Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20210114


Dossier : IMM-1000-20

Référence : 2021 CF 55

Ottawa (Ontario), le 14 janvier 2021

En présence de monsieur le juge Pentney

ENTRE :

MARIE DANIELLE PINET CALIXTE

GAEL BRADLEY PINET

GAMAELLE PINET

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision du 27 janvier 2020 de la Section d’appel des réfugiés (SAR) confirmant une décision de la Section de la protection des réfugiés (SPR), rendue le 7 décembre 2018, qui refusait la demande d’asile des demandeurs.

I.  Contexte

[2]  Les demandeurs, Marie Danielle Pinet Calixte (demanderesse principale) et ses deux enfants mineurs, sont citoyens d’Haïti. La demanderesse principale allègue craindre pour sa vie advenant un retour en Haïti dû à ses opinions politiques. Les demandeurs associés basent leur crainte sur celle de la demanderesse principale.

[3]  Le 2 mars 2012, la demanderesse principale a critiqué le gouvernement de Michel Martelly devant ses collègues de travail. Deux collègues qui n’ont pas apprécié ses critiques lui ont fait des menaces verbales et lui ont reproché de vouloir déstabiliser le gouvernement. Elle constate que depuis cet événement, elle a pris ses distances avec ces deux collègues. En mai 2012, une autre collègue qui a fait une intervention en sa faveur lui a dit qu’il valait mieux qu’elle reste tranquille parce que ses persécuteurs avaient de l’information sur sa famille.

[4]  Quelques années plus tard, en novembre 2015, la demanderesse principale a assisté à une manifestation contre le gouvernement de Michel Martelly où elle a apparemment vu l’un des collègues qui l’a précédemment menacé. Elle prétend que celui-ci lui aurait fait des menaces de mort. Puis, le 22 janvier 2016, en sortant du marché, elle s’est fait agresser physiquement par deux hommes qui l’ont menacé de « lui régler son cas ». Bien qu’elle n’ait pas été en mesure d’identifier ses agresseurs, la demanderesse principale prétend qu’il s’agissait de représailles de son collègue.

[5]  Le 4 mai 2016, la demanderesse principale a entendu une autre menace à son encontre et le 14 juillet 2016, les demandeurs ont quitté Haïti. Ils ont passé quelques mois aux États-Unis avant de faire une demande d’asile au Canada.

[6]  Le 7 décembre 2018, la SPR a rejeté la demande d’asile au motif que le témoignage de la demanderesse principale n’était pas crédible.

[7]  Les demandeurs ont interjeté appel devant la SAR en soulevant deux questions en litiges. Ils ont allégué que l’appréciation de la crédibilité faite par la SPR était déraisonnable et que la SPR n’avait pas apprécié de façon raisonnable le comportement de la demanderesse principale.

[8]  Le 27 janvier 2020, la SAR a rejeté leur appel et a confirmé la décision de la SPR selon laquelle les demandeurs n’ont pas la qualité de réfugiés au sens de l’article 96 ni de personnes à protéger au sens de l’article 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27. Bien que la SAR ait elle aussi rejeté la demande d’asile des demandeurs, elle n’a pas confirmé toutes les conclusions de la SPR. Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire de cette décision.

II.  Les questions en litige et la norme de contrôle

[9]  Il y a deux questions en litige en l’instance :

  1. Y a-t-il un manquement à l’équité procédurale?

  1. La décision de la SAR était-elle raisonnable?

[10]  La première question sur le manque d’équité procédurale nécessite une approche reflétée dans la norme de la décision correcte. La cour de révision doit se demander « si la procédure était équitable eu égard à l’ensemble des circonstances » (Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 au para 54.

[11]  Quant à la deuxième question, selon les principes révisés dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 aux paras 10, 16, et 17 [Vavilov], dans le cadre du contrôle de la décision de la SAR, la norme applicable est présumée être celle de la décision raisonnable. Aucune des exceptions décrites dans Vavilov ne s’applique dans les circonstances (voir Ogbonna c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 180 au para 14, et Al Bardan c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2020 CF 733 au para 9).

