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Date : 20020130

Dossier : IMM-2389-00

Référence neutre : 2002 CFPI 115

Ottawa (Ontario), le mercredi 30 janvier 2002

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE DAWSON

ENTRE :

                                    NEMI GANAL DIZON

                                                                                              demanderesse

                                                         et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                    défendeur

        MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE DAWSON

[1]    Mme Dizon demande le contrôle judiciaire de la décision en date du 5 avril 2000 par laquelle une agente des visas a refusé la demande de résidence permanente qu'elle avait présentée. Mme Dizon a présenté sa demande dans les catégories des immigrants indépendants/parents aidés pour l'occupation de conseillère en voyages, n ° 6431.0 de la Classification nationale des professions (CNP).


[2]    L'agente des visas a attribué à Mme Dizon 63 points d'appréciation, soit 7 points de moins que le minimum de 70 points généralement exigé. La présente demande de contrôle judiciaire concerne les erreurs reconnues que l'agente des visas a commises :

(i)          en n'attribuant aucun point pour l'expérience, tout en accordant un point pour la demande dans la profession;

(ii)         en refusant d'attribuer cinq points d'appréciation parce que Mme Dizon avait des parents au Canada et a présenté sa demande dans la catégorie des parents aidés.

[3]    Au cours des plaidoiries, l'avocat de Mme Dizon a admis que l'erreur liée à l'attribution des cinq points d'appréciation à titre de parent aidé n'était pas importante aux fins de la décision. Le sort de la présente demande dépend donc des conséquences de la première erreur.

[4]    Les avocats étaient d'accord pour l'essentiel avec les principes de droit applicables qui sont énoncés dans Min Lin c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 282; [2001] A.C.F. 501, au paragraphe 2 :


Le fait d'attribuer un point d'appréciation à l'égard de la demande dans la profession sans accorder de point au titre de l'expérience constitue une erreur de droit : Dauz c. Canada (ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration) (1999), 2 Imm. L.R. (3d) 16 (C.F. 1re inst.). Cette erreur sera susceptible de révision si elle a eu un effet déterminant sur la décision et si l'agent des visas était saisi de certains éléments de preuve indiquant une expérience pertinente : Dauz, précité; Kopyl c. Canada (ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration) (2000), 7 Imm. L.R. (3d) 281 (C.F. 1re inst.); et Bhogal c. Canada (ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1581, IMM-5472-99 (28 septembre 2000) (C.F. 1re inst.).

[5]                 À cet énoncé des règles de droit, l'avocat du ministre ajoute que non seulement l'agent des visas doit-il être saisi d'éléments de preuve indiquant une expérience pertinente, mais ces éléments doivent être significatifs et crédibles. Je suis d'accord.

[6]                 En ce qui concerne l'existence de ces éléments de preuve en l'espèce, Mme Dizon a présenté deux certificats de son employeur au soutien de sa demande de résidence permanente, lesquels certificats indiquent qu'elle avait travaillé à la fois comme agente de comptoir/préposée aux réservations et comme agente de voyage. De plus, Mme Dizon et l'agente des visas ont toutes deux signé des affidavits au sujet de la façon dont l'entrevue s'est déroulée. Il est permis de dire que ces affidavits présentent des comptes rendus très différents.

[7]                 L'agente des visas a déclaré sous serment ce qui suit :

[TRADUCTION]

6. À l'entrevue, la demanderesse a indiqué qu'elle avait été conseillère en voyages pendant quatre ans. J'ai fait allusion aux principales tâches qu'un conseiller en voyages serait normalement tenu d'accomplir au Canada selon la CNP. Je lui ai demandé quel type de renseignements elle donnait aux clients. Elle a répondu qu'un voyage en Europe coûte 2 380 $. Je lui ai demandé quels sont les autres types de renseignements qu'elle fournit et elle a répété le coût d'un voyage en Europe. Je lui ai demandé comment elle organiserait, par exemple, un voyage en Afrique. Elle n'a pas répondu.


7. Je lui ai ensuite demandé comment elle me conseillerait au sujet d'une destination de voyage si je voulais me rendre à l'extérieur des Philippines. Elle a dit qu'un voyage en Europe coûte 2 380 $. Comme je l'ai mentionné dans mes notes CAIPS, [TRADUCTION] « La requérante s'est montrée avare de renseignements en ce qui concerne les voyages » . Je lui ai demandé comment elle s'y prendrait pour promouvoir une destination d'Europe. Elle a dit que la Tour Eiffel se trouve à Paris et qu'il y a des pyramides en Égypte.

