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Date : 20201222


Dossier : T‑268‑17

Référence : 2020 CF 1183

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 22 décembre 2020

En présence de monsieur le juge Mosley

ENTRE :

KRISTIN ERNEST HUTTON

demandeur

et

RIA SAYAT, LYNN DUHAMIE aussi connue sous le nom de STÉPHANIE DUHAMIE, ancienne chargée d’affaires du Canada pour la République d’Irak

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA (au nom du MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE, du SERVICE CANADIEN DU RENSEIGNEMENT DE SÉCURITÉ et du CENTRE DE LA SÉCURITÉ DES TÉLÉCOMMUNICATIONS)

défendeurs

ORDONNANCE ET MOTIFS

I. Introduction

[1] À première vue, il s’agit d’un appel d’une ordonnance par laquelle un protonotaire a rejeté la requête du demandeur afin d’obtenir des affidavits de documents supplémentaires et améliorés dans le cadre d’une action qu’il a déposée devant la Cour fédérale. Sous la surface, l’action sous‑jacente est un ramassis extraordinaire de revendications dans lesquelles le demandeur prétend être la cible d’une surveillance par les organismes de la sécurité du Canada, ses collègues de travail et ses amis, y compris deux anciennes partenaires de cœur. Les efforts qu’il a déployés pour faire valoir ces revendications contre les défendeurs désignés constituent, selon le juge, une forme de harcèlement.

[2] Les revendications contre tous les défendeurs n’ont aucun fondement apparent dans la réalité et reposent sur des idées délirantes. Mais les tribunaux, qui sont des organes communautaires qui existent pour servir tous les membres du public aux frais de l’État, doivent, par défaut, permettre un accès, sous réserve des requêtes en radiation présentées par les parties adverses qui exigent qu’elles engagent des frais juridiques, ou une déclaration du tribunal selon laquelle le demandeur ou le requérant est un plaideur vexatoire. Les requêtes en radiation n’empêchent pas un plaideur de déposer d’autres actions ou des demandes de contrôle judiciaire qui exigent l’utilisation de ressources supplémentaires.

[3] La capacité des cours fédérales de déclarer qu’un particulier est un plaideur vexatoire et ne devrait pas être autorisé à engager ou à poursuivre des procédures sans l’autorisation des cours est limitée par la loi habilitante, comme je l’expliquerai ci‑après dans la remarque incidente.

[4] Il s’agit d’un appel interjeté en vertu de l’article 51 des Règles des cours fédérales, DORS/98‑106 [les Règles], d’une ordonnance de la protonotaire Aylen datée du 17 juin 2020. Pour les motifs qui suivent, l’appel est rejeté.

II. Contexte

[5] À la date de la rédaction du présent document, le demandeur est un avocat autorisé à exercer en Ontario par le Barreau de l’Ontario. Son statut fait actuellement l’objet d’une procédure réglementaire par le Barreau à la suite d’une plainte déposée par un membre du cabinet représentant la défenderesse Ria Sayat.

[6] Le demandeur s’est représenté lui‑même dans le cadre du présent appel et il le fait dans plusieurs autres affaires qu’il a intentées devant la Cour fédérale. Il a intenté l’action sous‑jacente en son propre nom le 24 février 2017. Bien qu’il ait eu un avocat pendant un certain temps au cours des procédures, il a choisi de se représenter lui‑même à nouveau avant l’audition de la requête sous appel.

[7] Dans l’action sous‑jacente, le demandeur a allégué que Mme Ria Sayat et Mme Lynn Duhaime, deux anciennes partenaires romantiques du demandeur, ainsi que de nombreux autres amis et collègues, sont des fonctionnaires ou des mandataires de la Couronne fédérale qui ont entretenu des relations avec lui dans le but de créer et d’établir un récit qui leur sert de couverture en lien avec le travail de renseignement, dans le but de surveiller et de manipuler ses activités et d’en rendre compte, ou de le recruter. Dans une autre action intentée devant la Cour, dans le dossier de la Cour T‑2086‑19, le demandeur a allégué que son propre père et plusieurs autres anciens partenaires amoureux font partie du complot contre lui.

[8] Mme Sayat, infirmière autorisée en Ontario, a eu une relation amoureuse avec M. Hutton entre 2011 et 2014. Elle nie être ou avoir été, ou avoir déjà représenté, comme le prétend le demandeur, un agent du renseignement. Le procureur général du Canada nie le fait qu’elle ait été fonctionnaire ou mandataire de la Couronne fédérale. Mme Sayat a fait l’objet d’une plainte déposée par le demandeur auprès de l’Ordre des infirmières et infirmiers autorisés de l’Ontario relativement à ses prétentions selon lesquelles elle est une espionne. L’Ordre a rejeté la plainte.

[9] Mme Duhaime, dont le nom est mal orthographié à plusieurs reprises dans les documents du demandeur, a fréquenté M. Hutton pendant plusieurs mois de la fin de 2014 au début de 2015. Mme Duhaime était une employée d’Affaires mondiales Canada [AMC], mais nie avoir déjà travaillé pour le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), le Centre de la sécurité des télécommunications (CST) ou le ministère de la Défense nationale. Elle était une agente du service extérieur déployée à l’étranger. Ce fait, et le fait qu’elle a déjà été photographiée en présence d’un officier militaire des États‑Unis, est utilisé par le demandeur pour étayer sa prétention qu’elle est une agente du renseignement.

[10] La déclaration modifiée énonce de nombreuses causes d’action variées liées à des allégations de tromperie impliquant des violations du droit à la vie privée; la violation de divers droits protégés en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés, partie 1 de la Loi constitutionnelle de 1982, soit l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R‑U), c 11 [la Charte]; des voies de fait; la diffamation; l’intrusion dans l’intimité; le harcèlement; et l’ingérence économique. Le demandeur a initialement demandé plus de 20 millions de dollars en dommages‑intérêts et diverses déclarations et autres ordonnances. Au départ, il a allégué que presque tous ses anciens associés en exercice du droit, amis et associés faisaient partie du complot contre lui.

[11] Le 1er mai 2017, une ordonnance a été rendue pour que l’action continue à titre de procédure d’instance à gestion spéciale qui a d’abord été confiée à un juge de gestion des instances à Toronto. En juillet 2017, les défendeurs ont exprimé collectivement leur intention de présenter une requête en radiation de la déclaration. L’échéancier pour l’audition de la requête a été fixé au 15 août 2017. Le demandeur a déposé une nouvelle déclaration modifiée le 25 septembre 2017. À la suite d’un certain nombre d’étapes procédurales et de la récusation du premier juge de gestion de l’instance à la suite d’une procédure distincte intentée par le demandeur, la protonotaire Mandy Aylen a été nommée juge de gestion de l’instance le 21 février 2018. Une déclaration modifiée a été reçue le 27 mars 2018, mais elle n’a pas été déposée compte tenu de la requête en radiation en instance.