III.  Analyse

A.  Y a-t-il un manquement à l’équité procédurale?

[12]  Les demandeurs soumettent que les propos du membre de la SPR pendant l’audience ont créé une perception raisonnable de partialité. Ils prétendent que la SPR doit éviter tout comportement qui pourrait être interprété comme constituant une crainte raisonnable de partialité et que « l’apparence d’impartialité du processus canadien d’asile doit se refléter au quotidien et dans la manière que les membres de la Section de protection des réfugiés préparent, entendent et décident une affaire » (italique dans l’original; Kalombo Kabongo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1106 aux paras 33 à 36 [Kalombo Kabongo]). Ils soumettent que la SAR a erré en n’acceptant pas cet argument.

[13]  Les demandeurs notent que la SAR a résumé les points clés sur cette question dans la décision :

[13]  Par contre, à l’écoute de l'audience, j’ai constaté que la SPR a manqué de tact à quelques reprises. Tout d’abord, la SRP [sic] elle a voulu faire un débat sémantique lorsqu'elle a mentionné que l’appelante ne pouvait pas s’identifier comme étant orpheline, car elle n’a pas perdu ses parents à la naissance. Ensuite, elle a mentionné à l’appelante que si elle ne comprenait pas une question qu’il est important qu’elle le dise afin qu’elle la reformule, pour ensuite sermonner l’appelante lorsqu’elle lui demande de préciser une question. Enfin, elle a fait un commentaire complètement déplacé à l’appelante lorsqu’elle lui a dit : [«] c’est impossible que vous ne soyez pas un peu intelligente et que vous ne compreniez pas ma question » [...]

[Citations omises.]

[14]  Les demandeurs soumettent que l’apparence de partialité en ressort des conclusions dans les motifs de la SPR. Ils soutiennent que la SAR aurait dû considérer les remarques de la SPR à cet égard comme étant preuves de l’apparence de partialité et que la violation du principe de justice naturelle nécessite l’intervention de la Cour.

[15]  Je ne suis pas persuadé.

[16]  Premièrement, j’accepte que les normes énoncées dans l’affaire Kalombo Kabongo s’appliquent au SPR. Les décisions prises par la SPR, ainsi que celles de la SAR, traitent de questions primordiales concernant les intérêts et la sécurité des demandeurs d’asile. Il est essentiel que la conduite du décideur ne donne aucun motif raisonnable de craindre qu’il y ait un manque d’impartialité.

[17]  Cependant, il est bien établi que la question de la partialité d’un tribunal doit être soulevée à la première occasion (Canada (Commission des droits de la personne) c Taylor, [1990] 3 RCS 892). Comme expliqué par le juge Stratas dans Maritime Broadcasting System Limited c La guilde canadienne des médias, 2014 CAF 59 au para 67 (citée avec approbation dans Taseko Mines Limited c Canada (Environnement), 2019 CAF 320 au para 47) :

Un demandeur doit soulever une allégation de manquement à l’équité procédurale à la première occasion qui lui est donnée. La première occasion se présente lorsque « le demandeur est informé des renseignements pertinents et qu’il est raisonnable de s’attendre à ce qu’il soulève une objection ».

[Citations omises.]

[18]  En l’instance, les demandeurs invoquent cet argument pour la première fois devant cette Cour. J’observe que l’avocat des demandeurs n’a pas pris l’occasion de soulever cet argument devant la SPR pendant l’audience dès ou immédiatement après que la SPR a utilisé les mots notés ci-haut. De plus, l’avocat des demandeurs n’a pas soulevé cette question quand l’audience a continué après une pause d’un jour, pause qui a donné l’avocat des demandeurs l’occasion de refléter sur le déroulement de l’audience.

[19]  J’observe aussi que les demandeurs n’ont pas soulevé cette question devant la SAR. La seule référence à un excès de zèle dans leurs représentations écrites déposées au SAR fait référence à l’argument que la SPR « a fait preuve de zèle pour trouver des contradictions dans la preuve ou dans le comportement de l’appelante... » (DCT Amendée à la p 44). Je suis d’accord avec le défendeur que ce n’est pas une indication que les demandeurs aient essayé de poursuivre l’argument de partialité devant la SAR.

