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Date : 20210209


Dossier : T-1333-20

Référence : 2021 CF 115

Ottawa (Ontario), le 9 février 2021

En présence de madame la juge St-Louis

ENTRE :

COLETTE BLANCHETTE

demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Introduction

[1] Madame Colette Blanchette [la demanderesse] demande le contrôle judiciaire de la décision de la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale [la Division d’appel] refusant sa demande de permission d’en appeler de la décision de la division générale du même tribunal [la Division générale]. La Division d’appel a déterminé que l’appel de Mme Blanchette n’avait aucune chance raisonnable de succès.

[2] Pour les motifs exposés ci-dessous, la demande de contrôle judiciaire de Mme Blanchette sera rejetée.

II. Contexte

[3] Le 30 avril 2018, Mme Blanchette débute son travail à titre d’employée occasionnelle pour son employeur, la Sûreté du Québec [la SQ], et le 30 avril 2019, son employeur met fin à son emploi pour manque de travail.

[4] Au cours de la période d’un an se terminant le 30 avril 2019, Mme Blanchette a accumulé 810 heures d’emploi assurables aux fins de la Loi sur l'assurance-emploi, LC 1996, ch 23 [la Loi]. Ce nombre d’heures est supérieur au minimum nécessaire pour déposer une demande de prestations en vertu de la Loi.

[5] Le 16 juillet 2019, Mme Blanchette dépose une demande de prestations en vertu de la Loi. Or, au cours de la période d’un an se terminant le 16 juillet 2019, Mme Blanchette a accumulé plutôt 643 heures assurables aux fins de la Loi, nombre d’heures inférieur au minimum nécessaire pour déposer une demande de prestations en vertu de la Loi.

[6] Selon les informations au dossier, le même jour, Mme Blanchette demande par téléphone que sa demande de prestations soit antidatée au 30 avril 2019. Mme Blanchette indique alors que (1) elle pensait avoir besoin de son relevé d’emploi pour faire sa demande de prestations et elle ne l’avait pas; (2) elle a demandé son relevé d’emploi plusieurs fois à son employeur, qui avait des problèmes avec son système informatique; et (3) elle ne savait pas avoir seulement quatre semaines suivant sa dernière journée de travail pour faire sa demande de prestations.

[7] Le 31 juillet 2019, la Commission de l’assurance-emploi du Canada [la Commission] refuse la demande de prestations de Mme Blanchette. La Commission indique à Mme Blanchette qu’elle n’a pas droit aux prestations, puisqu’elle n’a accumulé que 643 heures assurables alors qu’il lui faut avoir accumulé au moins 700 heures.

[8] Le 7 août 2019, la Commission refuse d’antidater la demande de Mme Blanchette. La Commission conclut que Mme Blanchette n’a pas pu démontrer que, pour la période du 30 avril 2019 au 16 juillet 2019, un motif valable justifiait son retard à présenter sa demande.

[9] La 14 août 2019, Mme Blanchette demande la révision du refus de la Commission d’antidater sa demande de prestation (pages 111 à 113, dossier du défendeur). Sur le formulaire qu’elle dépose, Mme Blanchette mentionne qu’elle ne savait pas que l’on pouvait faire une demande avant de recevoir son relevé d’emploi et, dans la lettre qu’elle annexe à son formulaire, elle ajoute notamment avoir agi avec honnêteté et du bon vouloir. Le 20 août 2019, elle participe à une rencontre de groupe convoquée par le Ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale du Québec.

[10] Le 29 août 2019, la Commission informe Mme Blanchette qu’elle ne modifie pas sa décision initiale. La Commission confirme alors la décision « Litige: Période de prestations non établie », plus tard corrigée pour « Litige : Antidatation » (page 75, dossier du défendeur). La Commission détermine que Mme Blanchette n’a pas établi un motif raisonnable pour justifier son retard.

[11] Le 9 septembre 2019, Mme Blanchette loge un appel de la décision de la Commission auprès de la Division générale. Elle fait alors valoir que son retard s’explique par le problème technique au sein de son ex-employeur quant à l’émission de son relevé d’emploi et par le fait qu’elle attendait de recevoir son relevé d’emploi pour faire ses démarches. Elle note avoir participé à une rencontre le 20 août 2019, même sans savoir si elle recevrait des prestations, et que cela prouve son bon vouloir et que tout s’est déroulé dans l’honnêteté (pièce A-8, dossier de la demanderesse).

