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Date : 20210129


Dossier : T-1617-18

Référence : 2020 CF 1103

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 29 janvier 2021

En présence de monsieur le juge Diner

ENTRE :

SAMSUNG ELECTRONICS CANADA INC.

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA SANTÉ

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS PUBLICS

(Jugement et motifs confidentiels émis le 30 novembre 2020)

I. Introduction 2

II. Résumé des faits 3

III. Questions en litige et discussion 8

A. Questions préliminaires 9

1) Laquelle des deux décisions est maintenue? 9

2) Préclusion promissoire 14

3) Santé Canada a-t-il enfreint les principes d’équité procédurale? 17

B. Questions de fond 17

1) Normes de contrôle et de preuve 18

2) Les documents sont-ils soustraits à la communication aux termes de l’alinéa 20(1)b) de la LAI? 19

3) Les documents sont-ils soustraits à la divulgation aux termes de l’alinéa 20(1)c) de la LAI? 47

IV. Dépens 52

V. Conclusion 52

VI. Confidentialité 52

I. Introduction

[1] La demanderesse, Samsung Electronics Canada (SECA), demande le contrôle judiciaire d’une décision du défendeur, le ministre de la Santé (Santé Canada), de communiquer plusieurs documents demandés en application de la Loi sur l’accès à l’information, LRC 1985, c A-1 [la LAI]. Santé Canada a rendu deux décisions : d’abord en juillet 2018 (la décision de juillet), puis en août 2018 (la décision d’août).

[2] La décision d’août, qui fait l’objet de la présente demande, prévoit la communication de deux types de documents : (1) les journaux d’incidents (les journaux) et (2) les formulaires sur l’efficacité du rappel (les formulaires) (collectivement, les documents contestés). SECA a fourni les deux types de documents à Santé Canada lors d’un rappel volontaire en 2016 (le rappel) de certains modèles de ses laveuses à chargement par le haut de marque Kenmore et Samsung (les laveuses).

[3] SECA soutient que les documents contestés sont exemptés de la divulgation parce qu’ils (i) contiennent des renseignements commerciaux confidentiels, et (ii) que leur divulgation porterait préjudice à sa position concurrentielle et financière. Santé Canada n’est pas du même avis. De plus, Santé Canada affirme que cette demande est irrecevable parce que SECA aurait dû présenter une demande de contrôle judiciaire de la décision de juillet, mais ne l’a pas fait. Elle affirme que la décision d’août qui sous-tend la présente demande est invalide parce que la LAI n’autorise pas Santé Canada à rendre plus d’une décision.

[4] Enfin, je ne suis convaincu ni par l’argument sur l’irrecevabilité de Santé Canada ni par l’argument de fond de SECA selon lequel les documents contestés ne devraient pas être divulgués. Je vais ainsi refuser d’intervenir. Mes motifs suivent un bref historique qui résume le contexte de ce litige.

II. Résumé des faits

[5] En 2016, SECA a eu connaissance de plusieurs incidents mettant en cause ses laveuses. Dans ces cas, les couvercles supérieurs de certaines laveuses se sont détachés pendant l’utilisation, causant des dommages aux biens, mais pas de blessures ou de décès. SECA a communiqué des renseignements concernant ces incidents à Santé Canada, conformément à ses obligations aux termes de la Loi canadienne sur la sécurité des produits de consommation, LC 2010, c 21 [LCSPC].

[6] En septembre 2016, SECA a publié un communiqué de presse indiquant qu’elle travaillait avec Santé Canada sur les problèmes de sécurité potentiels des laveuses. En octobre et novembre 2016, SECA a publié deux autres communiqués de presse, dans lesquels elle a lancé le rappel. Dans le cadre de ce rappel, SECA a déclaré avoir vendu environ 245 000 laveuses entre mars 2011 et avril 2016.

[7] SECA et Santé Canada ont affiché des avis de rappel sur leurs sites Web respectifs, dans le cadre des protocoles exigés par la LCSPC. Ces avis fournissaient des renseignements sur les laveuses concernées, y compris les numéros de modèle des laveuses, les années de vente, le nombre total de laveuses touchées et le danger qui a conduit au rappel. Plus précisément, SECA a décrit le danger dans les avis publics en des termes similaires à ceux qu’elle avait précédemment décrits pour Santé Canada, à savoir [traduction] « vibrations anormales, ayant tendance à se produire lorsque des articles de literie sont lavés au moyen du “cycle normal” ». SECA a également noté dans les avis publics 64 rapports de détachement de couvercle de laveuse, dont 11 ont causé des dommages matériels mineurs.

[8] En janvier 2018, Santé Canada a reçu une demande d’accès à l’information visant la divulgation des documents liés au rappel (la demande). La demande était rédigée en français à l’origine comme suit :

Le 4 novembre 2016, Santé Canada publiait en ligne le document intitulé Mise à jour et élargissement du rappel : Samsung Electronics Canada Inc. rappelle certaines /laveuses [sic] à chargements par le dessus, dont une copie est jointe à la présente lettre. Cet avis de rappel dont le numéro d’identification est le RA-60872 (« l’Avis »), visait divers modèles de laveuses à chargement vertical fabriquées par Samsung Electronics Canada Inc. (« Samsung »), dont les modèles de laveuses Kenmore. Nous désirons obtenir, conformément à la Loi sur l’accès à [l]’information (LRC 1985, c A-1), copie de l’ensemble du dossier de Sant[é] Canada concernant le rappel des laveuses SECA, y compris, mais sans s’y limiter:

l’ensemble de la correspondance échangée entre Santé Canada et Samsung concernant le rappel;

pour chacun des modèles de laveuses visées dans l’Avis, le nombre total de laveuses vendues

[translation] On November 4, 2016, Health Canada posted an online document called “Updated and Expanded Recall: Samsung Electronics Canada Inc. recalls Certain Top Load Washing Machines,” a copy of which is attached to this letter. This recall notice, bearing identification number RA-60872 (“the Notice”), was for various models of top load washing machines manufactured by Samsung Electronics Canada Inc. (“Samsung”), including Kenmore washing machines. We would like to obtain, under the Access to Information Act (RSC 1985, c A-1), a copy of the full Health Canada file concerning the recall of SECA washing machines, including, but not limited to:

all correspondence exchanged between Health Canada and Samsung concerning the recall.

for each washing machine model mentioned in the Notice, the total number of machines sold.

[9] Par lettre datée du 20 avril 2018, Santé Canada a notifié SECA – conformément aux exigences d’avis aux tiers du paragraphe 27(1) de la LAI – des documents qu’il avait cernés comme étant en réponse à la demande (avis prévu à l’article 27). Avec son avis conforme à l’article 27, Santé Canada a fourni à SECA un dossier de divulgation prévu totalisant 436 pages (les documents), l’informant des documents que Santé Canada avait l’intention de divulguer partiellement ou entièrement. Les documents comprenaient des renseignements qui étaient déjà accessibles au public après le rappel (p. ex., sur les sites Web de SECA et de Santé Canada). Toutefois, ces documents comprenaient également des renseignements qui n’étaient pas accessibles au public, à savoir certains des renseignements que SECA a fournis à Santé Canada conformément à ses obligations aux termes de la LCSPC.

[10] SECA a répondu à l’avis de Santé Canada aux termes de l’article 27 par courriel le 28 mai 2018, expliquant pourquoi elle estimait que certains documents étaient exemptés de divulgation en application de l’article 20 de la LAI.

[11] SECA a souligné qu’elle avait toujours traité une grande partie des dossiers comme des renseignements commerciaux confidentiels, et plus précisément qu’elle avait seulement fourni les documents contestés à Santé Canada à la condition qu’ils demeurent confidentiels. Par exemple, |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||, dont la divulgation porterait préjudice à la position concurrentielle de SECA. SECA a affirmé qu’elle avait également imposé un devoir de confidentialité aux employés et organisé une formation annuelle de conformité sur les dossiers confidentiels.

[12] À la suite de nombreuses communications téléphoniques et électroniques échangées dans les semaines qui ont suivi, Santé Canada a concédé d’autres caviardages dans les documents. Toutefois, avant la décision de juillet, un désaccord subsistait sur le statut de certains documents non caviardés, y compris sur les documents contestés.

[13] Dans un courriel du 9 juillet 2018, Santé Canada a informé SECA qu’il avait envoyé la décision de juillet par courrier, qui comprenait la lettre de notification aux termes de l’article 28 et un ensemble de documents que Santé Canada avait déterminé comme étant assujettis à la divulgation aux termes de la LAI. Dans ce courriel, Santé Canada a informé SECA que la trousse était [traduction] « considérée comme une notification formelle [aux termes de l’article 28] » et que si cette dernière n’était pas d’accord avec la portée de la divulgation, son seul recours serait de demander un contrôle judiciaire à la Cour fédérale. Cependant, dans ce même courriel, Santé Canada informait SECA qu’il serait néanmoins [traduction] « prêt à entendre toute demande de caviardage supplémentaire précise et limitée [que SECA] pourrait juger absolument nécessaire ».

[14] Entre le 12 juillet 2018 et le 16 août 2018, les parties ont discuté davantage de la portée appropriée de la divulgation aux termes de la LAI. Santé Canada a fait d’autres concessions. Dans un courriel daté du 27 juillet 2018, Santé Canada a informé SECA qu’il [traduction] « annulait officiellement » la décision de juillet, en notant que ce qui suit :

[traduction] Santé Canada a déterminé qu’en raison de la mauvaise interprétation de certaines observations originales et de la prise en considération des renseignements supplémentaires, des caviardages supplémentaires auraient dû être appliqués à une partie des dossiers. En conséquence, Santé Canada annule officiellement l’avis mentionné [dans la lettre d’avis du 10 juillet 2018 aux termes de l’article 28] et délivrera un avis corrigé aux termes de l’article 28 à [SECA] dans un avenir rapproché.

[Non souligné dans l’original.]

[15] Le 1er août 2018, Santé Canada a informé SECA par courriel qu’il avait envoyé une autre [traduction] « trousse de divulgation proposée », et a de nouveau demandé à la société de lui [traduction] « faire part de ses objections dans les cinq jours suivant la réception des dossiers ». SECA a soumis des observations supplémentaires à Santé Canada le 7 août 2018.

[16] Le 13 août 2018, Santé Canada a notifié SECA par courriel qu’il [traduction] « devrait maintenant aller de l’avant avec la lettre aux termes de l’article 28 et prendre [sa] décision définitive, car le dossier [était] extrêmement en retard et le demandeur [faisait] pression pour obtenir une réponse ». Le courriel indiquait que SECA recevrait des copies des documents que Santé Canada avait sélectionnés pour être divulgués dans sa décision d’août prochain. Selon SECA, le courriel du 13 août 2018 était la première fois que Santé Canada faisait référence à une « décision définitive ». Santé Canada a ensuite publié sa décision d’août. SECA a reçu cette seconde notification aux termes de l’article 28 le 16 août 2018, contenant un ensemble de documents plus restreint, composé uniquement des documents contestés. SECA a ensuite déposé cette demande le 5 septembre 2018, soit à l’intérieur du délai prévu par la loi.

[17] Le 26 septembre 2019, SECA a contre-interrogé Curtis Mathews (le chef d’équipe de la Division de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels de Santé Canada) sur son affidavit que Santé Canada a fourni à l’appui de la présente demande. M. Mathews était le fonctionnaire de Santé Canada qui avait indiqué, dans le courriel du 27 juillet 2018 à SECA, que Santé Canada [traduction] « annulait officiellement » la décision de juillet et [traduction] « délivrera[it] un avis corrigé aux termes de l’article 28 ». En contre-interrogatoire, M. Mathews a confirmé que la décision de juillet était donc [traduction] « nulle et sans effet » et que Santé Canada a bel et bien mentionné les mots [traduction] « décision définitive » pour la première fois au sujet de la décision d’août.

III. Questions en litige et discussion

[18] Avant d’examiner la question de fond de savoir si les documents contestés justifient une exception en application de la LAI, Santé Canada soulève un argument procédural préliminaire, à savoir que seule la décision de juillet – et non celle d’août – est valable. De plus, SECA soutient que Santé Canada a enfreint l’équité procédurale en ne fournissant pas à SECA un avis aux termes de l’article 27 pour tous les dossiers que Santé Canada a cernés comme étant en réponse à la demande.

A. Questions préliminaires

1) Laquelle des deux décisions est maintenue?

