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Date : 20060706

Dossier : T-212-05

Référence : 2006 CF 855

OTTAWA (ONTARIO), le 6 juillet 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE VON FINCKENSTEIN

ENTRE :

1395047 ONTARIO INC.

exerçant son activité sous la dénomination de (s/n)

FPTV – FESTIVAL PORTUGUESE TELEVISION

et FRANK ALVAREZ

demandeurs

et

 

1548951 ONTARIO LIMITED, s/n O BOLA SPORTS BAR;

O AVIAO BAR & GRILL INC., s/n O AVIAO RESTAURANT;

827704 ONTARIO LIMITED, s/n WHITE ROSE BAR

et WHITE ROSE BAR AND CAFÉ LIMITED;

PASQUALE D’ALESSIO, s/n WHITE ROSE BAR;

1205250 ONTARIO INC., s/n NEW CASA ABRIL

RESTAURANT & CATERING, CASA EUROPA SPORTS BAR INC.;

et SPORTING CLUB IDEAL OF BRAMPTON

défendeurs

(Ontario)

et

 

3975592 CANADA INC., s/n RESTAURANT BEIRA MAR

défenderesse

(Québec)

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               La demanderesse, 1395047 Ontario Inc., exerçant son activité sous la dénomination de FPTV – Festival Portuguese Television (FPTV), possède une entente de diffusion pour les matchs du Championnat du Portugal de football, aussi appelé Superliga, pour les saisons 2004‑2005 et 2005‑2006. FPTV est également titulaire des droits d’auteur sur ces droits de diffusion.

 

[2]               FPTV prétend que ses employés ont conduit une enquête sur le restaurant New Casa Abril et ont constaté qu’il avait diffusé à plusieurs reprises des matchs de la Superliga sans le consentement de FPTV. Celle‑ci a décidé de poursuivre la défenderesse New Casa Abril et les procédures judiciaires suivantes s’en sont suivies :

a.       Le 7 février 2005, FPTV a déposé une déclaration contre de nombreux défendeurs. L’un d’eux était M. Januario Barros Abreu, exerçant son activité sous la dénomination de New Casa Abril. Le véritable nom de ce défendeur est en fait Januario Barros. (On a découvert plus tard que le nom Abreu avait été ajouté par erreur.) Les recherches de dénominations sociales et de noms d’entreprises effectuées n’ont pas permis de trouver d’entreprise exerçant son activité sous la dénomination de New Casa Abril.

 

b.      Le 14 février 2005, le juge Campbell a rendu une injonction interlocutoire à l’encontre des défendeurs, y compris Januario Barros Abreu, exerçant son activité au 475 de l’avenue Oakwood sous la dénomination de New Casa Abril. Aux termes de l’injonction, il était [traduction interdit [à la société] de présenter en public, de radiodiffuser ou de montrer tout match de la Superliga pour les saisons 2004‑2005 et 2005‑2006 ou de décoder les transmissions satellites encodées de ces matchs sans autorisation ou consentement écrit des demandeurs, sauf les matchs diffusés sur le réseau international RTP ».

 

c.       Le 21 février 2005, l’ordonnance du juge Campbell a été signifiée à personne à une femme qui semblait être responsable du restaurant appelé New Casa Abril situé au 475 de l’avenue Oakwood.

 

d.      Le 4 avril 2005, le juge Pinard a rendu un jugement par défaut contre plusieurs défendeurs, dont Januario Barros Abreu, exerçant son activité sous la dénomination de New Casa Abril. La Cour a rendu une injonction permanente contre Januario Barros Abreu, exerçant son activité sous la dénomination de New Casa Abril, et l’a condamné à payer des dommages‑intérêts de 10 914 $, pour violation de droit d’auteur et de la Loi sur la radiocommunication, et des dépens de 1500 $.

 

e.       FPTV a présenté une demande, en date du 6 avril 2005, en vue d’obtenir un bref de saisie‑exécution contre Januario Barros Abreu, exerçant son activité sous la dénomination de New Casa Abril. Le bref a été délivré le 2 avril 2005.

 

f.        Après avoir pris les mesures d’exécution, FPTV a appris que l’entreprise était en fait 1205250 Ontario Inc., exerçant son activité sous la dénomination de New Casa Abril Restaurant & Catering (120 Inc.) et que le véritable nom du propriétaire du 120 Inc. était Januario Barros. FPTV a cherché à faire modifier les procédures pour désigner correctement le défendeur.

 

g.       Le 26 juillet 2005, pour permettre au défendeur de retenir les services d’un avocat, la juge Dawson a rendu une ordonnance ajournant jusqu’en septembre l’examen de la requête en modification de l’intitulé de la cause présentée par la demanderesse pour corriger le nom du défendeur et inclure 120 Inc.

 

h.       Le 12 septembre 2005, la protonotaire Milczynski a ordonné, avec le consentement tant de la demanderesse que de la défenderesse et de Januario Barros, la modification de l’intitulé de la cause pour inclure 120 Inc. en tant que défenderesse et supprimer Januario Barros Abreu, exerçant son activité sous la dénomination de New Casa Abril, comme défendeur. Elle a également alloué à 120 Inc. 40 jours pour déposer une défense. Après ce délai, la demanderesse était en droit d’obtenir un jugement aux termes de l’ordonnance du juge Pinard en date du 4 avril 2005. L’ordonnance prévoyait aussi que 120 Inc. était tenue de respecter l’injonction du juge Campbell en date du 14 février 2005.