[12] Le 26 septembre 2019, la Division générale entend l’appel de Mme Blanchette. Cette dernière soumet alors de nouveau qu’elle ne savait pas qu’une demande de prestations pouvait être initiée sans relevé d’emploi et que, dès qu’une collègue l’en a informée, elle a déposé sa demande.

[13] Le 30 septembre 2019, la Division générale rejette l’appel de Mme Blanchette. La Division générale note que les prestataires doivent déposer leur demande de prestations le plus tôt possible après avoir cessé de travailler, et qu’il s’agit d’une exigence stricte (Canada (PG) c Brace, 2008 CAF 118 [Brace]). La Division générale note aussi que la demande d’antidater une demande de prestations ne sera accordée que si deux critères sont remplis, soit (1) le prestataire remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations à une date antérieure et (2) le prestataire avait un motif valable justifiant son retard pendant toute la période du retard. La Division générale note que « l’antidatation » n’est appliquée qu’à titre exceptionnel et qu’en l’espèce, seul le deuxième critère est en litige. À cet égard, la Division générale conclut que Mme Blanchette n’a pas démontré avoir agi comme une personne raisonnable et prudente aurait agi dans les mêmes circonstances. La Division générale considère que les arguments de Mme Blanchette ne constituent pas des motifs valables pour justifier son retard. La Division générale note que la Cour d’appel fédérale a déterminé que le fait d’être en attente d’un relevé d’emploi ne constitue pas un motif valable pour tarder à déposer une demande de prestations (Brace; Canada (PG) c Ouimet, 2010 CAF 83 [Ouimet]) et que l’ignorance de la loi, même jumelée à la bonne foi, n’est pas suffisante pour établir un motif valable (Canada (PG) c Kaler, 2011 CAF 266).

[14] La Division générale ne doute aucunement de la bonne foi de Mme Blanchette, mais se voit forcée de conclure que cette dernière ne s’est pas comportée comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances similaires.

[15] Le 28 octobre 2019, Mme Blanchette demande la permission d’en appeler de la décision de la Division générale auprès de la Division d’appel.

[16] Mme Blanchette présente alors deux lettres, une du 9 septembre 2019 et une autre du 28 octobre 2019. Elle fait alors valoir que : (1) le seul motif de refus est « Nul n’est censé ignorer la loi », ce qui est, selon elle, un adage populaire et en rien une obligation légale; (2) ses préoccupations quotidiennes l’amènent à mettre de côté ses priorités pour aider une personne vieillissante autour d’elle, motif invoqué pour la première fois; (3) les outils se trouvant sur un site web n’entrainent pas une obligation de connaître la loi; (4) plusieurs facteurs (non nommés) ont joué contre elle; (5) elle a agi avec honnêteté et collaboration (pièce A-12, dossier de la demanderesse); et (6) elle attendait de recevoir son relevé d’emploi pour faire ses démarches. En dépit de l’invitation qui lui est présentée par la Division d’appel de soumettre plus d’informations, Mme Blanchette n’ajoute aucun détail à ses motifs.

[17] Le 25 novembre 2019, la Division d‘appel refuse la permission d’interjeter appel, ayant conclu qu’aucun des moyens d’appel soulevés par Mme Blanchette ne confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

[18] La Division d’appel cite les motifs d’appel spécifiés au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, LC 2005, ch 34 [Loi sur le ministère de l’emploi] et le fardeau imposé à l’appelante. Ainsi, l’appelante doit soulever une question de principe de justice naturelle, de compétence, ou de droit ou de fait dont la réponse pourrait mener à l’annulation de la décision contestée. La Division d’appel énonce que la permission d’en appeler sera accordée si elle est convaincue qu’au moins un des moyens d’appel soulevé par la prestataire confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

[19] La Division d’appel résume les moyens d’appel que Mme Blanchette soulève au soutien de sa demande de permission d’en appeler. La Division d’appel note que la Cour d’appel fédérale a déterminé à plusieurs reprises que les prestataires qui tardent à présenter une demande de prestations, parce que leur employeur a omis de leur remettre un relevé d’emploi ou leur a remis un relevé d’emploi en retard, ne présentent pas un motif valable de retard (Brace; Canada (Procureur général) c Chan, A-185-94; Ouimet). La Division d’appel détermine, comme la Division générale, qu’une personne raisonnable et prudente dans la situation de la prestataire aurait pris les mesures nécessaires pour s’informer auprès de la Commission et pour déposer une demande de prestations sans tarder.