[19] Santé Canada affirme que la décision d’août est nulle et sans effet parce que le régime de la LAI accorde aux administrateurs gouvernementaux le pouvoir de prendre une seule décision concernant une demande d’accès à l’information. Santé Canada a rendu une décision en juillet 2018 et une deuxième décision en août 2018, ainsi le ministère affirme que la décision d’août a été prise par erreur, et sans pouvoir, car la législation permet seulement au ministre de rendre une seule décision. Santé Canada soutient que seule la décision de juillet est maintenue, et puisque SECA a manqué le délai de dépôt de demande prévu à l’article 44 de la LAI (20 jours) pour procéder à un contrôle judiciaire de la décision de juillet, la Cour n’est pas compétente pour entendre la présente requête.

[20] Pour étayer l’argument selon lequel la législation n’autorise qu’une seule décision possible aux termes de l’article 28, Santé Canada s’appuie sur quatre décisions : Matol Botanique International Ltée c Canada (Ministre de la santé et du bien-être social) (1994), 84 FTR 168, [1994] ACF no 860 (QL) (CF 1re inst.) [Matol]; AstraZeneca Canada inc. c Canada (Ministre de la santé), 2005 CF 1451 [AstraZeneca]; Porter Airlines inc. c Canada (Procureur général), 2013 CF 780 [Porter]; et Recall Total Information Management Inc. c Canada (Revenu national), 2015 CF 1128 [Recall].

[21] Je ne suis pas convaincu par les principes que Santé Canada a extraits de ces décisions pour étayer son argument selon lequel SECA aurait dû contester la décision de juillet parce que la décision d’août était invalide. Quatre facteurs distinguent l’espèce des décisions Matol, AstraZeneca, Porter et Recall; Santé Canada – l’institution fédérale – (i) a invité SECA à fournir des représentations supplémentaires relativement à la divulgation après qu’il eut rendu la décision de juillet; (ii) a déclaré qu’il [traduction] « annulait officiellement » la décision de juillet à la suite de ses discussions avec SECA; (iii) a utilisé l’expression [traduction] « décision définitive » par rapport à la décision d’août; et (iv) a réduit la portée du dossier de divulgation de manière cohérente tout au long des discussions avec SECA jusqu’à ce que la société ait entrepris la présente demande, après quoi Santé Canada n’a pas pris d’autres décisions au sujet de la divulgation.

[22] Les décisions Matol, AstraZeneca, Porter et Recall se distinguent de chacun de ces éléments. Premièrement, le responsable de l’institution fédérale dans ces cas a pris d’autres décisions après que le tiers eût déjà demandé le contrôle judiciaire de la décision initiale aux termes de l’article 44. Dans la décision Matol, par exemple, notre Cour a conclu que la LAI n’autorisait pas le responsable de l’institution à rendre d’autres décisions après qu’une demande de contrôle judiciaire en application de l’article 44 ait déjà été déposée auprès de la Cour, parce que la LAI ne permettait pas au responsable [traduction] « de siéger en appel de sa propre décision » (au paragraphe 36). Des scénarios similaires se sont produits dans les décisions AstraZeneca, Porter et Recall. En revanche, ici, la décision d’août de Santé Canada est arrivée avant que SECA dépose cette demande. Santé Canada n’a pas modifié une décision antérieure, mais l’a plutôt annulée dans le cadre des négociations en cours avec SECA, et n’a pris aucune autre décision après que SECA eut commencé la présente demande. Contrairement à ces quatre cas, je conclus qu’une seule décision a été prise en l’espèce : la décision d’août.

[23] Un autre point de distinction est que les discussions entre Santé Canada et SECA qui ont suivi l’avis aux termes de l’article 27 et la décision de juillet ont conduit Santé Canada à réduire constamment la portée des documents qui seront divulgués. Cela indique que Santé Canada et SECA travaillaient ensemble, de manière continue, pour déterminer les documents qui tombaient sous le coup d’une exemption à la LAI. La décision de juillet doit être examinée dans ce contexte. SECA soutient que la décision de juillet était au mieux un « avant-projet de décision », et une décision que Santé Canada a annulée peu après sa publication, compte tenu de ses discussions en cours avec SECA. Santé Canada a délivré un avis officiel aux termes de l’article 28 en même temps que la décision de juillet; toutefois, le contexte général de l’espèce des quatre décisions citées par Santé Canada.

[24] En prenant du recul, il convient de noter que la Cour suprême du Canada a reconnu que les tiers ayant droit à un avis aux termes de l’article 27 peuvent être les mieux placés pour savoir si les documents relèvent des exemptions prévues à l’article 20. Dans l’arrêt Merck Frosst Canada Ltée c Canada (Santé), 2012 CSC 3 [Merck], la Cour suprême a tenu les propos suivants au paragraphe 79 :

Vu la nature des exceptions en cause – qui visent les secrets industriels, les renseignements financiers ainsi que d’autres types de renseignements de nature confidentielle –, le tiers dont les renseignements sont visés par une demande d’accès à l’information est, de façon générale, mieux placé que le responsable de l’institution pour relever les renseignements qui tombent sous le coup de l’une ou l’autre des exceptions prévues au paragraphe 20(1). En effet, il connaît et comprend bien l’industrie dont il fait partie et il a une connaissance approfondie des renseignements en cause, de la façon dont ils ont été traités et du préjudice que pourrait causer leur divulgation.

[25] La raison pour laquelle les tiers peuvent être les mieux placés pour déterminer si un document relève des exceptions prévues à l’article 20 est précisément la raison pour laquelle la LAI exige qu’on leur donne la possibilité à la fois (i) de répondre à un avis de communication en instance d’une divulgation aux termes de l’article 27, et (ii) de contester une décision rendue aux termes de l’article 28 devant notre Cour. La Cour suprême déclare qu’il « est nécessaire d’adopter une approche axée sur la coopération » (Merck, au paragraphe 90).

[26] La décision sur les documents à divulguer n’est pas gravée dans le marbre avant qu’une décision définitive soit rendue. Par exemple, dans la décision Wells c Canada (Ministre des transports) (1995), 96 FTR 178, p. 3, [1995] ACF no 822 (QL) (CF 1re inst.) [Wells], le juge en chef adjoint Jerome a rédigé une décision préliminaire :

[traduction] [...] J’ai du mal à accepter l’affirmation [du demandeur] selon laquelle cette décision est irréversible ou constitue une renonciation qui peut être utilisée pour obliger le ministre à communiquer des documents, non encore publiés, qui sont considérés à juste titre comme étant protégés de la divulgation. Une telle règle aurait pour effet d’empêcher tout réexamen d’une décision de divulguer des documents au public et de lier le ministre à chaque étape d’une demande d’accès à l’information une fois qu’une décision positive a été prise ou suggérée par un fonctionnaire de niveau inférieur. En outre, le ministre ou le responsable de l’institution fédérale a déjà la responsabilité, aux termes de la loi, de divulguer les documents demandés, à moins que ces renseignements ne soient exemptés de divulgation aux termes de la loi. La confirmation claire de cette obligation avant l’examen des documents n’élargit pas cette obligation : Air Atonabee v Min. of Transport (1989) 27 FTR 194, p. 204 et 205.

[27] La décision Wells ne mettait aucun tiers en cause, elle est néanmoins plus semblable à l’espèce que les quatre décisions citées par le défendeur sur cette question (soit les décisions Matol, AstraZeneca, Porter et Recall). Dans la décision Wells, à l’instar de l’espèce, la deuxième décision du ministre a réduit la portée de la divulgation par rapport à ce que le responsable de l’institution fédérale avait initialement décidé. En outre, la deuxième décision dans la décision Wells, comme en l’espèce, est intervenue avant qu’une demande de contrôle judiciaire en application de l’article 44 ait été déposée. Le ministre n’a pas modifié sa position après le dépôt de la demande de contrôle judiciaire.

[28] Vu les faits en l’espèce, y compris l’invitation de Santé Canada à SECA à fournir des représentations supplémentaires après avoir [traduction] « officiellement annulé » la décision de juillet, et son avis d’une décision [traduction] « définitive » imminente juste avant de publier la décision d’août, SECA avait de bonnes raisons de se fier aux représentations de Santé Canada concernant la décision de juillet, et de bonnes raisons de retarder le début d’une demande de contrôle judiciaire pour continuer à négocier avec Santé Canada.

[29] Je ne suis pas convaincu par l’argument de Santé Canada, soulevé plusieurs mois après le début de ce litige aux termes de l’article 44 de la LAI en septembre 2018, selon lequel sa décision d’août était une [traduction] « erreur ». Après tout, la décision d’août n’était pas un événement isolé, mais plutôt un événement qui a mis en cause plusieurs communications et négociations réfléchies. La demanderesse, ayant reçu de l’assurance que l’avis antérieur avait été [traduction] « officiellement annulé » et qu’une [traduction] « décision définitive » serait rendue, était en droit de se fier aux observations du ministère.

[30] Si l’on examine la séquence des événements du point de vue du respect de la loi – et conformément aux principes qui sous-tendent les décisions Matol, AstraZeneca, Porter et Recall – la décision d’août était la seule décision légale prise aux termes de l’article 28, et l’institution ne peut par la suite se rétracter en faveur de la décision antérieure annulée.

2) Préclusion promissoire

[31] SECA invoque également la préclusion promissoire dans ses arguments relatifs au caractère déterminant de la décision d’août. Je suis d’accord que cette doctrine s’applique en l’espèce, à titre de motif subsidiaire de rejet de la position du défendeur selon laquelle seule la décision de juillet est valable. En ce qui concerne cette doctrine, dans l’arrêt Immeubles Jacques Robitaille inc. c Québec (Ville), 2014 CSC 34, au paragraphe 19 [Robitaille], la Cour suprême a conclu que, dans le contexte du droit public, la préclusion promissoire exige la preuve d’une promesse claire et non ambiguë faite à un citoyen par une autorité publique pour inciter ce dernier à accomplir un certain acte.

[32] Dans l’arrêt Centre hospitalier Mont-Sinaï c Québec (Ministre de la Santé et des Services sociaux), 2001 CSC 41, au paragraphe 45 [Mont-Sinaï] (confirmé dans l’arrêt Robitaille), la Cour suprême a reformulé le critère de la doctrine de la préclusion promissoire :

Les principes de l’irrecevabilité fondée sur une promesse [promissory estoppel] sont bien établis. Il incombe à la partie qui invoque cette exception d’établir que l’autre partie a, [1] par ses paroles ou sa conduite, fait une promesse ou donné une assurance [2] destinées à modifier leurs rapports juridiques et à inciter à l’accomplissement de certains actes. De plus, le destinataire des déclarations doit prouver que, [3] sur la foi de celles-ci, [4] il a pris une mesure quelconque ou a de quelque manière changé sa position [...]

[L]a promesse doit être non équivoque, mais [...] elle peut s’inférer des circonstances.

[33] Je suis conscient que la doctrine de la préclusion promissoire a une place étroite dans le contexte des décisions gouvernementales. Comme l’a écrit le juge Mainville dans l’arrêt Malcolm c Canada (Pêches et Océans), 2014 CAF 130 :

[38] Bien qu’il soit possible d’invoquer la théorie de la préclusion promissoire contre une autorité publique, y compris un ministre, elle est d’application limitée en droit public. Comme le souligne le juge Binnie au paragraphe 47 des motifs concordants qu’il a rédigés à l’occasion de l’affaire Centre hospitalier Mont‑Sinaï c. Québec (Ministre de la Santé et des Services sociaux), 2001 CSC 41, [2001] 2 R.C.S. 281 (Mont-Sinaï), la préclusion en droit public exige clairement que l’on détermine l’intention que le législateur avait en conférant le pouvoir dont on cherche à empêcher l’exercice. La loi est suprême. Des circonstances qui pourraient par ailleurs donner lieu à la préclusion peuvent devoir céder le pas à un intérêt prépondérant exprimé dans le texte législatif.

[39] Ce principe a été exprimé de diverses façons. Dans l’arrêt St. Ann’s Island Shooting and Fishing Club Ltd. c. The King, [1950] R.C.S. 211, à la page 220, le juge Rand l’a formulé comme suit : [traduction] « [I]l ne peut y avoir préclusion en présence d’une disposition explicite d’une loi. » Dans Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c. Lidder, [1992] 2 C.F. 621, à la page 625, le juge Marceau, de la Cour d’appel, l’a pour sa part formulé en ces termes : « On ne saurait invoquer la théorie de la fin de non‑recevoir pour empêcher l’exercice d’une obligation prévue par la loi. »

[Non souligné dans l’original.]

