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Dossier : T-1305-18

Référence : 2021 CF 106

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 1er février 2021

En présence de monsieur le juge Lafrenière

ENTRE :

SEYED MAHMOUD TAGHVAEI

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Le demandeur, Seyed Mahmoud Taghvaei, demande le contrôle judiciaire de la décision du 29 mai 2018 par laquelle la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale a rejeté sa demande de permission d’appeler de la décision rendue le 23 avril 2018 par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[2] La division générale avait rejeté l’appel interjeté par le demandeur à l’encontre d’une décision rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada [la Commission] relativement à une demande de révision. La Commission avait conclu que le demandeur (i) n’était pas admissible aux prestations d’assurance-emploi qu’il avait touchées pour les deux périodes de trois mois où il avait été à l’étranger, (ii) devait rembourser la somme totale de 13 570 $ versée au titre des prestations auxquelles il n’était pas admissible, conformément aux articles 43 et 44 de la Loi sur l’assurance-emploi, LC 1996, c 23, et (iii) était tenu de payer une pénalité (dont le montant a été réduit de 4 071 $ à 3 393 $ par la division générale en raison de circonstances atténuantes), conformément aux articles 18, 37 et 38 de la Loi sur l’assurance-emploi.

[3] La division d’appel a rejeté la demande de permission d’en appeler du demandeur, concluant que l’appel n’avait aucune chance raisonnable de succès. Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

I. Contexte

[4] Les faits pertinents sont exposés de manière objective et succincte dans le mémoire des faits et du droit du défendeur et dans les décisions des tribunaux inférieurs, et il n’est pas nécessaire de les répéter ici.

[5] Aux fins du présent jugement, il suffit de noter que le demandeur ne conteste pas – en fait il admet – qu’il a touché des prestations d’assurance-emploi pendant qu’il se trouvait temporairement à l’extérieur du Canada, qu’il a omis de déclarer ses absences et qu’il n’était pas admissible à ces prestations pour les périodes où il était à l’étranger, en application de l’alinéa 37b) de la Loi sur l’assurance-emploi.

[6] En réponse à une lettre de Service Canada, le demandeur a reconnu qu’il avait fourni de faux renseignements à la Commission. Il a expliqué qu’il n’avait pas déclaré ses absences du Canada en raison d’une urgence familiale et parce qu’il [traduction] « ne pensai[t] pas que ce serait si grave ».

[7] Le demandeur a demandé la permission d’en appeler auprès de la division d’appel sous prétexte que la division générale n’avait pas tenu compte de l’ensemble des éléments de preuve portés à sa connaissance, notamment des circonstances ayant mené à ce que le demandeur a qualifié d’une [traduction] « erreur » de sa part.

[8] Dans ses motifs, la division d’appel a conclu que la division générale n’avait pas négligé certains éléments de preuve ni mal interprété la preuve. La division d’appel a en fait donné des exemples précis qui montrent que la division générale a tenu compte dans sa décision des éléments de preuve liés à la maladie de la fille du demandeur et à l’incapacité de celui‑ci de rentrer au Canada. Elle a en outre noté que la division générale avait tenu compte de ces circonstances atténuantes en réduisant le montant de la pénalité imposée. La division d’appel s’est également penchée sur l’absence d’intention criminelle alléguée par le demandeur, convenant avec la division générale que l’intention n’a aucune pertinence dans le contexte de la question de savoir si un prestataire d’assurance-emploi a fait une fausse déclaration.

[9] Enfin, la division d’appel a rejeté la demande d’annulation de dette et de pénalité du demandeur. La division d’appel a conclu qu’elle n’était pas habilitée à annuler ou à réduire la dette et la pénalité, et elle a décidé que le demandeur n’avait invoqué aucune cause défendable au titre des motifs d’appel prévus par la loi. Comme il a été mentionné précédemment, la division d’appel a conclu que l’appel n’avait aucune chance raisonnable de succès et a rejeté la demande de permission d’en appeler.

II. Norme de contrôle et analyse

[10] À l’étape du contrôle judiciaire, le point de départ est la présomption selon laquelle la norme de la décision raisonnable s’applique : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au para 16 [Vavilov]; Société canadienne des postes c Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, 2019 CSC 67 au para 27 [STTP]. Cette présomption peut être réfutée dans certaines situations. Aucune de ces situations ne s’applique en l’espèce.