8. J'ai fait savoir à la demanderesse que l'une des tâches normalement confiées à un conseiller en voyages au Canada serait de « réserver des passages et des chambres d'hôtel à l'aide d'un système informatisé de réservation et de billetterie » . Cette tâche est tirée du troisième paragraphe de la description figurant au n ° 6431 de la CNP, sous la rubrique Fonctions principales. La demanderesse a répondu qu'elle ne fait pas ce genre de chose.

9. J'ai demandé à la demanderesse comment elle s'y prendrait pour promouvoir une destination particulière. Elle a répondu qu'une personne pourrait se rendre dans une ville des Philippines où se tient un festival. Je lui ai demandé de me donner un exemple. Elle a mentionné le festival de Mascara. Je lui ai demandé où cet endroit se trouvait et elle a répondu Bacolod. Je lui ai demandé comment elle s'y prendrait pour promouvoir ce festival. Elle n'a pas répondu.

10. J'ai demandé à la demanderesse comment elle procédait pour réserver un billet d'avion. Elle a dit qu'elle se sert du téléphone et que son milieu de travail n'est pas informatisé.

[8]                 Tous les renseignements énoncés dans l'affidavit de l'agente des visas se trouvent dans les notes CAIPS qu'elle avait préparées le jour de l'entrevue.

[9]                 Pour sa part Mme Dizon a déclaré ce qui suit :

[TRADUCTION]

9.              Ce n'est pas le souvenir que j'ai de la façon dont l'entrevue s'est déroulée. J'étais très nerveuse à cette occasion. Les gens de la région m'avaient dit que certains agents de l'ambassade pouvaient être très durs et parfois impolis ou indifférents. J'ai demandé à M. Rotenberg, par l'entremise de son personnel, si je pouvais apporter un magnétophone pour l'entrevue et j'ai reçu une réponse négative. Par conséquent, lorsque j'ai rencontré l'agente des visas, elle n'a rien fait pour atténuer mes craintes.

10.            D'après les notes, il semble que j'étais perdue et que je ne pouvais pas répondre aux questions qui m'étaient posées. Cependant, tel n'est pas le cas. Lorsque je commençais à répondre à la question qu'elle me posait, elle m'interrompait pour me poser une autre question.


11.            Lorsqu'elle m'a posé la première question, j'ai immédiatement répondu. L'agente m'a ensuite demandé quel type de renseignements je fournissais à mes clients. J'ai répondu immédiatement que je fournissais des renseignements au moyen de brochures et que je discutais avec les clients des endroits où ils pouvaient aller.

12.            L'agente des visas n'a pas consigné cette réponse dans les notes CAIPS; elle souligne plutôt que j'ai simplement répondu qu'un voyage en Europe coûte 2 380 $.

13.            Cette réponse donne l'impression que je ne répondais pas à la question ou que j'étais une gourde.

14.            Ce n'est pas vrai et je déclare sous serment que des explications s'imposent parce que je ne suis pas une gourde.

[...]

16.            Encore une fois, ce qui s'est passé, ce n'est pas qu'elle a posé des questions auxquelles je n'ai pu répondre, mais plutôt qu'elle m'a interrompu pendant que je répondais en me posant une autre question. En raison de la façon dont elles sont rédigées, les notes donnent une impression erronée de la situation. Il se peut que je sois devenue plus tendue au fur et à mesure que l'entrevue se déroulait et que j'aie mis un peu de temps à répondre, mais ce n'est pas parce que j'ignorais la réponse. Je me sentais de plus en plus nerveuse et je croyais que l'agente des visas avait une impression négative à mon sujet avant même le début de l'entrevue et ne faisait guère plus que de tenter de justifier un refus. Compte tenu des questions mentionnées par la personne précédente (IDM), je n'ai pas eu une possibilité équitable de corroborer les renseignements qui ont été fournis. À mon avis, c'est le mot « farce » qui décrit le mieux la façon dont l'entrevue s'est déroulée.

[...]