[12] La requête en radiation a été entendue par la protonotaire Aylen le 30 mai 2018 et accueillie en partie le 29 juin 2018, avec dépens suivant l’issue de l’instance. Elle a maintenu l’autorisation de présenter la déclaration modifiée reçue en mars 2018, mais elle a radié bon nombre des demandes déposées initialement sans autorisation de modification. Le demandeur a interjeté appel de cette décision. L’appel a été entendu par le juge Gleeson le 21 novembre 2018 et a été rejeté le 10 juin 2019. Une version modifiée de l’ordonnance a été rendue le 11 juillet 2019 : Hutton c Sayat et coll, 2019 CF 799. La déclaration modifiée, acceptée pour dépôt, maintient de nombreuses causes d’action variées liées aux violations du droit à la vie privée, à la violation des droits de la Charte, à des voies de fait, à la diffamation, à l’intrusion dans l’intimité, au harcèlement et à l’ingérence économique. Le demandeur demande 5 500 000 dollars, y compris des dommages‑intérêts punitifs, ainsi que diverses déclarations et autres ordonnances.

[13] Le 29 novembre 2019, le demandeur a déposé une requête en affidavits de documents supplémentaires et améliorés demandant :

  1. Une ordonnance en vertu de l’article 225 des Règles pour que les défenderesses, Ria Sayat, Lynn Duhaime et la Couronne produisent chacune un affidavit de documents supplémentaire et amélioré, y compris les annexes 2, 3 et 4 par article et détaillées conformément à l’article 223 des Règles dans un délai de 30 jours;

  2. Une ordonnance obligeant la défenderesse, Lynn Duhaime, à produire un affidavit de documents sous serment suivant l’ordonnance, en date du 8 août 2019;

  3. À titre subsidiaire et complémentaire, une ordonnance radiant les actes de procédure des défenderesses en vertu de l’article 227 des Règles;

  4. Une ordonnance pour que la divulgation demandée par le demandeur, telle qu’elle a été reproduite et demandée, telle qu’elle figure dans la pièce BB de l’affidavit du demandeur à l’appui de la présente requête, soit produite et obtenue.

  5. Dépens

[14] La pièce BB de l’affidavit du demandeur est une liste des divulgations demandées que l’avocat du demandeur a transmises aux défenderesses en septembre 2019. Plus précisément, elle contient les dix rubriques de documents suivants, qui ont tous été demandés par le demandeur dans le cadre de la requête en vue d’obtenir des affidavits supplémentaires et améliorés de documents :

[TRADUCTION]

1. Gendarmerie royale du Canada (GRC)

Tous les documents et dossiers (électroniques ou autres) non fournis à la GRC par Hutton dans le dossier de la GRC no 2019‑523687.

2. Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement (OSSNR)

Nous voulons l’ensemble du dossier OSSNR 07‑202A‑3 (plainte de Hutton concernant les activités du CSTC).

Nous voulons aussi tous les documents et dossiers (électroniques ou autres) produits ou examinés qui se rapportent à la lettre de la directrice exécutive, Guylaine D. Dansereau datée du 25 juin 2019 à Hutton ou en font partie.

3. Ralph Goodale et le bureau de la Sécurité publique et de la protection civile

Tous les documents et dossiers (électroniques ou autres) produits ou examinés en vue d’envoyer la lettre de Ralph Goodale à Hutton en date du 3 juin 2019 et le courriel subséquent de son bureau le 12 juin 2019 indiquant que la correspondance de Hutton « a été transmise au bureau ministériel relativement à une question de sécurité publique ».

Nous voulons obtenir le dossier complet sur Hutton détenu par le bureau ministériel et le bureau de la Sécurité publique et de la protection civile que ces ministères ont reconnu.

4. Centre de sécurité des télécommunications Canada (CSTC)

Tous les documents et dossiers (électroniques ou autres) relatifs à l’enquête du Bureau du commissaire du Centre de la sécurité des télécommunications (BCCST) qui concernent la lettre de la directrice exécutive, Guylaine D. Dansereau, datée du 25 juin 2019, envoyée à Hutton.

Tous les documents et dossiers (électroniques ou autres) qui concernent la révision judiciaire de Hutton portant le numéro de dossier de la Cour fédérale T‑1143‑19.

Tous les documents et dossiers (électroniques ou autres) en la possession ou sous la garde du commissaire au renseignement et se rapportant au dossier de la Cour fédérale no T‑268‑17.

5. Banques de données fédérales

La Couronne doit chercher et produire tous les documents et dossiers (électroniques ou autres) contenus dans les banques de données fédérales ci‑dessous pour Gary W. Gibbs, Peter Mitchell, Michelle Gibbs, Charlotte Freeman‑Shaw, Chris Ritchie, Shannon Fitzpatrick, Elke Jessen, Lynn Duhamie, Ria Sayat, Monte Taylor, Ryan Litzen, Bob Ryan Scott, la mère de Bob Ryan Scott, Ryes Jenkins, Robert Hutton et Kristin Hutton :

(i) MDN PPU 834 (Base de données sécuritaire de la Défense nationale)

(ii) SISP PPE 815 (Base de données sécuritaire du Service canadien du renseignement de sécurité)

(iii) PCO PPE 801 (Base de données sécuritaire du Conseil privé)

(iv) GRC PPU 065 (Base de sécurité et de vérification de la GRC)

(v) POU 905 (Journal de surveillance du réseau)

(vi) POE 901 (Dossiers d’emploi du personnel)

(vii) POE 917 (Cartes d’identification et laissez‑passer)

(viii) POE 914 (Stationnement)

Si le préfixe de la base de données visée a changé ou est incorrect, cherchez la base de données correcte ou nouvellement identifiée pour ces secteurs ou services.

6. SCRS

La Couronne doit chercher des « ensembles de données » (définis dans la Loi sur la défense nationale de 2019) détenus par le SCRS pour Gary W. Gibbs, Peter Mitchell, Michelle Gibbs, Charlotte Freeman‑Shaw, Chris Ritchie, Shannon Fitzpatrick, Elke Jessen, Lynn Duhamie, Ria Sayat, Monte Taylor, Ryan Littzen, Bob Ryan Scott, la mère de Bob Ryan Scott, Ryes Jenkins, Robert Hutton et Kristin Hutton.

La Couronne doit présenter des « requêtes » précises (au sens de la Loi sur la défense nationale de 2019) au SCRS concernant Gary W. Gibbs, Peter Mitchell, Michelle Gibbs, Charlotte Freeman‑Shaw, Chris Ritchie, Shannon Fitzpatrick, Elke Jessen, Lynn Duhamie, Ria Sayat, Monte Taylor, Ryan Littzen, Bob Ryan Scott, la mère de Bob Ryan Scott, Ryes Jenkins, Robert Hutton et Kristin Hutton.

Nous voulons également obtenir tous les documents et dossiers qui sont en la possession ou sous la garde du commissaire au renseignement et qui se rapportent au dossier de la Cour fédérale no T‑268‑17.

7. Loi sur la communication d’information ayant trait à la sécurité du Canada

Nous voulons obtenir les résultats des recherches effectuées par tous les services de sécurité (SCRS, CSTC, MDN, GRC, Conseil privé) pour trouver des documents ou des renseignements (électroniques ou autres) se rapportant au dossier de la Cour fédérale no T‑268‑17 qui ont été divulgués ou communiqués et reçus par les ministères ou organismes.