[20] Le 31 janvier 2020, Mme Blanchette demande le contrôle judiciaire de la décision de la Division d’appel.

[21] La Cour doit déterminer si la Division d’appel a erré en refusant à Mme Blanchette sa demande de permission d’en appeler de la décision de la Division générale.

III. Position des parties et analyse

A. Norme de contrôle

[22] Mme Blanchette ne soumet aucune représentation en lien avec la norme que la Cour doit utiliser pour contrôler la décision de la Division d’appel. Le défendeur, le Procureur général du Canada [le PGC], soumet qu’il convient d’utiliser la norme du caractère raisonnable de la décision.

[23] La décision de la Division d’appel de refuser la permission d’en appeler doit en effet être contrôlée selon la norme du caractère raisonnable de la décision (Langlois c Canada (Procureur général), 2018 CF 1108 au para 4; Lazure c Canada (Procureur général), 2018 CF 467 au para 18; Tracey c Canada (Procureur général), 2015 CF 1300 aux para 17–22). Aucune des situations permettant de réfuter cette présomption ne s’applique en l’espèce (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov]). Lorsque la norme de contrôle applicable est celle du caractère raisonnable de la décision, le rôle de la Cour en contrôle judiciaire est d’examiner les motifs qu’a donnés le décideur administratif et de déterminer si la décision est fondée sur « une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Vavilov au para 85; Société canadienne des postes c Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, 2019 CSC 67 [Société canadienne des postes] aux para 2, 31). La Cour doit considérer le « résultat de la décision administrative eu égard au raisonnement sous-jacent à celle-ci afin de s’assurer que la décision dans son ensemble est transparente, intelligible et justifiée » (Vavilov au para 15).

[24] La Cour, en contrôle judiciaire, n’a pas pour mission de soupeser à nouveau les éléments de preuve au dossier, ni de s’immiscer dans les conclusions de faits du décideur pour y substituer les siennes (Société canadienne des postes au para 61; Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c Canada (Procureur général), 2018 CSC 31 au para 55). Elle doit plutôt considérer les motifs dans leur ensemble, conjointement avec le dossier (Agraira c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36 au para 53) et se contenter de se demander si les conclusions revêtent un caractère irrationnel ou arbitraire.

B. Principes généraux

(1) Demande de prestations d’assurance-emploi

[25] Il est utile de rappeler que la Loi sur l’assurance-emploi a comme objectif d’assurer la sécurité des citoyens en offrant une assistance aux personnes qui ont perdu leur emploi et en aidant les chômeurs à retourner au travail.

[26] Un prestataire est tenu de présenter une demande de prestations dès qu’il remplit les conditions requises (paragraphe 10(1) de la Loi) et le paragraphe 26(1) du Règlement sur l’assurance-emploi, DORS/96-332 prévoit que, sous réserve du paragraphe (2), le prestataire qui demande des prestations pour une semaine de chômage comprise dans une période de prestations doit présenter sa demande dans les trois semaines qui suivent cette semaine.

[27] Cependant, le paragraphe 10(4) de la Loi prévoit un mécanisme permettant d’antidater une demande initiale de prestations:

(4) Lorsque le prestataire présente une demande initiale de prestations après le premier jour où il remplissait les conditions requises pour la présenter, la demande doit être considérée comme ayant été présentée à une date antérieure si le prestataire démontre qu’à cette date antérieure il remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations et qu’il avait, durant toute la période écoulée entre cette date antérieure et la date à laquelle il présente sa demande, un motif valable justifiant son retard.