[20]  Même si j’acceptais de traiter cet argument sur le fond, je ne suis pas persuadé que les propos regrettables de la SPR atteignent le niveau requis pour établir une crainte raisonnable de partialité en considérant l’ensemble du dossier (R c S (RD), [1997] 3 RCS 484 au paras 113-114; Commission scolaire francophone du Yukon, district scolaire #23 c Yukon (Procureure générale), 2015 CSC 25 aux paras 25 et 26). La première journée d’audience devant la SPR ne s’est pas bien passée. La demanderesse principale a eu beaucoup de difficulté, au point où la SPR a accepté d’arrêter l’audience parce qu’elle ne se sentait pas bien. Il est évident que la SPR a trouvé le témoignage de la demanderesse principale un peu difficile. Même l’interprète a fait part de préoccupations concernant sa capacité à jouer son rôle compte tenu de la conduite de la demanderesse principale lors de l’audience et du fait qu’elle lui ait demandé à plusieurs reprises de répondre aux questions de la commissaire au-delà d’interprétation. En acceptant d‘arrêter l’audience le 5 décembre 2018 dû au fait que la demanderesse principale ne se sentait pas bien, la SPR a noté qu’il fallait prendre des mesures afin de s’assurer que la demanderesse principale se sente bien. À l’ouverture de l’audience le 7 décembre 2018, la SPR lui a demandé si elle était en mesure de procéder et le procès-verbal de cette audience démontre que la deuxième journée s’est bien passée.

[21]  Il faut tenir compte du contexte dans lequel s’est déroulé l’audience en évaluant les propos de la SPR. En l’instance, les propos de la Cour Suprême du Canada dans l’affaire Miglin c Miglin, [2003] 1 RCS 303 au paragraphe 26 s’appliquent : « Nous ne voyons aucune raison de modifier l’évaluation du dossier par la Cour d’appel, ou sa conclusion que les commentaires du juge de première instance, bien que regrettables, et ses interventions, trahissant parfois l’impatience, n’ont pas atteint le niveau requis pour établir une crainte raisonnable de partialité. »

[22]  Je suis d’accord avec la SAR que la SPR a manqué de tact à quelques reprises, mais je ne suis pas persuadé que les propos, dans le contexte de l’audience, soient suffisants pour appuyer une crainte de partialité de la part de la SPR. Ce sont plutôt des indications d’une certaine impatience avec le témoignage de la demanderesse principale, dans le contexte d’une audience difficile.

[23]  Les demandeurs soutiennent que le fait que la deuxième journée se soit mieux déroulée que la première, c’est-à-dire sans commentaires inopportuns de la part de la SPR, n’est pas suffisant pour éliminer la crainte de partialité du tribunal. Les propos de la SPR pendant la première journée seraient une indication que la SPR avait l’esprit fermé quant à leurs demandes d’asile.

[24]  Je ne suis pas convaincu. Bien que la première journée d’audience ne se soit pas bien déroulée pour les raisons mentionnées ci-dessus, dès que l’avocat des demandeurs a indiqué à la SPR que la demanderesse ne se sentait pas bien, elle a arrêté l’audience pour la journée. La deuxième journée s’est mieux déroulée et la SPR n’a pas fait de commentaires inopportuns. La transcription des audiences et les motifs de la décision de la SPR n’indiquent pas de motif raisonnable de questionner la partialité du tribunal. Ainsi, un examen complet du dossier ne permet pas d’établir une crainte raisonnable de partialité.

[25]  Pour tous ces motifs, je ne suis pas persuadé qu’il y a eu un manquement à l’équité procédurale.

B.  La décision de la SAR était-elle raisonnable?

[26]  Les demandeurs soumettent que la SAR a erré en confirmant les conclusions de la SPR à l’effet que le comportement de la demanderesse principale était incompatible avec sa crainte pour sa vie.

[27]  La SAR a confirmé la décision de la SPR à l’effet que la crédibilité de la demanderesse principale quant à sa crainte pour sa vie a été minée par son comportement après les menaces de la part de ses collègues. La demanderesse principale a témoigné qu’elle a commencé à recevoir des menaces en mars 2012. Elle a pris ses distances et en mai 2012, ses collègues ont dit qu’ils ne lui feraient rien tant et aussi longtemps qu’elle reste tranquille et ne critique pas le Président Martelly. Cependant, dès novembre 2015, la menace s’est accrue quand son collègue l’a vu à une manifestation contre le gouvernement Martelly et lui a dit qu’il allait avoir sa peau.

