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Date : 20040224

Dossier : T-2389-03

Référence : 2004 CF 334

ENTRE :

                                  TERRACE BEACH RESORT AND CABINS INC.

et JASON PRIESTLEY

                                                                                                                                    demandeurs

                                                                            et

                                                      RONALD NEIL CLAYTON,

SEAN STEPHEN JORDAN

et 638065 B.C. LTD.

s/n THE CABINS AT TERRACE BEACH /

GO CABINS! A VACATION PROPERTY MANAGEMENT COMPANY

                                                                                                                                       défendeurs

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE HARGRAVE

CONTEXTE


[1]                Les demandeurs et les défendeurs sont des fournisseurs concurrents de services d'hébergement sur la côte ouest de l'île de Vancouver même si, à une certaine époque, ils faisaient partie de la même entreprise. Les demandeurs, qui exploitent l'entreprise « Terrace Beach Resort & Cabins » sur l'île de Vancouver, près d'Ucluelet, demandent la radiation de certaines parties de la défense. Les actes de procédure des parties contiennent des renseignements généraux qui sont utiles, des redondances qui sont acceptables ainsi que des éléments non pertinents dont certains, s'ils sont retenus, exigent une réponse. Toutefois, les principaux éléments de l'action, et en grande partie de la présente requête, sont l'article 7 de la Loi sur les marques de commerce, les allégations des demandeurs quant à la confusion entre la marque de commerce non enregistrée des demandeurs et celle des défendeurs ainsi que les réponses contenues dans la défense, y compris l'emploi antérieur.

[2]                Suivant les allégations contenues dans la défense, allégations qui sont en cause en l'espèce et que je dois tenir avérées aux fins de la requête, les défendeurs ont été les premiers à employer une marque de commerce assez ressemblante, « The Cabins at Terrace Beach » , et s'il y a confusion, ce sont les demandeurs eux-mêmes qui l'ont créée lorsqu'ils ont ensuite commencé à employer le nom incompatible. Je vais maintenant exposer mon interprétation générale de la requête.

ANALYSE


[3]                Sur présentation d'une demande visant à obtenir la radiation d'actes de procédure dans le cadre d'un litige portant sur des marques de commerce tout comme c'est le cas dans un litige portant sur des marques de commerce dans lequel la confusion est en cause, il faut examiner l'ensemble de l'affaire. C'est encore plus vrai lorsque les marques ont un caractère distinctif faible, qu'elles ne sont pas fortes, qu'on ne revendique pas à leur égard une protection large et que de légères différences permettent de les distinguer : voir, par exemple, Ultravite Laboratories Ltd. c. Whitehall Laboratories Ltd., [1965] R.C.S. 734, 737, Park Avenue Furniture Corp. c. Wickes/Simmons Bedding Ltd. (1991) 37 C.P.R. (3d) 413, 426-427 (C.A.F.), et Kellogg Salada Canada c. Le registraire des marques de commerce et Maximum Nutrition Ltd. (1992) 43 C.P.R. (3d) 349, 359 (C.A.F.). En conséquence de cette interprétation, je ne vais pas adopter une attitude inutilement active et radier en l'espèce des parties de la défense, mais je vais plutôt suivre rigoureusement la jurisprudence, dont les arrêts Hunt c. Carey Canada Inc. [1990] 2 R.C.S. 959, Operation Dismantle Inc. c. La Reine, [1985] 1 R.C.S. 441, et Canada c. Inuit Tapirisat, [1980] 2 R.C.S. 735, savoir qu'il doit être clair, évident et indubitable qu'une prétention est vouée à l'échec avant qu'elle puisse être radiée. De plus, une simple redondance sera maintenue si elle fournit des renseignements utiles. J'ai également l'intention de tenir compte non seulement des principes généraux d'equity que sont le caractère raisonnable et le caractère équitable, mais aussi de maximes particulières d'equity dont l'équité se préoccupe de l'intention plutôt que de la forme.