[34] Dans l’arrêt Malcolm, la CAF a refusé d’appliquer la préclusion promissoire pour empêcher un ministre d’exercer son large pouvoir discrétionnaire d’une manière qui ne correspondait pas aux décisions politiques de ses prédécesseurs : la Cour a reconnu que le ministre avait un large pouvoir discrétionnaire et que les décisions politiques des ministres précédents ne liaient pas le titulaire. Le principe dégagé est donc qu’une partie ne peut pas employer la doctrine pour empêcher l’exercice d’un devoir légal, plus précisément lorsque le Parlement a voulu que ce devoir protège les intérêts des personnes ayant une préoccupation donnée. Dans l’arrêt Malcolm, ce devoir était un pouvoir de décision discrétionnaire.

[35] L’analogie dans le contexte de la LAI est qu’un tiers ne peut pas utiliser la préclusion promissoire pour empêcher une institution d’exercer son obligation légale de prendre une décision concernant une demande d’accès, alors que l’article 28 de cette loi établit clairement l’obligation de prendre une telle décision. SECA, cependant, ne s’appuie pas sur la préclusion promissoire pour empêcher Santé Canada de rendre une décision. Elle soulève plutôt la doctrine de la préclusion promissoire pour empêcher Santé Canada d’annuler une décision prise en bonne et due forme – la décision d’août – en faveur de la décision de juillet, qui a été rétractée. Ce raisonnement tient la route. Si l’on examine le scénario différemment, Santé Canada ne peut pas revenir sur sa première décision au motif qu’il y avait eu une erreur, s’engager dans de nouvelles négociations sur la promesse d’une décision définitive éventuelle, rendre cette décision définitive, puis la récupérer après le début du litige pour empêcher SECA de contester la décision devant notre Cour.

[36] Santé Canada a voulu que SECA s’appuie sur ses paroles et sa conduite sans ambiguïté. Santé Canada a annulé sa décision de juillet, et l’a remplacée par sa décision [traduction] « définitive » d’août. Entre-temps, il a continué à travailler avec SECA pour déterminer la portée appropriée de la divulgation. SECA s’est appuyée sur ce fait lorsqu’elle a décidé de ne pas déposer une demande inutile aux termes de l’article 44 pour le contrôle de la décision de juillet. Cela aurait été un gaspillage de ressources, y compris celles de Santé Canada et de notre Cour, étant donné que Santé Canada avait indiqué qu’il était toujours disposé à négocier. SECA est donc en droit de défendre ses actions au moyen de la préclusion promissoire, et Santé Canada ne peut pas, après le début du litige et avec le recul, dire maintenant qu’il a rendu sa deuxième décision par erreur, de sorte que seule sa première décision est valable.

[37] En résumé, je conclus que la décision d’août est valable, que la décision de juillet est nulle et sans effet, et que la présente demande a été correctement déposée dans le délai légal de 20 jours.

3) Santé Canada a-t-il enfreint les principes d’équité procédurale?

[38] SECA a soulevé un argument d’injustice procédurale relativement à la retenue par Santé de certains documents du premier ensemble de documents, que la demanderesse a seulement découvert après qu’ils lui ont été communiqués dans le présent litige. Lors de l’audition de la présente demande, Santé Canada a concédé qu’il aurait dû divulguer les documents retenus dans l’avis délivré aux termes de l’article 27. Comme ces documents ont depuis été divulgués dans l’espèce, je conclus que SECA n’a pas souffert d’injustice procédurale.

B. Questions de fond

[39] La question de fond en l’espèce est de savoir si Santé Canada a omis à tort de soustraire les documents contestés à la divulgation aux termes de la LAI pour des motifs de confidentialité (alinéa 20(1)b)) ou de préjudice (alinéa 20(1)c)).

1) Normes de contrôle et de preuve

[40] Il s’agit de la première décision rendue aux termes de la LAI depuis l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], dans lequel la Cour suprême a conclu que le caractère raisonnable est la norme par défaut à respecter dans les contrôles judiciaires. Toutefois, l’indication claire du législateur voulant qu’une norme différente doive être appliquée suffit pour réfuter cette présomption (Vavilov, aux paragraphes 32, 34 et 35). L’article 44.1 de la LAI prévoit que les contrôles judiciaires doivent être des contrôles de novo, et « sont entendus et jugés comme une nouvelle affaire ».

[41] En conséquence, sans utiliser le libellé exact d’un « appel », l’article 44.1 de la LAI indique clairement que le Parlement avait l’intention que notre Cour effectue un contrôle selon la norme de la décision correcte. Cela signifie que je dois décider de nouveau si les documents contestés relèvent d’une exception à la LAI, selon les éléments de preuve présentés par les parties (Merck, au paragraphe 3). L’arrêt Merck confirme également une longue série de décision établissant l’application de la norme de la décision correcte (Merck, au paragraphe 53). Les deux parties ont accepté, tout comme moi, que l’arrêt Vavilov ne modifie pas cette norme.

[42] Enfin, en ce qui concerne le fardeau de la preuve, l’arrêt Merck établit également qu’il incombe au tiers d’établir toute exemption de divulgation selon la prépondérance des probabilités (aux paragraphes 94 et 95).

2) Les documents sont-ils soustraits à la communication aux termes de l’alinéa 20(1)b) de la LAI?

[43] Les documents contestés contiennent deux types de renseignements : (1) les journaux et (2) les formulaires. SECA a soumis ces documents contestés à Santé Canada dans le cadre de son rappel de 2016, conformément à ses obligations aux termes de l’article 14 des protocoles de rappel de la LCSPC, selon lequel le fabricant doit informer Santé Canada de tout événement répondant à la définition légale d’un « incident » dans les deux jours suivant la prise de connaissance de ces événements (LCSPC, au paragraphe 14(2)). La LCSPC définit un « incident » aux alinéas 14(1)a) et b), comme un événement, un défaut ou une caractéristique raisonnablement susceptible « de causer la mort d’un individu ou qui a eu ou était susceptible d’avoir des effets négatifs graves sur sa santé, notamment en lui causant des blessures graves ».

[44] En l’occurrence, les documents contestés ont été créés après les événements impliquant les laveuses et répondant à la définition légale d’un « incident ». Avant d’évaluer si les renseignements contenus dans les documents contestés relèvent d’une exemption aux termes de l’alinéa 20(1)b), voici une brève description de ceux-ci.

a) Les journaux

[45] Les journaux complets contiennent un tableau de six colonnes : (1) le nom du client; (2) l’adresse du client; (3) le numéro du modèle; (4) la date du rapport d’incident; (5) les rapports des clients au service clientèle; et (6) le règlement. À la suite de discussions avec SECA, Santé Canada a accepté de supprimer les colonnes (1) et (2), [traduction] « nom du client » et [traduction] « adresse du client », conformément au paragraphe 19(1) de la LAI, car elles contenaient des renseignements personnels. Santé Canada a également accepté de supprimer la colonne (6), [traduction] « règlement », parce qu’il a admis les arguments de SECA selon lesquels la colonne contenait des renseignements confidentiels scientifiques, commerciaux, techniques ou financiers aux termes de l’alinéa 20(1)b) de la LAI. Santé Canada a refusé de refuser la divulgation des colonnes restantes, invoquant son obligation de les communiquer aux termes de la LAI.

b) Les formulaires

[46] Les formulaires sont des questionnaires standard de trois pages de Santé Canada. Les tiers doivent remplir ces questionnaires dans le cadre du processus de déclaration d’incidents et de rappel de produits de consommation. En plus des coordonnées générales, les formulaires demandent des renseignements dans des « champs » en blanc, à remplir par les parties qui ont communiqué des « incidents » à Santé Canada. Les formulaires demandent des renseignements supplémentaires aux tiers, notamment : le nombre total d’unités touchées; le nombre total d’unités distribuées; les types de mesures que le tiers a prises pour aviser le public des incidents (c.-à-d., les avis dans les points de vente au détail, sur les sites Web ou dans d’autres médias); le nombre de consommateurs touchés (y compris le nombre de consommateurs qui ont été joints et qui ont répondu); les types de mesures d’intervention qui ont été prises pour remédier à la situation (c.-à-d., le nombre de clients joints, le mode de communication et le nombre de retours de produits, de remboursements, d’échanges et de trousses de réparation qui ont été traités); et des mises à jour sur le nombre d’incidents. Les formulaires demandent également des renseignements sur les décès ou les blessures liés aux incidents.

[47] |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||

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[48] À la suite de discussions avec SECA, et comme cela s’est produit avec les parties retirées des documents susmentionnés, Santé Canada a également caviardé certaines parties des formulaires conformément aux exigences de la LAI. Il a caviardé les renseignements suivants :  |  |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Santé Canada a procédé à ces caviardages aux termes du paragraphe 19(1) et de l’alinéa 20(1)b) de la LAI.

c) Observations des parties relativement à l’alinéa 20(1)b)

[49] SECA demande à notre Cour d’exempter les documents contestés de la divulgation en application de l’alinéa 20(1)b) de la LAI, et donc d’interdire leur divulgation. SECA soutient que les documents contestés contiennent des renseignements commerciaux sensibles, qu’elle a toujours traités comme étant confidentiels.

[50] Plus précisément, SECA affirme que les journaux |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. SECA note que les formulaires contiennent |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||| La société fait également référence à ses |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[51] SECA note qu’elle a constamment imposé des exigences strictes de confidentialité à ses employés, y compris en leur faisant signer des accords de confidentialité et en leur faisant suivre une formation annuelle de conformité, et qu’elle a fourni les documents contestés à Santé Canada avec une attente raisonnable de confiance. SECA affirme de plus que les renseignements contenus dans les documents contestés ne sont pas autrement accessibles au public.

[52] Santé Canada réplique que les documents contestés ne sont pas exemptés aux termes de l’alinéa 20(1)b) pour quatre motifs. Premièrement, Santé Canada affirme que les renseignements contenus dans les documents contestés ne sont pas « financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques » au sens de la LAI. Il décrit les renseignements contenus dans les documents contestés comme ne relevant pas du champ d’application de l’alinéa 20(1)b). Santé Canada soutient que le fait que |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ne change pas leur nature.

[53] Deuxièmement, Santé Canada soutient que certains des renseignements contenus dans les documents contestés sont déjà accessibles au public. Ce type de renseignement comprend : || |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Santé Canada déclare qu’il publie régulièrement des renseignements relativement au nombre d’incidents signalés dans le cadre de rappels volontaires ou, à la demande du public, des renseignements relatifs aux journaux d’incidents ou aux plaintes des consommateurs (en caviardant les renseignements personnels). Santé Canada fait valoir que, dans la mesure où les renseignements n’étaient pas déjà accessibles au public en l’espèce, n’importe qui pouvait les obtenir par observation ou en interrogeant les clients.

[54] Troisièmement, Santé Canada soutient que SECA ne s’est pas déchargée du fardeau d’établir l’existence d’une attente raisonnable de confidentialité. Les |||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||| documents contestés sont insuffisantes en elles-mêmes pour que SECA puisse établir la nature confidentielle de ces documents. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[55] Enfin, Santé Canada soutient que SECA n’a pas réussi à démontrer que le fait de conserver la confidentialité des documents contestés favoriserait une relation entre l’institution et la tierce partie qui serait dans l’intérêt du public. Santé Canada note que SECA a soumis les documents contestés en raison de ses obligations aux termes de la LCSPC. En effet, Santé Canada affirme que la déclaration obligatoire prévue à la LCSPC reconnaît le rôle important que joue l’industrie dans la sécurité des produits et lui permet de comprendre largement les incidents liés à la sécurité qui se produisent avec les produits de consommation, dans le cadre d’une relation entre le fabricant et l’organisme de réglementation dans l’intérêt du public.

d) Les principales dispositions législatives de la LAI

[56] Les deux principales dispositions de la LAI en litige dans la présente demande sont rédigées comme suit :

20 (1) Le responsable d’une institution fédérale est tenu, sous réserve des autres dispositions du présent article, de refuser la communication de documents contenant :

20 (1) Subject to this section, the head of a government institution shall refuse to disclose any record requested under this Part that contains

[…]

b) des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques fournis à une institution fédérale par un tiers, qui sont de nature confidentielle et qui sont traités comme tels de façon constante par ce tiers;

(b) financial, commercial, scientific or technical information that is confidential information supplied to a government institution by a third party and is treated consistently in a confidential manner by the third party;

[…]

c) des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de causer des pertes ou profits financiers appréciables à un tiers ou de nuire à sa compétitivité;

(c) information the disclosure of which could reasonably be expected to result in material financial loss or gain to, or could reasonably be expected to prejudice the competitive position of, a third party; or

[…]

[57] Pour déterminer si un document doit être divulgué en application de la LAI, il est important de se rappeler les tensions au cœur de la Loi et les intérêts concurrents que les tribunaux doivent concilier dans l’application de ses dispositions. La juge Mactavish a analysé cette question dans la décision Bombardier Inc. c Canada (Procureur général), 2019 CF 207 [Bombardier], aux paragraphes 35 à 38 :

[35] La LAI prévoit le droit à l’accès en temps utile aux documents de l’administration fédérale. Il a été jugé que la Loi consacrait un droit d’accès quasi constitutionnel afin de faciliter l’exercice de la démocratie : Statham c Société Radio-Canada, 2010 CAF 315, au paragraphe 1, [2012] 2 RCF 421; Merck, précité, au paragraphe 1; Dagg c Canada (Ministre des Finances), [1997] 2 RCS 403, au paragraphe 61, [1997] ACS no 63, le juge La Forest (dissident, mais pas sur ce point).

