivité de la Colombie-Britannique, était important en volume et en qualité. L'arbitre poursuivait :

[TRADUCTION]

... J'estime que sans la participation de l'intimée (ou celle d'un autre entrepreneur), la capacité de Postes Canada de fournir les services postaux à Powell River serait compromise. Sans l'intimée, ou un autre entrepreneur, Postes Canada devrait, soit fournir les services elle-même avec ses propres employés, soit décider d'interrompre ou de réduire les services postaux dans cette collectivité. Par conséquent, j'estime que les activités postales de l'intimée sont une partie intégrante des activités de Postes Canada.

3.          Existe-t-il une relation concrète et fonctionnelle entre l'employeur et Postes Canada?

L'arbitre a noté des liens quotidiens nombreux et constants entre la société et Postes Canada, puis conclu qu'il existait une relation concrète et fonctionnelle entre la société et Postes Canada. L'arbitre a souligné aussi qu'au moins trois des employés de la société étaient affectés exclusivement aux services décrits dans le contrat DCUS et le supplément, chaque jour et pendant une fraction importante de la journée. L'arbitre a aussi constaté ce qui suit :

[TRADUCTION]

La défenderesse se définit comme un service de livraison, mais les faits qu'elle a elle-même transmis ainsi que les conditions décrites dans le contrat DCUS et le supplément révèlent que ses activités constituent un apport important aux activités postales à Powell River et que ces activités sont à leur tour liées à celles de Postes Canada, ce qui permet à cette dernière d'accomplir son mandat. L'intégration harmonieuse des activités de la défenderesse aux réseaux et exigences opérationnelles de Postes Canada est une condition essentielle du fonctionnement efficace et efficient de services postaux à Powell River et, même si la défenderesse peut être remplacée, elle offre actuellement un lien nécessaire entre Postes Canada et sa clientèle de Powell River.

[13]       L'arbitre a donc statué que le travail du demandeur faisait partie intégrante des activités de Postes Canada à Powell River et que, conséquemment, elle était compétente pour statuer sur la plainte de congédiement injuste.

[14]       Après avoir établi sa compétence pour statuer sur la plainte, l'arbitre a conclu que le défendeur avait été congédié injustement. Voici un extrait de cette décision :

[TRADUCTION]

Le bien-fondé de la plainte

Compte tenu de toutes les circonstances de l'espèce, j'estime que l'intimée a congédié l'appelant sans motif valable. L'intimée pouvait avoir des réserves au sujet du rendement de l'appelant et de sa capacité de continuer à accomplir son travail de façon sûre et efficace. Cependant, aucun élément de preuve ne m'a été soumis afin de démontrer que l'intimée avait déjà parlé de ses inquiétudes avec l'appelant avant son congédiement. Par conséquent, rien ne prouvait que l'appelant avait eu l'occasion de calmer les préoccupations de l'intimée ou de corriger toute déficience apparente de son rendement. Aucun élément de preuve ne donnait non plus à penser que le congédiement aurait pu être justifié pour d'autres motifs légitimes ou valables. On m'a transmis uniquement la lettre de congédiement qui remercie l'appelant de ses efforts et le félicite de sa constance. À partir de cet élément de preuve, rien ne me permet de penser que le rendement de l'appelant n'était pas satisfaisant. Par conséquent, j'estime que l'intimée n'avait pas de motif valable pour congédier l'appelant.

Réparation

Le paragraphe 242(4) du Code, qui énonce mes compétences en matière de réparation, est libellé comme suit :...

L'appelant m'a informée qu'il ne souhaite pas retourner à son lieu de travail. Par conséquent, j'estime qu'une ordonnance en vertu de l'alinéa 242(4)c) est appropriée.

J'ai tenu compte de toutes les circonstances pertinentes en l'espèce, y compris le fait que l'appelant ne cherche pas à retourner au travail pour cet employeur, son ancienneté au moment du congédiement, le type d'emploi qu'il occupait et son âge.

Par conséquent, j'estime que l'appelant a droit à une indemnité de 5 500 $, moins les retenues obligatoires, au lieu de la réintégration dans l'emploi.

Les questions en litige

[15]       1.          L'arbitre a-t-elle commis une erreur en statuant qu'elle était compétente pour entendre la plainte en vertu du Code canadien du travail?