 

i.         120 Inc. a signifié sa défense à FPTV le 24 octobre 2005 et a essayé de la déposer à la Cour le 25 octobre 2005. La Cour a rejeté la défense étant donné qu’elle n’a pas été produite dans les 40 jours prescrits. 120 Inc. n’a pas présenté de requête en prorogation de délai avant le 8 mars 2006.

 

j.        Le 15 mars 2006, le juge Russell a entendu les deux requêtes et a accepté de proroger le délai. Il a accordé à 120 Inc. cinq jours pour déposer sa défense. Celle‑ci a été produite le 20 mars 2006. Le juge Russell a dit qu’il ne fallait pas accorder à FPTV le jugement demandé ni radier la défense pour inexécution de l’ordonnance de la protonotaire Milczynski ou de l’injonction du juge Campbell parce qu’il fallait permettre à 120 Inc. de déposer sa défense. Il a statué que la preuve dont il disposait lui permettait d’ordonner la tenue d’une audience de justification conformément à l’article 467 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, et a ordonné à Januario Barros et à 120 Inc. de comparaître le 29 mai 2006 pendant la période des requêtes générales et d’être prêts à entendre la preuve concernant l’outrage au tribunal et à présenter leur défense.

 

k.      Cette audience a été ajournée et a finalement commencé le 12 juin 2006. Elle a duré trois jours.

 

[3]               La partie pertinente de l’ordonnance du juge Campbell est rédigée comme suit :

[traduction]

1.      LA COUR ORDONNE qu’il soit interdit, jusqu’à ce qu’une autre ordonnance soit rendue par la Cour ou que le procès ait lieu et une décision définitive soit rendue dans la présente action, à chacun des défendeurs énumérés à l’annexe « A » ci‑jointe, ainsi qu’à leurs représentants, directeurs, employés, mandataires, ayants droit, préposés ou toute personne agissant suivant leurs directives ou connaissant celles‑ci, de présenter en public, de montrer ou de diffuser tout match de la Superliga des saisons 2004‑2005 et 2005‑2006 ou de décoder les transmissions satellites encodées de ces matchs sans autorisation ou consentement écrit des demandeurs, sauf les matchs diffusés sur le réseau international RTP;

 

2.      LA COUR ORDONNE à chacun des défendeurs de fournir aux demandeurs, dans les cinq jours de la signification, une copie de la présente ordonnance, les numéros de série, les numéros d’identification et les numéros de cartes de décodage des transmissions par satellite pouvant apparaître sur l’équipement de réception de signaux par satellite des défendeurs, y compris les antennes paraboliques orientables ou les appareils récepteurs de signaux par satellite;

 

3.      LA COUR ORDONNE que la présente ordonnance soit conditionnelle à l’engagement des demandeurs de se conformer à toute ordonnance relative à des dommages‑intérêts que la Cour pourra rendre s’il appert que l’ordonnance octroyée a causé à l’un ou l’autre des défendeurs un préjudice justifiant le versement d’une indemnisation par les demandeurs.

 

[4]               L’extrait pertinent de l’ordonnance de justifier du juge Russell est rédigé comme suit :

M. Janvario [sic] Barros et 1205250 Ontario Inc., exerçant leur activité sous la dénomination de New Casa Abril Restaurant and Catering, comparaîtront devant un juge de notre Cour le lundi 29 mai 2006 à Toronto, pendant la période des requêtes générales. Ils devront être prêts à y entendre la preuve de l'outrage au tribunal qui leur est reproché au motif que, en violation de l'ordonnance du juge Campbell en date du 14 février 2005 et de l'ordonnance de la protonotaire Milczynski en date du 12 septembre 2005, ils auraient continué à présenter les matches de la Superliga de 2004‑2005 et de 2005‑2006 dans les locaux de New Casa Abril, situés au 475 de l'avenue Oakwood, à Toronto (Ontario) M6E 2WA, ainsi que le soutient FPTV dans les pièces déposées avec la présente requête; ils devront être prêts aussi, le cas échéant, à y présenter leur défense.

 

[5]               La demanderesse a présenté une requête pour outrage au tribunal présentable le 20 février 2006 dans laquelle elle a sollicité la réparation suivante :

[traduction]Une ordonnance enjoignant à Januario Barros et à 1205250 Ontario Inc., exerçant son activité sous la dénomination de New Casa Abril Restaurant & Catering, de comparaître à l’heure et à la date fixée par la Cour pour entendre la preuve concernant l’outrage au tribunal qui leur est reproché présentée par les demandeurs.

 

Question

[6]               Januario Barros ou 120 Inc. se sont‑ils rendus coupables d’outrage au tribunal en ne respectant pas l’ordonnance du juge Campbell en date du 14 février 2005 et celle de la protonotaire Milczynski en date du 12 septembre 2005?

 

LE DROIT EN MATIÈRE D’OUTRAGE AU TRIBUNAL

 

[7]               Le juge Teitelbaum donne un excellent résumé du droit en matière d’outrage au tribunal dans la décision Tele-Director (Publications) Inc. c. Canadian Business Online Inc. (1998), 151 F.T.R. 271, au paragraphe 20 :

Je ne pourrais mieux présenter l'état de la jurisprudence sur la question de l'outrage au tribunal qu'en citant le mémoire de la demanderesse :

                        [traduction]

LA CHARGE DE LA PREUVE

 

69.     Il incombe à la partie qui allègue la violation d'une ordonnance de prouver la désobéissance. Les instances en outrage au tribunal ayant une dimension quasi criminelle, le défendeur n'a pas à présenter de preuve.