[4]                Les demandeurs affirment que leur allégation de confusion et de commercialisation trompeuse repose sur l'alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce, que la Cour fédérale n'a pas, en vertu de la common law, une compétence en matière de commercialisation trompeuse et que, même s'ils peuvent répondre aux allégations de confusion en invoquant la confusion et la commercialisation trompeuse dans une demande reconventionnelle, les défendeurs ne doivent pas aborder cette question dans leur défense. Tenant peut-être compte de la compétence conférée par la common law à la Cour suprême de la Colombie-Britannique en matière de commercialisation trompeuse, les défendeurs refusent de présenter une demande reconventionnelle et soutiennent qu'ils peuvent sûrement opposer une défense correcte et complète à l'action intentée devant la Cour fédérale en affirmant que leur emploi antérieur des mots « The Cabins at Terrace Beach » et la confusion qu'allèguent les demandeurs est le résultat des propres actes des demandeurs.

[5]                Les demandeurs s'opposent au paragraphe 10 de la défense qui répond à une partie des affirmations des demandeurs au paragraphe 15 de la déclaration, savoir qu'à un moment non précisé, la société demanderesse [Traduction] « [...] a commencé à utiliser pour son centre de villégiature les marques de commerce TERRACE BEACH RESORT & CABINS et TERRACE BEACH RESORT & CABINS & Design [...] » . Les défendeurs opposent une dénégation générale à cette affirmation et affirment au paragraphe 10 de la défense que la société demanderesse [Traduction] « Terrace Beach Resort and Cabins Inc. n'a pas demandé de marque de commerce pour ce nom avant le 22 décembre 2003 et que cette marque de commerce n'a toujours pas été enregistrée » .


[6]                Les demandeurs ne revendiquent nulle part une marque de commerce déposée : il n'y a donc aucune preuve prima facie de l'existence d'un titre sur la marque. Mais ce qui est plus important, dans une action en commercialisation trompeuse, l'enregistrement ne fait pas partie de la preuve du demandeur. Par conséquent, le paragraphe 10 de la défense est radié. Toutefois, le demandeur alléguant la commercialisation trompeuse peut être tenu de fournir des précisions sur la date à laquelle sa marque est devenue distinctive de son entreprise : voir, par exemple, Fox on the Canadian Law of Trade-Marks, 3e édition, Carswell 1972, à la page 603. Même si l'enregistrement ne fait pas partie de la preuve dans une action en commercialisation trompeuse, cela n'empêche évidemment pas les défendeurs d'examiner, lors de l'interrogatoire préalable, les allégations concernant les marques de commerce au paragraphe 15 et ailleurs dans la déclaration car ces mentions doivent avoir une certaine pertinence pour l'ensemble de la déclaration. Cela nous mène aux objections faites à divers paragraphes de la défense qui portent, en partie du moins, sur la confusion.

[7]                Les demandeurs abordent ensuite les allégations faites par les défendeurs aux paragraphes 8, 11 et 16 de la défense, savoir que les demandeurs n'ont qu'eux-mêmes à blâmer pour la confusion alléguée.


[8]                Le paragraphe 8 de la défense, qui porte davantage sur la substance de la prétention que sur sa forme, est une réponse au paragraphe 13 de la déclaration. Cette partie de la défense indique que la personne qui a constitué l'entreprise Terrace Beach Resort and Cabins Inc. a causé de la confusion en choisissant un nom se rapprochant de celui de l'entreprise existante des défendeurs. Au paragraphe 11 de leur défense, les défendeurs allèguent que MM. Priestley, dont l'un est un demandeur en l'espèce, ont quitté une entreprise de pool locatif appelée « The Cabins at Terrace Beach » , celui dont faisaient partie les défendeurs, et lancé une entreprise appelée « Terrace Beach Resort and Cabins » , créant ainsi de la confusion. Encore une fois, il est allégué que les demandeurs sont arrivés ultérieurement sur le marché. Lorsque vient le moment de choisir un nom commercial, il ne faut pas en choisir un se rapprochant trop de celui d'un concurrent exerçant déjà ses activités : voir, par exemple, MacDowell c. Standard Oil Co., [1927] A.C. 632 (H.L.). De plus, la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage est importante. Par ailleurs, un tel choix subséquent d'un nom commercial ou d'une marque de commerce et la confusion que s'infligerait ainsi à elle-même l'entreprise peuvent donner lieu à une forme de préclusion personnelle : voir, par exemple, les paragraphes 13-153 et suivants dans Kerley on the Law of Trade-marks and Traded Names, Smith and Maxwell London, 2001. Pour ce qui est du paragraphe 11, je ne suis pas vraiment d'accord, car les demandeurs se plaignent aussi d'une allégation selon laquelle les Priestley auraient volontairement quitté le pool locatif, affirmant que, peu importe s'il s'agissait d'une forme de résiliation par les Priestley, comme l'indique la déclaration, ou d'un départ volontaire, comme l'indique la défense, il s'agit d'une seule et même chose. Je ne suis pas d'accord avec cet argument. Cette partie du paragraphe 11 sera certainement maintenue.