8. Ria Sayat

Certificat de naissance, tous les annuaires du primaire et du secondaire, les annuaires de l’université et photographies à l’université, lettre écrite par Ria Sayat en date du 13 février 2019 dans la plainte déposée à l’OIIO dans laquelle M. Hutton affirme que Mme Sayat est une fonctionnaire de la Couronne, des photos de famille anciennes et nouvelles avec ses frères et ses parents, des photos de famille récentes dans un nouvel appartement en copropriété en Nouvelle‑Écosse, toutes les photos sur la page Facebook « Ria Lynn », toute la correspondance concernant ses deux demandes et refus de l’école de médecine, ses dossiers psychiatriques et les photos numériques avec Cynthia Sayat, toutes les photos de voyage dans les Caraïbes avec Chris Ritchie, toutes les photos avec Shannon Fitzpatrick, Lynn Duhamie, Gary W. Gibbs et Peter Mitchell.

9. Contre‑Amiral S. Bishop (chef du renseignement de la Défense – FC)

Tous les documents (électroniques ou autres) en la possession ou sous la garde du chef du renseignement de la Défense des Forces canadiennes concernant Gary W. Gibbs, Peter Mitchell, Michelle Gibbs, Charlotte Freeman‑Shaw, Chris Ritchie, Shannon Fitzpatrick, Elke Jessen, Lynn Duhamie, Ria Dayat, Monte Taylor, Ryan Littzen, Bob Ryan Scott, la mère de Bob Ryan Scott, Ryes Jenkins, Robert Hutton, Kristin Hutton et le dossier de la Cour fédérale no T‑268‑17.

10. Lynne Duhamie

Certificat de naissance, tous les annuaires des écoles primaires et secondaires, les annuaires universitaires, toutes les photographies avec Gary W. Gibbs, Shannon Fitzpatrick, Bob Scott Ryan, Ria Sayat.

[15] Le 21 avril 2020, le demandeur a demandé de modifier son avis de requête pour ajouter, à titre de motifs supplémentaires, divers paragraphes liés aux examens effectués par le SCRS et le CSTC. Il a également demandé que la Cour lui permette de modifier son avis de requête pour obtenir les mesures de redressement supplémentaires suivantes :

(v) À titre subsidiaire, une ordonnance pour que William Hall et Ria Sayat soient contre‑interrogés au sujet de leur affidavit de documents établi sous serment conformément à l’article 227 des Règles des Cours fédérales;

(vi) Une ordonnance en vertu de l’article 220 des Règles des Cours fédérales pour déterminer si les défenderesses ou l’une d’entre elles sont ou ont été légalement autorisées à mentir, à tromper ou à fabriquer des documents dans le dossier T‑268‑17 (ou pour toute déclaration faite au demandeur) et pour la divulgation de l’ensemble des directives ou documents qui confèrent cette autorisation, conformément à la Loi sur l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement LRC 1985, à une directive ministérielle ou à une politique interne.

[16] L’audition de cette requête a eu lieu le 9 juin 2020.

III. Décision portée en appel

[17] Dans une ordonnance datée du 17 juin 2020, la protonotaire Aylen a rejeté la requête du demandeur visant à obtenir des affidavits de documents supplémentaires et améliorés.

[18] Appliquant le critère relatif à une requête visant à contraindre la production d’un affidavit de documents supplémentaire et amélioré énoncé dans Apotex Inc c Sanofi‑Aventis, 2010 CF 77, au paragraphe 11, à chaque production demandée par le demandeur dans la pièce BB, la protonotaire Aylen a conclu que le demandeur n’avait pas démontré l’existence des documents supplémentaires, la pertinence des documents par rapport aux questions soulevées dans l’action ou la possession des documents supplémentaires par la partie adverse.

[19] Entre autres lacunes, la protonotaire a conclu que le demandeur avait tenté à tort d’approfondir la portée du redressement demandé dans son affidavit et ses observations écrites ou d’élargir la liste des productions demandées dans ses observations relatives aux dépens. La protonotaire Aylen a examiné uniquement les productions demandées dans la pièce BB et a refusé d’élargir la liste aux productions supplémentaires demandées par le demandeur dans ses observations écrites et ses observations relatives aux dépens.

[20] En ce qui concerne l’affidavit de documents supplémentaire et amélioré demandé aux défenderesses y compris les annexes 2, 3 et 4, la protonotaire Aylen a conclu que le demandeur n’avait pas démontré pourquoi les annexes de Mme Sayat n’étaient pas suffisamment détaillées et qu’il n’avait pas expliqué clairement pourquoi d’autres annexes 2, 3 et 4 devaient être fournies par les défendeurs de la Couronne. Le demandeur cherchait l’observation stricte de l’article 223 des Règles. Toutefois, la protonotaire Aylen a souligné que le fait d’exiger une observation stricte en l’absence d’un doute sous‑jacent légitime n’est pas une utilisation efficace des ressources qui est dépourvue de proportionnalité. Par conséquent, la protonotaire Aylen a rejeté la demande du demandeur visant à détailler davantage les annexes 2, 3 et 4.

[21] En ce qui concerne la demande du demandeur visant à obtenir un affidavit de documents distinct de Mme Duhaime, la protonotaire Aylen n’était pas convaincue que le demandeur avait soulevé des doutes justifiant la production d’affidavits de documents distincts. Elle a conclu que la production d’affidavits de documents distincts pour un motif d’observation stricte de l’article 223 des Règles ne constituerait pas une utilisation efficiente des ressources. La protonotaire Aylen a exercé son pouvoir discrétionnaire, conformément à l’article 55 des Règles, d’exempter l’obligation de produire un affidavit de documents distinct de Mme Duhaime et a refusé d’accorder la mesure de redressement demandée. Elle a imposé des dépens en faveur des défenderesses devant être payés immédiatement.

[22] Dans le présent appel, le demandeur cherche à faire annuler l’ordonnance de la protonotaire.

IV. Question

[23] La question essentielle en l’espèce est de savoir si la protonotaire Aylen a commis une erreur en rejetant la requête du demandeur visant à obtenir des affidavits de documents supplémentaires et améliorés.

[24] Une question de procédure a été soulevée au début de l’audience concernant l’inclusion dans le dossier de requête modifiée du demandeur du dossier certifié du tribunal T‑1143‑19.

V. Dispositions législatives pertinentes

[25] Les dispositions législatives suivantes des Règles des Cours fédérales DORS/98‑106 sont pertinentes aux fins du présent appel :

Pouvoir discrétionnaire

Discretionary powers

47 (1) Sauf disposition contraire des présentes règles, le juge et le protonotaire ont compétence pour exercer, sur requête ou de leur propre initiative, tout pouvoir discrétionnaire conféré à la Cour par celles‑ci.

47 (1) Unless otherwise provided by these Rules, if these Rules grant a discretionary power to the Court, a judge or prothonotary has jurisdiction to exercise that power on his or her own initiative or on motion.

Pouvoirs exercés sur requête

Exercise of powers on motion

(2) Dans les cas où les présentes règles prévoient l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire sur requête, la Cour ne peut exercer ce pouvoir que sur requête.