 

70.           Le demandeur n'a qu'à faire la preuve de l'outrage au tribunal; il n'est pas tenu d'établir le bien-fondé de l'injonction. L'audience tenue en matière de justification ne porte pas sur la question de la validité de l'injonction dont le demandeur allègue la violation. Pour les fins d'une telle audience, on tient l'ordonnance pour valide.

 

LE FARDEAU DE LA PREUVE

 

71.     Une allégation d'outrage au tribunal a une dimension criminelle (ou du moins quasi criminelle). C'est donc dire que le demandeur doit démontrer les éléments constitutifs de l'outrage hors de tout doute raisonnable.

 

LA CONNAISSANCE

 

72.     La connaissance de l'existence de l'injonction suffit pour obliger à l'obéissance.

 

73.     Bien qu'une instance en outrage au tribunal s'apparente à une instance criminelle, il n'est pas nécessaire que la mens rea ait été prouvée pour que le tribunal conclue qu'il y a eu outrage. L'intention d'enfreindre une ordonnance n'est pas essentielle; la connaissance de l'injonction suffit pour entraîner la responsabilité en cas de désobéissance, qu'il y ait eu ou non intention de la défier.

 

74.     Il n'est pas nécessaire de prouver l'intention de désobéir à l'ordonnance en cause ou l'intention d'entraver l'administration de la justice. Ni la mens rea ni la bonne foi n'entrent en ligne de compte dans une telle instance; elles ne peuvent qu'être prises en considération comme circonstances atténuantes relativement à l'application de sanctions.

 

[…]

 

INJONCTION

 

[…]

 

78.     Même des personnes non parties à l'action doivent se conformer à une injonction s'ils en connaissent la substance ou la nature. Il n'est pas nécessaire que les termes "toute personne qui a connaissance de la présente ordonnance" figurent dans le libellé de l'injonction pour que celle-ci s'applique aux tiers;

 

VIOLATION DE L’INJONCTION

 

79.     Est coupable d'outrage au tribunal quiconque désobéit à un bref ou une ordonnance de la Cour.

 

80.           Il y a contravention à une ordonnance, telle une injonction, lorsque la partie qui y est visée y désobéit.

 

81.     Souvent, l'injonction lie non seulement les parties nommées à l'action mais également leurs employés, préposés, courtiers, mandataires et ayants droit ainsi que toutes les personnes placées sous leur autorité. Il s'ensuit qu'il est interdit au défendeur contre qui une injonction est prononcée d'accomplir les actes mentionnés à l'injonction, quelle que soit la modalité qu'il pourrait employer pour le faire. Le défendeur désobéira à l'injonction non seulement s'il déroge lui‑même à l'ordonnance mais également si son mandataire, son employé, son préposé ou toute autre personne agissant pour son compte y contrevient.

 

[…]

 

83.     Des personnes non désignées dans une injonction peuvent être citées pour outrage au tribunal si elles agissent sciemment à la place d'une personne qui y est nommée et commettent un acte interdit.

 

86.     Un défendeur visé par une injonction commet un outrage au tribunal s'il ne fait pas tout ce qu'il peut pour que les sociétés qu'il contrôle se conforment à l'ordonnance.

 

[…]

 

L’ENTRAVE À LA JUSTICE

 

[…]

 

89.     Les pouvoirs de la cour en matière d'outrage ont pour but général d'assurer le fonctionnement harmonieux du système judiciaire. Par conséquent, bien qu'une personne non liée personnellement à une injonction ne peut, techniquement, y contrevenir, elle peut quand même commettre un outrage au tribunal si elle a connaissance de l'injonction et si elle agit d'une façon qui tend à entraver le cours de la justice. Il peut également y avoir outrage lorsqu'une personne prête assistance à des actes défiant l'ordonnance de la Cour et traite délibérément cette ordonnance comme si elle n'était pas digne d'être prise en considération.

 

90.     Des personnes non parties à une action et qui ne sont donc pas nommées dans l'injonction doivent s'y conformer s'ils en connaissent la substance et la nature.

 

91.     « Un tiers qui s'est sciemment fait le complice d'une partie pour désobéir à une injonction peut être déclaré coupable d'outrage, non pas parce qu'il a violé l'injonction, mais plutôt parce qu'il a agi de manière à entraver le cours de la justice. » Un défendeur peut donc commettre un outrage en aidant ou en incitant un tiers à transgresser une injonction.

[Renvois omis.]

 

 

Analyse

[8]               Les articles 466 et 467 des Règles des cours fédérales prévoient :

466. Sous réserve de la règle 467, est coupable d'outrage au tribunal quiconque :

 

a)  étant présent à une audience de la Cour, ne se comporte pas avec respect, ne garde pas le silence ou manifeste son approbation ou sa désapprobation du déroulement de l'instance;

 

b)  désobéit à un moyen de contrainte ou à une ordonnance de la Cour;

 

c)  agit de façon à entraver la bonne administration de la justice ou à porter atteinte à l'autorité ou à la dignité de la Cour;

 

d)  étant un fonctionnaire de la Cour, n'accomplit pas ses fonctions;

 

e)  étant un shérif ou un huissier, n'exécute pas immédiatement un bref ou ne dresse pas le procès‑verbal d'exécution, ou enfreint une règle dont la violation le rend passible d'une peine.

