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Date : 20201229


Dossier : T‑368‑20

Référence : 2020 CF 1192

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 29 décembre 2020

En présence de madame la juge McVeigh

ENTRE :

JACQUELINE SMITH

demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Introduction

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire à l’égard d’une décision du Tribunal de la sécurité sociale (le TSS). La décision du 18 février 2020 qui est visée en l’espèce est le refus d’accorder l’autorisation d’interjeter appel devant la Division d’appel du TSS (la Division d’appel) pour cause de prescription.

[2] La demanderesse s’est représentée elle‑même à l’audience, comme elle l’a fait tout au cours de ce long processus. La Cour reconnaît qu’il s’agit d’un parcours très personnel et douloureux pour Mme Smith, parcours qui suscite la sympathie; mais, malheureusement, ce n’est pas la norme de contrôle dans le cadre d’un contrôle judiciaire.

II. Contexte

A. Les faits

[3] Les faits relatifs à cette affaire ne sont pas contestés. En 2002, le gouvernement de la Colombie‑Britannique a adopté le projet de loi 29, Health and Social Services Delivery Improvement Act, SBC 2002, c 2 (le projet de loi 29). Cette loi a fait en sorte que de nombreux travailleurs et membres du personnel de soutien du domaine de la santé ont perdu leur emploi, y compris Mme Smith, qui a perdu son emploi en 2003.

[4] En 2007, la Cour suprême du Canada (la CSC) a rendu une décision sur la constitutionnalité du projet de loi 29, en concluant qu’il violait la Charte en partie (Health Services and Support – Facilities Subsector Bargaining Assn. c Colombie‑Britannique, 2007 CSC 27, au para 168). La loi a été abrogée et un règlement a été proposé aux personnes qui ont perdu leur emploi. Mme Smith a reçu 11 820 $ avant impôts.

[5] Pendant que Mme Smith était au chômage, elle a touché des prestations d’assurance‑emploi. Elle a suivi une formation de recyclage dans le cadre d’un programme d’assurance‑emploi, mais elle n’a pas été autorisée à travailler pendant sa formation sans une réduction du financement de l’assurance‑emploi qu’elle recevait.

[6] Le 9 juillet 2009, une décision de Ressources humaines et Développement des compétences Canada a déclaré que les paiements versés au titre du règlement aux travailleurs licenciés étaient des revenus (plutôt que des dommages‑intérêts) pour la période comprise entre novembre 2003 et mars 2004. Cette décision a eu un impact majeur sur les travailleurs licenciés. Cela signifie que Mme Smith devait rembourser à Emploi et Développement social Canada (EDSC) les paiements de l’assurance‑emploi de 6 938 $, parce qu’elle avait reçu un [traduction] « revenu » pendant cette période, et ce, malgré le fait que le paiement est arrivé des années plus tard.

[7] Une appelante représentative, Andrea Rachel, a fait appel de la décision au nom des employés licenciés (y compris Mme Smith), dans le but que le montant du règlement soit considéré comme des dommages‑intérêts et non comme un revenu (décision Andrea Rachel). Le 19 août 2014, le tribunal a rejeté cet appel, mais a accordé aux demandeurs la possibilité de demander une révision à la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (la Commission).

[8] Conformément à cette décision, le 4 novembre 2014, Mme Smith a demandé une révision. Le 4 février 2015, la Commission a confirmé la décision initiale, mais a ajusté le montant dû à 6 236 $.

[9] Dans une lettre datée du 25 février 2015, l’Agence du revenu du Canada (ARC), qui est responsable du recouvrement des dettes envers EDSC, a avisé Mme Smith de ce fait, en plus de l’informer qu’elle devait remplir un questionnaire financier. Elle a rempli le formulaire, daté du 5 mai 2015, et a envoyé une lettre décrivant en détail ses difficultés financières et y demandait une remise de dette. L’ARC a répondu en informant Mme Smith qu’elle ne pouvait pas examiner sa demande, mais a transmis son dossier à EDSC. Mme Smith a reçu une réponse, datée du 22 juillet 2015, dans laquelle on l’informait du rejet de sa demande. Toutefois, EDSC a repoussé de six mois l’exigibilité des paiements de six mois, en informant Mme Smith que l’ARC continuerait de retenir les remboursements d’impôt sur le revenu et les crédits de TPS pour compenser la dette.