[36] La LAI favorise la démocratie « en aidant à garantir [...] que les citoyens possèdent l’information nécessaire pour participer utilement au processus démocratique » et en contribuant à garantir que les politiciens et bureaucrates sont tenus de rendre des comptes à la population : Merck, précité, au paragraphe 22. Par conséquent, il faut donner à la législation sur l’accès à l’information une interprétation large et téléologique.

[37] Toutefois, les tribunaux ont également reconnu que les demandes d’accès à l’information gouvernementale peuvent mettre en jeu d’autres intérêts publics et privés. Les gouvernements recueillent auprès de tiers des renseignements pouvant comprendre des renseignements commerciaux confidentiels qui peuvent être utiles aux concurrents et dont la divulgation peut causer un préjudice financier ou autre à ces tiers et décourager la recherche et l’innovation : Merck, précité, au paragraphe 2.

[38] Par conséquent, il faut établir un juste équilibre entre les objectifs contradictoires de permettre au public d’accéder à l’information gouvernementale et de protéger les intérêts des tiers : Merck, précité, aux paragraphes 2 et 4. La question qui se pose consiste à déterminer si cet équilibre a été atteint de façon appropriée en l’espèce.

[58] En bref, les tribunaux doivent examiner les exceptions prévues à l’article 20 à la lumière de l’objectif général de la LAI, soit de « d’accroître la responsabilité et la transparence des institutions de l’État afin de favoriser une société ouverte et démocratique et de permettre le débat public sur la conduite de ces institutions » (LAI, au paragraphe 2(1)). Cependant, notre Cour doit également pondérer ce droit d’accès avec les droits des tiers mis en cause, de sorte que « les exceptions indispensables à ce droit [sont] précises et limitées » (LAI, alinéa 2(2)a)).

[59] Je vais maintenant me pencher sur la question de savoir si SECA s’est acquittée de son fardeau d’établir que les documents contestés tombent sous le coup de l’exemption de confidentialité (alinéa 20(1)b)), et ensuite examiner si les documents contestés devraient être exemptés de la divulgation en raison d’un préjudice allégué (alinéa 20(1)c)).

(i) Analyse de l’alinéa 20(1)b)

[60] Un tiers qui fait valoir que des renseignements sont exemptés de la divulgation aux termes de l’alinéa 20(1)b) doit établir quatre critères selon la prépondérance des probabilités. Le tiers doit établir que les renseignements en question sont : (i) de nature financière, commerciale, scientifique ou technique; (ii) confidentiels; (iii) constamment traités comme étant confidentiels par le tiers; et (iv) fournis à une institution fédérale par un tiers : Air Atonabee Ltd. c Canada (Ministre des Transports) (1989), 27 FTR 194, p. 19, [1989] ACF no 453 (QL) (CF 1re inst.) [Air Atonabee]; voir également les décisions Merck, au paragraphe 133, et Bombardier, au paragraphe 43.

[61] Le tiers doit établir les quatre éléments de ce critère conjonctif pour obtenir gain de cause (Bombardier, au paragraphe 44). En conséquence, le fait de ne pas établir l’un des quatre éléments sera fatal à la demande d’exemption d’un tiers. À l’inverse, si le tiers établit la présence des quatre éléments, les renseignements seront exemptés de la divulgation aux termes de la LAI, sous réserve de l’obligation de prélever les renseignements non exemptés aux termes de l’article 25, ou d’autres dérogations prévues par la loi, comme la dérogation au titre de l’intérêt public prévue au paragraphe 20(6) (qui n’a pas été invoquée en l’espèce). Le responsable de l’institution fédérale n’a aucun pouvoir discrétionnaire relativement à ses obligations de divulgation (Merck, au paragraphe 97; AstraZeneca, au paragraphe 53).

[62] Le juge MacKay, dans la décision Air Atonabee (p. 26-27), s’est étendu sur le deuxième critère, écrivant que [traduction] « la reconnaissance du caractère confidentiel des renseignements dépend de leur contenu, de leur objet et des circonstances entourant leur compilation et leur communication », à savoir :

a) le contenu du document est tel que les renseignements qu’il contient ne peuvent être obtenus de sources auxquelles le public a autrement accès, ou ne peuvent être obtenus par observation ou par étude indépendante par un simple citoyen agissant de son propre chef;

b) les renseignements doivent avoir été transmis confidentiellement avec l’assurance raisonnable qu’ils ne seront pas divulgués;

c) les renseignements doivent être communiqués, que ce soit parce que la loi l’exige ou parce qu’ils sont fournis gratuitement, dans le cadre d’une relation de confiance entre l’administration et la personne qui les fournit ou dans le cadre d’une relation qui n’est pas contraire à l’intérêt public, et la communication des renseignements confidentiels doit favoriser cette relation dans l’intérêt du public.

[63] En combinant les analyses des décisions Air Atonabee et Merck (au paragraphe 133), et en examinant la décision Fermes Burnbrae Limitée c Canada (Agence canadienne d’inspection des aliments), 2014 CF 957 [Fermes Burnbrae], au paragraphe 66, le tiers doit établir chacun des éléments suivants, afin d’exempter les renseignements de la divulgation. Les renseignements doivent :

  1. être des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques, au sens courant de ces termes;
  2. être de nature confidentielle, au sens qu’ils :
    1. ne sont pas disponibles au public;
    2. ont été créés et communiqués confidentiellement avec l’assurance raisonnable qu’ils ne seront pas divulgués;
    3. communiqués dans le contexte d’une relation fiduciaire ou d’une relation qui ne soit pas autrement contraire à l’intérêt public, et le maintien de leur confidentialité favorisera cette relation dans l’intérêt du public;
  3. avoir été traités comme des renseignements confidentiels de façon constante par le tiers;
  4. avoir été fournis à une institution fédérale par le tiers.

[64] SECA n’a pas réussi à me convaincre que les documents contestés justifient une exemption de divulgation aux termes de l’alinéa 20(1)b) pour deux raisons. Premièrement, je conclus que les parties des documents contestés que Santé Canada n’a pas encore soustraits à la divulgation ne contiennent aucun renseignement « financier, commercial, scientifique ou technique » au sens de la LAI. Deuxièmement, je ne suis pas persuadé que les renseignements contenus dans les documents contestés soient confidentiels. SECA étant incapable d’établir chaque élément du critère en quatre parties, les documents contestés doivent être divulgués, comme je l’expliquerai en d’autres détails ci-dessous.

(ii) Renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques

[65] La définition de ce qui constitue un renseignement « financier, commercial, scientifique ou technique » est une tâche étonnamment délicate. Dans l’arrêt Merck, la Cour suprême a adopté l’approche du juge MacKay dans la décision Air Atonabee, qui soutenait qu’on adopte le « au sens courant de ces termes » (Merck, au paragraphe 139). La Cour a également conclu qu’il n’est pas nécessaire que les renseignements contestés aient une valeur intrinsèque pour répondre à ce critère (Merck, au paragraphe 140).

[66] Aucune des parties n’a suggéré que les renseignements contenus dans les documents contestés sont « financiers » ou « scientifiques », et je ne suis pas non plus parvenu à cette conclusion. La question principale est donc de savoir si les documents contestés contiennent des renseignements « techniques » ou « commerciaux » au sens de la LAI.

[67] Les définitions courantes du mot « technique » figurant dans les dictionnaires en ligne comprennent les suivantes : [traduction] « [une personne] ayant des connaissances ou des compétences dans un art, une science ou un autre domaine particulier; versée dans les techniques formelles et pratiques d’un domaine particulier » (le dictionnaire Oxford English Dictionary en ligne : <www.oed.com/view/Entry/198447>); des renseignements relatifs au [traduction] « type de machines, de procédés et de matériaux utilisés dans l’industrie, les transports et les communications » (le dictionnaire Collins en ligne : <www.collinsdictionary.com/dictionary/english/technical>); [traduction] « à l’utilisation pratique des machines ou de la science dans l’industrie, la médecine, etc. » et [traduction] « machines ou de la façon dont un type de travail particulier est effectué » (le dictionnaire Merriam-Webster en ligne : <www.merriam-webster.com/dictionary/technical>).

[68] Tout ce qui se rapporte à un produit de consommation n’est pas nécessairement qualifié de technique. Par exemple, dans l’arrêt Commissaire à l’information du Canada c Bureau canadien d’enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports, 2006 CAF 157, au paragraphe 70 [Bureau d’enquête], la juge Desjardins a expliqué qu’il est « inexact [...] de prétendre que l’enregistrement tout entier établi à l’occasion d’un vol constitue des renseignements “techniques” quand seule une partie de cet enregistrement pourrait être ainsi qualifiée, par exemple lorsque sont données des directives précises de vol ». À l’instar de l’arrêt Bureau d’enquête, alors que certains éléments relatifs aux produits de SECA pourraient être qualifiés de techniques, comme les détails de la conception et de la fabrication des laveuses, aucun de ces renseignements ne se trouve dans les documents contestés. En conséquence, je ne suis pas convaincu que les documents contestés contiennent des renseignements « techniques », au sens où ce terme est communément compris et défini.

[69] Le terme « commercial » est donc le seul attribut qui pourrait correspondre aux renseignements se trouvant dans les documents contestés. Si l’on revient aux définitions, les trois dictionnaires en ligne cités précédemment définissent le terme « commercial » comme « engagé dans le commerce; l’échange » (le dictionnaire Oxford English Dictionary en ligne : <www.oed.com/view/Entry/37081>); « mettant en cause ou étant lié à l’achat et à la vente de biens; soucieux de faire de l’argent ou des profits, plutôt que, par exemple, de mener des recherches scientifiques ou de fournir un service public » (le dictionnaire Collins en ligne : <www.collinsdictionary.com/dictionary/english/commercial>); et « occupé ou engagé dans le commerce ou le travail destiné au commerce » (le dictionnaire Merriam-Webster en ligne : <www.merriam-webster.com/dictionary/commercial>).

[70] En examinant des définitions similaires du terme « commercial » dans la décision Novartis Consumer Health Canada Inc v Canada (Minister of Health), 2013 CF 508, [2013] ACF no 1450 (QL), au paragraphe 29 [Novartis], le juge Hughes a tenu les propos suivants : [traduction] « je conclus que ces définitions ne sont pas particulièrement utiles et que leur sens est quelque peu circulaire; (p. ex.) le terme commercial a trait au commerce ». Je suis du même avis. Les définitions du mot « commercial » données dans les dictionnaires susmentionnés sont extrêmement larges et peuvent englober presque tous les renseignements relatifs à une entreprise ou à une organisation, quel que soit son objet ou son contexte.

[71] Comme il est indiqué ci-dessus, Merck a établi que la demanderesse n’avait qu’à satisfaire la norme de preuve en matière civile, qui consiste à satisfaire à l’exemption de l’alinéa 20(1)b) selon la prépondérance des probabilités. La Cour a également souligné dans cet arrêt que « la preuve qui sera nécessaire pour satisfaire à cette norme dépendra de la nature de la thèse que le tiers cherche à faire valoir et du contexte particulier de l’affaire » (Merck, au paragraphe 94, non souligné dans l’original).

