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Date : 20050708

Dossier : IMM-7770-04

Référence : 2005 CF 931

Québec (Québec), le 8 juillet 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BLAIS

ENTRE :

                                                               MARITES PACIS

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                La demanderesse sollicite, en application de l'article 72 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), le contrôle judiciaire de la décision d'une agente d'immigration désignée (l'agente), en date du 8 juillet 2004, qui a rejeté sa demande de permis de travail présentée en vertu du Programme des aides familiaux (le Programme).


LES FAITS

[2]                La demanderesse est arrivée au Canada le 31 juillet 2001, dans le cadre du Programme. Depuis qu'elle est au Canada, elle a reçu quatre permis de travail étant donné qu'elle a changé d'employeur quatre fois.

[3]                Son premier emploi a duré six semaines, après quoi la demanderesse est partie, affirmant qu'elle était trop loin de ses amis à Richmond Hill et qu'elle ne pouvait pas s'occuper des trois enfants, dont l'un était dépendant de l'insuline. Son deuxième emploi a duré quatre mois et demi. La demanderesse a été licenciée après avoir affirmé que son employeur lui tenait des propos offensants, alors même qu'elle n'a jamais déposé aucune plainte ni aucune preuve à l'appui de cette affirmation.

[4]                Son troisième emploi a duré dix mois, et la demanderesse a été congédiée à la suite d'un incident impliquant l'aîné des enfants de l'employeur. La demanderesse a refusé d'en dire davantage, affirmant simplement qu'elle était intimidée par son employeur, lequel était policier. Son quatrième emploi est tombé à l'eau parce que la personne dont elle devait s'occuper a été placée dans un foyer de soins infirmiers. Elle a trouvé une autre ouverture et elle a donc eu besoin d'un nouveau permis de travail.

[5]                Le 29 mars 2004, elle a déposé sa demande de permis de travail en application du Programme et on lui a dit qu'il lui faudrait passer une entrevue. Le 6 juillet 2004, elle a eu une entrevue avec l'agente, qui l'a informée le 12 juillet 2004 que sa demande d'un cinquième permis avait été refusée.

LE POINT LITIGIEUX

[6]                L'agente a-t-elle commis une erreur de droit ou une erreur manifestement déraisonnable lorsqu'elle a rejeté la cinquième demande de permis de travail présentée par la demanderesse en application du Programme?

ANALYSE

[7]                Dans cette affaire, l'agente a refusé de délivrer un cinquième permis de travail parce qu'elle ne croyait pas que la demanderesse avait véritablement l'intention de travailler comme aide familiale au Canada. Elle avait déjà sollicité quatre permis de travail et avait été congédiée par deux de ses anciens employeurs.


[8]                En ce qui concerne son premier emploi, la demanderesse a affirmé qu'il lui avait été impossible de le conserver car le lieu de travail était trop loin de ses amis à Richmond Hill et que les trois enfants, dont l'un dépendait de l'insuline, lui demandaient trop de soins. Toutefois, l'agente a fait observer que la demanderesse savait parfaitement, avant d'accepter le poste, que l'employeur avait trois enfants dont l'un était diabétique. En réponse à cette observation, la demanderesse n'a pas été en mesure de donner d'autres explications.

[9]                La demanderesse conteste cette version des événements, mais l'alinéa 112e) du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement) prévoit ce qui suit :

Permis de travail : exigences

112. Le permis de travail ne peut être délivré à l'étranger qui cherche à entrer au Canada au titre de la catégorie des aides familiaux que si l'étranger se conforme aux exigences suivantes :

[¼]

e) il a conclu un contrat d'emploi avec son futur employeur.

Work permits - requirements

112. A work permit shall not be issued to a foreign national who seeks to enter Canada as a live-in caregiver unless they

[¼]

(e) have an employment contract with their future employer.

[10]            La demanderesse ne peut donc prétendre qu'elle ignorait que son employeur avait trois enfants, étant donné que, avant même qu'elle quitte son pays d'origine, elle avait conclu un contrat d'emploi avec cette famille.


