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Date : 20040621

Dossier : IMM-4956-03

Référence : 2004 CF 881

Ottawa (Ontario), le 21 juin 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PHELAN

ENTRE :

                                                SHENBAHADEVI KUGAPERUMAL

                                                                                                                                       demanderesse

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

NATURE DE LA DEMANDE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié dans laquelle la Commission a décidé que la demanderesse n'était pas une réfugiée ou une personne à protéger.

[2]                À titre d'erreur de procédure, la demanderesse soulève une crainte raisonnable de partialité. À titre de moyen de fond, la demanderesse soulève une erreur dans l'application de l'article 96 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (la Loi) et un mauvais examen fait en vertu de l'article 97.

HISTORIQUE

[3]                La demanderesse et est une citoyenne tamoule du Sri Lanka âgée de 67 ans qui a vécu à Colombo à partir de 1955. Elle est une enseignante retraitée.

[4]                La demanderesse a prétendu avoir subi des mauvais traitements aux mains de la population cinghalaise de 1958 jusqu'en 1994, lorsqu'elle a quitté le Sri Lanka pour un séjour d'un an au Canada. Les mauvais traitements comprenaient le fait d'être interpellée et interrogée par la police et l'armée; les renseignements qui lui ont été soutirés ont été utilisés par des groupes de militants pour lui exiger de l'argent.

[5]                La demanderesse a quitté le Sri Lanka en 1994 pour se rendre à un mariage au Canada et est demeurée ici pendant un an. Par la suite elle est rentrée au Sri Lanka où elle a subi les mêmes menaces d'extorsion.

[6]                Elle a ensuite quitté le Sri Lanka pour l'Inde où elle a séjourné pendant deux ans et huit mois. Elle est rentrée une fois de plus au Sri Lanka où les menaces d'extorsion ont recommencé à nouveau.

[7]                En 2001, la demanderesse a quitté le Sri Lanka une troisième fois, à destination de Hong Kong, puis de Singapour et de la Malaisie; à son retour au Sri Lanka, ses problèmes ont recommencé une fois de plus.

[8]                Même si jusqu'à l'an 2000 un groupe composé de militaires, de policiers et de jeunes Tamouls semble avoir été à l'origine des problèmes de la demanderesse, cette situation a changé. En effet, à partir de 2001 des moines bouddhistes particulièrement agressifs, résolus à amasser des fonds, se sont joints à ce groupe d'extorqueurs et d'agresseurs qui l'avaient ciblée.

[9]                Même si la demanderesse a quitté le Sri Lanka à plusieurs occasions, elle n'a pas présenté de demande de protection avant 2001, lorsqu'elle s'est rendue à un mariage au Canada.


[10]            La Commission a rejeté les demandes de la demanderesse fondées sur les articles 96 et 97 de la Loi en disant que les incidents dont elle se plaignait ne constituaient pas de la persécution, qu'ils soient pris de manière individuelle ou cumulative. La Commission a aussi tenu compte de l'omission de la demanderesse de demander la protection du statut de réfugié en 1994 et de son recours à la protection de son pays en 1995 et en 2000. La Commission a rejeté la raison offerte par la demanderesse pour expliquer pourquoi elle n'avait pas fait de demande de protection, et a conclu que son explication n'était pas crédible.

[11]            La Commission a également conclu que le comportement de la demanderesse n'était pas compatible avec celui d'une personne qui a une crainte subjective, qu'elle ne correspondait pas au profil d'une personne susceptible d'intéresser les Tamouls et que, pour ce qui est du risque pour sa vie, elle ne représentait pas un haut degré de risque.

ANALYSE

[12]            À titre préliminaire, la demanderesse prétend que, par ses commentaires selon lesquels elle connaissait le contexte de la communauté de la demanderesse, la commissaire a soulevé une crainte raisonnable de partialité.