[9]                Le paragraphe 16 de la défense est lui aussi contesté. Il s'agit d'une réponse au paragraphe 23 de la déclaration dans lequel il est allégué que la confusion a été créée par les défendeurs. Encore une fois, les défendeurs affirment que ce sont les demandeurs qui ont créé la confusion. Le paragraphe 16 de la déclaration précise que les demandeurs ont installé une forme de signalisation sur la propriété des défendeurs, c'est-à-dire Terrace Beach Resort and Cabins, dont le conseil des copropriétaires a demandé le retrait aux demandeurs. Pour ce qui est de l'ensemble du paragraphe 16 de la défense, il indique une autre confusion qui aurait pu être causée par les demandeurs eux-mêmes.


[10]            Si on examine les paragraphes 8, 11 et 16, les allégations de confusion causée à l'origine par les demandeurs constituent peut-être un moyen de défense de common law pouvant être opposé à l'action pour commercialisation trompeuse des demandeurs, étayée par les allégations de confusion. Il ne s'agit pas d'une demande reconventionnelle et je ne crois pas que cela soit nécessaire parce ce que c'est peut-être l'un des aspects des défenses de common law. Si on s'appuie sur la décision du juge Rothstein, tel était alors son titre, dans Conseil canadien des ingénieurs professionnels c. Université Memorial de Terre-Neuve,(1997) 75 C.P.R. (3d) 289, 290, il semblerait que les défendeurs peuvent avoir recours à des défenses de common law : en effet, de tels moyens de défense pourraient être nécessaires pour permettre aux défendeurs de présenter une défense pleine et entière et d'avoir un procès équitable. Je ne peux pas affirmer que les paragraphes 8, 11 et 16 sont si futiles qu'il est clair, évident et indubitable qu'ils devraient être radiés pour les motifs avancés par les demandeurs, soit qu'ils sont non pertinents et préjudiciables.


[11]            Je vais finalement examiner le paragraphe 17 de la défense. Le paragraphe porte que les demandeurs ne sont pas titulaires d'une marque de commerce déposée et ont fait preuve de mauvaise foi et ont causé de la confusion en enregistrant une marque de commerce ressemblant à « The Cabins at Terrace Beach » . Si je comprends bien, les demandeurs ont tenté d'enregistrer cette marque de commerce, mais sans succès jusqu'à maintenant. Le paragraphe 17 est radié, mais avec autorisation de le modifier. Comme je l'ai indiqué, l'enregistrement de la marque de commerce n'est pas pertinent, mais la confusion et peut-être la mauvaise foi pourraient l'être.

CONCLUSION

[12]            La déclaration et la défense contiennent de nombreux éléments qui semblent être des redondances ou, au mieux, des informations générales. Même si certains des documents pourraient allonger la durée de l'instance, il ne s'agit pas d'un motif justifiant un autre examen des paragraphes 8, 11 et 16 étant donné que les éléments redondants qu'ils contiennent ne remplissent pas les exigences du critère applicable en matière de radiation.

[13]            Le paragraphe 10 de la défense est radié, les paragraphes 8, 11 et 16 peuvent être conservés et le paragraphe 17 est radié, avec autorisation de le modifier.

[14]            Puisque le succès est partagé, les dépens suivront l'issue de la cause.

« John A. Hargrave »

       Protonotaire

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                             T-2389-03

INTITULÉ :                                                                           TERRACE BEACH RESORT AND CABINS INC. et al.

c. RONALD NEIL CLAYTON et al.

                                                                             

LIEU DE L'AUDIENCE :                                                      VANCOUVER (C.-B.)

DATE DE L'AUDIENCE :                                                    LE 16 FÉVRIER 2004

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                 LE PROTONOTAIRE JOHN A. HARGRAVE

DATE DES MOTIFS :                                                           LE 24 FÉVRIER 2004

COMPARUTIONS :

Clifford Vermette

POUR LES DEMANDEURS               

Michael Scherr

POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :


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