[10] Le 2 décembre 2019, Mme Smith a interjeté appel devant la Division générale du TSS (la Division générale). À la question 4 de la demande d’appel, où on lui demandait la date de la décision qui fait l’objet de l’appel, Mme Smith a répondu ce qui suit : 2010, 2014, 2015, 2016, 2018, 2019. Il s’agissait vraisemblablement de la liste des différentes décisions défavorables qu’elle avait reçues de diverses sources, notamment de l’ARC, d’EDSC et de la Commission.

[11] Cependant, la seule décision examinée a été la révision du 4 février 2015. Le 13 décembre 2019, le TSS l’a avisé qu’elle avait interjeté son appel tardivement, puis le 30 décembre 2019, elle a été avisée que son appel ne serait pas instruit, car il était frappé de prescription. Le 9 janvier 2020, elle a interjeté appel de cette décision devant la Division d’appel du TSS. Dans une lettre datée du 19 février 2020, la Division d’appel a rejeté son appel, et y a joint des motifs. C’est cette décision qui fait l’objet du présent contrôle judiciaire.

III. Les questions en litige

[12] Les questions en litige sont les suivantes :

  1. La décision de rejeter la demande d’autorisation d’appel est‑elle raisonnable?

  2. Les droits de la demanderesse en matière d’équité procédurale ont‑ils été violés parce que son affaire n’a pas été entendue?

IV. La norme de contrôle

[13] La norme présumée s’appliquer lors du contrôle des décisions administratives est celle de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65, au para 23 [Vavilov]). Aucune des exceptions à cette norme n’est présente en l’espèce. En outre, les décisions du TSS ont en règle générale été examinées selon la norme de la décision raisonnable (Njagi c Canada (Procureur général), 2020 CF 998, au para 18; Andrews c Canada (Procureur général), 2018 CF 606, au para 17 [Andrews]).

[14] Une décision raisonnable doit être fondée sur un raisonnement à la fois rationnel et logique, ainsi que sur une analyse intrinsèquement cohérente (Vavilov, aux para 85 et 102). La décision doit posséder « les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité » (Vavilov, au para 99). Il incombe à la partie qui conteste le caractère raisonnable de la décision d’en démontrer le caractère déraisonnable (Vavilov, au para 100).

[15] Il est généralement admis que la norme de contrôle applicable à la question de savoir si la décision examinée a été prise dans le respect de l’équité procédurale est celle de la décision correcte. Cependant, tenter de caser la question de l’équité procédurale dans une analyse relative à la norme de contrôle applicable est un exercice non rentable (Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69, aux para 34 à 56, citant Établissement de Mission c Khela, 2014 CSC 24, au para 79). La question fondamentale demeure celle de savoir si la procédure suivie était équitable pour la demanderesse – et pour répondre à cette question, il n’y a pas lieu de faire preuve de déférence envers le décideur (Escape Trailer Industries Inc. c Canada (Procureur général), 2020 CAF 54, à la p 13).

V. Question préliminaire

[16] Comme la demanderesse s’est représentée elle‑même, elle a relaté toute son histoire, qui comprend de nombreuses décisions rendues au fil des ans. Dans le présent contrôle judiciaire, je n’examinerai que la décision du 18 février 2020 du TSS. Le TSS n’a pas compétence pour entendre les affaires découlant des décisions de l’ARC, et l’article 112.1 de la Loi sur l’assurance‑emploi, LC 1996, c 23, ne permet pas à la Commission de réviser les décisions concernant la défalcation, et le TSS n’en est donc pas validement saisi.

[17] Je sais pertinemment que la demanderesse a soutenu qu’elle n’a pas été entendue et que les restrictions d’un contrôle judiciaire peuvent ne pas atténuer sa perception que son histoire n’est pas entendue. Je peux l’assurer qu’elle a été entendue, mais à l’intérieur du cadre de la compétence et des règles de la Cour fédérale et des contraintes du droit administratif.

VI. Analyse

[18] Les dispositions applicables figurent à l’annexe A.