[11] Dans le cadre d’un contrôle selon la norme de la décision raisonnable, la Cour doit examiner les motifs qu’a donnés le décideur administratif et déterminer si la décision est fondée sur « un raisonnement intrinsèquement cohérent et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles pertinentes » : STTP, au para 2; Vavilov, au para 85. Si c’est le cas, la cour de révision ne devrait pas intervenir (Vavilov, aux para 85, 99).

[12] De plus, notre Cour doit faire preuve de retenue à l’égard des décisions de la division d’appel et elle ne devrait intervenir que lorsqu’une décision est déraisonnable : Atkin c Canada (Emploi et Développement social), 2020 CAF 19 au para 6; Cameron c Canada (Procureur général), 2018 CAF 100 au para 3; Omoregbe c Canada (Procureur général), 2018 CF 741 au para 7. La seule question en litige dans le cadre de la présente demande est donc de savoir s’il était raisonnable que la division d’appel refuse d’accorder au demandeur la permission d’en appeler.

[13] Selon le paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, LC 2005, c 34, art 58(1)a)-c) [la LMEDS], il n’y a que trois moyens d’appel possible devant la division d’appel : (i) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence; (ii) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit; (iii) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[14] La division d’appel doit rejeter la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès (LMEDS, art 58(2)). Une « chance raisonnable de succès » signifie qu’il existe un motif défendable sur le fondement duquel l’appel interjeté pourrait être accueilli (Ratman c Canada (Procureur général), 2020 CF 476 au para 38).

[15] Le demandeur soutient que la Cour devrait le soustraire au verdict et à la pénalité qui en a découlé en raison de sa situation difficile. Ses observations, qui équivalent, au mieux, à une demande de compassion, sont sans fondement et témoignent d’une mauvaise interprétation du rôle de la Cour en matière de contrôle judiciaire.

[16] Il incombe au demandeur de démontrer l’existence d’une erreur susceptible de révision et il ne peut pas simplement demander à la Cour d’apprécier à nouveau la preuve et de substituer sa propre opinion à celle de la division d’appel. Le demandeur n’a relevé aucune erreur dans la décision de la division d’appel de rejeter la demande de permission d’en appeler qui justifierait l’intervention de la Cour. Au contraire, la division d’appel a renvoyé à juste titre au critère énoncé au paragraphe 58(1) de la LMEDS, ainsi qu’à la nécessité pour l’appelant d’invoquer une cause défendable révélant une chance raisonnable de succès en appel. Elle a également rejeté avec raison les affirmations du demandeur selon lesquelles la division générale n’aurait pas tenu compte de certains éléments de preuve, précisant les endroits où la division générale a tenu compte de ces éléments de preuve dans sa décision. Le demandeur l’a admis à l’audience.

[17] Je conclus que la division d’appel a appliqué un raisonnement intelligible et solide aux faits pertinents et au droit applicable. En conséquence, l’intervention de la Cour n’est pas justifiée.

[18] Je dois ajouter que le demandeur a fait valoir à plusieurs reprises devant la Commission et les tribunaux inférieurs que l’obligation de rembourser le versement excédentaire et la pénalité lui causerait des difficultés financières. En réalité, la division générale a tenu compte de la capacité de payer du demandeur comme facteur atténuant lorsqu’elle a rendu sa décision et réduit la pénalité imposée. À la fin de l’audience, la Cour a rappelé au demandeur que la Commission a le pouvoir discrétionnaire de défalquer les versements excédentaires dans certaines circonstances en vertu du Règlement sur l’assurance-emploi, DORS/96-332, art 56. En effet, le mémoire du défendeur (au paragraphe 4) indique expressément la procédure à suivre pour demander une telle mesure de redressement. Pour sa part, la division d’appel a mentionné, dans sa décision, un autre moyen par lequel le demandeur pourrait demander l’annulation de la dette auprès de l’Agence du revenu du Canada. Le demandeur ne s’est prévalu d’aucun de ces recours.

[19] Enfin, comme l’a souligné le défendeur, le demandeur a désigné à tort le Tribunal de la sécurité sociale comme défendeur dans le présent dossier. Suivant le paragraphe 303(2) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, le demandeur aurait dû désigner le procureur général du Canada à titre de défendeur. L’intitulé est modifié en conséquence.

III. Conclusion

[20] Pour les motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Comme le défendeur ne réclame pas de dépens, aucuns dépens ne seront adjugés.




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