 

466. Subject to rule 467, a person is guilty of contempt of Court who:

 

 

(a)  at a hearing fails to maintain a respectful attitude, remain silent or refrain from showing approval or disapproval of the proceeding;

 

 

 

(b)  disobeys a process or order of the Court;

 

 

(c)  acts in such a way as to interfere with the orderly administration of justice, or to impair the authority or dignity of the Court;

 

(d)  is an officer of the Court and fails to perform his or her duty; or

 

(e)  is a sheriff or bailiff and does not execute a writ forthwith or does not make a return thereof or, in executing it, infringes a rule the contravention of which renders the sheriff or bailiff liable to a penalty.

 

 

467. (1) Sous réserve de la règle 468, avant qu'une personne puisse être reconnue coupable d'outrage au tribunal, une ordonnance, rendue sur requête d'une personne ayant un intérêt dans l'instance ou sur l'initiative de la Cour, doit lui être signifiée. Cette ordonnance lui enjoint :

 

 

a)  de comparaître devant un juge aux date, heure et lieu précisés;

 

b)  d'être prête à entendre la preuve de l'acte qui lui est reproché, dont une description suffisamment détaillée est donnée pour lui permettre de connaître la nature des accusations portées contre elle;

 

 

c)  d'être prête à présenter une défense.

 

 

(2) Une requête peut être présentée ex parte pour obtenir l'ordonnance visée au paragraphe (1).

 

(3) La Cour peut rendre l'ordonnance visée au paragraphe (1) si elle est d'avis qu'il existe une preuve prima facie de l'outrage reproché.

 

(4) Sauf ordonnance contraire de la Cour, l'ordonnance visée au paragraphe (1) et les documents à l'appui sont signifiés à personne.

 

467. (1) Subject to rule 468, before a person may be found in contempt of Court, the person alleged to be in contempt shall be served with an order, made on the motion of a person who has an interest in the proceeding or at the Court's own initiative, requiring the person alleged to be in contempt:

 

(a)  to appear before a judge at a time and place stipulated in the order;

 

(b)  to be prepared to hear proof of the act with which the person is charged, which shall be described in the order with sufficient particularity to enable the person to know the nature of the case against the person; and

 

(c)  to be prepared to present any defence that the person may have.

 

(2) A motion for an order under subsection (1) may be made ex parte.

 

 

(3) An order may be made under subsection (1) if the Court is satisfied that there is a prima facie case that contempt has been committed.

 

(4) An order under subsection (1) shall be personally served, together with any supporting documents, unless otherwise ordered by the Court.

 

[9]               Dans une affaire en matière d’outrage au tribunal, la Cour se trouve en pratique à la fois dans la position d’accusateur et de juge. Le juge Marceau en a expliqué les conséquences de façon éloquente dans l’arrêt Valmet Oy c. Beloit Canada Ltd (1988), 20 C.P.R. (3d) 1, à la page 17 :

On a du mal à trouver une affaire portant sur le droit de l’outrage où la Cour n’a pas pris grand soin de mettre l’accent sur le principe fondamental selon lequel il s’agit d’une question qui doit être examinée et tranchée selon le droit très strict (strictissimi juris). Bien entendu, c’est que l’outrage au tribunal est une infraction à caractère pénal punissable par voie d’incarcération et de séquestration. Mais c’est aussi, je pense, que les tribunaux ont toujours senti le besoin de réaffirmer constamment, et de soutenir dans la mesure du possible, leur complète objectivité dans des situations où ils cumulent les fonctions de législateur, de juge et de punisseur. Quoi qu’il en soit, si je comprends bien les jugements, des règles strictes et sévères ont été élaborées sur la base de ce principe […].

 

 

[10]           Par conséquent, pour qu’une personne soit déclarée coupable d’outrage au tribunal, toutes les exigences doivent être strictement satisfaites.

 

[11]           Une personne ne peut être tenue coupable d’outrage au tribunal que si elle a connaissance de l’ordonnance. En l’espèce, l’ordonnance du juge Campbell n’a pas été signifiée à personne à Januario Barros le 21 février 2005. La signification comportait les irrégularités suivantes :

a.       Januario Barros n’a pas été signifié à personne; c’est plutôt une femme, dont on ne connaît pas le nom, qui paraissait être responsable des lieux, qui a reçu la signification;

 

b.      l’ordonnance n’indiquait pas correctement le nom de Januario Barros;

 

c.       l’ordonnance n’indiquait pas le nom de l’entreprise défenderesse.

 

[12]           L’ordonnance a été signifiée un lundi, alors que le restaurant était fermé. Januario Barros a déclaré qu’il n’était habituellement pas au restaurant les lundis. Il reconnaît avoir vu l’ordonnance dans son restaurant, mais avoir décidé de ne pas en tenir compte puisqu’elle n’indiquait ni correctement son nom ni le nom de la société qui était propriétaire du restaurant.

 

[13]           Dans ces circonstances, j’estime qu’il est impossible de conclure que l’ordonnance a été dûment signifiée le 21 février 2005.

 

[14]           Après avoir eu connaissance des erreurs que comportait l’ordonnance, la demanderesse a, le 5 juillet 2005, signifié à personne à Januario Barros une requête en correction de l’ordonnance par la suppression du nom « Januario Barros Abreu » et l’ajout du nom de la bonne société défenderesse, à savoir 120 Inc. Ce fait n’est pas contesté et je conclus par conséquent que ce n’est que le 5 juillet 2005 qu’il y a eu signification en bonne et due forme et que ce n’est qu’à partir de cette date qu’on peut dire que la défenderesse et Januario Barros ont eu connaissance de l’ordonnance.