[72] Le contexte dans lequel les renseignements sont communiqués est un facteur central dans les cas où un tiers demande une exception à la divulgation aux termes de la LAI. Les parties à la présente demande ont confirmé qu’il n’existe pas de jurisprudence sur l’interprétation de l’exception prévue à l’alinéa 20(1)b) de la LAI dans le contexte d’un rappel lancé en application de la LCSPC. L’approche moderne de l’interprétation des lois devrait être utilisée pour lire l’alinéa 20(1)b) dans son contexte, dans son sens grammatical et ordinaire, en tenant compte de l’économie et de l’objet de la LAI, y compris de l’intention du législateur (Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 RCS 27, au paragraphe 21 [Rizzo]).

[73] Le terme « commercial » n’a pas été examiné dans le contexte d’un rappel en application de la LCSPC; toutefois, il a été interprété dans des contextes analogues. Je commencerai par la décision Brewster Inc. c Canada (Environnement), 2016 CF 339 [Brewster]. Dans celle-ci, le juge Phelan a examiné une demande de divulgation de communications entre la demanderesse et Parcs Canada concernant le processus d’approbation d’un projet de parc national de Jasper. Il a noté que la demanderesse n’a pas démontré que les communications en question contenaient des renseignements commerciaux :

[16] L’argument selon lequel tous les dossiers de Brewster (en l’espèce, principalement de la correspondance) devraient être considérés comme commerciaux étant donné que la compagnie fait affaire avec Parcs Canada pour une proposition d’entreprise commerciale est jugé trop vaste.

[17] L’alinéa 20(1)b) crée une exemption basée sur la catégorie (plutôt que sur les dommages). L’inclusion dans cette catégorie ne dépend pas du contexte entourant la requête. Brewster doit répondre de façon objective aux trois critères de la disposition, soit le type de renseignement, sa qualité et son traitement, et sa provenance.

[18] Les types de renseignement couverts par la disposition comprennent habituellement les coûts, les profits, les stratégies de prix, les procédés de fabrication et les méthodes commerciales ou opérationnelles.

[19] Comme l’a souligné le ministre et expliqué le commissaire à l’information, les détails administratifs comme la numérotation des pages, les dates, l’emplacement de l’information et les courriels d’ordonnancement de réunions ou d’appels téléphoniques ne sont pas des types de renseignement visés par l’alinéa 20(1)b).

[Non souligné dans l’original.]

[74] La formulation du juge Phelan englobe une interprétation plus étroite de ce qui constitue une activité « commerciale » aux fins de l’alinéa 20(1)b) de la LAI. Le juge surmonte ainsi certains des problèmes cernés dans la décision Novartis avec la définition plus large et « circulaire » du terme « commercial » (c.-à-d. [traduction] « ayant trait au commerce »). Je reconnais que les coûts, les profits, les stratégies d’établissement des prix, les processus de fabrication et les méthodes commerciales ou d’exploitation constituent le fondement de la gestion d’une entreprise commerciale, et que c’est sur ce type de renseignements que le législateur voulait que l’exemption légale porte, plutôt que sur des détails administratifs.

[75] Je note que le passage ci-dessus comporte également l’observation importante selon laquelle « [l’]inclusion dans cette catégorie ne dépend pas du contexte entourant la requête » (décision Brewster, au paragraphe 17). En d’autres termes, la raison pour laquelle on demande l’accès à des renseignements qui sont en la possession du gouvernement n’est pas pertinente. Ce qui est crucial, c’est plutôt le contexte dans lequel les renseignements sont recueillis. Autrement dit, les circonstances dans lesquelles les renseignements sont parvenus au gouvernement sont essentielles pour qualifier ces renseignements et décider s’ils doivent être divulgués.

[76] Il n’y a pas que dans la décision Brewster qu’un juge a formulé une notion plus étroite du terme « commercial ». Dans d’autres décisions, les juges ont fait une distinction entre les renseignements de nature commerciale et les renseignements simplement obtenus dans le cadre d’activités d’affaires ou de commerce. Par exemple, dans la décision Provincial Airlines Limited c Canada (Procureur général), 2010 CF 302, au paragraphe 26 [Provincial Airlines], le juge Mandamin a conclu qu’une habilitation de sécurité octroyée à la demanderesse dans cette affaire par le gouvernement fédéral, en relation avec un contrat de surveillance aérienne maritime, n’était pas un renseignement « commercial ». Il a conclu que les renseignements ne concernaient pas « la conduite des affaires », mais plutôt « la capacité d’une entreprise d’assurer la confidentialité » (décision Provincial Airlines, au paragraphe 28). En d’autres termes, ni l’objectif ni la nature de l’habilitation de sécurité n’étaient commerciaux, bien qu’ils découlent d’un contrat commercial.

[77] Pour étayer sa conclusion, le juge Mandamin s’est appuyé sur la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Bureau d’enquête, qui a refusé de qualifier de « commerciales » les renseignements recueillis par NAV CANADA, bien que le modèle d’entreprise de NAV CANADA comprenne la fourniture de services de navigation payants aux compagnies aériennes. Au nom de la Cour d’appel fédérale, la juge Desjardins a expliqué ce qui suit, au paragraphe 69 :

[69] Le bon sens et l’aide des dictionnaires (Air Atonabee Ltd c. Canada (Ministre des Transports) (1989), 27 F.T.R. 194, à la page 208) nous enseignent que le mot « commercial », appliqué à un renseignement, intéresse en soi le commerce. Il ne s’ensuit pas que, du seul fait que les activités de NAV CANADA consistent à fournir, contre rémunération, des services de navigation aérienne, les renseignements recueillis durant un vol peuvent être qualifiés de « commerciaux ».

[Non souligné dans l’original.]

[78] Dans la décision Brainhunter (Ottawa) Inc. c Canada (Procureur général), 2009 CF 1172, aux paragraphes 23 et 24 [Brainhunter], notre Cour a conclu que les renseignements relatifs à la manière dont une entreprise satisfait aux exigences d’une demande de propositions (DP) dans le cadre d’un processus d’appel d’offres gouvernemental n’étaient pas de nature commerciale. Le juge Martineau a refusé de retenir l’argument selon lequel des renseignements découlant du document d’appel d’offres pour un contrat commercial était de nature « commerciale » au sens de l’exemption de l’alinéa 20(1)b). Il a estimé que le fait que l’opération commerciale constitue du commerce était insuffisant en soi pour qu’un document soit qualifié de « commercial ». En effet, le document « doit lui-même contenir des “renseignements commerciaux” » (décision Brainhunter, au paragraphe 23, citant la décision Appleton & Associates c Greffier du Bureau du Conseil privé), 2007 CF 640 [Appleton]).

[79] La décision Appleton portait sur une demande de renseignements relative à un arbitrage international dans lequel il est allégué que le Canada a violé des obligations issues de traités en autorisant le service de messagerie de Postes Canada à concurrencer le secteur privé. À l’instar de la décision Brainhunter, en rejetant la prétention selon laquelle les documents contestés contenaient des renseignements confidentiels, le juge O’Reilly a conclu que « le document doit lui-même contenir des renseignements financiers ou commerciaux. Il ne suffit pas que le document en question ait été créé dans le cadre d’une instance susceptible d’avoir des répercussions financières ou commerciales » (Appleton, au paragraphe 26).

[80] En effet, dans la décision Brainhunter, la Cour a exigé une « preuve directe » des renseignements commerciaux confidentiels. La Cour, dans cette affaire, a conclu ce qui suit :

[24] Le document en question ne porte pas sur le commerce, mais découle du fait fondamental que la demanderesse voulait échanger, avec l’administration fédérale, des services contre de l’argent. Une très grande partie des renseignements non encore divulgués qui apparaissent dans le document ne portent que sur la façon dont divers candidats satisfont aux exigences obligatoires des postes selon la DP. Ces renseignements ne sont pas en soi de nature commerciale. Cela dit, le résumé contient certains renseignements généraux au sujet de l’entreprise, et l’on y mentionne des marchés publics déjà conclus en vue de fournir des services semblables. La Cour doute cependant fortement que des renseignements si généraux puissent être qualifiés de « commerciaux ». Quoi qu’il en soit, la demanderesse n’a pas fourni de preuve directe de la présence de renseignements commerciaux confidentiels précis.

[Souligné dans l’original.]

[81] Dans la décision Burnbrae Farms, au paragraphe 73, la juge Strickland, dans le contexte de rapports d’inspection de l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA), a conclu que seuls des renseignements limités étaient de nature commerciale aux fins de l’alinéa 20(1)b) – à savoir uniquement des renseignements relatifs aux noms des clients et des marques, et au volume de produits expédiés. La juge Strickland a fondé son raisonnement sur l’exigence selon laquelle il suffit que les renseignements soient « liés ou se rapportent » à des questions commerciales (en reprenant la définition initiale issue de la décision Air Atonabee, telle qu’elle est approuvée dans l’arrêt Merck). Après un examen approfondi, elle a conclu que la majeure partie des renseignements ne correspondaient pas à cette définition.

[82] Je terminerai le présent examen de l’interprétation judiciaire du terme « commercial » à l’alinéa 20(1)b) en remontant au point de départ – soit la décision Novartis, qui comporte des points communs avec la présente espèce. Dans la décision Novartis, le fabricant de médicaments demandeur était tenu, aux termes de la Loi sur les aliments et drogues, LRC 1985, c F-27 et du Règlement sur les aliments et drogues, CRC, c 870, de déclarer chaque année à Santé Canada les réactions indésirables à une drogue, afin de garantir l’innocuité des produits. La demanderesse s’est opposée à la proposition de divulgation de la section narrative de son rapport de synthèse annuel sur les renseignements concernant les réactions indésirables à une drogue.

[83] Des discussions entre Santé Canada et Novartis au sujet de la communication qui a suivi et, comme avec SECA en l’espèce, Santé Canada a consenti à plusieurs autres caviardages. Après avoir fait référence à la définition « circulaire » tirée du dictionnaire du terme commercial (défini au paragraphe 70 ci-dessus), entrepris un examen détaillé du contexte et pris en compte le fait qu’une grande partie des textes du rapport étaient déjà publics, le juge Hughes a conclu qu’ils ne contenaient pas de renseignements commerciaux, scientifiques ou techniques qui ne sont pas par ailleurs publics (Novartis, aux paragraphes 31 et 32).

[84] Là encore, la contestation dans le cas de SECA concerne le domaine encore inexploré de la demande présentée en lien avec un rappel volontaire, dans le nouveau contexte de la LCSCPC. Il ressort deux observations principales des cas analogues examinés ci-dessus, où les juges interprètent la signification du terme « commercial » au sens de l’alinéa 20(1)b).

[85] Premièrement, le fait d’attribuer une définition trop étroite au terme « commercial » va à l’encontre du sens ordinaire envisagé par la Cour suprême dans l’arrêt Merck et, en effet, de l’analyse large et fondée sur l’objet visé des exceptions prévues par la LAI (Bombardier, au paragraphe 36). De même, une interprétation trop large du terme « commercial » risque d’éroder l’objet de la LAI, qui est de faciliter l’exercice de la démocratie au moyen du droit d’accès en temps utile aux documents sous contrôle gouvernemental et de garantir que les exceptions à la communication restent limitées et précises (LAI, paragraphe 2(1); arrêt Merck, au paragraphe 106, et décision Bombardier, au paragraphe 35).

[86] Deuxièmement, il existe une distinction fondamentale entre les renseignements simplement recueillis ou créés dans le cadre d’activités d’affaires ou de commerce et les renseignements de nature commerciale. Les renseignements de nature intrinsèquement commerciale justifient une exemption à la communication (lorsqu’ils satisfont aux autres exigences de l’alinéa 20(1)b)). À l’inverse, les renseignements simplement recueillis ou créés dans le cadre d’activités d’affaires ne tendent pas à avoir un caractère commercial – à moins bien sûr que ces renseignements soient de nature intrinsèquement commerciale. Le point essentiel à retenir est que les renseignements fournis simplement parallèlement à l’existence d’une entreprise commerciale peuvent très bien ne pas être visés par l’exemption prévue à l’alinéa 20(1)b).