19.            J'ai reconnu que j'étais tenue, au cours de l'entrevue, de répondre aux questions qui m'étaient posées de manière franche et ouverte; toutefois, je crois que les agents basés au Canada devraient comprendre que les demandeurs sont nerveux et qu'il leur appartient à eux de mettre les demandeurs à l'aise afin que ceux-ci aient toute la latitude voulue pour s'expliquer. C'est notamment le cas lorsque le demandeur a fourni des éléments de preuve par l'entremise d'un tiers et que ces renseignements ne sont nullement contestés d'après le dossier.


[10]            L'agente des visas a été contre-interrogée au sujet de son affidavit, mais non Mme Dizon. En contre-interrogatoire, l'agente des visas a admis avoir eu l'impression, au cours de l'entrevue, que Mme Dizon était avare de renseignements et qu'elle n'accomplissait pas les tâches d'un conseiller en voyages.

[11]            Cette contradiction de la preuve est troublante. En dernier ressort, il est nécessaire de la trancher en se rappelant qu'il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire et non d'un appel. Dans une demande de contrôle judiciaire, il incombe à la partie demanderesse de prouver qu'une erreur susceptible de révision a été commise et il n'appartient pas à la Cour d'exercer son propre pouvoir discrétionnaire pour examiner le fond de la demande de résidence permanente.

[12]            La question de savoir si une partie demanderesse a accompli les fonctions de l'occupation visée est une question de fait pure et simple. Selon l'alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, les conclusions de fait sont susceptibles de révision lorsqu'elles ont été tirées de façon abusive ou arbitraire ou encore sans égard aux éléments dont l'agente des visas était saisie.


[13]            Après avoir lu attentivement les notes CAIPS, les affidavits déposés par Mme Dizon et l'agente des visas ainsi que la transcription du contre-interrogatoire de celle-ci, je ne suis pas convaincue que la conclusion de l'agente des visas selon laquelle Mme Dizon était avare de renseignements et n'avait pas accompli les fonctions du conseiller en voyages était abusive ou arbitraire ou a été tirée sans égard aux éléments dont elle disposait.

[14]            Pour en arriver à cette conclusion, j'ai accordé une attention particulière à l'argument de Mme Dizon selon lequel elle était nerveuse à l'entrevue et a mis un certain temps avant de répondre; cependant, les notes CAIPS étaient contemporaines c'est-à-dire qu'elles ont été consignées le jour de l'entrevue, et l'exactitude des notes n'a pas été attaquée de façon majeure au cours du contre-interrogatoire de l'agente. Cette preuve était suffisante pour éclipser toute déduction que j'aurais pu tirer par suite de l'omission du défendeur de contre-interroger Mme Dizon.

[15]            L'agente des visas ayant conclu que Mme Dizon était avare de renseignements et qu'elle n'avait pas accompli les tâches du conseiller en voyages, la valeur probante des deux certificats présentés par l'employeur de la demanderesse était considérablement affaiblie, sinon annulée. Par conséquent, il n'y a pas lieu de dire que l'agente des visas a été saisie d'une preuve significative faisant état d'une expérience pertinente.


[16]            En l'absence de cette preuve, l'erreur de l'agente des visas n'était pas importante et, par conséquent, il ne s'agissait pas d'une erreur susceptible de révision parce que, selon le paragraphe 11(1) du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172, Mme Dizon n'avait pas le droit d'obtenir un visa une fois que l'agente avait conclu à bon escient qu'aucun point d'appréciation ne devrait être attribué à la demanderesse au titre de l'expérience.

[17]            Il s'ensuit que, malgré les arguments sérieux et succincts que l'avocat de Mme Dizon a invoqués, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Les avocats n'ayant proposé aucune question à faire certifier, aucune ne sera certifiée.

ORDONNANCE

[18]            LA COUR ORDONNE QUE :

1.    La demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

« Eleanor R. Dawson »

                                                                                                             Juge                        

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                              IMM-2389-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :                          Nemi Ganal Dizon c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                             le 8 janvier 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET

ORDONNANCE PAR :                                  Madame le juge Dawson

DATE DES MOTIFS :                                     le 30 janvier 2002

COMPARUTIONS :

M. Cecil L. Rotenberg                                        POUR LA DEMANDERESSE

M. Greg George                                                                POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

M. Cecil L. Rotenberg

Toronto (Ontario)                                                              POUR LA DEMANDERESSE

M. Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                                  POUR LE DÉFENDEUR

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