(2) Where these Rules provide that powers of the Court are to be exercised on motion, they may be exercised only on the bringing of a motion.

Protonotaires

Prothonotaries

50 (1) Le protonotaire peut entendre toute requête présentée en vertu des présentes règles — à l’exception des requêtes suivantes — et rendre les ordonnances nécessaires s’y rapportant :

50 (1) A prothonotary may hear, and make any necessary orders relating to, any motion under these Rules other than a motion

[...]

[...]

g) une requête pour annuler ou modifier l’ordonnance d’un juge ou pour y surseoir, sauf celle rendue aux termes des alinéas 385a), b) ou c);

(g) to stay, set aside or vary an order of a judge, other than an order made under paragraph 385(a), (b) or (c);

[...]

[...]

Appel

Appeal

51 (1) L’ordonnance du protonotaire peut être portée en appel par voie de requête présentée à un juge de la Cour fédérale.

51 (1) An order of a prothonotary may be appealed by a motion to a judge of the Federal Court.

Modification de règles et exemption d’application

Varying rule and dispensing with compliance

55 Dans des circonstances spéciales, la Cour peut, dans une instance, modifier une règle ou exempter une partie ou une personne de son application.

55 In special circumstances, in a proceeding, the Court may vary a rule or dispense with compliance with a rule.

Effet de l’inobservation

Effect of non‑compliance

56 L’inobservation d’une disposition des présentes règles n’entache pas de nullité l’instance, une mesure prise dans l’instance ou l’ordonnance en cause. Elle constitue une irrégularité régie par les règles 58 à 60.

56 Non‑compliance with any of these Rules does not render a proceeding, a step in a proceeding or an order void, but instead constitutes an irregularity, which may be addressed under rules 58 to 60.

Requête en contestation d’irrégularités

Motion to attack irregularity

58 (1) Une partie peut, par requête, contester toute mesure prise par une autre partie en invoquant l’inobservation d’une disposition des présentes règles.

58 (1) A party may by motion challenge any step taken by another party for non‑compliance with these Rules.

Contenu

Content of affidavits

81 (1) Les affidavits se limitent aux faits dont le déclarant a une connaissance personnelle, sauf s’ils sont présentés à l’appui d’une requête – autre qu’une requête en jugement sommaire ou en procès sommaire – auquel cas ils peuvent contenir des déclarations fondées sur ce que le déclarant croit être les faits, avec motifs à l’appui.

81 (1) Affidavits shall be confined to facts within the deponent’s personal knowledge except on motions, other than motions for summary judgment or summary trial, in which statements as to the deponent’s belief, with the grounds for it, may be included.

Poids de l’affidavit

Affidavits on belief

(2) Lorsqu’un affidavit contient des déclarations fondées sur ce que croit le déclarant, le fait de ne pas offrir le témoignage de personnes ayant une connaissance personnelle des faits substantiels peut donner lieu à des conclusions défavorables.

(2) Where an affidavit is made on belief, an adverse inference may be drawn from the failure of a party to provide evidence of persons having personal knowledge of material facts.

Admission des faits

Admissions

183 Une partie est tenue, dans sa défense ou tout acte de procédure ultérieur :

183 In a defence or subsequent pleading, a party shall

a) d’admettre, parmi les faits substantiels allégués dans l’acte de procédure d’une partie adverse, ceux qu’elle ne conteste pas;

(a) admit every allegation of material fact in the pleadings of every adverse party that is not disputed;

b) de présenter sa version des faits, si elle entend prouver une version des faits différente de celle d’une partie adverse;

(b) where it is intended to prove a version of facts that differs from that relied on by an adverse party, plead that version of the facts; and

c) de plaider toute question ou tout fait qui, selon le cas :

(c) plead any matter or fact that

(i) pourrait entraîner le rejet d’une cause d’action ou d’un moyen de défense d’une partie adverse,

(i) might defeat a claim or defence of an adverse party, or

(ii) pourrait prendre une partie adverse par surprise, s’il n’était pas plaidé.

(ii) might take an adverse party by surprise if it were not pleaded.

Délai de signification de l’affidavit de documents

Time for service of affidavit of documents

223 (1) Chaque partie signifie un affidavit de documents aux autres parties dans les 30 jours suivant la clôture des actes de procédure.

223 (1) Every party shall serve an affidavit of documents on every other party within 30 days after the close of pleadings.

[...]

[...]

Liasse de documents

Bundle of documents

(4) Aux fins de l’établissement de l’affidavit de documents, une partie peut répertorier une liasse de documents comme un seul document si :

(4) A party may treat a bundle of documents as a single document for the purposes of an affidavit of documents if

a) d’une part, les documents sont tous de même nature;

(a) the documents are all of the same nature; and

b) d’autre part, la description de la liasse est suffisamment détaillée pour qu’une autre partie puisse avoir une idée juste de son contenu.

(b) the bundle is described in sufficient detail to enable another party to clearly ascertain its contents.

Ordonnance de divulgation

Order for disclosure

225 La Cour peut, sur requête, ordonner à une partie de divulguer dans l’affidavit de documents l’existence de tout document pertinent qui est en la possession, sous l’autorité ou sous la garde de l’une ou l’autre des personnes suivantes :

225 On motion, the Court may order a party to disclose in an affidavit of documents all relevant documents that are in the possession, power or control of

a) si la partie est un particulier, toute personne morale qui est contrôlée directement ou indirectement par la partie;

(a) where the party is an individual, any corporation that is controlled directly or indirectly by the party; or

b) si la partie est une personne morale :

(b) where the party is a corporation,

(i) toute personne morale qui est contrôlée directement ou indirectement par la partie,

(i) any corporation that is controlled directly or indirectly by the party,

(ii) toute personne morale ou tout particulier qui contrôle directement ou indirectement la partie,

(ii) any corporation or individual that directly or indirectly controls the party, or

(iii) toute personne morale qui est contrôlée directement ou indirectement par une personne qui contrôle aussi la partie, directement ou indirectement.

(iii) any corporation that is controlled directly or indirectly by a person who also directly or indirectly controls the party.

Sanctions

Sanctions

227 La Cour peut, sur requête, si elle est convaincue qu’un affidavit de documents est inexact ou insuffisant, examiner tout document susceptible d’être pertinent et ordonner :

227 On motion, where the Court is satisfied that an affidavit of documents is inaccurate or deficient, the Court may inspect any document that may be relevant and may order that

a) que l’auteur de l’affidavit soit contre‑interrogé;

(a) the deponent of the affidavit be cross‑examined;

b) qu’un affidavit exact ou complet soit signifié et déposé;

(b) an accurate or complete affidavit be served and filed;

c) que les actes de procédure de la partie pour le compte de laquelle l’affidavit a été établi soient radiés en totalité ou en partie;

(c) all or part of the pleadings of the party on behalf of whom the affidavit was made be struck out; or

d) que la partie pour le compte de laquelle l’affidavit a été établi paie les dépens.

(d) that the party on behalf of whom the affidavit was made pay costs.