2.          L'arbitre a-t-elle commis une erreur en accordant des dommages-intérêts au demandeur pour congédiement injustifié?

Les observations de la demanderesse

[16]       Question 1 (la compétence)

La demanderesse a prétendu que, d'une part, en tant que société inscrite en Colombie-Britannique exerçant ses activités commerciales uniquement à l'intérieur de cette province et, d'autre part, selon les renseignements reçus de sources diverses y compris Postes Canada, elle ne devrait pas être réputée assujettie aux dispositions du Code. La demanderesse a soutenu que M. Norgren a communiqué avec la Employment Standards Branch de la Colombie-Britannique et qu'il a été informé qu'une société inscrite en Colombie-Britannique n'exerçant pas ses activités à l'extérieur de la province est régie par les normes du travail de la Colombie-Britannique.

[17]       La demanderesse a soutenu que tout au long de l'existence de l'entreprise, les documents et la correspondance relatifs aux questions d'emploi, notamment aux normes de travail, provenaient uniquement du ministère provincial. Avant le dépôt de la plainte du défendeur, la demanderesse n'a jamais reçu de renseignement ou de communication de la part de Travail Canada sur les conditions ou les normes de travail, comme cela aurait dû être le cas si elle avait été vraiment assujettie au Code.

[18]       La demanderesse a allégué que l'arbitre avait donc commis une erreur en statuant qu'elle était assujettie au Code.

[19]       Question 2 (retraite et indemnité)

La demanderesse a soutenu que le défendeur avait demandé à travailler pour la demanderesse jusqu'à ce qu'il atteigne l'âge de la retraite aux fins du paiement des prestations de la sécurité de la vieillesse et des prestations de retraite du Régime de pensions du Canada, (environ deux ans et demi plus tard). La demanderesse avait l'intention d'embaucher le défendeur pour une brève période seulement (environ deux ans) pour lui confier la livraison de colis pour Postes Canada.

[20]       La demanderesse a affirmé qu'elle avait reçu des plaintes au sujet du défendeur et qu'elle avait remarqué que ce dernier avait de plus en plus de difficulté à accomplir les tâches de ses fonctions, y compris soulever des colis et les charger dans la fourgonnette. Elle a donc décidé de mettre fin à l'emploi du défendeur parce qu'il avait atteint l'âge de la retraite selon la législation de la Colombie-Britannique, mesure qu'elle a le droit de prendre en tant que société sise dans cette province.

[21]       La demanderesse a prétendu que, conformément aux normes du travail de la Colombie-Britannique, le 22 avril 2002 elle a donné au demandeur un avis selon lequel son emploi prenait fin parce qu'il faisait partie de la catégorie des personnes ayant atteint l'âge de la retraite et ce, à compter du 16 mai 2002. Il s'agissait d'un préavis de quatre semaines. Dans ses observations à l'arbitre, la demanderesse a soutenu qu'elle avait été informée par les ministères provincial et fédéral compétents qu'à partir du moment où un employé atteint l'âge de 65 ans, son employeur peut lui faire prendre sa retraite.

[22]       La demanderesse a soutenu de plus que, de toute manière, selon les dispositions du Code, l'employeur n'est pas tenu de verser une indemnité de départ à l'employé qui « ... acquiert le droit dès sa cessation d'emploi - ou avait déjà droit...à la pension prévue par la Loi sur la sécurité de la vieillesse ou à une pension ou rente de retraite accordée aux termes du Régime de pensions du Canada ou du Régime de rentes du Québec » .

[23]       Selon la demanderesse, le défendeur a atteint l'âge où il a droit à une pension, comme l'indique l'annexe A de l'affidavit de David Redlon, déposé sous serment le 13 août 1994.

[24]       Par conséquent, puisque le défendeur n'était pas autorisé à obtenir une indemnité de départ, l'arbitre a commis une erreur en accordant une indemnité au défendeur.

Les observations du défendeur

[25]       Le défendeur n'a pas déposé d'affidavits ou de mémoire. Par conséquent, il n'y a pas de réponse aux observations de la demanderesse.