[11]            En ce qui concerne le deuxième employeur, la demanderesse a affirmé qu'il s'était montré injurieux envers elle et l'avait congédiée. Toutefois, aucun rapport n'a jamais été déposé auprès de Citoyenneté et Immigration Canada ni auprès de la police locale. La demanderesse affirme avoir communiqué avec Intercede, un organisme autonome établi pour aider les employés de maison au Canada, mais le nom de cet organisme n'a pas été mentionné au cours de l'entrevue et aucun document n'a été produit au soutien de cette affirmation. Néanmoins, ayant moi-même examiné la lettre de Intercede, je suis d'avis qu'elle ne renferme aucune indication d'une prétendue inconduite de la part de l'employeur de la demanderesse; la lettre dit simplement que Intercede appuie la cinquième demande de permis de travail présentée par la demanderesse.

[12]            En ce qui concerne son troisième poste, la demanderesse a affirmé qu'elle avait été congédiée parce que des difficultés avaient surgi entre elle et son employeur à propos de l'aîné des enfants de celui-ci. Priée d'en dire davantage, la demanderesse a refusé de donner plus de détails, affirmant simplement qu'elle craignait son employeur, qui était policier. C'est à la demanderesse qu'il incombe de prouver qu'elle a droit à un cinquième permis de travail; le refus de donner des détails sur des événements passés n'a très certainement pas joué en sa faveur.

[13]            En ce qui concerne le quatrième employeur, la demanderesse elle-même a affirmé que cette offre était tombée à l'eau avant même qu'elle n'ait commencé à travailler. L'agente a ajouté foi à cet incident et n'a pas contesté que l'offre ait échoué. Elle s'est inquiétée plutôt de ce que la demanderesse n'ait pas été en mesure de trouver un employeur durant de nombreuses et longues périodes pendant qu'elle était au Canada.


[14]            Le Programme oblige la demanderesse à travailler un minimum de 24 mois sur une période de 36 mois. La preuve produite révèle qu'elle n'a pu travailler qu'environ 16 mois, bien moins que la durée requise. Après avoir examiné ses antécédents professionnels, l'agente a prié la demanderesse d'expliquer son incapacité à conserver un emploi et de dire pourquoi elle avait été sans travail durant plus de la moitié du temps qu'elle avait passé au Canada. Cependant, les réponses données n'ont pas convaincu l'agente et elles n'étaient appuyées d'aucune preuve documentaire.

[15]            La demanderesse affirme que la section 7.1 du manuel intitulé « Traitement des demandes à l'étranger, OP 14 - Lignes directrices à l'usage des aides familiaux » prévoit la possibilité d'attribution d'un nouveau permis de travail lorsqu'un changement d'employeur est nécessaire. La demanderesse cite la section suivante :

L'offre d'emploi validée s'applique à un employeur et à un emploi en particulier.

Tout changement d'employeur exige une nouvelle validation, un nouveau contrat d'emploi et un nouveau permis de travail. L'agent doit traiter la nouvelle validation comme une nouvelle demande à la suite des autres demandes (les frais imposés au titre du recouvrement des coûts s'appliquent).

(Pièce B de l'affidavit de Marites Pacis, en date du 7 octobre 2004)

[16]            Cependant, le paragraphe suivant de la même section expose le raisonnement conduisant à la délivrance d'un nouveau permis de travail. Après examen, je ne crois pas que l'agente a eu tort de refuser le cinquième permis de travail à la demanderesse, car le cas de la demanderesse n'est pas le même que celui dont parle la section 7.1 :

Cette mesure vise à empêcher les abus de la part de certaines agences de placement, qui seraient tentées d'utiliser une liste d'employeurs fictifs pour amener un « lot » d'aides familiaux résidants au Canada. Après leur arrivée, ces aides familiaux résidants pourraient signer un contrat avec un employeur inexistant ou pour lequel ils n'auraient pas à travailler. Ils séjourneraient donc illégalement au Canada et s'exposeraient ainsi à être exploités par l'agence de placement qui les aurait amenés.