Preuve

Evidence on motion

363 Une partie présente sa preuve par affidavit, relatant tous les faits sur lesquels elle fonde sa requête qui ne figurent pas au dossier de la Cour.

363 A party to a motion shall set out in an affidavit any facts to be relied on by that party in the motion that do not appear on the Court file.

VI. Norme de contrôle applicable

[26] Comme l’a déclaré la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Corporation de soins de la santé Hospira c Kennedy Institute of Rheumatology, 2016 CAF 215 [Corporation de soins de la santé], la norme de contrôle applicable aux ordonnances discrétionnaires des protonotaires est celle de la décision correcte en ce qui concerne les questions de droit, et celle de l’erreur manifeste et dominante relativement aux conclusions de fait et aux questions mixtes de fait et de droit lorsqu’il n’existe aucune question de droit isolable : Housen c Nikolaisen, 2002 CSC 33, aux para 8, 10, 36 et 83 [Housen].

[27] Comme l’a confirmé la Cour d’appel fédérale dans Rodney Brass c Papequash, 2019 CAF 245, « l’erreur manifeste et dominante est une norme élevée et difficile à respecter ». Cela a été expliqué par la Cour dans Canada c South Yukon Forest Corporation, 2012 CAF 165, au paragraphe 46 :

« Par erreur manifeste, on entend une erreur évidente, et par erreur dominante, une erreur qui touche directement à l’issue de l’affaire. Lorsque l’on invoque une erreur manifeste et dominante, on ne peut se contenter de tirer sur les feuilles et les branches et laisser l’arbre debout. On doit faire tomber l’arbre tout entier. »

[28] En outre, le juge des requêtes saisi d’un appel fondé sur l’article 51 des Règles fera toujours bien de se rappeler que le protonotaire responsable de la gestion de l’instance connaît très bien les questions et les faits particuliers de l’affaire, de sorte que l’intervention ne doit pas être décidée à la légère. Les décisions discrétionnaires des juges chargés de la gestion des instances quant à l’utilisation efficace des ressources des parties et des ressources judiciaires méritent une déférence. Il ne s’ensuit pas cependant qu’il faille laisser passer les erreurs de fait ou de droit : Corporation de soins de la santé Hospira, au para 103.

VII. Analyse

A. Objection préliminaire au dossier de requête modifiée du demandeur

[29] Comme il a été mentionné précédemment, les défenderesses se sont opposées à l’inclusion, à l’onglet 15 du dossier de requête modifiée du demandeur, du dossier certifié du tribunal (DCT) du dossier T‑1143‑19. Ce dossier est l’une des six autres procédures intentées par le demandeur devant la Cour fédérale et concerne une demande de contrôle judiciaire concernant l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement. Les défenderesses ont fait valoir que le DCT présenté à la protonotaire Aylen n’était pas approprié puisque la demande du demandeur de modifier son dossier de requête pour l’inclure a été rejetée par la protonotaire Aylen dans sa décision du 5 mai 2020. Par conséquent, les défenderesses ont fait valoir que ce document est inadmissible et que la Cour n’aurait pas dû en être saisie. Le demandeur a contesté le fait que la protonotaire Aylen avait exclu le DCT.

[30] Au début de l’audience, j’ai entendu les arguments des parties et j’ai statué oralement que le DCT du dossier T‑1143‑19 était inadmissible dans le cadre du présent appel. Il ne faisait pas partie des documents présentés à la protonotaire Aylen lorsqu’elle a tranché la requête visée par l’appel et, de toute façon, il n’était pas pertinent dans le cadre de la présente instance. Les questions en litige dans cette instance concernent des tiers qui ont été radiés de cette action et qui relèvent de la compétence du juge de révision dans cette demande.

B. La protonotaire Aylen a‑t‑elle commis une erreur en rejetant la requête du demandeur visant à obtenir des affidavits de documents supplémentaires et améliorés?

[31] Dans la présente affaire, la protonotaire Aylen était responsable de la gestion de l’instance depuis plus de deux ans. Ses nombreux motifs énoncés dans 132 paragraphes et 52 pages démontrent une compréhension complète des faits et des questions en litige dans l’action sous‑jacente. Son aperçu des principes juridiques pertinents aux paragraphes 38 à 50 de sa décision démontre une compréhension approfondie du droit.

[32] Dans le cas d’une requête visant à forcer la production d’un affidavit de documents plus complet, il incombe à la partie requérante de démontrer i) que d’autres documents existent vraisemblablement; ii) que ces documents pourraient raisonnablement contenir des renseignements qui pourraient, directement ou indirectement, permettre à la partie requérante de faire valoir sa propre cause ou de nuire à celle de son adversaire, ou qui pourraient raisonnablement mener la partie requérante à une enquête susceptible d’avoir l’une ou l’autre de ces conséquences; et iii) que la partie adverse les a en sa possession, sous son autorité ou sous sa garde, ou croit qu’elles sont en la possession, sous l’autorité ou sous la garde d’un tiers (voir Apotex Inc c Sanofi‑Aventis, 2010 CF 77, au para 11; Sibomana c Canada, 2018 CF 43, para 34‑35).

[33] En ce qui concerne l’obligation de démontrer qu’il existe probablement d’autres documents, la partie requérante doit présenter des éléments de preuve convaincants qui tendent à démontrer qu’il existe des documents qui n’ont pas été produits au lieu de s’en tenir à des hypothèses, à leur intuition et à des conjectures : Havana House Cigar & Tobacco Merchants Ltd et coll. c Naeini (1998), 80 CCP (3d) 132, au paragraphe 19. Les défenderesses n’étaient pas tenues de présenter leur propre preuve devant être examinée par la Cour contrairement à celle du demandeur. Il incombait à ce dernier de présenter sa preuve.

[34] Je conviens avec les défenderesses que la preuve du demandeur était intéressée, non pertinente, entièrement conjecturale et sans valeur probante. Par conséquent, il ne s’est pas acquitté du fardeau qui lui incombait et aucun affidavit en réponse n’était requis.

[35] Le principal facteur à prendre en considération relativement à la portée de la communication est la pertinence. La pertinence doit être déterminée en fonction des questions des faits qui opposent les parties selon les plaidoiries : Khadr c Canada, 2010 CF 564, au paragraphe 11. Pour déterminer si un document recherché est pertinent, la Cour doit tenir compte du « critère de lancement d’une enquête » – à savoir s’il est raisonnable de supposer qu’il s’agit d’un document dont on peut supposer qu’il contient des renseignements qui peuvent permettre directement ou indirectement à la partie qui en demande la production de plaider sa propre cause ou de nuire à son adversaire, ou qu’il est susceptible de mener au « lancement d’une enquête » qui peut conduire à l’une de ces conséquences : voir Novopharm Ltd c Eli Lilly Canada Inc, 2008 CAF 287, au para 61 (CAF) [Novopharm]; Rhodia UK Ltd c Jarvis Imports, 2005 CF 1628, au para 6; Khadr c Canada, 2010 CF 564, aux para 9 à 11.