[26]       Dans ses observations à l'arbitre, le défendeur a déclaré qu'il n'avait connaissance d'aucun motif d'insatisfaction de l'employeur et qu'il n'avait jamais dit qu'il prévoyait prendre sa retraite à partir du moment où il atteindrait l'âge qui lui donne droit à une pension.

Les dispositions législatives pertinentes

[27]       Voici un extrait de la Loi constitutionnelle de 1867, 30-31 Vict., ch.3, (R.-U.) publiée dans L.R.C. (1985), Annexe II, n º 5 :

91. Il sera loisible à la Reine, de l'avis et du consentement du Sénat et de la Chambre des Communes, de faire des lois pour la paix, l'ordre et le bon gouvernement du Canada, relativement à toutes les matières ne tombant pas dans les catégories de sujets par la présente loi exclusivement assignés aux législatures des provinces; mais, pour plus de garantie, sans toutefois restreindre la généralité des termes ci-haut employés dans le présent article, il est par la présente déclaré que (nonobstant toute disposition contraire énoncée dans la présente loi) l'autorité législative exclusive du parlement du Canada s'étend à toutes les matières tombant dans les catégories de sujets ci-dessous énumérés, savoir :

91. It shall be lawful for the Queen, by and with the Advice and Consent of the Senate and House of Commons, to make Laws for the Peace, Order, and good Government of Canada, in relation to all Matters not coming within the Classes of Subjects by this Act assigned exclusively to the Legislatures of the Provinces; and for greater Certainty, but not so as to restrict the Generality of the foregoing Terms of this Section, it is hereby declared that (notwithstanding anything in this Act) the exclusive Legislative Authority of the Parliament of Canada extends to all Matters coming within the Classes of Subjects next hereinafter enumerated; that is to say,

. . .

. . .

5. Le service postal.

. . .

5. Postal Service

. . ..

[28]       Voici le libellé de la partie III du Code :

167. (1) La présente partie s'applique :

167. (1) This Part applies

a) à l'emploi dans le cadre d'une entreprise fédérale, à l'exception d'une entreprise de nature locale ou privée au Yukon, dans les Territoires du Nord-Ouest ou au Nunavut;

(a) to employment in or in connection with the operation of any federal work, undertaking or business other than a work, undertaking or business of a local or private nature in Yukon, the Northwest Territories or Nunavut;

b) aux employés qui travaillent dans une telle entreprise;

(b) to and in respect of employees who are employed in or in connection with any federal work, undertaking or business described in paragraph (a);

c) aux employeurs qui engagent ces employés;

. . .

(c) to and in respect of any employers of the employees described in paragraph (b);

. . .

[29]       L'article 2 du Code définit de la manière suivante l'expression « entreprises fédérales » :

« entreprises fédérales » Les installations, ouvrages, entreprises ou secteurs d'activité qui relèvent de la compétence législative du Parlement, notamment :

"federal work, undertaking or business" means any work, undertaking or business that is within the legislative authority of Parliament, including, without restricting the generality of the foregoing,

. . .

. . .

h) les ouvrages ou entreprises qui, bien qu'entièrement situés dans une province, sont, avant ou après leur réalisation, déclarés par le Parlement être à l'avantage général du Canada ou de plusieurs provinces;

(h) a work or undertaking that, although wholly situated within a province, is before or after its execution declared by Parliament to be for the general advantage of Canada or for the advantage of two or more of the provinces,

i) les installations, ouvrages, entreprises ou secteurs d'activité ne ressortissant pas au pouvoir législatif exclusif des législatures provinciales;

(i) a work, undertaking or business outside the exclusive legislative authority of the legislatures of the provinces, and

[30]       Voici le libellé d'autres dispositions pertinentes du Code :

(2) Pour l'application de la présente section :

235(2) For the purposes of this Division,

a) sauf disposition contraire d'un règlement, la mise à pied est assimilée au licenciement;

(a) except where otherwise provided by regulation, an employer shall be deemed to have terminated the employment of an employee when the employer lays off that employee; and

b) l'employeur est réputé ne pas avoir licencié l'employé dans le cas où celui-ci acquiert le droit dès sa cessation d'emploi C ou avait déjà droit C à une pension accordée aux termes d'un régime de pensions auquel cotise l'employeur et qui est enregistré en conformité avec la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension, à la pension prévue par la Loi sur la sécurité de la vieillesse ou à une pension ou rente de retraite accordée aux termes du Régime de pensions du Canada ou du Régime de rentes du Québec.