[28] Selon ce paragraphe de la Loi, le prestataire doit donc, notamment, faire la preuve d’un « motif valable » justifiant le retard du dépôt de sa demande. Tel que le PGC le soulève, les cours fédérales ont dégagé certains principes afin de préciser ce qui constitue un « motif valable ». Ainsi, (a) pour établir un motif valable, une prestataire doit réussir à démontrer qu’elle a agi comme l’aurait fait une personne raisonnable dans la même situation pour s’assurer des droits et obligations que lui impose la Loi; (b) le mécanisme est de nature exceptionnelle (Canada (PG) c Scott, 2008 CAF 145 au para 9, citant Canada (Procureur général) c Beaudin, 2005 CAF 123 aux para 6-7); et (c) l’ignorance de la loi, même combinée à la bonne foi, ne constitue généralement pas un motif valable, sauf circonstances exceptionnelles (Quadir c Canada (Procureur Général), 2018 CAF 21 au para 12 (« Comme notre Cour l’a fait remarquer dans l’arrêt Rodger c Canada (Procureur général), 2013 CAF 222, l’ignorance de la loi ne constitue pas un motif valable à moins qu’une personne ne démontre qu’elle a agi de manière raisonnable dans les circonstances »)).

(2) Division d’appel

[29] Le Tribunal de la sécurité sociale est constitué sous l’égide de la Loi sur le ministère de l’emploi. Il est composé d’une Division générale et d’une Division d’appel (paragraphe 44(1) de la Loi sur le ministère de l’emploi). De façon générale, il ne peut être interjeté appel à la Division d’appel sans permission (paragraphe 56(1) de la Loi sur le ministère de l’emploi).

[30] Le paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’emploi prévoit les moyens d’appel qui peuvent être invoqués auprès de la Division d’appel. Ainsi, les seuls moyens d’appel sont :

  • a) [L]a division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;

  • b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;

  • c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[31] Enfin, le paragraphe 58(2) de la Loi sur le ministère de l’emploi prévoit quant à lui qu’une demande de permission d’en appeler n’est accordée que si l’appel a une chance raisonnable de succès.

[32] Notre Cour a déterminé que « le fait d’avoir une "chance raisonnable de succès" consiste à disposer de certains motifs défendables grâce auxquels l’appel proposé pourrait avoir gain de cause » (Osaj c Canada (Procureur général), 2016 CF 115 au para 12). La permission d’en appeler est notamment accordée lorsque des éléments de preuve importants ont été ignorés ou mal interprétés (Griffin c Canada (Procureur général), 2016 CF 874 au para 20, citant Karadeolian c Canada (Procureur général), 2016 CF 615 au para 10).

C. Discussion et conclusion

[33] La Cour doit déterminer ici s’il était raisonnable pour la Division d’appel de conclure que l’appel de Mme Blanchette n’avait aucune chance raisonnable de succès.

[34] Dans son affidavit et son mémoire déposés auprès de notre Cour, Mme Blanchette réitère qu’elle attendait d’avoir les documents en main avant d’effectuer sa demande de prestations, « ce qui pour [elle] représente la façon correcte de faire ». Elle affirme qu’elle ne devrait pas avoir à subir les conséquences de la négligence des autres. Elle réitère que son employeur a subi un problème informatique, et qu’elle n’a pas reçu les documents relatifs à sa demande de prestations à temps. Elle mentionne avoir effectué plusieurs appels téléphoniques et recherches, notamment pour rédiger ses actes de procédure, ce qui démontre son honnêteté et sa bonne foi. Elle réitère que l’affirmation que nul n’est censé ignorer la loi est un adage populaire et non une obligation. Elle souligne aussi qu’elle aidait une personne vieillissante, élément invoqué pour la première fois devant la Division d’appel.

[35] Mme Blanchette demande à la Cour de casser la décision, avec dépens.

[36] Le PGC répond que la décision de la Division d’appel est raisonnable, puisque Mme Blanchette n’a invoqué, quant à la décision de la Division générale, aucun des motifs d’appel disponibles. Le PGC ajoute que Mme Blanchette n’identifie aucune erreur susceptible de rendre la décision de la Division d’appel déraisonnable.

