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Date : 20010307

Dossier : IMM-6352-99

OTTAWA (ONTARIO), LE 7 MARS 2001

DEVANT : MADAME LE JUGE HENEGHAN

ENTRE :

QAMAR ADAN OSMAN, ROBLEH MOHAMUD SALAH,

AMINA MOHAMUD SALAH et le mineur

SAHAL MOHAMUD SALAH

par son tuteur à l'instance QAMAR ADAN OSMAN

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeurs

                                                                ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                                                                                                                         E. Heneghan                            

                                                                                                                                               J.C.F.C.                               

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


Date : 20010307

Dossier : IMM-6352-99

Référence neutre : 2001 CFPI 158

ENTRE :

QAMAR ADAN OSMAN, ROBLEH MOHAMUD SALAH,

AMINA MOHAMUD SALAH et le mineur

SAHAL MOHAMUD SALAH

par son tuteur à l'instance QAMAR ADAN OSMAN

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeurs

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE HENEGHAN

[1]         Qamar Adan Osman, Robleh Mohamud Salah, Amina Mohamud Salah et le mineur, Sahal Mohamud Salah, par son tuteur à l'instance Qamar Adan Osman, (les demandeurs) sollicitent le contrôle judiciaire de la décision par laquelle la section du statut de réfugié (la Commission) a conclu, le 30 novembre 1999, qu'ils n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention.


LES FAITS

[2]         Les demandeurs sont citoyens éthiopiens. Qamar Adan Osman est la mère des autres demandeurs. Toutes les revendications ont été entendues ensemble le 2 novembre 1999, conformément à l'article 69.1 de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2.

[3]         Les demandeurs revendiquent le statut de réfugié au sens de la Convention du fait de leur race, de leur nationalité, des opinions politiques qui leur sont imputées et de leur appartenance à un groupe social. En particulier, les demandeurs affirment que Qamar Adan Osman et Amina Mohamud Salah sont en danger parce qu'elles ne se conforment pas aux coutumes traditionnelles somaliennes, notamment en ce qui concerne le rôle des femmes somaliennes et la pratique de la mutilation des organes génitaux féminins.

[4]         Quant au deuxième fondement général de revendication, les demandeurs affirment qu'une longue absence de l'Éthiopie peut faire croire qu'ils sont étrangers ou peut-être des espions. Ils disent qu'ils peuvent être considérés comme des partisans du groupe extrémiste somalien connu sous le nom de Al'ittihad.

[5]         Les demandeurs déclarent qu'ils peuvent être persécutés du fait de leur appartenance à un groupe social parce qu'ils n'ont pas de protecteur de sexe masculin.


[6]         Les demandeurs ont quitté l'Éthiopie au mois de septembre 1991 et sont arrivés au Canada au mois d'octobre de la même année. Leur première revendication a été rejetée et ils ont été renvoyés aux États-Unis. Une deuxième revendication a été présentée au mois de novembre 1993, laquelle a également été rejetée. Après que les demandeurs eurent de nouveau été renvoyés aux États-Unis, une troisième revendication a été présentée, laquelle a également été rejetée; cette revendication a été examinée par la Cour fédérale, qui a délivré l'ordonnance suivante le 7 mai 1999 :

[TRADUCTION]

Sur consentement du défendeur (le consentement) à l'octroi de la demande de contrôle judiciaire relative aux deux demanderesses mineures, Ismahan Mohamud Salah et Dega Mohamud Salah, en ce qui concerne la conclusion que le tribunal a tirée au sujet de la question de la mutilation des organes génitaux féminins;

La Cour ayant décidé, compte tenu du consentement du défendeur et après avoir reçu les observations des avocats des parties, de ne pas entendre les arguments oraux se rapportant au bien-fondé de la demande de contrôle judiciaire en ce qui concerne les quatre autres demandeurs;

Le tribunal ayant décidé de son propre chef d'examiner la question de l'application du paragraphe 2(3) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, aux circonstances de l'espèce;

La Cour étant d'avis que le consentement du défendeur peut influer sur un certain nombre de questions, y compris la question désignée par le tribunal au sujet du paragraphe 2(3), dans la décision rendue par la section du statut de réfugié au sujet des revendications de chacun des demandeurs ici en cause;

La section du statut de réfugié ayant eu la possibilité d'examiner la question de la fixation de la date de la nouvelle audience à la suite de la délivrance de la décision que la Cour suprême du Canada a rendue dans l'affaire Baker, compte tenu du consentement du défendeur;

IL EST PAR LES PRÉSENTES ORDONNÉ CE QUI SUIT :

1.              La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

2.              La décision de la section du statut de réfugié en date du 24 mars 1998 est infirmée à l'égard des six demandeurs. L'affaire est renvoyée pour nouvelle audition et réexamen par une formation différente.


