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Date : 20201214


Dossier : IMM-4802-20

Référence : 2020 CF 1149

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 14 décembre 2020

En présence de monsieur le juge Ahmed

ENTRE :

RH

demandeur

et

LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ

défendeur

ORDONNANCE ET MOTIFS

VU LA REQUÊTE écrite déposée le 19 novembre 2020 en vertu de l’article 369 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, pour le compte du demandeur, en vue d’obtenir une ordonnance remplaçant le nom du demandeur dans l’intitulé de la cause par les initiales « RH »;

APRÈS avoir examiné le dossier de requête déposé par le demandeur, y compris la correspondance du défendeur avec le demandeur datée du 10 novembre 2020, dans laquelle le défendeur déclare ne pas s’opposer à la requête;

[1]  J’estime que l’ordonnance sollicitée par le demandeur nécessite de s’écarter du statu quo consistant à désigner les parties par leur nom dans l’intitulé, puisque cette ordonnance est à la fois : (i) nécessaire, en ce qu’elle protège un intérêt légitime; et (ii) proportionnelle, parce que ses effets bénéfiques sont plus importants que ses effets préjudiciables sur le principe de la publicité des débats (Adeleye c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 681 [Adeleye] au para 9, citant R c Mentuck, 2001 CSC 76 au para 32; Dagenais c Société Radio-Canada, [1994] 3 RCS 835, [1994] ACS n104; Sierra Club du Canada c Canada (Ministre des Finances), 2002 CSC 41 [Sierra Club]). Le principe de la publicité des débats est protégé par la Constitution et prévoit généralement que les tribunaux « mènent leurs activités en public » (Adeleye, au para 6).

[2]  Il y a deux catégories d’affaires liées à l’immigration et au statut de réfugié à l’égard desquelles notre Cour s’est montrée disposée à anonymiser l’intitulé : (i) celles où l’anonymisation vise à prévenir le préjudice pouvant découler de la divulgation de certains types de renseignements personnels; et (ii) celles où l’anonymisation vise à prévenir le préjudice que pourraient subir les demandeurs à leur retour dans leur pays d’origine (Adeleye, aux para 12-14).

[3]  À mon avis, l’affaire qui nous occupe entre dans la première catégorie des affaires énumérées dans la décision Adeleye. Il ne fait aucun doute qu’une déclaration de culpabilité est une étiquette préjudiciable en soi, en ce qu’elle peut empêcher quelqu’un d’avoir accès à un emploi, à un logement et à des prestations. Le demandeur a obtenu une suspension de casier concernant sa déclaration de culpabilité survenue en 2007, et cette dernière ne devrait plus ternir sa réputation, comme le prévoit le sous‑alinéa 2.3a)(ii) de la Loi sur le casier judiciaire. Je pense que le demandeur soulève un intérêt légitime en présentant la présente requête, dans sa tentative d’atténuer le risque de préjudice découlant d’une déclaration de culpabilité pour laquelle il a obtenu un pardon.

[4]  En ce qui a trait à la proportionnalité, je suis d’avis que les effets bénéfiques de l’ordonnance demandée sur le principe de la publicité des débats l’emportent sur ses effets préjudiciables. Comme il est mentionné ci-dessus, une telle ordonnance respecte l’objectif de l’article 2.3 de la Loi sur le casier judiciaire. À l’inverse, l’anonymisation de l’intitulé est généralement considérée comme une restriction mineure au principe de la publicité des débats (Adeleye, au para 17).

[5]  Par souci de clarté, je ne rends pas la présente ordonnance en vertu de l’article 151 des Règles, mais plutôt dans l’exercice de mes pouvoirs inhérents d’imposer de telles restrictions au cas par cas. Le demandeur ne sollicite pas la confidentialité par mise sous scellés des documents liés à sa demande de contrôle judiciaire. Il ne demande plutôt qu’à être désigné par ses initiales dans l’intitulé.

[6]  Puisque la requête ne vise que l’anonymisation et non la confidentialité, les exigences liées à l’article 151 ne s’appliquent pas (AB c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 629 aux para 8-9). S’il est vrai que le critère permettant de déterminer s’il convient de rendre une ordonnance d’anonymisation de l’intitulé repose toujours sur les principes énumérés dans l’arrêt Sierra Club, il reste qu’il est moins exigeant que le critère lié à une ordonnance de confidentialité (EF c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 842 au para 8, citant AC c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1452 aux para 18-19). Selon moi, la présente conclusion respecte la jurisprudence sur les ordonnances d’anonymisation qui, souvent, ne reposent pas explicitement sur l’article 151 (voir les affaires citées dans la décision Adeleye, aux para 13-14).


 

ORDONNANCE

LA COUR STATUE que la requête du demandeur visant l’anonymisation de l’intitulé de la cause est accueillie. L’intitulé dans la présente requête et la demande de contrôle judiciaire doit être modifié de manière à désigner le demandeur par les initiales « RH ».

« Shirzad A. »

Juge

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

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