(b) an employer shall be deemed not to have terminated the employment of an employee where, either immediately on ceasing to be employed by the employer or before that time, the employee is entitled to a pension under a pension plan contributed to by the employer that is registered pursuant to the Pension Benefits Standards Act, 1985, to a pension under the Old Age Security Act or to a retirement pension under the Canada Pension Plan or the Quebec Pension Plan.

242(4) S'il décide que le congédiement était injuste, l'arbitre peut, par ordonnance, enjoindre à l'employeur :

242(4) Where an adjudicator decides pursuant to subsection (3) that a person has been unjustly dismissed, the adjudicator may, by order, require the employer who dismissed the person to

a) de payer au plaignant une indemnité équivalant, au maximum, au salaire qu'il aurait normalement gagné s'il n'avait pas été congédié;

(a) pay the person compensation not exceeding the amount of money that is equivalent to the remuneration that would, but for the dismissal, have been paid by the employer to the person;

b) de réintégrer le plaignant dans son emploi;

(b) reinstate the person in his employ; and

c) de prendre toute autre mesure qu'il juge équitable de lui imposer et de nature à contrebalancer les effets du congédiement ou à y remédier.

(c) do any other like thing that it is equitable to require the employer to do in order to remedy or counteract any consequence of the dismissal.

Analyse et décision

[31]       La norme de contrôle judiciaire

La norme de contrôle à appliquer à la question de la compétence de l'arbitre est la décision correcte (voir Przybyszewski c. Metis Nation of Ontario [2004], A.C.F. N º 1328 (QL) (C.F.)).

[32]       En ce qui concerne la conclusion de congédiement injuste par l'arbitre et l'attribution de dommages-intérêts, la norme de contrôle est la décision manifestement déraisonnable (voir Air Charter Ltd. c. KMET [1998] A.C.F. N º 740 (QL) (C. F., 1ère inst.)).

[33]       Question 1

L'arbitre a-t-elle commis une erreur en statuant qu'elle était compétente pour entendre la plainte en application du Code canadien du travail?

Le paragraphe 91(5) de la Loi constitutionnelle de 1867 attribue la compétence exclusive sur le service postal au gouvernement fédéral. Dans presque tous les cas, les relations de travail sont jugées comme relevant de la compétence provinciale en application du libellé du paragraphe 92(13) de la Loi constitutionnelle de 1867 : « La propriété et les droits civils dans la province » . Ce principe a été confirmé par l'arrêt Toronto Electric Commissioners c. Snider, [1925] A.C. 396. Le travail et les relations de travail peuvent devenir des chefs de compétence fédéraux de l'une des deux façons suivantes : premièrement, si l'activité en cause est un ouvrage, une entreprise ou un secteur d'activité fédéraux; deuxièmement, si l'activité fait « partie intégrante » d'un ouvrage ou d'une entreprise à caractère fédéral qui existe déjà (voir Travailleurs unis des transports c. Central Railway Corp., [1990] 3 R.C.S. 1112; Reference re Industrial Relations and Dispute Investigation Act (Canada) (1955) 3 D.L.R. 721 (C.S.C.)). Aux pages 34 et 35 de l'arrêt Re Arrow Transfer Co. Ltd., [1974] 1 C.L.R.B.R. 20, le président de la Commission des relations du travail de la Colombie-Britannique mentionnait que pour décider si une activité fait « partie intégrante » de l'entreprise fondamentalement fédérale, [traduction] « il faut dans chaque cas porter un jugement fonctionnel et pratique sur les caractéristiques concrètes de l'entreprise dans sa permanence et ne pas s'arrêter aux aspects techniques, ni aux subtilités juridiques concernant la structure de l'entreprise ou des relations d'emploi » .

[34]       Dans Letter Carriers' Union of Canada c. Canadian Union of Postal Workers, [1975] 1 R.C.S. 178, la Cour suprême du Canada a statué que le service postal était expressément placé sous la compétence législative exclusive du Parlement par les dispositions du paragraphe 91(5) de la Loi constitutionnelle de 1867 et que, par conséquent, les relations entre employeur et employés à l'intérieur de ce service relèvent corrélativement de la compétence du Parlement. Il n'est pas nécessaire que l'emploi relatif à un ouvrage fédéral ait un caractère exclusif.