[37] Le PGC note entre autres que la Division d’appel (1) a énoncé le test pertinent en vertu de l’article 58 de la Loi sur le ministère de l’emploi, soit la chance raisonnable de succès de l’appel; (2) a énoncé les moyens d’appel disponibles; (3) a aussi énoncé que le fardeau incombant à Mme Blanchette est alors moins élevé que celui imposé lors d’une audience sur le fond; et (4) a suivi la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale.

[38] Le PGC demande donc à la Cour de rejeter la demande de contrôle judiciaire, sans dépens.

[39] Tel que le mentionne le PGC, la Division d’appel a correctement énoncé les motifs d’appel prévus à la loi de même que le fardeau et le test applicables à une demande de permission d’en appeler.

[40] Devant les instances administratives et devant la Cour, Mme Blanchette a essentiellement soulevé que (1) elle attendait son relevé d’emploi et ne savait pas qu’elle pouvait demander ses prestations sans ce relevé; (2) l’ignorance de la loi n’est pas une obligation et constitue donc un « motif valable » permettant d’antidater sa demande de prestations; et (3) elle a agi de bonne foi.

[41] Il n’est pas contesté que Mme Blanchette n’a entrepris aucune démarche auprès de la Commission ni effectué de vérifications quant à ses obligations entre le 30 avril 2019 et le début du mois de juillet 2019.

[42] Or, et tel que mentionné plus haut, la Cour d’appel fédérale a plusieurs fois déterminé que la situation telle que présentée par Mme Blanchette ne constitue pas un « motif valable justifiant le retard » au sens du paragraphe 10(4) de la Loi. En effet, il est donc établi en droit que, sauf circonstances exceptionnelles, on attend d’une personne dans la situation de Mme Blanchette, qui demande des prestations, qu’elle « vérifie assez rapidement » les obligations que lui impose la Loi (Canada (Procureur Général) c Carry, 2005 CAF 367 au para 5 [Carry]; voir également Canada (Procureur général) c Kaler, 2011 CAF 266 au para 4 [Kaler]).

[43] La Division d’appel pouvait effectivement conclure que l’appel n’avait aucune chance de succès, puisque la décision de la Division générale énonce et applique les principes établis par la Cour d’appel fédérale à l’effet que (1) l’attente de son relevé d’emploi ne constitue pas un « motif valable » qui peut justifier le retard de Mme Blanchette et donc permettre d’antidater sa demande de prestations (Brace; Ouimet); et (2) l’ignorance de la loi ne peut justifier son retard, compte tenu des circonstances précitées (Carry; Kaler).

[44] Mme Blanchette n’a pas « vérifié assez rapidement » et, compte tenu de la jurisprudence constante de la Cour d’appel fédérale, il était donc raisonnable pour la Division d’appel de considérer que l’appel de Mme Blanchette n’avait aucune chance de succès.

[45] Enfin, et tel que mentionné lors de l’audience, la Cour ne doute aucunement de la bonne foi de Mme Blanchette. En dépit de la sympathie que son dossier inspire, Mme Blanchette ne m’a pas convaincue que la décision de la Division d’appel est déraisonnable selon les principes précités.

[46] La demande de contrôle judiciaire sera rejetée et aucun dépens ne sera accordé.

[47] Enfin, la Cour fera droit à la demande du PGC d’être substitué à la Commission de l’assurance-emploi à titre de défendeur nommé aux présentes, conformément au paragraphe 303(2) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106.


JUGEMENT dans T-1333-20

LA COUR STATUE que :

  1. Le Procureur général du Canada est substitué à la Commission de l’assurance-emploi à titre de défendeur nommé aux présentes, conformément au paragraphe 303(2) des Règles des Cours fédérales, DORS 98-106.

  2. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  3. Le tout sans frais.

« Martine St-Louis »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

t-1333-20

INTITULÉ :

COLETTE BLANCHETTE ET PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L’AUDIENCE :

montréal (par vidéoconférence – zoom)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 1ER février 2021

jugement et motifs:

LA JUGE ST-LOUIS

DATE DES MOTIFS :

LE 9 février 2021

COMPARUTIONS :

Se représentant seule

Pour la demanderesse

(se représentant seule)

Me Charles Maher

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mme Colette Blanchette

(Se représentant seule)

Pour la demanderesse

(se représentant seule)

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

Pour le défendeur

 

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