 

[15]           Je tiens à faire remarquer incidemment que, malgré l’ordonnance subséquente de la protonotaire Milczynski en date du 12 septembre 2005, le dossier de requête de la demanderesse (déposé le 15 février 2006 et présentable le 20 février 2006) indique encore dans l’intitulé Januario Barros Abreu, exerçant son activité sous la dénomination de New Casa Abril, au lieu de mentionner la bonne défenderesse, à savoir 120 Inc.

 

Résumé de la preuve en matière d’outrage au tribunal

[16]           Pour la demanderesse, la Cour a entendu M. da Silva, coordinateur des services de FPTV, et M. Ben Falcone, directeur général de CIRV Radio Inc.

 

[17]           Pour les défendeurs, la Cour a entendu Januario Barros, son serveur en chef, à savoir George Gomes, un serveur à temps partiel du nom de José Gomes et deux clients de la New Casa Abril, soit Angelo Rocha et João Gonçalves.

 

Témoignages non contestés

[18]           Les matchs de la Superliga sont très populaires auprès de la communauté immigrante portugaise du Canada. La plupart d’entre eux ont lieu la fin de semaine. La Superliga compte 18 équipes, mais trois d’entre elles sont particulièrement populaires : Benfica, Sporting et Porto FC. Les matchs disputés entre ces trois équipes, appellés les derbies, sont particulièrement prisés.

 

[19]           FPTV est propriétaire des droits sur les matchs de la Superliga pour le Canada. SPT, dont le siège se trouve au New Jersey, détient les droits pour les États-Unis. Le diffuseur national portugais, RTP, n’a le droit de transmettre qu’un seul match de la Superliga par fin de semaine, mais il n’a pas le droit de transmettre les derbies. Ceux‑ci peuvent être captés gratuitement, et je remarque incidemment qu’ils sont exclus de l’ordonnance du juge Campbell. Depuis le 24 novembre 2005, RTP a reçu du CRTC une licence lui permettant de diffuser directement au Canada. Pour capter les signaux de SPT ou de RTP, il est nécessaire d’avoir une grande antenne parabolique de quatre pieds ou plus de diamètre.

 

[20]           Les matchs télédiffusés de la Superliga en provenance des États-Unis affichent le logo de SPT, tandis que ceux en provenance du Canada montrent le logo de FPTV. Les matchs transmis directement par le diffuseur national du Portugal affichent le logo de RTP.

 

[21]           FPTV présente les matchs de la Superliga par l’entremise de sa propre chaîne de télévision à la carte offerte sur Rogers Cable ou de sa chaîne sur Bell ExpressVu. Les particuliers peuvent souscrire un abonnement individuel, alors que les établissements doivent conclure un contrat directement avec FPTV. Tous les récepteurs ont des codes et Bell ExpressVu peut savoir si le signal est reçu par un particulier ou par un établissement. Elle ne peut donner un code à un récepteur que si FPTV l’a avisée que le propriétaire du récepteur a signé un contrat avec FPTV. Le tarif d’établissement est considérablement plus élevé que celui des particuliers et est essentiellement fonction du nombre de personnes à qui l’établissement peut servir des boissons alcoolisées en vertu de sa licence pour débit de boisson.

 

[22]           Le restaurant de 120 Inc., New Casa Abril, est situé au 475 de l’avenue Oakwood. Il compte trois étages et deux entrées. L’entrée principale donne sur la rue. Il y a aussi une entrée latérale du côté du stationnement, au‑dessus de laquelle une enseigne indique « Sports Bar », qui mène directement au sous‑sol. Le restaurant sert généralement ses repas au rez‑de‑chaussée et réserve l’étage supérieur aux repas privés.

 

[23]           Le sous‑sol, où se trouve une grande télévision, sert de bar sportif et de petit restaurant pour les travailleurs pendant la journée et est utilisé pour de grandes réceptions privées le soir. Il n’y a aucune trace de contrat conclu entre Januario Barros ou 120 Inc. et FPTV ou Bell ExpressVu.

 

La preuve des demandeurs

Le témoin Aires da Silva

[24]            M. da Silva a déclaré qu’il s’est rendu pour la première fois à la New Casa Abril en novembre 2004. Il a vu qu’un jeu de la Superliga était diffusé sur une grande télévision. Il s’est présenté au propriétaire, M. Januario Barros, l’a averti qu’il avait besoin de détenir une licence pour montrer des matchs de la Superliga et a essayé de le faire souscrire au service. Januario Barros était trop occupé pour lui parler, l’a laissé seul et ne lui a pas prêté attention. M. da Silva a fini par laisser sa carte professionnelle et a quitté. Par la suite, des lettres d’avertissement ont été envoyées puis la présente procédure a été engagée.

 

[25]           M. da Silva a affirmé avoir pris des photos du toit de New Casa Abril le 10 septembre 2004 (onglet 10 de la pièce 1 des demandeurs) montrant clairement deux grandes antennes paraboliques du type requis pour capter les signaux de STP ou de RTP. Il a pris d’autres photos du toit en avril 2006 qui montrent qu’au moins une des grandes antennes s’y trouvait toujours (onglet 12 et de pièce 1 des demandeurs).