[35]       J'ai accepté les faits tels qu'énoncés par l'arbitre et j'ai supposé que l'arbitre avait énoncé avec exactitude dans ses motifs les passages pertinents du contrat DCUS et du supplément.

[36]       Je conclus que l'arbitre a analysé correctement l'information dont elle était saisie et qu'elle a suivi la procédure correcte d'application de la jurisprudence susmentionnée en statuant que les fonctions exercées par la demanderesse faisaient partie intégrante d'un ouvrage ou d'une entreprise à caractère fédéral, soit en l'espèce le service postal. Aucun élément du dossier ou des observations de la demanderesse n'indique la commission par l'arbitre d'une quelconque erreur dans son analyse. Par conséquent, je confirmerai la décision de l'arbitre établissant sa compétence en application du Code. Elle n'a commis aucune erreur susceptible de révision.

[37]       Question 2

L'arbitre a-t-elle commis une erreur en attribuant des dommages-intérêts au demandeur pour congédiement injuste?

La demanderesse a soutenu que l'alinéa 235(2)b) du Code lui permettait de congédier le défendeur sans avoir à lui remettre une indemnité de départ car le défendeur avait droit « à une pension accordée aux termes d'un régime de pensions auquel cotise l'employeur et qui est enregistré en conformité avec la Loi de 1985 sur les normes des prestation de pension, à la pension prévue par la Loi sur la sécurité de la vieillesse ou à une pension ou rente de retraite accordée aux termes du Régime de pensions du Canada ou du Régime de rentes du Québec » . Par conséquent, l'arbitre aurait commis une erreur en accordant des dommages-intérêts.

[38]       Il est clair que la demanderesse place sur le même pied l'attribution de dommages-intérêts et le versement d'une indemnité de départ. Je ne suis pas d'accord avec la demanderesse. Pour expliquer ma position, j'adopterai et j'appliquerai à l'instance le raisonnement de l'arbitre J.M. Gordon dans Goodwin c. Conair Aviation Limited, [2002] C.L.A.D. N º 602 (QL), en ce qui concerne les relations entre les dispositions du Code sur le congédiement et le congédiement injuste :

[TRADUCTION] 29. La section XIV de la partie III du Code prévoit la procédure qu'un employé non syndiqué doit suivre pour déposer une plainte s'il « se croit injustement congédié[e] » (voir le paragraphe 240(1)). Lorsque, comme en l'espèce, le ministre du Travail nomme un arbitre qui entendra et tranchera la plainte pour congédiement injuste de l'employé, l'employeur doit, de façon générale, commencer par prouver que le congédiement était motivé. Les exigences à respecter pour se prévaloir de la protection prévue par le Code en cas de congédiement injuste ont été résumées par l'arbitre Edgar à la page 1 de la décision Unnamed Complainant c. Martin Pauluik Transport Inc., [2001] C.L.A.D. N º 201 :

[TRADUCTION] D'après l'information dont je dispose, il est clair que le plaignant a travaillé sans interruption pendant au moins 12 mois pour l'employeur et qu'il ne faisait pas partie d'un groupe d'employés régi par une convention collective. Il est aussi clair que le plaignant n'était pas un directeur de l'employeur. De plus, il n'a pas été allégué que le plaignant avait été congédié en raison du manque de travail ou de la suppression d'un poste ou qu'une autre loi fédérale prévoit un autre recours. Ces faits répondent aux exigences du Code quant à l'établissement de ma compétence en vue d'entendre la présente plainte...