[36] Il incombe à la partie qui présente la requête d’établir qu’il est raisonnablement probable que la divulgation d’un document débouchera sur des renseignements utilisables qui pourraient lui permettre, en fin de compte, directement ou indirectement, de plaider sa propre cause ou de nuire à celle de son adversaire. Une chance ténue qu’un document débouche sur des renseignements utilisables ne suffit pas : Novopharm aux para 61 à 64. Le critère de « lancement d’une enquête » ne doit pas se traduire par une tentative de poser des questions faisant partie d’une recherche à l’aveuglette : Novopharm, para 61‑64, 68‑70.

[37] L’intervention de la Cour relativement au dépôt d’affidavits de documents en vertu de l’article 227 des Règles ne vise pas à permettre des recherches tous azimuts dans les dossiers des parties opposées dans l’espoir de trouver quelque chose qui appuierait la position de la partie requérante : Sibomana c Canada, 2018 CF 43, para 35. Les soupçons, les hypothèses et les suppositions sur lesquelles la partie requérante se fonde pour justifier l’existence ou la pertinence d’un document doivent être étayés par des preuves : Sibomana au para 34; Grand River Enterprises Six Nations Ltd c Canada, 2011 CAF 121 au para 15. Même lorsque la Cour conclut qu’un document est pertinent, il y a un pouvoir discrétionnaire résiduel de refuser d’ordonner qu’il soit divulgué lorsque, par exemple, le document aurait vraisemblablement peu de valeur pour la partie requérante : Novopharm au paragraphe 83.

[38] Le demandeur soutient que la protonotaire Aylen a commis des erreurs manifestes et dominantes de fait et des erreurs de droit :

  • a) en admettant la preuve par ouï‑dire;

  • b) en jugeant que le demandeur devait d’abord présenter une requête pour contester la revendication de privilège présentée par le procureur général du Canada pour son annexe 2;

  • c) en utilisant l’article 55 des Règles alors qu’aucune circonstance particulière n’existait;

  • d) en déterminant que l’enquête du Bureau du commissaire du Centre de la sécurité des télécommunications n’était pas pertinente en l’espèce;

  • e) en interprétant incorrectement les actes de procédure et en omettant de comprendre la pertinence des documents demandés;

  • f) en évaluant la preuve du demandeur à la pièce;

  • g) en interprétant incorrectement les exposés de la défense de Mmes Sayat et Duhaime;

  • h) en n’ordonnant pas à Mme Duhaime de produire un affidavit de documents sous serment et détaillé;

  • i) en révisant l’ordonnance du juge Gleeson et en modifiant son ordonnance antérieure afin de supprimer l’histoire de Gary Gibbs et de Shannon Fitzpatrick;

  • j) en ignorant la norme opérationnelle de la Loi sur la protection de l’information du Conseil du Trésor.

[39] La protonotaire Aylen a permis à l’avocat de Mme Sayat d’informer la Cour qu’après le dépôt de l’avis de requête, elle avait signifié au demandeur quatre affidavits de documents supplémentaires. Cela s’est produit au début de l’audience lorsque la protonotaire Aylen a demandé au demandeur de préciser en quoi les annexes de Mme Sayat étaient déficientes et a demandé à l’avocat de Mme Sayat de confirmer combien d’affidavits de documents supplémentaires avaient été produits. Le demandeur n’a soulevé aucune objection aux questions de la Cour et n’a pas abordé cette question dans ses arguments oraux. Par conséquent, il a renoncé à son droit de soulever ultérieurement une objection.

[40] Bien qu’il ait pu être préférable que les affidavits supplémentaires soient déposés comme pièces à un affidavit, l’avocat est un fonctionnaire de la Cour et la protonotaire Aylen avait le droit de prendre connaissance d’office des faits dont l’existence peut être démontrée immédiatement et fidèlement en ayant recours à des sources facilement accessibles dont l’exactitude est incontestable : R c Krymowski, 2005 CSC 7, au para 22.

[41] En outre, le demandeur est préclus de soulever cette question de preuve en appel. Le demandeur aurait pu et aurait dû soulever cette question pendant l’audience. En omettant de soulever une objection en temps opportun, on renonce au droit de soulever une objection plus tard : Teva Canada Limited c Pzifer Canada Inc, 2017 CF 526, aux para 38 et 39.

[42] La protonotaire Aylen ne s’est pas trompée en refusant d’ordonner aux défendeurs de préciser les annexes 2, 3 et 4. À mon avis, il s’agissait simplement d’une tentative à l’aveuglette lancée par le demandeur. En ce qui concerne Mme Sayat, le demandeur ne s’est pas acquitté de son fardeau et n’a pas déterminé comment les annexes présentées par Mme Sayat n’étaient pas suffisamment détaillées. À l’audience, il a eu l’occasion d’élaborer sur ce point, mais n’a pas corroboré son affirmation. Le demandeur n’a pas établi la pertinence des documents demandés. Le simple fait d’affirmer que de tels documents doivent exister ou qu’il est inimaginable de penser qu’ils n’existent pas ne suffit pas à démontrer l’existence probable de ces documents. Par conséquent, la protonotaire Aylen a décidé de ne pas exercer son pouvoir discrétionnaire pour obliger Mme Sayat à produire des annexes 2, 3 et 4 plus détaillées. Je ne vois aucune faute dans cette approche.

[43] La protonotaire Aylen n’a pas commis d’erreur en concluant que les documents du BCCST ne sont pas pertinents dans le cadre de la présente action. Essentiellement, l’enquête du BCCST était une autre tentative à l’aveuglette lancée par le demandeur, comme il l’a admis lui‑même au paragraphe 72 de son mémoire des faits et du droit. Il reconnaît avoir envoyé une copie de la déclaration déposée dans le cadre de la présente action afin de faire enquête sur ses propres allégations. Cela a permis de postdater les événements en cause dans cette action. La réponse reçue par le demandeur ne confirme aucunement des activités de renseignement de la part de Mme Sayat ou de l’une des défenderesses. Malheureusement, le demandeur interprète toute réponse et toute expurgation d’information dans une réponse comme appuyant sa demande.

[44] La protonotaire Aylen ne s’est pas trompée en refusant d’ordonner à Mme Sayat de divulguer des documents personnels. Aucun des documents qu’il a demandés n’était pertinent pour établir si Mme Sayat est une agente des renseignements. Il soutient que les documents indiquent tous la possibilité qu’elle ne soit pas la personne qu’elle prétend être. Cette affirmation est entièrement hypothétique.

[45] Le critère de « lancement d’une enquête » exige du demandeur qu’il établisse qu’il est raisonnablement probable que la divulgation d’un document débouchera sur des renseignements utilisables. La protonotaire Aylen a conclu à juste titre que les documents personnels demandés à Mme Sayat ne mèneraient pas à des renseignements utilisables. Comme il a été statué dans l’arrêt Novopharm, la chance ténue qu’une telle documentation débouche sur des renseignements utilisables n’est pas suffisante pour forcer la divulgation.

[46] Les dossiers personnels de Mme Sayat et de Mme Duhaime sont, comme la protonotaire l’a conclu, sans rapport avec la revendication du demandeur. Cette conclusion est une question mixte de fait et de droit assujettie à la norme de l’erreur manifeste et dominante. Aucune erreur semblable n’a été relevée.

