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                                                                                                                                            Date: 20010202

                                                                                                                              Dossier: IMM-3358-99

                                                                                                                             Référence: 2001 CFPI 6

ENTRE :

SAID AHMED HOUSSIEN

                                                                                                                                                     demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE HANSEN

INTRODUCTION

[1]         Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle le représentant du Ministre, W.A. Sheppit, a conclu, le 23 février 1999, qu'il constituait un danger pour le public au Canada conformément au paragraphe 70(5) et à l'alinéa 53(1)a) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi).

LES FAITS

[2]         Le demandeur Said Ahmed Houssien est un réfugié somalien au sens de la Convention. Il est né le 20 mai 1975. Il est arrivé seul au Canada au mois de septembre 1992; le statut de réfugié au sens de la Convention lui a été reconnu en 1993.


[3]         Le demandeur et sa famille se sont enfuis de la Somalie pour se rendre en Éthiopie en 1991. Les événements qui ont précédé l'arrivée du demandeur au Canada sont traumatiques, mais aux fins des présents motifs, il n'est pas nécessaire d'en donner un compte rendu détaillé. Lorsqu'ils se sont enfuis en Éthiopie, le demandeur a été séparé de ses parents ainsi que de ses frères et soeurs; il ne les a pas vus depuis lors. Il est arrivé seul au Canada.

[4]         Les démêlés que le demandeur a eus avec la justice ont commencé à Vancouver en 1993 lorsqu'il a été reconnu coupable d'agression armée. Le demandeur a fait l'objet d'une condamnation avec sursis et d'une interdiction de posséder des armes à feu; il a été mis sous probation pour une période de dix-huit mois. En 1994, le demandeur a été reconnu coupable d'avoir sciemment proféré des menaces de causer la mort ou des lésions corporelles graves; il a fait l'objet d'une condamnation avec sursis et a été mis sous probation pour une période d'un an.


[5]         Le demandeur a continué à avoir des problèmes après s'être installé à Winnipeg. Au mois de mai 1995, il a été reconnu coupable d'avoir proféré des menaces et d'avoir été en possession d'une arme. Il s'est vu imposer une peine d'emprisonnement de six mois pour chaque accusation, les peines devant être purgées concurremment. Au mois de juillet 1996, le demandeur a été impliqué dans un certain nombre d'infractions de nature non violente. En 1998, le demandeur a plaidé coupable à ces infractions et il a été reconnu coupable sous trois chefs de vol de moins de 5 000 $, sous un chef d'utilisation illégale d'une carte de crédit et sous un chef de vol de plus de 5 000 $. En ce qui concerne le vol de plus de 5 000 $, le demandeur a été condamné à la peine déjà purgée, qui correspondait à une peine d'emprisonnement de six mois. Quant aux autres infractions, il a fait l'objet de condamnations avec sursis, d'une ordonnance de restitution et de deux années de probation.

[6]         À l'heure actuelle, le demandeur réside à Vancouver avec son amie qu'il connaît depuis trois ans et demi; il travaille comme caissier dans une station-service. Aucune nouvelle accusation criminelle n'a été portée contre lui depuis le mois de juillet 1996.

[7]         Par une lettre en date du 12 novembre 1998, le demandeur a été avisé que Citoyenneté et Immigration avait l'intention de demander au Ministre de délivrer un avis conformément au paragraphe 70(5) et à l'alinéa 53(1)a) de la Loi. Le 14 décembre 1998, l'avocat du demandeur a soumis des observations en réponse à l'avis d'intention.

LES POINTS LITIGIEUX

[8]         Dans le cadre du contrôle judiciaire, le demandeur soulève un certain nombre de questions, dont l'une est déterminante. Il s'agit de savoir si l'omission de fournir au demandeur le rapport d'avis ministériel (le RAM) et la demande d'avis ministériel (la DAM) ainsi que l'occasion de répondre avant que les avis du Ministre soient délivrés conformément au paragraphe 70(5) et à l'alinéa 53(1)a) de la Loi constitue une violation de l'obligation d'équité qui incombe au Ministre.


ANALYSE

[9]         Récemment, cette question a fait l'objet de divers longs commentaires judiciaires. Comme on peut s'y attendre, le demandeur et le défendeur ont mentionné un certain nombre de décisions à l'appui de leurs positions respectives.