[28]  La SAR a noté que la demanderesse principale n’a pas pris de mesures pour se protéger à ce moment, et qu’elle n’a pas changé ses habitudes. La demanderesse principale a témoigné qu’à partir de janvier 2016, elle a commencé à vraiment craindre pour sa vie et à ce moment-là elle a pris des précautions. Elle a porté plainte à la police et en mai 2016, après avoir été informée des autres menaces, elle s’est réfugiée chez sa cousine et son amie. Même si elle retournait au travail après les menaces, ses persécuteurs travaillaient dans un autre département et ils se croisaient rarement. Les demandeurs n’ont quitté le pays qu’après que les enfants aient fini l’école.

[29]  Les conclusions de la SAR sur cette question sont résumées dans sa décision :

[18]  Je suis d’avis que l’appelante n'a pas eu un comportement compatible avec une personne craignant pour sa vie, en retournant constamment chez elle, en ne changeant pas ses habitudes de vie et en occupant le même emploi. Questionnée par la SPR sur la raison pour laquelle, elle n’a pas quitté avant Haïti, l’appelante a mentionné que les appelants associés étaient à l’école et elle ne voulait pas les perturber. Je suis d’avis qu’il ne s’agit pas d’une explication raisonnable d’une personne qui craint pour sa vie. En effet, rien n’explique qu’elle ait pris un tel risque, soit la possibilité de se faire tuer afin que ses enfants puissent terminer l’école.

[30]  Les demandeurs soumettent que, contrairement à ce que la SAR a conclu, la demanderesse principale n’avait pas à prendre ses précautions à partir de novembre 2015, après les menaces de mort en ce moment-là. Comme la demanderesse a expliqué dans son récit, elle croit que l’intimidation ne peut pas toujours l’emporter surtout lorsqu’on a une cause juste et à laquelle on croit fermement. La demanderesse pensait encore que ses persécuteurs voulaient simplement l’intimider pour la décourager de sa cause et elle voulait leur montrer que l’intimidation ne l’affectait pas.

[31]  De plus, les demandeurs affirment que les précautions doivent être analysées à partir du 22 janvier 2016 puisque la demanderesse principale a indiqué que c’est à ce moment qu’elle a commencé à craindre pour sa vie. Elle a pris des mesures afin d’assurer sa sécurité, incluant faire une plainte à la police et commencer à dormir à d’autres endroits. À cette période, elle n’avait pas d’autre choix que de continuer à travailler puisqu’elle n’avait pas d’autres moyens de soutenir sa famille.

[32]  Les demandeurs soumettent que l’analyse de la SAR est déraisonnable car elle ne tient pas compte de ses aptitudes personnelles ainsi que de la situation au pays. Comme disait le juge Hugessen dans l’affaire Yusuf c Canada (Ministre de l’emploi et de l’immigration), [1992] 1 CF 629, 133 NR 391 (CAF) à la p 632: « La définition de réfugié n’est certainement pas conçue pour exclure les personnes courageuses ou simplement stupides au profit de celles qui sont plus timides ou plus intelligentes. » En l’instance, les demandeurs arguent que la SAR a erré en se fondant sur une réaction imaginée d’une personne raisonnable, au lieu de tenir compte de l’explication de la demanderesse principale, fondée sur sa perception du risque et sa réaction aux menaces.

[33]  Je ne suis pas persuadé.