A. La décision de rejeter la demande d’autorisation d’appel est‑elle raisonnable?

[19] La présente affaire a eu pour effet de dévoiler la compréhension du point de vue de Mme Smith. À son avis, le recouvrement actuel de l’argent de l’assurance‑emploi est très injuste étant donné que, sans qu’elle en soit responsable, ce recouvrement lui a causé des problèmes émotionnels et financiers. Elle a dû utiliser l’argent de l’assurance‑emploi pour survivre jusqu’à la décision de la CSC, qui a ensuite abouti aux sommes obtenues au titre du règlement. À son avis, le règlement a eu lieu des années après qu’elle eut injustement perdu son emploi, et lorsqu’elle a reçu l’argent du règlement, elle en avait besoin pour continuer à vivre. Lorsqu’on lui a dit que l’assurance‑emploi devait être remboursée, Mme Smith n’avait pas d’argent pour rembourser le montant de l’assurance‑emploi qu’elle avait reçu il y a des années. Même avec le recyclage, elle était dans une situation désespérée avec un mari qui ne pouvait pas la soutenir en raison de problèmes de santé mentale. Tous ces problèmes financiers ont conduit la famille à la perte de sa maison. Elle peut à peine garder sa vieille maison mobile comme résidence.

[20] Pour elle, le gouvernement était une entité qui saisissait et recouvrait les versements excédentaires d’assurance‑emploi. Premièrement, elle a jugé injuste que l’assurance‑emploi doive être remboursée et, deuxièmement, elle ne voyait pas pourquoi le gouvernement ne défalquerait pas la dette étant donné son appauvrissement. Durant les 11 années qui se sont écoulées depuis qu’il a été décidé que ses prestations d’assurance‑emploi constituaient un revenu, elle a continué à demander [traduction] « au gouvernement » de défalquer la dette en raison de ses difficultés financières.

[21] Comme l’ARC recouvrait les montants d’assurance‑emploi, elle l’a contactée afin de défalquer le remboursement de l’assurance‑emploi. Elle n’a pas compris que l’ARC ne recouvre que la saisie‑arrêt, et n’est pas le ministère habilité à défalquer la dette. Cette incompréhension du rôle de l’ARC a été perpétuée par la décision de cette dernière de reporter ou de suspendre les recouvrements après un examen de la situation de la demanderesse, et par sa position selon laquelle elle n’est qu’une agente de recouvrement, pour ensuite transmettre les demandes de la demanderesse à d’autres ministères pour qu’ils se penchent sur la décision sous‑jacente sur laquelle la saisie‑arrêt était fondée.

[22] Il ressort manifestement du dossier ci‑dessous qu’elle pensait, du moins au début, que l’ARC était le ministère qui lui avait accordé un allègement en raison de difficultés financières. Je vais examiner en détail la situation du point de vue de Mme Smith, au risque de répéter quelque peu ce que j’ai énoncé ci‑dessus.

[23] Pour Mme Smith, les différents ministères semblaient indissociables. La preuve de sa perception erronée est qu’elle a écrit au TSS le 4 novembre 2014 après la décision Andrea Rachel, pour l’informer qu’elle n’avait pas l’argent pour rembourser l’assurance‑emploi. Le TSS a accusé réception de sa lettre, mais a fait savoir qu’il n’était pas le bon service et l’a transmise à la Commission. Service Canada (Edmonton) l’a contactée au sujet de la demande de révision, et la Commission a rendu une décision le 4 février 2015. Dans cette décision, elle a ajusté le montant remboursable, mais n’a pas pris de décision concernant la défalcation. Service Canada lui a dit qu’elle pouvait faire appel au TSS, mais peu de temps après, l’ARC a donné suite en lui adressant une lettre de recouvrement le 25 février 2015.

[24] Mme Smith a répondu en envoyant une lettre à l’ARC, dans laquelle elle l’informait de ses difficultés financières et lui demandait que la dette soit défalquée. Le même jour que la lettre de recouvrement, l’ARC a demandé des renseignements pour voir si elle pouvait retirer la créance du recouvrement actif. Encore une fois, en juillet 2015, Mme Smith a écrit à l’ARC et a demandé une défalcation de sa dette en raison de difficultés financières et sa lettre envoyée à EDSC pour évaluation.

[25] Le 22 juillet 2015, EDSC a refusé la défalcation [conformément au sous‑alinéa 56(1)f)(ii) du Règlement sur l’assurance‑emploi, DORS/96‑332], mais a reporté les paiements de six mois, sans tenir compte des compensations de l’ARC. C’est ce que j’appellerai son premier refus de défalcation. Elle a encore écrit à l’ARC le 25 novembre 2017 pour obtenir une défalcation. L’ARC a de nouveau transmis la demande de défalcation à EDSC. Le 9 mars 2018, en réponse à la demande fondée sur le sous‑alinéa 56(1)f)(ii) du Règlement sur l’assurance‑emploi, EDSC a rejeté la demande de défalcation du versement excédentaire d’assurance‑emploi et a déclaré que l’ARC poursuivra le recouvrement ou qu’elle pourra verser des paiements à Service Canada. C’est ce que j’appellerai le deuxième refus.