[47] Comme le demandeur n’avait pas démontré que les documents demandés existaient et étaient pertinents quant à sa revendication, les affidavits en réponse des défenderesses n’étaient pas requis. Mme Duhaime n’était pas tenue de déposer un affidavit de documents. Le fait que le demandeur veuille qu’elle en produise un n’était pas un motif pour la protonotaire de l’ordonner et son refus ne constitue pas une erreur.

[48] Le demandeur est insatisfait de l’évaluation faite par la protonotaire Aylen de sa preuve. Toutefois, comme il a été statué dans l’affaire Housen, il appartient essentiellement au juge des faits, en l’espèce le juge de première instance, d’attribuer un poids aux différents éléments de preuve. En l’espèce, la protonotaire Aylen a procédé à un examen approfondi de la preuve du demandeur et a consulté son dossier tout au long de son analyse. Après avoir examiné la preuve, la protonotaire Aylen a conclu à juste titre que le demandeur n’avait pas présenté de preuve convaincante non hypothétique selon laquelle Mme Sayat ou Mme Duhaime étaient des agentes du renseignement.

[49] De plus, la protonotaire Aylen n’a commis aucune erreur susceptible de révision en acceptant que Mme Sayat avait nié être une agente du renseignement en se fondant sur sa défense. Le demandeur n’a pas présenté de preuve convaincante non hypothétique autre que ses propres affirmations allant dans le sens contraire. La protonotaire Aylen avait le droit de prendre connaissance d’office de l’exposé de la défense comme dossier judiciaire : R c Evaglok, 2010 NWTCA 12, au para 14. Mme Sayat nie très clairement qu’elle est une agente du renseignement dans sa défense. L’interprétation que fait le demandeur de son argument subsidiaire est déraisonnable et hypothétique.

[50] En ce qui concerne l’argument du demandeur selon lequel la protonotaire Aylen a modifié l’ordonnance du juge Gleeson et modifié son ordonnance antérieure pour radier l’histoire de Gary Gibbs et de Shannon Fitzpatrick, la protonotaire Aylen a ordonné au demandeur de radier toutes les revendications liées à la conduite de Gary Gibbs, Peter Mitchell, Chris Ritchie et Shannon Fitzpatrick de sa déclaration dans son ordonnance datée du 29 juin 2018. L’ordonnance du juge Gleeson en date du 11 juillet 2019 a maintenu l’ordonnance de la protonotaire Aylen. La décision de la protonotaire Aylen concernant la requête en vue d’obtenir des affidavits de documents supplémentaires et améliorés était tout à fait conforme à son ordonnance antérieure et à l’ordonnance du juge Gleeson.

[51] En conséquence, je ne vois aucun motif pour modifier la décision de la protonotaire, et l’appel sera rejeté.

VIII. Remarque incidente

[52] Il s’agit de l’une des six actions et demandes de contrôle judiciaire que le demandeur a déposées auprès de la Cour fédérale depuis 2017. Toutes ont exigé l’utilisation de fonds publics et de ressources judiciaires ainsi que de ressources des défenderesses et des intimés. La Cour ne mentionne pas à la légère ce qui semble être un comportement délirant, mais elle doit s’inquiéter lorsqu’il n’y a pas de fondement réaliste aux procédures intentées par le demandeur. Ce juge possède quinze ans d’expérience dans le traitement de questions liées à la sécurité nationale ainsi qu’une expérience juridique antérieure connexe. Rien dans cette expérience n’indique que les prétentions du demandeur sont fondées.

[53] Jusqu’à maintenant, le résumé des inscriptions enregistrées dans le Système de gestion des instances de la Cour fédérale pour ce dossier comprend 313 inscriptions indiquant les étapes de l’instance depuis le dépôt initial en 2017. Le temps consacré par les agents judiciaires et le personnel judiciaire est difficile à estimer, mais cet élément est important et représente un coût assumé par les contribuables.

[54] Un des outils dont dispose la Cour pour prévenir l’abus de ses procédures est une déclaration du plaideur vexatoire en vertu de l’article 40 de la Loi sur les Cours fédérales LRC 1985, c F‑7. L’article 40 prévoit ce qui suit :

Poursuites vexatoires

Vexatious proceedings

40 (1) La Cour d’appel fédérale ou la Cour fédérale, selon le cas, peut, si elle est convaincue par suite d’une requête qu’une personne a de façon persistante introduit des instances vexatoires devant elle ou y a agi de façon vexatoire au cours d’une instance, lui interdire d’engager d’autres instances devant elle ou de continuer devant elle une instance déjà engagée, sauf avec son autorisation.

40 (1) If the Federal Court of Appeal or the Federal Court is satisfied, on application, that a person has persistently instituted vexatious proceedings or has conducted a proceeding in a vexatious manner, it may order that no further proceedings be instituted by the person in that court or that a proceeding previously instituted by the person in that court not be continued, except by leave of that court.

Procureur général du Canada

Attorney General of Canada

(2) La présentation de la requête visée au paragraphe (1) nécessite le consentement du procureur général du Canada, lequel a le droit d’être entendu à cette occasion de même que lors de toute contestation portant sur l’objet de la requête.

(2) An application under subsection (1) may be made only with the consent of the Attorney General of Canada, who is entitled to be heard on the application and on any application made under subsection (3).

[55] Le paragraphe 40 (3) de la Loi prévoit que la personne visée par une ordonnance rendue aux termes du paragraphe (1) peut, par requête au tribunal saisi de l’affaire, demander soit la levée de l’interdiction qui la frappe, soit l’autorisation d’engager ou de continuer une instance devant le tribunal. En vertu du paragraphe 40 (4) de la Loi, le tribunal saisi de l’affaire peut, s’il est convaincu que l’instance que l’on cherche à engager ou à continuer ne constitue pas un abus de procédure et est fondée sur des motifs valables, autoriser son introduction ou sa continuation. Ces dispositions font en sorte qu’un particulier ne se voit pas refuser l’accès aux tribunaux lorsqu’il existe un certain fondement à la procédure proposée.

[56] Une requête en vertu du paragraphe 40 (1) de la Loi ne peut être présentée qu’avec le consentement du procureur général du Canada. En pratique, cela signifie que ces requêtes sont habituellement présentées par le procureur général du Canada. Cela contraste avec les lois applicables aux cours supérieures et aux cours d’appel des provinces et des territoires. Les provinces du Québec et du Manitoba permettent aux tribunaux de déclarer un plaideur vexatoire sur leurs propres requêtes, sans avis ni consentement du procureur général : Code de procédure civile, RLRQ c C‑25.01, art 51, 55; Règlement de la Cour supérieure du Québec en matière civile, RLRQ c C‑25.01, r 0.2.1, art 68; Règlement sur les pratiques civiles (Cour d’appel), RLRQ c C‑25.01, r 10, art 13; Loi sur la Cour du Banc de la Reine, CCSM c C280, art 73; Loi sur la Cour d’appel, CCSM c C240, art 31.1.