[13]            Sur cette question, je conclus tout d'abord que les commentaires en soi ne soulèvent pas une crainte raisonnable de partialité. Même s'il est préférable que les arbitres limitent ce genre de commentaire, la commissaire n'a pas commis d'erreur de droit lorsqu'elle les a faits dans la présente affaire. Ensuite, la demanderesse a attendu le moment du dépôt de son mémoire supplémentaire des faits et du droit pour soulever la question. De deux choses l'une : soit que la demanderesse a renoncé à contester en raison du temps écoulé, soit qu'elle n'a jamais vraiment eu d'inquiétudes relativement aux commentaires.

[14]            En ce qui concerne les questions relatives à l'article 96 de la Loi, la conclusion de la Commission selon laquelle les incidents dont la demanderesse se plaint ne constituent pas de la persécution est raisonnable. Les incidents ne revêtent pas la même importance et ne sont pas de la même nature que ceux décrits dans la décision Munoz c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1994] A.C.F. no 1824, sur laquelle se fonde la demanderesse. Les situations sont faciles à distinguer l'une de l'autre.

[15]            Il était loisible à la Commission de conclure que les incidents de tentative d'extorsion ne constituaient pas de la persécution. Le comportement de la demanderesse elle-même est également compatible avec une telle conclusion.

[16]            En ce qui concerne l'examen fait par la Commission en vertu de l'article 97, la demanderesse se plaint de l'omission par la Commission d'apprécier la possibilité qu'elle soit exposée à un risque personnel de subir des traitements cruels ou inusités, en particulier au risque de torture.

[17]            Même si la Commission est tenue d'examiner l'article 97 séparément de l'article 96, sauf si les faits se prêtent à une analyse combinée, on ne peut s'attendre à ce que la Commission s'intéresse à des questions visées par l'article 97 qui ne sont pas en litige.

[18]            La demanderesse a fondé sa demande sur la persécution en raison de l'ethnicité, c'est-à-dire une demande en vertu de l'article 96. De plus, la demanderesse s'est plainte d'un risque en raison de l'extorsion et non d'un risque en raison de traitements cruels ou inusités ou d'un risque de torture.

[19]            La Commission a examiné la partie de l'analyse visée à l'article 97 que les faits et les arguments mettaient en cause. À cet égard, on ne peut faire de reproches à la Commission.

[20]            La demanderesse dit que les questions relatives au recours à la protection de son pays avaient trait uniquement à la question relevant de l'article 96. Avec égards, vu ces faits, la demanderesse demande à la Cour d'ignorer des éléments de preuve montrant que la demanderesse ne se considérait pas visée par un risque prévu à l'article 97.

[21]            Même si la crainte subjective n'est pas déterminante dans le cas d'une analyse en vertu de l'article 97, les faits reliés à son existence ou à sa non-existence peuvent être pertinents lorsqu'il s'agit de savoir si un tel risque existe sur le plan objectif, en particulier lorsque aucune preuve objective n'a été mise de l'avant.


[22]            On ne peut ignorer le fait que la demanderesse était libre d'entrer et de sortir du pays à son gré, et que tout ce qui lui est arrivé (et tout ce qui pourrait lui arriver à l'avenir) n'était pas suffisamment sérieux pour mettre sa vie ou son bien-être en danger.

[23]            Par conséquent, la présente demande sera rejetée.

[24]            J'ai tenu compte des arguments des parties relativement à une question requérant la certification. Toutefois, puisque la présente décision est reliée d'aussi près aux faits, je conclus qu'aucune question requérant la certification ne ressort des présentes.

                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n'est certifiée.

                                                                                                                           « Michael L. Phelan »          

                                                                                                                                                     Juge                        

Traduction certifiée conforme

Caroline Raymond, LL.L.

                                                                                                                                                           


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-4956-03

INTITULÉ :                                                    SHENBAHADEVI KUGAPERUMAL

c.

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 18 MARS 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    LE JUGE PHELAN

DATE DES MOTIFS :                                   LE 21 JUIN 2004

COMPARUTIONS :

Michael Crane POUR LE DEMANDEUR

Martin Anderson                                               POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Michael Crane POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)                                                                                                                                 

Morris Rosenberg                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)                                                                                                                                  

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