[17]            La demanderesse affirme qu'on ne peut ajouter foi à l'affidavit de l'agente et que son propre affidavit expose fidèlement la version des événements. Toutefois, aucune preuve n'est donnée au soutien de sa version des événements. En revanche, après examen des notes au Système de traitement informatisé des données d'immigration (les notes au STIDI) et de la décision de l'agente, il se trouve que je n'ai aucune raison de ne pas croire l'affidavit de l'agente.

[18]            Par ailleurs, après examen de l'ensemble de la preuve que j'ai devant moi, ainsi que des dispositions applicables du Règlement, je ne crois pas qu'une erreur de droit a été commise. Je ne suis pas non plus persuadé que l'agente a commis une erreur manifestement déraisonnable en affirmant que la demanderesse n'avait pas prouvé qu'elle voulait vraiment remplir les conditions imposées par le Programme.

[19]            La demanderesse a sollicité cinq permis de travail temporaire au cours d'une période de 36 mois, période au cours de laquelle elle a travaillé durant un total de 16 mois seulement. Non seulement la demanderesse est loin d'atteindre le total requis de 24 mois, mais elle écrit aussi, dans sa demande de permis de travail :

[traduction] JE SUIS ARRIVÉE AU CANADA LE 31 JUILLET 2001 DANS LE CADRE DU PROGRAMME DES AIDES FAMILIAUX. IL ME SERA IMPOSSIBLE DE TRAVAILLER UN TOTAL DE 24 mois sur une période de trois ans. Je suis donc disposée à repartir de zéro dans le Programme, pour éventuellement accomplir les 24 mois de travail au cours d'une période de trois ans.

(Voir la demande de permis de travail temporaire, à la page 18 du dossier de la demanderesse.)

[20]            Si la demanderesse devait être continuellement autorisée à solliciter des permis de travail temporaire, et, pendant ce temps, à renouveler tous les trois ans depuis le Canada sa demande au titre du Programme, elle serait autorisée à séjourner perpétuellement au Canada comme aide familiale, sans jamais remplir les conditions établies pour ce Programme.

[21]            Aucune erreur de droit n'a été commise par l'agente lorsqu'elle a évalué l'historique de ce dossier ou lorsqu'elle a évalué la crédibilité de la demanderesse. Par ailleurs, aucune erreur manifestement déraisonnable n'a été commise lorsqu'elle a refusé la cinquième demande de permis de travail temporaire présentée par la demanderesse. Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

- La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

- Aucune question n'est certifiée.

                                                                                     _ Pierre Blais _                           

                                                                                                     Juge                                  

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B., trad. as.


DISPOSITIONS APPLICABLES

Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés (DORS/2002-227)


110. La catégorie des aides familiaux est une catégorie réglementaire d'étrangers qui peuvent devenir résidents permanents, sur le fondement des exigences prévues à la présente section.

110. The live-in caregiver class is prescribed as a class of foreign nationals who may become permanent residents on the basis of the requirements of this Division.

Traitement

111

111. L'étranger qui cherche à entrer au Canada à titre d'aide familial fait une demande de permis de travail conformément à la partie 11, ainsi qu'une demande de visa de résident temporaire si ce visa est requis par la partie 9.

Processing

111

111. A foreign national who seeks to enter Canada as a live-in caregiver must make an application for a work permit in accordance with Part 11 and apply for a temporary resident visa if such a visa is required by Part 9.