[7]         Au début de l'audience qui a donné lieu à la présente demande, la Commission a informé les demandeurs qu'elle se fonderait sur les conclusions factuelles tirées par la formation qui avait entendu la troisième revendication des demandeurs. En même temps, la Commission a fait savoir qu'elle pouvait conclure que deux autres filles, Deqa et Ismahan, étaient des réfugiées au sens de la Convention si on lui fournissait une preuve médicale montrant que leurs organes génitaux n'avaient pas été mutilés.

[8]         La preuve nécessaire a été présentée. La Commission a conclu que Deqa et Ismahan étaient des réfugiées au sens de la Convention. Toutefois, elle a conclu que les autres demandeurs n'étaient pas réfugiés au sens de la Convention pour les motifs invoqués ou pour quelque autre motif prévu par la Convention.

[9]         La Commission s'est expressément demandé si la mère et la fille, Qamar Adan Osman et Amina Mohamud Salah, avaient des motifs valables de craindre d'être persécutées du fait de leur appartenance à un groupe social, à savoir celui des femmes musulmanes d'origine ethnique somalienne qui n'ont pas de protecteur de sexe masculin et qui s'opposent à la mutilation des organes génitaux féminins. Sur ce point, la Commission a examiné la documentation qui lui avait été soumise, notamment les rapports destinés aux États-Unis d'Amérique, Department of State, et les Directives portant sur le sexe délivrées en vertu de la Loi. Elle a conclu que les demanderesses n'avaient pas établi qu'elles craignaient avec raison d'être persécutées pour ces motifs.

[10]       En ce qui concerne Amina Mohamud Salah, la Commission s'est également demandé si le paragraphe 2(3) de la Loi s'appliquait. Cette disposition est ainsi libellée :



2(3) Une personne ne perd pas le statut de réfugié pour le motif visé à l'alinéa (2)e) si elle établit qu'il existe des raisons impérieuses tenant à des persécutions antérieures de refuser de se réclamer de la protection du pays qu'elle a quitté ou hors duquel elle est demeurée de crainte d'être persécutée.

2(3) A person does not cease to be a Convention refugee by virtue of paragraph (2)(e) if the person establishes that there are compelling reasons arising out of any previous persecution for refusing to avail himself of the protection of the country that the person left, or outside of which the person remained, by reason of fear of persecution.


[11]       La Commission a conclu que malgré les difficultés auxquelles Amina Mohamud Salah peut faire face si elle s'établit de nouveau en Éthiopie, rien ne permet de conclure que le paragraphe 2(3) s'applique en l'espèce, puisque la Commission a conclu que les demandeurs n'avaient pas raison de craindre d'être persécutés en quittant l'Éthiopie et que dans ce pays les circonstances n'avaient pas changé à un point tel que l'alinéa 2(2)e) de la Loi s'appliquerait[1].

ARGUMENTS DES DEMANDEURS

[12]       Les demandeurs soutiennent que la Commission s'est fondée sans motif légitime sur sa propre impression en déterminant s'il existait un risque de persécution, plutôt que de se fonder sur leur impression. À cet égard, les demandeurs se fondent sur les décisions que cette cour a rendues dans les affaires Alfred c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1994), 76 F.T.R. 231 (C.F. 1re inst.); Chen c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 22 Imm. L.R. (2d) 213 (C.A.F.); Ward c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 20 Imm. L.R. (2d) 85 (C.S.C.) et Retnem c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1991), 13 Imm. L.R. (2d) 317 (C.A.F.).