[34]  La jurisprudence affirme que le comportement incompatible du demandeur d’asile avec la crainte alléguée est un élément pertinent dans l’appréciation de la crédibilité (Pan c Canada (Ministre d’emploi et de l’immigration) (1994), 49 ACWS (3d) 568, [1994] ACF no 1116 (QL) (CAF); Caballero c Canada (Ministre d’emploi et de l’immigration) (1993), 54 NR 345, [1993] ACF no 483 (QL) (CAF)). De plus, la Cour doit faire preuve d’une grande déférence face à ces conclusions, car la SAR et la SPR sont des tribunaux administratifs spécialisés investis par le législateur de la tâche d’évaluer la crédibilité des demandes d’asile qui leur sont présentées (Noël c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 281 aux paras 16, 20; Rahal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 319 au para 42 [Rahal]). Si les déterminations quant à la crédibilité sont fondées sur l’invraisemblance du témoignage, « [c]ette conclusion d’invraisemblance doit cependant être tirée de façon cohérente et en tenant compte des différences culturelles. Elle doit également être énoncée de façon explicite, et les raisons pour lesquelles le tribunal a tiré cette conclusion doivent être exposées dans les motifs de décision » (citations omises, Rahal au para 44).

[35]  En l’instance, je suis d’avis qu’il n’y a pas lieu d’intervenir sur cette question. Je soutiens que les demandeurs demandent simplement à la Cour d’apprécier la preuve à nouveau et de trancher à nouveau les questions en litige en leur faveur. Tel n’est pas le rôle de la Cour dans le cadre d’un contrôle judiciaire.

[36]  Selon le cadre d’analyse de la décision raisonnable établi par Vavilov, le rôle de la Cour de révision « consiste à examiner les motifs qu’a donnés le décideur administratif et à déterminer si la décision est fondée sur un raisonnement intrinsèquement cohérent et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles pertinentes » (Société canadienne des postes c Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, 2019 CSC 67 au para 2). Il incombe à la partie qui conteste la décision d’en démontrer le caractère déraisonnable, et ce n’est pas suffisant d’établir des lacunes superficielles ou accessoires par rapport au fond de la décision. Comme disait la majorité dans Vavilov au paragraphe 100, « [l]a cour de justice doit plutôt être convaincue que la lacune ou la déficience qu’invoque la partie contestant la décision est suffisamment capitale ou importante pour rendre cette dernière déraisonnable ».

[37]  Je ne suis pas persuadé que les demandeurs ont démontré une telle erreur fatale dans la décision de la SAR. La SAR a tenu compte des faits, incluant le fait que la demanderesse principale a témoigné qu’elle a commencé à avoir peur pour sa vie en janvier 2016, mais qu’elle n’a pas changé résidence, emploi, ou habitudes de vie et n’a pas pris d’autres mesures afin d’essayer de protéger ses enfants. La SAR a aussi noté le témoignage de la demanderesse principale à l’effet que son mari, policier à Haïti, ne lui a pas donné de conseils pour sa sécurité. La SAR a conclu qu’il est « invraisemblable qu’un policier qui sait que sa femme est menacée de mort par ses collègues de travail depuis plusieurs années n’ait en aucun cas pris des mesures pour que sa famille soit en sécurité » (Motifs de la décision au para 21).

[38]  La décision de la SAR est fondée sur des faits pertinents à l’analyse et la SAR a bien expliqué sa conclusion quant à cette question. Les demandeurs n’ont pas démontré que la SAR a omis de tenir compte d’un fait essentiel dans son analyse et il n’y a pas question que la SAR a bien appliqué la loi appropriée à la décision.

[39]  L’analyse de la SAR est claire et fondée sur les faits et le droit qui s’applique. C’est tout ce que la norme de contrôle de la décision raisonnable demande. J’accepte qu’un autre décideur ait pu arriver à une autre conclusion sur les faits, mais ce n’est pas suffisant, en soi, pour écarter la décision de la SAR.

[40]  Pour tous ces motifs, je constate qu’il n’y a pas lieu d’intervenir.

IV.  Conclusion

[41]  Pour tous ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[42]  Il n’y a aucune question d’importance générale à certifier.


JUGEMENT au dossier IMM-1000-20

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question d’importance générale à certifier.

« William F. Pentney »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1000-20

INTITULÉ :

MARIE DANIELLE PINET CALIXTE, GAEL BRADLEY PINET, GAMAELLE PINET c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

MONTRÉAL, QUÉBEC

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 17 DéCEMBRE 2020

JUGEMENT ET MOTIFS :

PENTNEY J.

DATE DES MOTIFS :

LE 14 JANVIER 2021

COMPARUTIONS :

Rym Jawad

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Suzon Létourneau

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Aristide Koudiatou Inc.

Avocats

Montréal (Québec)

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.