[87] La jurisprudence examinée ci-dessus (affaires Bureau d’enquête, Novartis, Brewster, Fermes Burnbrae, Brainhunter et Provincial Airlines) appuie ces deux observations principales. Le cas de SECA soulève des considérations supplémentaires étant donné le nouveau contexte; il ressemble cependant aux six précédents susmentionnés puisqu’il a été conclu dans tous les cas que les renseignements contestés n’étaient pas de nature commerciale, bien qu’ils aient été recueillis dans le cadre d’activités d’affaires. Comme aux termes de la LCSPC, chaque demanderesse dans ces affaires a demandé l’accès aux renseignements recueillis dans le cadre d’un régime réglementaire – soit dans le cadre d’inspections gouvernementales (Fermes Burnbrae, Novartis, Provincial Airlineset Bureau enquête) ou d’appels d’offres pour des marchés publics (Brainhunter et Brewster). La décision Appleton, pour sa part, n’est pas attribuable à une obligation réglementaire de rendre compte ni à un contexte d’inspection; elle a aussi en commun avec les autres affaires des principes de base, à savoir que la notion de renseignements de nature « commerciale » ne s’étend pas à tous les documents associés au commerce ou aux échanges.

[88] Pour conclure l’interprétation de l’alinéa 20(1)b), je reviendrai aux principes énoncés dans l’arrêt Rizzo. Le législateur a choisi d’utiliser le mot « commercial », et rien de plus précis. Pourtant, le législateur a choisi d’établir un équilibre dans la LAI entre permettre au public d’accéder à des renseignements de l’administration fédérale et protéger les intérêts des tiers (Merck, au paragraphe 4; Bombardier, au paragraphe 38). Le législateur a également choisi de dire – dès le début des dispositions sur l’objet de la LAI – que toute exception devrait être « précise et limitée » (article 2). Par conséquent, on ne peut pas simplement utiliser une définition amorphe et trop large pour interpréter le mot « commercial » dans l’exemption de l’alinéa 20(1)b); il faut plutôt examiner le contexte dans lequel les renseignements remis à l’institution fédérale ont pris naissance. Ensuite, il s’agit de décider s’il s’agit du type de renseignements que le législateur a voulu soustraire à la règle générale de communication publique.

[89] Je conclus que le législateur n’avait pas l’intention d’exempter le type de renseignements en cause dans les documents contestés. Ces renseignements, que Santé Canada n’a pas encore caviardés aux termes du paragraphe 19(1) ou de l’alinéa 20(1)b) de la LAI, ne sont pas de nature commerciale, mais concernent plutôt la sécurité publique. Ces renseignements ont été soumis à Santé Canada dans le cadre de l’objet de la LCSPC de protéger le public « en remédiant au danger pour la santé ou la sécurité humaines que présentent les produits de consommation qui se trouvent au Canada » (article 3).

[90] Il fait nul doute qu’un rappel est une mesure extraordinaire qui ne fait pas partie de la conduite normale des affaires d’une entreprise commerciale. SECA s’occupe généralement de la fabrication et de la vente de produits de consommation, et non de leur rappel. En effet, si le régime de la LCSPC n’existait pas, et si les laveuses n’avaient présenté aucun danger, les documents contestés n’auraient probablement pas été créés. En conséquence, il y a un manque de lien entre le cours ordinaire des affaires de SECA et la création des documents contestés.

[91] En résumé, je conclus que, puisque les documents contestés ne contiennent pas de renseignements « financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques », comme l’exige l’alinéa 20(1)b), ils doivent être communiqués. En outre, je ne les estime pas « confidentiels ».

(iii) Renseignements dits « confidentiels »

[92] Décider du caractère confidentiel de renseignements dépend de leur teneur, de leurs objectifs et des circonstances dans lesquelles ils ont été colligés et communiqués (décision Air Atonabee, aux paragraphes 26 et 27). L’enquête est avant tout une question de fait, qui nécessite un examen attentif des éléments de preuve précis présentés, sans pour autant généraliser à outrance les conclusions rendues dans des décisions antérieures (Merck, au paragraphe 150). Je vais maintenant aborder chacun des trois indices de confidentialité établis dans la décision Air Atonabee et analysés en détail ci-dessus, au paragraphe 62 des présents motifs.

[93] Santé Canada affirme que même si certaines parties des documents contestés n’étaient pas accessibles au public, un membre du public pouvait néanmoins les obtenir par l’intermédiaire d’une observation indépendante ou en interrogeant des clients. Santé Canada affirme également que, de toute façon, il publie régulièrement des renseignements similaires concernant les rappels de produits.

[94] Je ne souscris pas aux arguments de Santé Canada sur ces deux points. Premièrement, une personne qui agit seule aurait besoin d’un considérable investissement en temps et en ressources pour colliger les renseignements en question, si elle avait été en mesure de le faire (Air Atonabee, au paragraphe 22). Deuxièmement, les renseignements en question même n’ont pas été communiqués.

[95] Dans l’arrêt Banque Canadienne Impériale de Commerce c Canada (Commission des droits de la personne), 2007 CAF 272, la Cour d’appel fédérale a clarifié l’enquête nécessaire pour déterminer si des renseignements étaient accessibles au public afin d’en évaluer la confidentialité :

[61] [...] Dans la décision Air Atonabee [...], le critère applicable à la confidentialité a été décrit dans les termes suivants : « le contenu du document est tel que les renseignements qu’il contient ne peuvent être obtenus de sources auxquelles le public a autrement accès » (non souligné dans l’original) : voir Air Atonabee Ltd., au paragraphe 42. Ainsi donc, le critère n’est pas de savoir si des renseignements du même genre sont à la disposition du grand public, mais bien de savoir si des renseignements précis le sont.

[96] En l’espèce, comme les renseignements précis contenus dans les documents contestés n’ont été ni publiés ni communiqués; ils ne sont pas non plus à la disposition du public.

[97] SECA soutient que les documents contestés ont été créés et communiqués dans une attente raisonnable de confidentialité pour deux raisons principales : i) |||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| et ii) parce que la nature de leur teneur était si sensible qu’il était raisonnable de s’attendre à ce qu’ils soient traités comme étant confidentiels.

[98] Je ne suis pas de cet avis. Dans un grand nombre de décisions ont atténué l’attente de confidentialité relativement aux renseignements fournis dans des contextes réglementaires, notamment en ce qui a trait aux conclusions ou aux rapports préparés par l’organisme de réglementation (p. ex., les décisions Fermes Burnbrae, aux paragraphes 61 et 62; Porter Airlines Inc. c Canada (Procureur général), 2014 CF 392, aux paragraphes 56 à 59 [Porter 2014]; AstraZeneca, au paragraphe 76).

[99] Je reconnais qu’il peut exister des distinctions qui ont une incidence sur les attentes en matière de confidentialité des renseignements, compte tenu du contexte, comme dans le cas des régimes dans lesquels les inspecteurs se rendent dans les locaux de tiers pour observer et consigner des renseignements à des fins réglementaires (Les viandes du Breton Inc. c Canada (Agence canadienne d’inspection des aliments), 2006 CF 335, aux paragraphes 44 à 52 [Viandes du Breton]), ou même lorsqu’il s’agit de lancer des procédures d’appel d’offres gouvernementales (voir par exemple, la décision Brainhunter).

[100] Le fait qu’un tiers traite des renseignements comme étant « confidentielle » au sein de son entreprise ne change pas le devoir de l’organisme de réglementation de se conformer à ses propres obligations légales, c’est-à-dire recueillir et communiquer des renseignements, comme l’exige la loi (Fermes Burnbrae, au paragraphe 62). Le tiers ne peut pas non plus se soustraire à son obligation de communiquer les renseignements qu’il est tenu de communiquer aux termes de la loi (Porter 2014, au paragraphe 72). Comme l’a noté la juge Gauthier dans la décision Viandes du Breton (dans le contexte des rapports sur la transformation de la viande établis par les inspecteurs de l’ACIA), « [l]e fait que les rapports et l’information qu’ils contiennent soient traités de façon confidentielle à l’interne par l’entreprise ne change rien à la façon dont ceux-ci sont traités par l’Agence, ni aux principes établis dans la Loi » (au paragraphe 52).

[101] En l’espèce , conformément à l’article 14 de la LCSPC, SECA avait l’obligation légale de colliger et de fournir les documents contestés à Santé Canada. Comme nous l’avons mentionné plus haut, le législateur n’a fourni aucune orientation quant à la façon dont la LCSPC interagit avec la LAI, et les tribunaux n’ont pas non plus interprété la loi dans le contexte des rappels.

[102] Dans la situation de SECA, il n’y avait pas de droit ou d’attente préétablis de confidentialité entre elle et Santé Canada. Au contraire, |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Bien que rien dans les documents contestés n’indique expressément que les renseignements seraient assujettis à la LAI, |||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ne peuvent pas libérer l’institution de son devoir de se conformer à la LAI (Fermes Burnbrae, au paragraphe 62 et Viandes du Breton, au paragraphe 52). De la même manière que les parties ne peuvent pas s’engager contractuellement à contourner des obligations légales, ces obligations ne peuvent pas non plus être supprimées simplement parce que le tiers les a mal comprises. Comme l’a fait remarquer le juge Phelan dans la décision AstraZeneca :

[80] Bien que le fait que le gouvernement et les tiers ont tenu les renseignements confidentiels jusque-là soit l’un des aspects du critère, ce fait n’est pas déterminant, pas plus que celui que les documents sont assortis d’une note indiquant qu’ils ne doivent pas être communiqués sans l’accord du tiers.

[Non souligné dans l’original.]

[103] |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||

[104] Enfin, l’annexe II de la LAI recense quelque 65 lois que le législateur a expressément voulu soustraire à la LAI. La LCSPC ne figure pas parmi les lois de l’annexe II. Si le législateur avait eu l’intention d’exclure la LCSPC de toute communication aux termes de la LAI, il aurait pu le faire.

[105] Pour résumer ce deuxième des trois critères de confidentialité, bien que SECA ait pu subjectivement s’attendre à ce que les renseignements contenus dans les documents contestés demeurent confidentiels, son attente à cet égard n’était pas objectivement raisonnable (voir les décisions Fermes Burnbrae, au paragraphe 61, et Brookfield Lepage Johnson Controls Facility Management Services c Canada (Ministre des travaux publics et des services gouvernementaux), 2003 CFPI 254, au paragraphe 16, confirmée par 2004 CAF 214). Comme expliqué précédemment dans l’analyse sur les renseignements de nature « commerciale », les documents contestés ont vu le jour en raison du rappel, dans le contexte de la LCSPC. Le contexte était celui de la sécurité des consommateurs et du public, et il était déraisonnable, dans ce contexte, que SECA s’attende au maintien de la confidentialité.

[106] En outre, j’ai déjà noté qu’une grande partie du contenu des documents contestés était déjà communiquée dans les avis de rappel. Les renseignements essentiels qui n’ont pas encore été communiqués |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||, mais ne changent pas leur nature. Quoi qu’il en soit, la description des incidents par SECA, telle qu’elle figure dans les avis publics de rappel, ne devrait pas être déterminante quant à la nature de ces incidents. Le fait que |||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| sont plus confidentielles que les descriptions que SECA a utilisées dans les avis de rappel publics.

[107] SECA affirme que dans l’intérêt public, les documents contestés doivent demeurer confidentiels, afin d’inciter les tiers, comme SECA, qui sont soumis à la fois à la LCSPC et à la LAI, à [traduction] « continuer à fournir des renseignements détaillés à Santé Canada concernant le rappel d’un produit du marché canadien, sans craindre la communication publique de leurs renseignements confidentiels » (mémoire des faits et du droit de la demanderesse, au paragraphe 85). SECA ajoute que le fait de ne pas protéger la confidentialité des documents contestés aurait un [traduction] « effet négatif » sur la qualité et l’exhaustivité des renseignements fournis par des tiers à Santé Canada.

[108] Je ne peux pas m’engager sur la pente glissante qui est implicite dans l’argument de [traduction] « [l’]effet négatif » de SECA. Comme l’a affirmé le juge Rennie, relativement à un argument similaire dans la décision Porter 2014, « [l]a crainte de voir la divulgation des conclusions d’ordre réglementaire nuire à la bonne communication des protagonistes touche potentiellement d’autres industries sous réglementation fédérale que celle du transport aérien. Je ne peux me convaincre que la Cour devrait interdire la divulgation des conclusions d’ordre réglementaire au motif qu’elle encouragera des entités réglementées à s’abstenir de divulguer certains renseignements alors qu’elles sont tenues de le faire en vertu des lois » (au paragraphe 72).

[109] En bref, je ne peux pas être d’accord avec SECA sur le fait que l’exemption de communication des documents contestés renforce l’intérêt public : au contraire, elle saperait le fort intérêt public à obtenir accès à l’information (Toronto sun wah trading inc. c Canada (Procureur général), 2007 CF 1091, au paragraphe 23, confirmée par 2008 CAF 239).