[57] Les provinces de l’Alberta et de la Nouvelle‑Écosse ainsi que les territoires du Yukon et du Nunavut permettent aux tribunaux de déclarer un plaideur vexatoire sur leurs propres requêtes, mais exigent qu’un avis soit donné au procureur général ou au solliciteur général (et au ministre de la Justice de l’Alberta et de la Nouvelle‑Écosse) et les tribunaux doivent permettre qu’ils soient entendus : Judicature Act, RSA 2000, c J ‑2, art 23.1; Judicature Act, RSNS 1989, c 240, art 45B; Supreme Court Act, RSY 2002, c 211, art 7.1; Court of Appeal Act, RSY 2002, c 47, art 12.1; Judicature Act, SNWT (Nu) 1998, c 34, art 1, art 51.2. En Nouvelle‑Écosse et au Nunavut, un avis n’est pas requis si le ministre ou le gouvernement est partie à la procédure.

[58] Les provinces de la Colombie‑Britannique, de l’Ontario, du Nouveau‑Brunswick, de l’Île‑du‑Prince‑Édouard et les Territoires du Nord‑Ouest disposent de lois et de règlements qui permettent à leurs tribunaux, par suite d’une requête, de rendre des ordonnances obligeant les plaideurs vexatoires à obtenir l’autorisation du tribunal avant d’entamer des procédures futures : Supreme Court Act, RSBC 1996, c 443, art 18; Court of Appeal Act, RSBC 1996, c 77, art 29; Loi sur les tribunaux judiciaires, LRO 1990, art 140; Règles de procédure, Règlement du N.‑B. 82‑73, r 76.1; Judicature Act, RSPEI 1988, c J‑2.1, art 65; Loi sur l’organisation judiciaire, LRTN‑O 1988, c J‑1, art 14.1 et 21.

[59] Les Règles de la Cour suprême du Canada, DORS/2002‑156, r 66, permettent au tribunal de déclarer une instance particulière vexatoire ou sans valeur sur instruction du greffier de la Cour.

[60] Comme l’a déclaré la Cour d’appel fédérale dans Canada c Olumide, 2017 CAF 42, au paragraphe 32, la conduite vexatoire prend des formes et des aspects multiples :

Elle tient parfois aux visées du plaideur, souvent révélées par les parties poursuivies, par la nature des allégations qui leur sont opposées et par le langage employé. D’autres fois, elle tient à la manière dont les instances et les requêtes sont engagées, par exemple, le dépôt d’affidavits et d’observations multiples, inutiles, prolixes, incompréhensibles ou immodérés, et le harcèlement ou la victimisation des parties adverses. [Non mis en caractères gras dans l’original]

[61] La Cour n’est au courant d’aucun examen par le procureur général du Canada d’une requête fondée sur l’article 40 dans la présente instance. Mais l’exigence selon laquelle le procureur général doit consentir à une requête fondée sur l’article 40 limite inutilement la capacité des cours fédérales de contrôler leurs propres processus.

IX. Dépens

[62] Comme les défenderesses ont eu gain de cause dans la requête, la protonotaire Aylen était convaincue qu’elles devraient avoir droit à leurs dépens. Elle a soigneusement examiné le montant et déterminé si les dépens devraient être payables immédiatement ou si les dépens suivront l’issue de la cause. Après avoir examiné les observations des parties, elle a estimé que la conduite du demandeur, qu’elle a décrite en détail, justifiait une augmentation des dépens.

[63] Le demandeur avait notamment cherché à convaincre la protonotaire qu’un document figurant dans l’affidavit de documents de Mme Sayat était une sommation qui lui avait été délivrée en vertu de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, LRC 1985, c C‑23. Il a tenté de faire de même lors de l’audience devant la Cour. Le document est simplement un formulaire vierge envoyé à un tiers par le demandeur et transmis par ce tiers à Mme Sayat. Il n’a absolument aucune valeur probante, mais reflète la perception forcée du demandeur de la réalité factuelle.

[64] En conséquence, la protonotaire a conclu que la requête était abusive en ce qu’elle demandait des documents qui n’étaient manifestement pas pertinents, comme le certificat de naissance de Mme Sayat, les dossiers de vaccination, les dossiers psychiatriques (le cas échéant) et d’autres catégories de documents. Ces demandes ont augmenté la durée et les dépenses de la requête, étaient abusives et justifiaient d’être dissuadées par une augmentation des dépens. La requête n’aurait pas dû être présentée et, par conséquent, l’adjudication des dépens en faveur de Mme Sayat a été rendue payable immédiatement.

[65] Dans le présent appel, Mme Sayat a présenté un mémoire de frais correspondant au montant réel des frais juridiques engagés et demande 10 000 dollars. Je suis convaincu que l’appel n’aurait pas dû être interjeté pour, essentiellement, les mêmes raisons que la protonotaire Aylen et je conviens que les dépens adjugés à Mme Sayat devraient être remboursés selon une formule de couverture intégrale des coûts. Elle a assumé le fardeau considérable de répondre à l’appel du demandeur. Par conséquent, j’accorderai à Mme Sayat un montant de 10 000 dollars payable immédiatement contre le demandeur.

[66] La protonotaire a accordé 4 650 dollars à l’avocat de la Couronne. À l’audition du présent appel, l’avocat de la Couronne a demandé un montant semblable à titre de mesure de dissuasion. Je conviens que ce serait approprié. Par conséquent, j’accorderai à la Couronne la somme de 5 000 dollars payable immédiatement.


ORDONNANCE DANS LE DOSSIER T‑1434‑14

LA COUR ORDONNE :

  1. L’appel du demandeur est rejeté dans son intégralité.

  2. Le demandeur versera sans délai à la défenderesse, Ria Sayat, un montant de 10 000 dollars pour ses dépens dans le présent appel, quelle que soit l’issue de la cause;

  3. Le demandeur versera sans délai aux défendeurs, Lynn Duhaime, au procureur général du Canada et à Sa Majesté la Reine, leurs dépens pour la présente requête de 5 000 $ quelle que soit l’issue de la cause.

« Richard G. Mosley »

Juge

Traduction certifiée conforme

Caroline Tardif


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑268‑17

INTITULÉ :

KRISTIN ERNEST HUTTON c RIA SAYAT, LYNN DUHAMIE aussi connue sous le nom de STÉPHANIE DUHAMIE ancienne chargée d’affaires canadienne pour la République d’Irak et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA (au nom du ministère de la Défense nationale, du Service canadien du renseignement de sécurité et du Centre de la sécurité des télécommunications)

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa, Ontario

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 5 novembre 2020

ORDONNANCE ET motifs :

LE JUGE MOSLEY

DATE DES MOTIFS :

Le 22 décembre 2020

COMPARUTIONS :

Kristin Ernest Hutton

Pour le demandeur

(Pour son propre compte)

Natai Shelsen

Pour la DÉFENDERESSE

(pour Ria Sayat)

Me Stewart Phillips

POUR LE DÉFENDEUR

(Procureur général du Canada)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Hutton Law

Avocats

Toronto, Ontario

POUR LE DEMANDEUR

(Pour son propre compte)

Goldblatt Partners, s.r. l.

Toronto, Ontario

Pour la défenderesse

(pour Ria Sayat)

Procureur général du Canada

Ottawa, Ontario

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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