[TRADUCTION] 31. Conair ne peut se soustraire à l'obligation de démontrer le bien-fondé de sa décision de congédier Mme Goodwin simplement en soutenant que la direction a décidé de contourner l'obligation de motiver la rupture de la relation d'emploi en se contentant de satisfaire aux obligations prévues par le Code en matière de préavis et d'indemnité de départ. Le raisonnement des arbitres qui ont tiré une conclusion contraire en vertu du Code (en particulier l'arbitre Wakeling et ceux qui ont suivi) n'est pas convaincant. Comme je l'ai déjà souligné, j'estime que le raisonnement de la Cour fédérale et des arbitres cités par le plaignant sont conformes à l'objet de cette partie du Code et à l'intention du Parlement exprimés dans la formulation du Code. Dans MacDonald -and- Northern Thunderbird Air Ltd., [1995] C.L.A.D. N º 551, l'arbitre a rejeté l'argument de l'employeur selon lequel il pouvait congédier un employé sans donner de motifs simplement en versant une indemnité de départ suffisante pour que le seul recours de l'employé soit d'intenter une action au civil. L'arbitre a rejeté cet argument dans les termes suivants :

[TRADUCTION] Si un employeur congédie un employé et lui verse une indemnité de départ sans motiver le congédiement, l'employé ne perd pas pour autant le droit de soutenir qu'il a été congédié injustement. Si c'était le cas, alors l'intention du Parlement exprimée à l'article 240 du Code, soit offrir un recours aux employés qui ont été congédiés injustement, serait contournée par les employeurs qui n'auraient qu'à verser l'indemnité de départ prévue par l'article 235...

[TRADUCTION] Si le Parlement avait voulu limiter les plaintes de congédiement injuste aux personnes congédiées auxquelles on justifie le congédiement, il l'aurait énoncé clairement à l'article 240 et aurait soumis l'application de l'article 240 à celle de l'article 235 (page 2).

[TRADUCTION] 32. J'accepte l'allégation du plaignant selon laquelle l'obligation de motiver un congédiement ne constituerait qu'une protection inefficace si un employeur pouvait congédier un employé sans motiver le congédiement, simplement en satisfaisant aux exigences de préavis et d'indemnité de départ du Code. Cette allégation s'appuie sur le raisonnement de l'arbitre Roach dans Duncan -and- Canadian Broadcasting Corporation, [1998] C.L.A.D. N º 48, citant la Cour d'appel fédérale dans Banque de Commerce Canadienne Impériale c. Boisvert [1986], C.F. 431 (demande d'autorisation d'appel devant la C.S.C. rejetée sans motifs) :

Le droit de licenciement a été complètement modifié en vue d'éviter l'arbitraire de l'employeur et d'assurer une continuité de l'emploi. Il n'existe plus qu'un droit de licenciement « juste » , ce qui veut dire, sans doute, un licenciement qui se rattache à une cause objective, réelle et sérieuse, indépendante des incompatibilités d'humeur, des convenances ou des mésintelligences purement personnelles...

[39]       En l'espèce, l'arbitre a statué que le défendeur avait été congédié injustement. J'estime que l'arbitre a exercé correctement les pouvoirs que lui confère l'alinéa 242(4)c) du Code en ce qui concerne l'attribution de dommages-intérêts. La demanderesse ne peut éviter l'application des dispositions sur le congédiement injuste en ayant recours aux dispositions sur le versement d'indemnités.

[40]       L'arbitre a fondé sa décision en partie sur l'absence d'éléments de preuve démontrant que la demanderesse avait eu raison de congédier le défendeur. En effet, l'arbitre a souligné qu'on ne lui avait soumis aucun élément de preuve confirmant que le défendeur avait été informé des préoccupations de la demanderesse à son sujet et qu'il avait eu l'occasion de corriger les problèmes constatés par la demanderesse avant son congédiement. Après avoir examiné la décision, je n'y trouve aucune erreur susceptible d'examen.

[41]       La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

ORDONNANCE

[42]       LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

« John A. O'Keefe »

Juge

Ottawa (Ontario)

Le 3 juin 2005

Traduction certifiée conforme

Julie Poirier, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                           T-1103-03

INTITULÉ :                                                          REDLON AGENCIES LTD.

                                                                              - et -

                                                                              ARVINE NORGREN

LIEU DE L'AUDIENCE :                                    Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :                                  LE 15 MARS 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                          LE JUGE O'KEEFE

DATE :                                                                  LE 3 JUIN 2005

COMPARUTIONS:

David Redlon                                                          POUR LA DEMANDERESSE

Pour le compte de la société

Aucune comparution                                                POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

David Redlon                                                          POUR LA DEMANDERESSE

Powell River (Colombie-Britannique)

Arvine Norgren                                                       POUR LE DÉFENDEUR

Powell River (Colombie-Britannique)

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