[110] Je passe maintenant à la dernière section des présents motifs, pour examiner l’argument de SECA selon lequel la divulgation des documents contestés causera un préjudice, au sens de l’exemption figurant dans l’alinéa 20(1)c) de la LAI.

3) Les documents sont-ils soustraits à la divulgation aux termes de l’alinéa 20(1)c) de la LAI?

[111] Il y a deux circonstances dans lesquelles les documents sont exemptés de divulgation aux termes de l’alinéa 20(1)c) de la LAI. Ces circonstances existent lorsque la divulgation des renseignements risquerait vraisemblablement de causer i) des pertes ou profits financiers appréciables, ou ii) nuire à la compétitivité d’un tiers. Il s’agit de critères disjonctifs, plutôt que conjonctifs, contrairement aux critères de l’alinéa 20(1)b). Contrairement à l’alinéa 20(1)b), il faut également mentionner que l’alinéa 20(1)c) est une exemption fondée sur le préjudice qui est axée sur l’aspect nuisible de la divulgation de renseignements. Les deux principales considérations au titre de l’alinéa 20(1)c) sont le degré de probabilité qu’un préjudice soit causé et le type de préjudice (voir la décision Porter 2014, au paragraphe 79).

[112] Dans l’arrêt Merck, la Cour suprême a examiné le critère du « risque vraisemblable de préjudice probable » qui avait été appliqué dans l’analyse de l’alinéa 20(1)c). Elle a noté que les tribunaux avaient eu du mal à admettre la juxtaposition des expressions « probable », qui signifie qu’une chose est plus susceptible de se produire que l’inverse, et « risque vraisemblable », qui signifie que quelque chose qui est à tout le moins prévu et qui est peut‑être susceptible de se produire, mais qui n’est pas nécessairement probable, dans le libellé du critère (arrêt Merck, au paragraphe 196). La Cour suprême a conclu qu’il n’incombe pas au tiers d’établir selon la prépondérance des probabilités que le préjudice se produira effectivement si les documents sont communiqués, il doit néanmoins faire davantage que simplement démontrer que le préjudice peut se produire (Merck, aux paragraphes 196 et 206). La divulgation de renseignements qui n’ont pas déjà été rendus publics et qui confèreraient une longueur d’avance à la concurrence dans le développement de produits concurrents, ou lui offriraient un avantage concurrentiel en ce qui concerne des opérations à venir, peut, en principe, satisfaire aux conditions prévues à l’alinéa 20(1)c) (Merck, aux paragraphes 219 et 220).

[113] Enfin, mais notamment dans le cas de SECA, le fardeau de preuve pour qu’un demandeur puisse invoquer avec succès l’exemption de l’alinéa 20(1)c) ne peut pas être satisfait simplement par une preuve par affidavit qui affirme que la divulgation causerait le type de préjudice prévu dans la disposition (Merck, au paragraphe 227; voir également les décisions AstraZeneca, au paragraphe 90, et Viandes, au paragraphe 9). Au lieu de cela, il faut des éléments de preuve supplémentaires additionnels établissant que des résultats préjudiciables sont vraisemblablement probables (Brainhunter, au paragraphe 32). La preuve du préjudice découlant de la divulgation peut seulement être établie par les documents particuliers en cause dans une demande d’accès. Une telle évaluation est propre aux faits et dépend des circonstances de chaque cas (Canada (Commissariat à l’information) c Calian Ltd, 2017 CAF 135, au paragraphe 44).

[114] Après avoir examiné les principes directeurs et la norme de preuve pour satisfaire le critère fondé sur le préjudice en application de l’alinéa 20(1)c), j’examinerai les arguments de SECA ainsi que la question de savoir si SECA subirait un préjudice du fait de la divulgation des documents contestés.

[115] SECA fait valoir que les renseignements contenus dans |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||. SECA soutient également que vu le marché concurrentiel des laveuses au Canada, on peut raisonnablement s’attendre à ce que la divulgation des documents contestés cause des pertes financières appréciables et nuise à sa compétitivité.

[116] SECA fonde son argumentation sur les affidavits de Konrad Baranowski, le directeur de la gestion et des opérations de la chaîne d’approvisionnement de SECA. M. Baranowski déclare dans son affidavit que la divulgation des documents contestés causerait un préjudice financier grave et appréciable à SECA, et entraverait sa capacité à continuer de vendre et de commercialiser des laveuses au Canada. M. Baranowski déclare en outre que le marché canadien des laveuses est limité, ce qui crée un degré élevé de concurrence entre les fabricants et les vendeurs de laveuses. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||, selon la demanderesse. M. Baranowski déclare que |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Il a affirmé que l’un ou l’autre des scénarios causerait vraisemblablement une perte financière grave à SECA et des profits financiers à ses concurrents (voir les citations de l’affidavit au dossier de la demanderesse, à la page 13).

[117] À mon avis, ces seules déclarations dans un affidavit ne signifient pas que « la divulgation occasionnera un risque de préjudice selon une norme qui est beaucoup plus exigeante que la simple possibilité ou conjecture » (Merck, au paragraphe 206). Comme l’a fait écrit le juge Phelan dans la décision AstraZeneca :

[46] Le fait de reconnaître le caractère implicitement conjectural d’une preuve de préjudice ne dispense toutefois pas une partie de l’obligation d’invoquer quelque chose de plus que des croyances et des craintes personnelles. Une preuve de résultats raisonnablement attendus, comme une preuve de nature prévisionnelle, est une chose que les tribunaux connaissent, et il doit donc y avoir un motif logique et convaincant pour souscrire à la prévision. Une preuve de documents d’information antérieurs, une preuve d’expert et une preuve de traitement de preuve similaire ou de situations similaires sont souvent admises comme un fondement logique dans le cas d’une expectative de préjudice, ainsi que comme preuve de la catégorie de documents considérés.

[118] En l’espèce, je note une fois de plus qu’une grande partie des renseignements concernant le rappel avait déjà été rendus publiques dans les avis affichés sur les sites Web de Santé Canada et de SECA. SECA n’a pas indiqué clairement la manière dont les renseignements contenus dans les formulaires contestés pourraient nuire davantage à sa compétitivité; elle n’a pas non plus fourni d’éléments de preuve objectifs à cet égard ou qui corroborent une telle thèse. Le public et les concurrents sont déjà au courant du rappel, des problèmes qui ont conduit au rappel et du nombre d’incidents, grâce aux renseignements déjà communiqués.

[119] Comme je l’ai également noté précédemment, |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||. Je suis d’accord avec Santé Canada sur le fait que conclure que les documents contestés risqueraient vraisemblablement de causer des pertes appréciables à ou de nuire à sa compétitivité au sens de l’alinéa 20(1)c) élargirait indûment la portée de la disposition et minerait à la fois le régime de communication de la LAI et son objet.

[120] Je ne pense pas que SECA se soit acquittée de son fardeau de démontrer une preuve au-delà d’une simple possibilité de préjudice. Par conséquent, l’exemption de l’alinéa 20(1)b) ne soustrait pas les documents contestés à la communication.

IV. Dépens

[121] Compte tenu du résultat mitigé sur les questions en litige – la question de procédure (en faveur de la demanderesse) et le fond (en faveur du défendeur) – aucuns dépens ne seront adjugés.

V. Conclusion

[122] Comme indiqué dans les présents motifs, SECA a obtenu gain de cause relativement au premier motif contesté, à savoir que la présente demande a été correctement introduite relativement à la décision du mois d’août. Toutefois, SECA n’a pas satisfait aux critères requis en vue d’une exemption de communication des documents contestés aux termes des alinéas 20(1)b) ou c) de la LAI. Pour les motifs qui précèdent, les documents contestés doivent être communiqués.

VI. Confidentialité

[123] Une ébauche des présents motifs a été communiquée aux parties le 9 novembre 2020, accompagnée de la directive suivante :

[Traduction] Les parties devront fournir à la Cour une proposition commune sur la confidentialité de l’ébauche d’ordonnance et des motifs au plus tard le 20 novembre 2020 à 16 h (HNE). Si les parties ne parviennent pas à un accord, elles peuvent chacune déposer des observations séparées de cinq (5) pages au maximum dans le même délai. Les parties doivent noter que la confidentialité de la présente décision est une solution de dernier ressort qui relève de la discrétion de la Cour et que celle-ci agira dans l’intérêt supérieur de la justice.

[124] Le 19 novembre, les parties ont conjointement informé la Cour qu’elles n’avaient pas pu s’entendre sur une proposition commune et ont demandé une semaine supplémentaire pour présenter leurs observations. J’ai autorisé cette prolongation du délai, et j’ai reçu des observations séparées de la demanderesse et de l’intimé le 27 novembre 2020. J’ai avisé les parties que la publication des présents motifs publics serait retardée jusqu’au 29 janvier 2021, question de permettre l’écoulement de la période d’appel. Un appel a par la suite été interjeté. Les présents motifs publics ont été expurgés conformément aux observations du demandeur.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER T-1617-18

LA COUR rend le JUGEMENT suivant :

  1. La demande est rejetée.

  2. Aucuns dépens ne seront adjugés.

« Alan S. Diner »

Juge


ANNEXE

Extraits de la Loi sur l’accès à l’information, LRC (1985), c A-1

Objet de la loi

Purpose of Act

Objet de la loi

Purpose of Act

2 (1) La présente loi a pour objet d’accroître la responsabilité et la transparence des institutions de l’État afin de favoriser une société ouverte et démocratique et de permettre le débat public sur la conduite de ces institutions.

2 (1) The purpose of this Act is to enhance the accountability and transparency of federal institutions in order to promote an open and democratic society and to enable public debate on the conduct of those institutions.

Objets spécifiques : parties 1 et 2

Specific purposes of Parts 1 and 2

(2) À cet égard :

(2) In furtherance of that purpose,

a) la partie 1 élargit l’accès aux documents de l’administration fédérale en consacrant le principe du droit du public à leur communication, les exceptions indispensables à ce droit étant précises et limitées et les décisions quant à la communication étant susceptibles de recours indépendants du pouvoir exécutif;

(a) Part 1 extends the present laws of Canada to provide a right of access to information in records under the control of a government institution in accordance with the principles that government information should be available to the public, that necessary exceptions to the right of access should be limited and specific and that decisions on the disclosure of government information should be reviewed independently of government; and

b) la partie 2 fixe des exigences visant la publication proactive de renseignements.

(b) Part 2 sets out requirements for the proactive publication of information.

Étoffement des modalités d’accès

Complementary procedures

(3) En outre, la présente loi vise à compléter les modalités d’accès aux documents de l’administration fédérale; elle ne vise pas à restreindre l’accès aux renseignements que les institutions fédérales mettent normalement à la disposition du grand public.

(3) This Act is also intended to complement and not replace existing procedures for access to government information and is not intended to limit in any way access to the type of government information that is normally available to the general public.

[…]

Renseignements personnels

Personal Information

Renseignements personnels

Personal information

19 (1) Sous réserve du paragraphe (2), le responsable d’une institution fédérale est tenu de refuser la communication de documents contenant des renseignements personnels.

19 (1) Subject to subsection (2), the head of a government institution shall refuse to disclose any record requested under this Part that contains personal information.

Cas où la divulgation est autorisée

Where disclosure authorized

(2) Le responsable d’une institution fédérale peut donner communication de documents contenant des renseignements personnels dans les cas où :

(2) The head of a government institution may disclose any record requested under this Part that contains personal information if

a) l’individu qu’ils concernent y consent;

(a) the individual to whom it relates consents to the disclosure;

b) le public y a accès;

(b) the information is publicly available; or

c) la communication est conforme à l’article 8 de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

(c) the disclosure is in accordance with section 8 of the Privacy Act.