[26] Le 22 septembre 2019, elle a de nouveau envoyé à l’ARC une lettre concernant la nécessité d’une défalcation en raison de difficultés financières. Le 5 novembre 2019, l’ARC lui a écrit pour lui dire qu’elle n’est responsable que du recouvrement des dettes pour le compte d’EDSC. Ensuite, elle a demandé une révision sur un formulaire de Service Canada, dans le but d’obtenir une défalcation de la dette. Plus tard, le 30 novembre 2019, elle a envoyé une lettre au TSS demandant une défalcation. Le 10 décembre 2019, elle a interjeté appel devant la Division générale.

[27] Le 13 décembre 2019, le TSS a indiqué que son appel avait été interjeté après l’expiration du délai prescrit de 30 jours et qu’il déciderait d’accorder ou non une prorogation de délai. Le 18 décembre 2019, l’agent des prestations a rejeté l’appel parce qu’il avait été interjeté plus d’un an après la révision et qu’il devait donc être rejeté en vertu du paragraphe 52(2) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS). Puis, dans des motifs datés du 29 décembre 2019, la Division générale du TSS a également jugé que la demanderesse avait présenté son appel en dehors du délai d’un an, conformément au paragraphe 52(2) de la LMEDS, qui prévoit qu’aucun appel ne peut être interjeté plus d’un an après la décision découlant de la révision, décision qui avait été rendue le 4 février 2015.

[28] Le 18 février 2020, la Division d’appel du TSS a rendu la décision et a exposé les faits qui ont confirmé la soumission d’un certain nombre de lettres à l’ARC et à la Division générale du TSS. La Division d’appel a indiqué que la seule décision découlant d’une révision a été rendue le 4 février 2015 et qu’au titre de l’article 112.1 de la Loi sur l’assurance‑emploi, la Commission ne peut pas réviser sa décision relative à la défalcation. La Division d’appel a conclu que la demanderesse n’aurait pas eu droit à une révision si elle en avait demandé une. Sa demande a été rejetée, parce que seules les décisions découlant de révisions peuvent être portées en appel à la Division générale, et que celle‑ci [traduction] « ne pourrait pas instruire un appel sur une décision relative à une défalcation de la dette ». La seule décision qu’elle avait la compétence d’examiner était la décision du 4 février 2015. La Division générale a exercé sa compétence et, comme il s’est écoulé plus d’un an depuis la décision, a conclu que la Division générale n’avait ignoré ou mal compris aucune preuve. Elle a conclu que la décision était bien fondée en droit, car le paragraphe 52(2) de la LMEDS n’autorise pas un appel interjeté plus d’un an après une décision.

[29] Mme Smith a fait preuve de diligence dans sa recherche d’une défalcation, mais il est clair qu’elle s’est fréquemment adressée au mauvais ministère ou décideur.

[30] Il semble qu’une personne puisse faire plus d’une demande de défalcation. Je dis cela uniquement parce que Mme Smith a, comme on l’a vu ci‑dessus, essuyé plus d’un refus de défalcation. Si un examen plus approfondi est nécessaire pour établir s’il lui est possible de demander une autre défalcation au titre d’un autre paragraphe, hormis la disposition relative aux difficultés, et si elle n’obtient pas gain de cause, elle peut avoir le droit de demander un contrôle judiciaire de cette décision si la législation ne prévoit pas d’autres recours adéquats. La Cour n’est pas saisie de cette question et ne se prononce pas non plus sur les [traduction] « prochaines étapes ».

[31] Il est évident que Mme Smith a besoin de conseils juridiques. Elle n’a pas les moyens d’engager un avocat et n’a pas réussi à en obtenir un des programmes offerts par les facultés de droit.

[32] Il est également évident que cette demande doit être rejetée, car la décision que j’examine est raisonnable. Je comprends que cela ne semble pas raisonnable pour la demanderesse, parce qu’elle demande au gouvernement de défalquer ce versement excédentaire d’assurance‑emploi en raison de difficultés financières depuis des années et pourtant, dans son esprit, personne n’a examiné ses difficultés financières réelles et le recouvrement se poursuit.