[13]       Quant à la deuxième question, les demandeurs soutiennent que la Commission a commis une erreur dans l'application du critère juridique relatif à la question de la crédibilité en concluant qu'en l'absence d'une preuve contraire, la preuve qu'ils avaient présentée n'était pas crédible et en exigeant une preuve à l'appui de leur preuve non contestée. Les demandeurs invoquent en réponse les décisions Armson c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1989), 9 Imm. L.R. (2d) 150 (C.A.F.), Hilo c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1991), 130 N.R. 236 (C.A.F.) et Atefi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1994), 27 Imm. L.R. (2d) 82 (C.F. 1re inst.).

[14]       Les demandeurs affirment ensuite que la Commission ne s'est pas demandé s'il était possible d'établir leur revendication en se fondant sur des motifs prévus par la Convention qu'ils n'avaient pas invoqués, mais qui ressortent des faits. Les demandeurs se fondent ici sur la décision Singh c. Canada (Secrétaire d'État) (1994), 80 F.T.R. 132 (C.F. 1re inst.)

[15]       Enfin, les demandeurs affirment que la Commission n'a pas tenu compte de la totalité de la preuve, en violation des principes énoncés dans la décision Bobrik c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1994), 85 F.T.R. 13 (C.F. 1re inst.).

ARGUMENTS DU DÉFENDEUR


[16]       Le défendeur soutient que la Commission s'est acquittée de son mandat, c'est-à-dire qu'elle a apprécié la crédibilité des allégations des demandeurs et qu'elle a soupesé la preuve présentée à l'appui. Le défendeur soutient que la norme de contrôle régissant l'examen d'une décision de la Commission, en ce qui concerne les conclusions de fait, est celle de la décision manifestement déraisonnable. Sur ce point, il se fonde sur la décision que la Cour suprême du Canada a rendue dans l'arrêt Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982.

[17]       Le défendeur soutient que la Commission a tenu compte de la preuve de la façon appropriée et qu'elle est arrivée à une conclusion raisonnable qui est étayée par la preuve.

ANALYSE

[18]       Les demandeurs ont soulevé plusieurs questions et arguments dans cette demande, mais à mon avis leurs arguments se rapportent tous à des questions de crédibilité et à l'importance à accorder à la preuve.

[19]       La Commission a conclu que la preuve présentée par les demandeurs n'établissait pas leurs revendications. Voici ce qu'elle a dit :

[TRADUCTION]

[...] Toutefois, la formation n'avait pas à sa disposition d'éléments de preuve crédibles ou dignes de foi en vue de déterminer si les intéressés Qamar Adan Osman, Robleh Mohamud Salah, Amina Mohamud Salah et Sahal Mohamud Salah font face à une possibilité sérieuse d'être persécutés en Éthiopie pour un motif prévu par la Convention.[2]


[20]       Selon les motifs qu'elle a prononcés, la Commission a examiné le témoignage des demandeurs et la documentation présentée à l'appui. Les conclusions de la Commission sont raisonnablement étayées par la preuve dont elle disposait. Il ne s'agit pas ici d'un cas justifiant l'intervention de la Cour et la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[21]       Toutefois, je note que la conclusion de la Commission, en ce qui concerne Dega Mohamud Salah et Ismahan Mohamud Salah, qui ont été reconnues à titre de réfugiées au sens de la Convention, aura pour effet de diviser la famille. En outre, la longueur des procédures qui ont été engagées devant la Commission et devant cette cour donne à entendre que la revendication n'est pas simple et qu'il existe des points légitimes à débattre. Il s'agit de facteurs dont le défendeur et ses représentants devraient tenir compte si une demande d'établissement au Canada était présentée par les demandeurs.

[22]       Les avocates ont fait savoir que la présente demande ne soulève aucune question à certifier.

                                                                                                                                         E. Heneghan                            

                                                                                                                                               J.C.F.C.                               

OTTAWA (ONTARIO)

Le 7 mars 2001

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU DOSSIER :                                        IMM-6352-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :                         Qamar Adan Osman et autres c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                            le 9 novembre 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MADAME LE JUGE HENEGHAN EN DATE DU 7 MARS 2001.

ONT COMPARU :

Marjorie L. Hiley                                              POUR LES DEMANDEURS

Neeta Logsetty                                                 POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Marjorie L. Hiley                                              POUR LES DEMANDEURS

Don Mills (Ontario)

Morris Rosenberg                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada



[1] Dossier de la demande du demandeur, page 15.

[2] Dossier de la demande du demandeur, page 16.

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