 

[26]            M. da Silva a essayé d’aller à la New Casa Abril un autre samedi, le 29 octobre 2005, jour où était présenté un derby. Il a déclaré avoir, de l’extérieur, entendu et reconnu la voix des commentateurs habituels des matchs de la Superliga.

 

[27]           Il a suivi un autre client qui descendait les escaliers pour se rendre au bar sportif. Avant même qu’il ait eu le temps d’entrer, Januario Barros l’a vu, a saisi la télécommande et a éteint la télévision. Il n’a pas vu quel jeu était présenté ni quel logo figurait au haut de l’écran.

 

Le témoin Ben Falcone

[28]           M. Falcone est le gendre du propriétaire de FPTV. Il a déclaré s’être rendu, à la demande de M. da Silva, à la New Casa Abril le 10 septembre 2005, jour où un derby était transmis. Il a essayé d’aller au bar sportif, mais la porte était verrouillée. Il a alors rencontré une connaissance, une Brésilienne du nom de Denis Germanez, qui est depuis retournée au Brésil. Elle a pu entrer et il l’a suivie. Il a pris un repas et a aussi commandé de la bière, du café et du soda. Il a présenté une facture non datée indiquant des achats totalisant 25,66 $ et un bordereau de Visa daté du 10 septembre 2005. Il a également apporté un imprimé bancaire de son compte Visa indiquant que le montant lui avait été facturé le 11 septembre 2005 et avait été affiché le lendemain. Il a affirmé avoir vu le match au complet sur une grande télévision en compagnie d’environ 20 personnes. Le symbole de STP était clairement affiché au haut de l’écran, lui indiquant que le jeu présenté provenait de titulaires de droits américains sur la Superliga.

 

La preuve de défendeur

Januario Barros

[29]           Januario Barros a déclaré exploiter des restaurants depuis plus de vingt ans. Il nie avoir montré dans son restaurant des matchs de la Superliga autres que ceux de RTP. Il a admis que le restaurant avait des antennes qui étaient en mesure de capter les matchs de RTP. Il prétend que, lorsqu’il a pris possession du restaurant, les antennes s’y trouvaient et que, bien qu’elles aient été utilisées au début, elles ne fonctionnent plus et ont été démontées, mais pas retirées du restaurant.

 

[30]           Il a affirmé que l’ordonnance initiale du juge Campbell ne lui a jamais été signifiée et qu’il l’a trouvée un jour, en février, sur le comptoir. Si elle a été remise le 21 février 2005, comme l’indique l’affidavit de signification, il n’était pas présent puisque c’était un lundi, que le restaurant était fermé ce jour‑là et que c’était aussi son jour de congé. Quand il a trouvé l’ordonnance sur le comptoir, il n’y a pas prêté attention puisqu’elle n’indiquait ni son nom ni celui de 120 Inc.

 

[31]           Il soutient que les samedis sont ses journées les plus lucratives et qu’il serait donc illogique sur le plan commercial de fermer les portes du restaurant ou une partie du restaurant ces jours‑là. Le bar sportif est principalement une salle à dîner pour les travailleurs, qui s’y rendent en vêtements en travail pour faire des affaires, regarder les nouvelles, les feuilletons et des émissions sportives. Les matchs de la Superliga, autres que ceux de RTP, n’y ont jamais été diffusés. Il admet que les matchs de RTP montrés étaient captés au moyen d’une grande antenne parabolique Globecast installée sur le toit du restaurant. Il prétend n’avoir jamais vu M. da Silva ou M. Falcone dans son restaurant. Il soutient catégoriquement n’avoir jamais montré de matchs de la Superliga depuis début septembre 2005, moment où il a enlevé la grande antenne parabolique. Il affirme n’avoir jamais présenté de matchs de la Superliga par l’entremise des signaux de SPT ou de Bell ExpressVu.

 

Le témoin George Gomes

[32]           George Gomes, qui travaille pour Januario Barros depuis 1992, a également déclaré n’avoir jamais vu le bar sportif ou le restaurant fermé un samedi. Il aurait su s’il y avait eu fermeture puisqu’il a travaillé tous les samedi en 2005, à l’exception d’une semaine en février où il était en vacances. Il prétend n’avoir jamais été sur le toit et ne pas avoir connaissance qu’une antenne y était installée. Il a aussi soutenu qu’aucun match de la Superliga n’a été présenté sur le grand écran du bar sportif depuis le 4 juillet 2005.

 

Le témoin José Gomes

[33]           José travaille à temps partiel comme serveur à la New Casa Abril les fins de semaine. Il a déclaré que, la plupart des samedis, des réceptions se tiennent dans la soirée au sous‑sol et qu’il est nécessaire d’organiser les tables l’après‑midi. Il n’y aurait pas assez de temps à 16h30 pour présenter des matchs de la Superliga comme l’a prétendu M. Falcone.

 

[34]           Il dit aussi douter qu’on puisse entendre la télévision de l’extérieur. Le volume devrait être tellement fort que cela rendrait le reste du restaurant inutilisable. Il n’a pas de souvenir précis concernant le 10 septembre 2005.

 

Le témoin Angelo Rocha

[35]            M. Rocha est un producteur de télévision et un fidèle client de la New Casa Abril. Januario Barros est un de ses clients et il lui vend des annonces publicitaires qu’il diffuse lors de son émission. Il se rend souvent les samedis à la New Casa Abril. Il n’y a jamais vu de match de la Superliga. Il admet qu’il regarde les matchs à son club de soccer.