[33] Dans l’affaire Andrews, une décision concernant une demande de prorogation de délai au TSS, celui‑ci a conclu que :

[…] les motifs concluent clairement que l’appel n’avait pas de chance raisonnable de succès puisque la demande n’était pas étayée par de nouveaux éléments de preuve. La décision, lue à la lumière du dossier, explique le fondement de la décision. Je conclus que la décision du TSS‑DA de refuser une prorogation du délai d’appel et de rejeter l’autorisation appartient aux issues possibles acceptables.

(Andrews, au para 20)

[34] En l’espèce, le paragraphe 52(2) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la LMEDS) rend la décision raisonnable, parce que la Division générale du TSS n’avait pas le pouvoir discrétionnaire d’accorder une prorogation du délai. Comme l’a décidé le juge Grammond dans l’affaire Pellettieri c Canada (PG), 2019 CF 1585, aux para 7 et 8 :

7 Après avoir examiné le dossier, je conclus que la Division générale n’avait pas d’autre choix que de rejeter l’appel interjeté par M. Pellettieri. Le paragraphe 52(2) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, LC 2005, c 34, dispose que : « La division générale peut proroger d’au plus un an le délai pour interjeter appel. » En l’espèce, l’avis d’appel dûment rempli a été déposé trois ans après la décision.

8 Pour ce motif, lorsqu’elle a refusé la permission d’interjeter appel, la Division d’appel a rendu une décision raisonnable.

[35] Même si le TSS a le pouvoir discrétionnaire d’accorder une prorogation du délai, Mme Smith n’a présenté aucune preuve expliquant pourquoi il y a eu un tel retard. En outre, il n’y a bien sûr aucune garantie qu’une prorogation serait même accordée. Daley c Canada, 2017 CF 297 [Daley] est une affaire dans laquelle le demandeur s’est représenté lui‑même, et qui est assez proche, sur le plan des faits, de la présente. Dans cette affaire, le demandeur avait aussi présenté une demande de révision de la décision par laquelle la Commission lui avait imposé une pénalité pécuniaire liée aux prestations d’assurance‑emploi. Il a interjeté appel au TSS, d’abord devant la Division générale, puis devant la Division d’appel. Dans cette affaire, le demandeur n’a pas comparu devant la Division générale et n’a pas non plus fourni d’éléments de preuve visant à étayer la [traduction] « raison médicale » de son retard. Dans cette affaire, le demandeur n’était pas totalement forclos en raison du paragraphe 52(2) de la LMEDS. Le juge Mosley a néanmoins conclu que la décision de lui refuser une prorogation était raisonnable (Daley, au para 15).

[36] Je suis d’avis que la décision en l’espèce satisfait à toutes les caractéristiques d’une décision raisonnable lorsqu’elle est évaluée par rapport à l’arrêt Vavilov. Elle est justifiée, transparente et intelligible. Le décideur s’est efforcé d’expliquer et de communiquer les motifs du rejet de son appel, et a abordé les questions qui ne seraient pas examinées, notamment la décision du 9 mars 2018, par laquelle la Commission a rejeté sa demande de réexamen visant à ce que sa dette soit défalquée. Les motifs invoquent l’article 112.1 de la Loi sur l’assurance‑emploi, qui interdit la révision des décisions relatives à une défalcation de la dette. Le TSS fait également remarque dans la décision qu’il n’a pas compétence pour réviser une décision de l’ARC.

B. Les droits de la demanderesse en matière d’équité procédurale ont‑ils été violés parce que son affaire n’a pas été entendue?

[37] Les droits de la demanderesse en matière d’équité procédurale n’ont pas non plus été violés. Elle affirme que son appel n’a pas été entendu par la Division d’appel, mais la décision détaillée laisse entendre le contraire.

VII. Conclusion

[38] Je conclus donc que la décision est raisonnable, et qu’il n’y a pas eu atteinte aux droits de la demanderesse en matière d’équité procédurale. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[39] Le défendeur n’a pas demandé de dépens, et aucuns ne sont adjugés.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER T‑368‑20

LA COUR ORDONNE :

  1. La demande est rejetée.

  2. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Glennys L. McVeigh »

Juge

Traduction certifiée conforme

M. Deslippes


ANNEXE A

Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LC 2005, c 34)

Modalités de présentation

52 (1) L’appel d’une décision est interjeté devant la division générale selon les modalités prévues par règlement et dans le délai suivant :

a) dans le cas d’une décision rendue au titre de la Loi sur l’assurance‑emploi, dans les trente jours suivant la date où l’appelant reçoit communication de la décision;

b) dans les autres cas, dans les quatre‑vingt‑dix jours suivant la date où l’appelant reçoit communication de la décision.