[10]       Le défendeur se fonde sur les décisions qui ont été rendues dans les affaires Siavashi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1132 (C.F. 1re inst.); Kinshavarz c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1309 (C.F. 1re inst.); Jan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1474 (C.F. 1re inst.); Atwell c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1710 (C.F. 1re inst.) et Shirazi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1540 (C.F. 1re inst.).

[11]       De son côté, le demandeur demande à la Cour de suivre les décisions qui ont été rendues dans les affaires Bhagwandass c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] 1 C.F. 619 (C.F. 1re inst.); Cristobal c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1984 (C.F. 1re inst.); Andino c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1023 (C.F. 1re inst.); Gonzalez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. 888 (C.F. 1re inst.) et Krneta c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1891 (C.F. 1re inst.).


[12]       Dans la décision qu'elle a récemment rendue dans l'affaire Krneta, supra, le juge Dawson examine un certain nombre d'affaires sur lesquelles les parties se fondent et analyse les raisonnements opposés qui ont été faits. Je souscris aux motifs du juge Dawson, à savoir qu'à cause des conséquences importantes et des graves effets qu'un avis de danger peut avoir pour la personne concernée, l'obligation d'équité exige que les avis soient communiqués et qu'une véritable occasion de répondre soit donnée.

[13]       Même s'ils ont été soulevés par le demandeur dans le contexte de la plaidoirie portant sur une question d'erreur de fait, les faits donnant lieu à la question servent à illustrer fort bien jusqu'à quel point il est important de donner au demandeur l'occasion de répondre.


[14]       Dans le RAM initial qu'un agent d'immigration a préparé et auquel le directeur de celui-ci a souscrit, il était signalé sous le titre : [TRADUCTION] « Motifs justificatifs » que le demandeur s'était vu imposer en tout [TRADUCTION] « quatre ans et six mois d'emprisonnement pour diverses infractions » . Cette déclaration a par la suite été corrigée et remplacée par « quatre ans et six mois de probation » , mais comme le demandeur le signale avec raison, il est impossible de savoir à quel moment la correction a été faite ou si l'agent de réexamen a fondé l'avis de danger sur ce renseignement erroné. Le défendeur a soutenu que le RAM renferme une liste des infractions que le demandeur a commises ainsi que des peines qui lui ont été imposées. Aux fins de cette décision, il n'est pas nécessaire d'effectuer une analyse plus approfondie ou de trancher la question de l'erreur de fait. Ce type d'erreur est fort préjudiciable au demandeur, mais il aurait été possible d'y remédier si le demandeur avait eu l'occasion de répondre au rapport avant qu'une décision soit prise. Il importe également de noter que malgré la correction, l'énoncé des peines est néanmoins ambigu, en ce sens que cela pourrait être interprété comme quatre années d'emprisonnement et six mois de probation ou comme cinquante-quatre mois de probation.

[15]       Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision du 23 février 1999 est annulée et l'affaire est renvoyée au Ministre pour réexamen.

[16]       Des questions de portée générale ont déjà été certifiées sur ce point dans des décisions antérieures, mais la Cour d'appel ne les a pas encore examinées. Les avocats du demandeur et du défendeur ont proposé des questions aux fins de la certification. Étant donné qu'une seule question est déterminante, je certifie uniquement la question ci-après énoncée :

L'omission de fournir à la personne à l'égard de laquelle un avis de danger est demandé le rapport d'avis ministériel (le RAM) et la demande d'avis ministériel (la DAM) ainsi que de l'occasion de répondre avant que les avis du Ministre soient délivrés conformément au paragraphe 70(5) et à l'alinéa 53(1)a) de la Loi constitue-t-elle une violation de l'obligation d'équité qui incombe au Ministre?

           « Dolores M. Hansen »                

J.C.F.C.

OTTAWA (ONTARIO),

le 2 février 2001

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                   IMM-3358-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :                 SAID AHMED HOUSSIEN

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                      VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L'AUDIENCE :                     LE 7 JUILLET 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE de Madame le juge Hansen en date du 2 février 2001

ONT COMPARU :

SHANE MOLYNEAUX                                                 POUR LE DEMANDEUR

MARK SHEARDOWN                                                  POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

ELGIN, CANNON ET ASSOCIÉS                               POUR LE DEMANDEUR

VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

MORRIS ROSENBERG                                                 POUR LE DÉFENDEUR

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA      

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