 

Le témoin João Gonçalves

[36]           M. Gonçalves travaille dans la construction. Il a affirmé être un client régulier de la New Casa Abril. Il aime s’y rendre les samedis midi et après-midi car il peut y aller avec ses vêtements de travail et faire des affaires tout en mangeant. Il n’y a jamais vu de matchs de la Superliga.

 

[37]           La Cour a passé beaucoup de temps à entendre la preuve concernant la comptabilité et le système Visa utilisé par la New Casa Abril. Januario Barros a présenté une facture de vente datée du 9 septembre 2005 d’un client qui a consommé exactement les mêmes produits que M. Falcone et a payé le même montant, à savoir 25,66 $, également avec Visa. Le défendeur allègue que M. Falcone doit être venu le 9 septembre 2005, et non le 10 comme il l’a prétendu. Toutefois, il est apparu au contre‑interrogatoire que la facturation complète de Visa n’était disponible ni pour le 9 septembre ni pour le 10 septembre. La preuve n’est donc pas concluante quant à savoir si M. Falcone était présent le 9 ou le 10 septembre 2005 ou si deux clients différents ont commandé exactement la même nourriture et payé avec Visa ces deux jours consécutifs.

 

Conclusions

[38]           Me fondant sur les témoignages et les pièces, je tire les conclusions suivantes.

 

[39]           Le défendeur Januario Barros a eu connaissance de l’ordonnance datée du 27 juillet 2005. Une ordonnance supprimant son nom et lui substituant le nom de sa société lui a été signifiée à personne. En tant que propriétaire de la société, il ne peut plaider l’ignorance en ce qui concerne l’ordonnance ou les personnes qu’elle vise (voir CHUM Ltd. c. Stempowicz (faisant affaire sous la raison sociale Lizard King's Playhouse), 2005 CF 611).

 

[40]           De même, à partir du moment où Januario Barros, président et propriétaire de 120 Inc., a reçu la signification de la requête visant à substituer le nom de la société à Januario Barros Abreu, exerçant son activité sous la dénomination de New Casa Abril, 120 Inc. savait que l’ordonnance du juge Campbell s’appliquait à elle. Par un échange de lettres entre avocats, 120 Inc. a donné son consentement, le 9 septembre 2005, à l’ordonnance que la protonotaire Milczynski a rendue le 12 septembre 2005. La connaissance de la requête en substitution (dont l’effet était d’ajouter 120 Inc. en tant que partie) par le propriétaire et président de la société peut lui être imputée, même si 120 Inc. n’était pas une partie dans la procédure initiale et son nom n’a été ajouté que le 12 septembre 2005.

 

[41]           Pour ce qui est des moyens, Januario Barros a lui‑même déclaré que la grande antenne parabolique au‑dessus de son restaurant avait été utilisée pour recevoir le signal de RTP. Il n’est pas contesté qu’une antenne qui peut recevoir le signal de RTP peut aussi capter celui de SPT.

 

[42]           On a allégué que des matchs de la Superliga ont été présentés à la New Casa Abril à deux moments précis : le 10 septembre 2005 et le 29 octobre 2005.

 

Le 10 septembre  2005

[43]           En ce qui concerne l’incident du 10 septembre 2005, la preuve est loin d’être claire. M. Falcone a déclaré avoir vu un derby le 10 septembre 2005 à la New Casa Abril. Personne ne conteste qu’un derby était diffusé ce jour‑là. L’importance d’un derby réside dans le fait que RTP n’a pas le droit de montrer les derbies. Quoi qu’il en soit, M. Falcone a affirmé avoir vu le logo de STP à l’écran. La preuve corroborante de sa visite est la suivante :

a.       sa facture non datée de 26,55 $;

 

b.      son bordereau de Visa indiquant un montant de 26,55 $ facturé avec un pourboire pour un total de 30 $. Le bordereau est daté du 10 septembre 2005; il admet avoir lui‑même ajouté la date, car le restaurant ne l’a pas indiquée;

 

c.       son relevé de compte Visa montrant qu’il y a eu une transaction au montant de 30 $ à la New Casa Abril le 11 septembre 2005, laquelle a été affichée le 12 septembre 2005.

 

[44]           De l’autre côté, Januario Barros a déclaré n’avoir jamais présenté de matchs de la Superliga autres que ceux transmis par RTP. Il a aussi affirmé, ce qui semble tout à fait raisonnable, n’avoir jamais fermé son restaurant un samedi puisqu’il s’agit de sa journée la plus lucrative.

 

[45]           Il a aussi produit une facture de 26,55 $ générée par son ordinateur, datée du 9 septembre 2005, relative aux mêmes produits que ceux que M. Falcone a consommés, laquelle a aussi été réglée avec Visa.

 

[46]           Il a également produit des documents appelés bordereaux Z (qui indiquent les montants totaux de tous les produits vendus par la New Casa Abril) pour les 9 et 10 septembre 2005. Il a joint à chaque bordereau Z les factures individuelles, qui comprennent le montant total, enregistrées sur l’ordinateur du restaurant. Le bordereau Z du 10 septembre 2005 indique que huit factures ont été acquittées avec Visa, mais seulement six factures individuelles payées avec Visa sont jointes. Le bordereau Z du 9 septembre 2005 indique que deux paiements ont été effectués avec Visa et deux factures réglées avec Visa sont jointes. Le bordereau Z du 9 septembre 2005 Z est accompagné d’une facture individuelle de 25,66 $ réglée avec Visa et se rapporte aux mêmes produits que ceux qui figurent sur la facture non datée fournie par M. Falcone. Le bordereau Z du 10 septembre 2005 n’est pas accompagné d’une telle facture.