Permis de travail : exigences

112

112. Le permis de travail ne peut être délivré à l'étranger qui cherche à entrer au Canada au titre de la catégorie des aides familiaux que si l'étranger se conforme aux exigences suivantes :

a) il a fait une demande de permis de travail à titre d'aide familial avant d'entrer au Canada;

b) il a terminé avec succès des études d'un niveau équivalent à des études secondaires terminées avec succès au Canada;

c) il a la formation ou l'expérience ci-après dans un domaine ou une catégorie d'emploi lié au travail pour lequel le permis de travail est demandé :

(i) une formation à temps plein de six mois en salle de classe, terminée avec succès,

(ii) une année d'emploi rémunéré à temps plein - dont au moins six mois d'emploi continu auprès d'un même employeur - dans ce domaine ou cette catégorie d'emploi au cours des trois années précédant la date de présentation de la demande de permis de travail;

d) il peut parler, lire et écouter l'anglais ou le français suffisamment pour communiquer de façon efficace dans une situation non supervisée;

e) il a conclu un contrat d'emploi avec son futur employeur.

Work permits - requirements

112

112. A work permit shall not be issued to a foreign national who seeks to enter Canada as a live-in caregiver unless they

(a) applied for a work permit as a live-in caregiver before entering Canada;

(b) have successfully completed a course of study that is equivalent to the successful completion of secondary school in Canada;

(c) have the following training or experience, in a field or occupation related to the employment for which the work permit is sought, namely,

(i) successful completion of six months of full-time training in a classroom setting, or

(ii) completion of one year of full-time paid employment, including at least six months of continuous employment with one employer, in such a field or occupation within the three years immediately before the day on which they submit an application for a work permit;

(d) have the ability to speak, read and listen to English or French at a level sufficient to communicate effectively in an unsupervised setting; and

(e) have an employment contract with their future employer.Statut de résident permanent

113(1)

113. (1) L'étranger fait partie de la catégorie des aides familiaux si les exigences suivantes sont satisfaites :

a) il a fait une demande de séjour au Canada à titre de résident permanent;

b) il est résident temporaire;

c) il est titulaire d'un permis de travail à titre d'aide familial;

d) il est entré au Canada à titre d'aide familial et, au cours des trois ans suivant son entrée, il a, durant au moins deux ans :

(i) d'une part, habité dans une résidence privée au Canada,

(ii) d'autre part, fourni sans supervision, dans cette résidence, des soins à domicile à un enfant ou à une personne âgée ou handicapée;

e) ni lui ni les membres de sa famille ne font l'objet d'une mesure de renvoi exécutoire ou d'une enquête aux termes de la Loi, ni d'un appel ou d'une demande de contrôle judiciaire à la suite d'une telle enquête;

f) son entrée au Canada en qualité d'aide familial ne résulte pas de fausses déclarations portant sur ses études, sa formation ou son expérience;

g) dans le cas où l'étranger cherche à s'établir dans la province de Québec, les autorités compétentes de cette province sont d'avis qu'il répond aux critères de sélection de celle-ci.

Permanent residence

113(1)

113. (1) A foreign national becomes a member of the live-in caregiver class if

(a) they have submitted an application to remain in Canada as a permanent resident;

(b) they are a temporary resident;

c)they hold a work permit as a live-in caregiver;

(d) they entered Canada as a live-in caregiver and, for a cumulative period of at least two years within the three years immediately following their entry,

(i) resided in a private household in Canada, and

(ii) provided child care, senior home support care or care of a disabled person in that household without supervision;

(e) they are not, and none of their family members are, the subject of an enforceable removal order or an admissibility hearing under the Act or an appeal or application for judicial review arising from such a hearing;

(f) they did not enter Canada as a live-in caregiver as a result of a misrepresentation concerning their education, training or experience; and

(g) where they intend to reside in the Province of Quebec, the competent authority of that Province is of the opinion that they meet the selection criteria of the Province.



                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                            IMM-7770-04

INTITULÉ :                                           MARITES PACIS et LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                     TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                   LE 30 JUIN 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                           LE JUGE BLAIS

DATE DES MOTIFS :                          LE 8 JUILLET 2005

COMPARUTIONS :

Ian Wong                                                                                  POUR LA DEMANDERESSE

Brad Gotkin                                                                              POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Ian Wong                                                                                  POUR LA DEMANDERESSE

Avocat

Toronto (Ontario)

John H. Sims, c.r.                                                                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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