Renseignements de tiers

Third Party Information

Renseignements de tiers

Third party information

20 (1) Le responsable d’une institution fédérale est tenu, sous réserve des autres dispositions du présent article, de refuser la communication de documents contenant :

20 (1) Subject to this section, the head of a government institution shall refuse to disclose any record requested under this Part that contains

a) des secrets industriels de tiers;

(a) trade secrets of a third party;

b) des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques fournis à une institution fédérale par un tiers, qui sont de nature confidentielle et qui sont traités comme tels de façon constante par ce tiers;

(b) financial, commercial, scientific or technical information that is confidential information supplied to a government institution by a third party and is treated consistently in a confidential manner by the third party;

b.1) des renseignements qui, d’une part, sont fournis à titre confidentiel à une institution fédérale par un tiers en vue de l’élaboration, de la mise à jour, de la mise à l’essai ou de la mise en œuvre par celle-ci de plans de gestion des urgences au sens de l’article 2 de la Loi sur la gestion des urgences et, d’autre part, portent sur la vulnérabilité des bâtiments ou autres ouvrages de ce tiers, ou de ses réseaux ou systèmes, y compris ses réseaux ou systèmes informatiques ou de communication, ou sur les méthodes employées pour leur protection;

(b.1) information that is supplied in confidence to a government institution by a third party for the preparation, maintenance, testing or implementation by the government institution of emergency management plans within the meaning of section 2 of the Emergency Management Act and that concerns the vulnerability of the third party’s buildings or other structures, its networks or systems, including its computer or communications networks or systems, or the methods used to protect any of those buildings, structures, networks or systems;

c) des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de causer des pertes ou profits financiers appréciables à un tiers ou de nuire à sa compétitivité;

(c) information the disclosure of which could reasonably be expected to result in material financial loss or gain to, or could reasonably be expected to prejudice the competitive position of, a third party; or

d) des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement d’entraver des négociations menées par un tiers en vue de contrats ou à d’autres fins.

(d) information the disclosure of which could reasonably be expected to interfere with contractual or other negotiations of a third party.

[…]

Communication dans l’intérêt public

Disclosure authorized if in public interest

(6) Le responsable d’une institution fédérale peut communiquer, en tout ou en partie, tout document qui contient les renseignements visés à l’un ou l’autre des alinéas (1)b) à d) pour des raisons d’intérêt public concernant la santé ou la sécurité publiques ou la protection de l’environnement; ces raisons doivent de plus justifier nettement les conséquences éventuelles de la communication pour un tiers : pertes ou profits financiers, atteintes à la sécurité de ses ouvrages, réseaux ou systèmes, atteintes à sa compétitivité ou entraves aux négociations — contractuelles ou autres — qu’il mène.

(6) The head of a government institution may disclose all or part of a record requested under this Part that contains information described in any of paragraphs (1)(b) to (d) if

(a) the disclosure would be in the public interest as it relates to public health, public safety or protection of the environment; and

(b) the public interest in disclosure clearly outweighs in importance any financial loss or gain to a third party, any prejudice to the security of its structures, networks or systems, any prejudice to its competitive position or any interference with its contractual or other negotiations.

[…]

Interdictions fondées sur d’autres lois

Statutory Prohibitions

Interdictions fondées sur d’autres lois

Statutory prohibitions against disclosure

24 (1) Le responsable d’une institution fédérale est tenu de refuser la communication de documents contenant des renseignements dont la communication est restreinte en vertu d’une disposition figurant à l’annexe II.

24 (1) The head of a government institution shall refuse to disclose any record requested under this Part that contains information the disclosure of which is restricted by or pursuant to any provision set out in Schedule II.

Prélèvements

Severability

25 Le responsable d’une institution fédérale, dans les cas où il pourrait, vu la nature des renseignements contenus dans le document demandé, s’autoriser de la présente partie pour refuser la communication du document, est cependant tenu, nonobstant les autres dispositions de la présente partie, d’en communiquer les parties dépourvues des renseignements en cause, à condition que le prélèvement de ces parties ne pose pas de problèmes sérieux.

25 Notwithstanding any other provision of this Part, where a request is made to a government institution for access to a record that the head of the institution is authorized to refuse to disclose under this Part by reason of information or other material contained in the record, the head of the institution shall disclose any part of the record that does not contain, and can reasonably be severed from any part that contains, any such information or material.

[…]

Intervention de tiers

Third Party Intervention

Avis aux tiers

Notice to third parties

27 (1) Le responsable d’une institution fédérale qui a l’intention de communiquer un document fait tous les efforts raisonnables pour donner au tiers intéressé, dans les trente jours suivant la réception de la demande, avis écrit de celle-ci ainsi que de son intention, si le document contient ou s’il est, selon lui, susceptible de contenir des secrets industriels du tiers, des renseignements visés aux alinéas 20(1)b) ou b.1) qui ont été fournis par le tiers ou des renseignements dont la communication risquerait vraisemblablement, selon lui, d’entraîner pour le tiers les conséquences visées aux alinéas 20(1)c) ou d).

27 (1) If the head of a government institution intends to disclose a record requested under this Part that contains or that the head has reason to believe might contain trade secrets of a third party, information described in paragraph 20(1)(b) or (b.1) that was supplied by a third party, or information the disclosure of which the head can reasonably foresee might effect a result described in paragraph 20(1)(c) or (d) in respect of a third party, the head shall make every reasonable effort to give the third party written notice of the request and of the head’s intention to disclose within 30 days after the request is received.

Renonciation à l’avis

Waiver of notice

(2) Le tiers peut renoncer à l’avis prévu au paragraphe (1) et tout consentement à la communication du document vaut renonciation à l’avis.

(2) Any third party to whom a notice is required to be given under subsection (1) in respect of an intended disclosure may waive the requirement, and where the third party has consented to the disclosure the third party shall be deemed to have waived the requirement.

Contenu de l’avis

Contents of notice

(3) L’avis prévu au paragraphe (1) doit contenir les éléments suivants :

(3) A notice given under subsection (1) shall include

a) la mention de l’intention du responsable de l’institution fédérale de donner communication totale ou partielle du document susceptible de contenir les secrets ou les renseignements visés au paragraphe (1);

(a) a statement that the head of the government institution giving the notice intends to release a record or a part thereof that might contain material or information described in subsection (1);

b) la désignation du contenu total ou partiel du document qui, selon le cas, appartient au tiers, a été fourni par lui ou le concerne;

(b) a description of the contents of the record or part thereof that, as the case may be, belong to, were supplied by or relate to the third party to whom the notice is given; and

c) la mention du droit du tiers de présenter au responsable de l’institution fédérale de qui relève le document ses observations quant aux raisons qui justifieraient un refus de communication totale ou partielle, dans les vingt jours suivant la transmission de l’avis.

(c) a statement that the third party may, within twenty days after the notice is given, make representations to the head of the government institution that has control of the record as to why the record or part thereof should not be disclosed.

[…]

Observations des tiers et décision

Representations of third party and decision

28 (1) Dans les cas où il a donné avis au tiers conformément au paragraphe 27(1), le responsable d’une institution fédérale est tenu :

28 (1) Where a notice is given by the head of a government institution under subsection 27(1) to a third party in respect of a record or a part thereof,

a) de donner au tiers la possibilité de lui présenter, dans les vingt jours suivant la transmission de l’avis, des observations sur les raisons qui justifieraient un refus de communication totale ou partielle du document;

(a) the third party shall, within twenty days after the notice is given, be given the opportunity to make representations to the head of the institution as to why the record or the part thereof should not be disclosed; and

b) de prendre dans les trente jours suivant la transmission de l’avis, pourvu qu’il ait donné au tiers la possibilité de présenter des observations conformément à l’alinéa a), une décision quant à la communication totale ou partielle du document et de donner avis de sa décision au tiers.

(b) the head of the institution shall, within thirty days after the notice is given, if the third party has been given an opportunity to make representations under paragraph (a), make a decision as to whether or not to disclose the record or the part thereof and give written notice of the decision to the third party.

Observations écrites

Representations to be made in writing

(2) Les observations prévues à l’alinéa (1)a) se font par écrit, sauf autorisation du responsable de l’institution fédérale quant à une présentation orale.

(2) Representations made by a third party under paragraph (1)(a) shall be made in writing unless the head of the government institution concerned waives that requirement, in which case they may be made orally.

Contenu de l’avis de la décision de donner communication

Contents of notice of decision to disclose

(3) L’avis d’une décision de donner communication totale ou partielle d’un document conformément à l’alinéa (1)b) doit contenir les éléments suivants :

(3) A notice given under paragraph (1)(b) of a decision to disclose a record requested under this Part or a part thereof shall include

a) la mention du droit du tiers d’exercer un recours en révision en vertu de l’article 44, dans les vingt jours suivant la transmission de l’avis;

(a) a statement that the third party to whom the notice is given is entitled to request a review of the decision under section 44 within twenty days after the notice is given; and

b) la mention qu’à défaut de l’exercice du recours en révision dans ce délai, la personne qui a fait la demande recevra communication totale ou partielle du document.

(b) a statement that the person who requested access to the record will be given access thereto or to the part thereof unless, within twenty days after the notice is given, a review of the decision is requested under section 44.

Communication du document

Disclosure of record

(4) Dans les cas où il décide, en vertu de l’alinéa (1)b), de donner communication totale ou partielle du document à la personne qui en a fait la demande, le responsable de l’institution fédérale donne suite à sa décision dès l’expiration des vingt jours suivant la transmission de l’avis prévu à cet alinéa, sauf si un recours en révision a été exercé en vertu de l’article 44.

(4) Where, pursuant to paragraph (1)(b), the head of a government institution decides to disclose a record requested under this Part or a part thereof, the head of the institution shall give the person who made the request access to the record or the part thereof forthwith on completion of twenty days after a notice is given under that paragraph, unless a review of the decision is requested under section 44.

[…]

Révision de novo

De novo review

44.1 Il est entendu que les recours prévus aux articles 41 et 44 sont entendus et jugés comme une nouvelle affaire.

44.1 For greater certainty, an application under section 41 or 44 is to be heard and determined as a new proceeding.

[…]

Ordonnance de la Cour obligeant au refus

Order of Court not to disclose record

51 La Cour, dans les cas où elle conclut, lors d’un recours exercé en vertu de l’article 44, que le responsable d’une institution fédérale est tenu de refuser la communication totale ou partielle d’un document, lui ordonne de refuser cette communication; elle rend une autre ordonnance si elle l’estime indiqué.

51 Where the Court determines, after considering an application under section 44, that the head of a government institution is required to refuse to disclose a record or part of a record, the Court shall order the head of the institution not to disclose the record or part thereof or shall make such other order as the Court deems appropriate.

Extraits de la Loi canadienne sur la sécurité des produits de consommation, LC 2010, c 21

Objet de la loi

Purpose

Objet

Purpose

3 La présente loi a pour objet de protéger le public en remédiant au danger pour la santé ou la sécurité humaines que présentent les produits de consommation qui se trouvent au Canada, notamment ceux qui y circulent et ceux qui y sont importés, et en prévenant ce danger.

3 The purpose of this Act is to protect the public by addressing or preventing dangers to human health or safety that are posed by consumer products in Canada, including those that circulate within Canada and those that are imported.

[…]

Communication de renseignements

Requirement to provide information

14 (2) Toute personne qui fabrique, importe ou vend tout produit de consommation à des fins commerciales communique au ministre et, le cas échéant, à la personne de qui elle a obtenu le produit tout renseignement relevant d’elle concernant un incident lié au produit, dans les deux jours suivant la date où l’incident est venu à sa connaissance.

14 (2) A person who manufactures, imports or sells a consumer product for commercial purposes shall provide the Minister and, if applicable, the person from whom they received the consumer product with all the information in their control regarding any incident related to the product within two days after the day on which they become aware of the incident.

Rapport

Report

(3) Le fabricant du produit en cause ou, si celui-ci exerce ses activités à l’extérieur du Canada, l’importateur fournit au ministre, dans les dix jours suivant la date où l’incident est venu à sa connaissance ou le délai que le ministre précise par avis écrit, un rapport écrit contenant des renseignements concernant l’incident, le produit, tout produit qu’il fabrique ou importe, selon le cas, qui pourrait, à sa connaissance, être impliqué dans un incident semblable et toute mesure visant ces produits dont il propose la prise.

[Je souligne.]

(3) The manufacturer of the consumer product, or if the manufacturer carries on business outside Canada, the importer, shall provide the Minister with a written report — containing information about the incident, the product involved in the incident, any products that they manufacture or import, as the case may be, that to their knowledge could be involved in a similar incident and any measures they propose be taken with respect to those products — within 10 days after the day on which they become aware of the incident or within the period that the Minister specifies by written notice.

[Emphasis added.]

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1617-18

INTITULÉ :

SAMSUNG ELECTRONICS CANADA INC. c LE MINISTRE DE LA SANTÉ

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 10 septembre 2020

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE DINER

JUGEMENT ET MOTIFS CONFIDENTIELS ÉMIS :

Le 30 novembre 2020

JUGEMENT ET MOTIFS PUBLICS ÉMIS :

LE 29 JANVIER 2021

COMPARUTIONS :

Laura Dougan

Pour la demanderesse

Joël Robichaud

Samantha Pillon

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Blake, Cassels & Graydon LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

Pour la demanderesse

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

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