 

[47]           George Gomes a catégoriquement nié avoir eu connaissance de l’existence d’antennes sur le toit. Il a prétendu que le restaurant ne présentait que des feuilletons et les nouvelles. Il a nié avoir vu des matchs de la Superliga dans le restaurant après juillet 2005. Il n’a jamais vu la New Casa Abril fermée le samedi depuis toutes les années qu’il y travaille.

 

[48]           De même, les trois autres témoins ne se rappelaient pas avoir vu la New Casa Abril fermée un samedi. Aucun des quatre témoins n’a cependant de souvenir précis du 10 septembre 2005.

 

[49]           Je ne puis conclure que le demandeur a prouvé hors de tout doute raisonnable qu’un match de la Superliga a été présenté le 10 septembre 2005 eu égard à la preuve contradictoire présentée :

a.       La preuve corroborante du témoignage de M. Falcone n’est pas concluante. Je ne suis pas en mesure de déterminer quand il a dépensé le montant de 25,66 $ à la New Casa Abril.

 

b.      Le témoignage de M. Falcone selon lequel le restaurant était fermé le 10 septembre 2005 n’est pas non plus concluant. M. Falcone a déclaré que la porte menant au bar sportif était verrouillée lorsqu’il a d’abord essayé d’entrer à la New Casa Abril, mais Januario Barros et de M. Gomes ont affirmé que le restautant n’est jamais fermé les samedis puisqu’il s’agit du jour de plus grande affluence. Les clients ont également témoigné que la New Casa Abril est ouverte les samedis. Il serait illogique qu’un commerce n’ouvre pas son jour de plus grande affluence. En outre, Januario Barros a déclaré qu’il n’avait pas présenté de matchs de la Superliga depuis début septembre 2005 tandis que M. Gomes a affirmé qu’il n’y avait pas eu présentation de matchs de la Superliga au bar sportif depuis juillet 2005.

 

[50]           Le demandeur doit s’acquitter de son fardeau de prouver que le demandeur a présenté un match de la Superliga le 10 septembre 2005. Étant donné la preuve contradictoire quant au moment où un repas a été pris et la question de savoir si la porte du bar sportif était verrouillée le 10 septembre 2005, comme mentionné plus haut, le demandeur ne s’est pas acquitté de son fardeau.

 

Le 29 octobre  2005

[51]           Je ne puis conclure qu’il existe une preuve hors de tout doute selon laquelle il y a eu présentation d’un match de la Superliga le 29 octobre 2005. M. da Silva a uniquement entendu une radiodiffusion, mais il n’a jamais vu l’écran ou un logo. Il existe aussi une preuve contradictoire concernant la question de savoir s’il est possible d’entendre une radiodiffusion en étant à l’extérieur du restaurant. Étant donné qu’il s’agissait de la seule preuve, je conclus qu’il n’y a pas eu démonstration de violation de l’ordonnance en ce qui concerne cet incident.

 

Résumé

[52]           Comme nous l’avons vu, la jurisprudence en matière d’outrage au tribunal indique que la Cour exige le respect strict (strictissimi juris pour reprendre les termes de l’arrêt Valmet, précité) de l’établissement de tous les éléments constituant l’outrage au tribunal.

 

[53]           En ce qui concerne tant la défenderesse que Januario Barros, la demanderesse a établi la connaissance et les moyens, mais elle n’a pas établi hors de tout doute raisonnable qu’il y avait eu violation des conditions des ordonnances du juge Campbell et de la protonotaire Milczynski par la défenderesse ou Januario Barros le 10 septembre 2005 ou le 29 octobre 2005.

 

[54]           La requête ne peut donc être accueillie en raison de ces failles.

 

[55]           Le demandeur allègue aussi que la défenderesse et Januario Barros ont violé le paragraphe 2 de l’ordonnance du juge Campbell en ne fournissant pas les numéros de série des antennes paraboliques et de l’équipement de décodage. Cependant, comme l’ordonnance de justifier du juge Russell ne fait référence qu’à la présentation de matchs de la Superliga et non aux numéros de série, le manquement à cette partie de l’ordonnance du juge Campbell ne peut faire partie de la présente demande d’outrage au tribunal. S’il voulait l’inclure dans la présente demande, le demandeur aurait dû demander cette réparation lorsqu’il a comparu devant le juge Russell.

 

[56]           Par conséquent, la présente demande ne sera pas accueillie.

 

 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que la présente demande soit rejetée et que les dépens soient adjugés aux défendeurs.

 

 

« Konrad W. von Finckenstein »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

 

DOSSIER :                                        T-212-05

 

INTITULÉ :                                       FPTV et al.

                                                            c. New Casa Abril et al.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               les 12 et 19 juin 2006

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE von FINCKENSTEIN

 

DATE DES MOTIFS :                      le 6 juillet 2006

 

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Kevin W. Fisher

Kristine Anderson

POUR LES DEMANDEURS

Julian Binavince

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Basman Smith s.r.l.

Toronto (Ontario)

POUR LES DEMANDEURS

Ricketts, Harris s.r.l.

Toronto (Ontario)

POUR LES DÉFENDEURS

 

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