Délai supplémentaire

(2) La division générale peut proroger d’au plus un an le délai pour interjeter appel.

Appeal to Tribunal — General Division

Appeal — time limit

52 (1) An appeal of a decision must be brought to the General Division in the prescribed form and manner and within,

(a) in the case of a decision made under the Employment Insurance Act, 30 days after the day on which it is communicated to the appellant; and

(b) in any other case, 90 days after the day on which the decision is communicated to the appellant.

Extension

(2) The General Division may allow further time within which an appeal may be brought, but in no case may an appeal be brought more than one year after the day on which the decision is communicated to the appellant.

Rejet

53 (1) La division générale rejette de façon sommaire l’appel si elle est convaincue qu’il n’a aucune chance raisonnable de succès.

Motifs

(2) Elle rend une décision motivée par écrit et en fait parvenir une copie à l’appelant et, selon le cas, au ministre ou à la Commission, et à toute autre partie.

Appel à la division d’appel

(3) L’appelant peut en appeler à la division d’appel de cette décision.

Dismissal

53 (1) The General Division must summarily dismiss an appeal if it is satisfied that it has no reasonable chance of success.

Decision

(2) The General Division must give written reasons for its decision and send copies to the appellant and the Minister or the Commission, as the case may be, and any other party.

Appeal

(3) The appellant may appeal the decision to the Appeal Division.

Décisions

54 (1) La division générale peut rejeter l’appel ou confirmer, infirmer ou modifier totalement ou partiellement la décision visée par l’appel ou rendre la décision que le ministre ou la Commission aurait dû rendre.

Motifs

(2) Elle rend une décision motivée par écrit et en fait parvenir une copie à l’appelant et, selon le cas, au ministre ou à la Commission, et à toute autre partie.

Division d’appel

Appel

55 Toute décision de la division générale peut être portée en appel devant la division d’appel par toute personne qui fait l’objet de la décision et toute autre personne visée par règlement.

Decision

54 (1) The General Division may dismiss the appeal or confirm, rescind or vary a decision of the Minister or the Commission in whole or in part or give the decision that the Minister or the Commission should have given.

Reasons

(2) The General Division must give written reasons for its decision and send copies to the appellant and the Minister or the Commission, as the case may be, and any other party.

Appeal Division

Appeal

55 Any decision of the General Division may be appealed to the Appeal Division by any person who is the subject of the decision and any other prescribed person.

Autorisation du Tribunal

56 (1) Il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission.

Exception

(2) Toutefois, il n’est pas nécessaire d’obtenir une permission dans le cas d’un appel interjeté au titre du paragraphe 53(3).

Leave

56 (1) An appeal to the Appeal Division may only be brought if leave to appeal is granted.

Exception

(2) Despite subsection (1), no leave is necessary in the case of an appeal brought under subsection 53(3).

Modalités de présentation

57 (1) La demande de permission d’en appeler est présentée à la division d’appel selon les modalités prévues par règlement et dans le délai suivant :

a) dans le cas d’une décision rendue par la section de l’assurance‑emploi, dans les trente jours suivant la date où l’appelant reçoit communication de la décision;

b) dans le cas d’une décision rendue par la section de la sécurité du revenu, dans les quatre‑vingt‑dix jours suivant la date où l’appelant reçoit communication de la décision.

Délai supplémentaire

(2) La division d’appel peut proroger d’au plus un an le délai pour présenter la demande de permission d’en appeler.

Appeal — time limit

57 (1) An application for leave to appeal must be made to the Appeal Division in the prescribed form and manner and within,

(a) in the case of a decision made by the Employment Insurance Section, 30 days after the day on which it is communicated to the appellant; and

(b) in the case of a decision made by the Income Security Section, 90 days after the day on which the decision is communicated to the appellant.

Extension

(2) The Appeal Division may allow further time within which an application for leave to appeal is to be made, but in no case may an application be made more than one year after the day on which the decision is communicated to the appellant.

Moyens d’appel

58 (1) Les seuls moyens d’appel sont les suivants :

a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;

b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;

c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Grounds of appeal

58 (1) The only grounds of appeal are that

(a) the General Division failed to observe a principle of natural justice or otherwise acted beyond or refused to exercise its jurisdiction;

(b) the General Division erred in law in making its decision, whether or not the error appears on the face of the record; or

(c) the General Division based its decision on an erroneous finding of fact that it made in a perverse or capricious manner or without regard for the material before it.

Critère

(2) La division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Décision

(3) Elle accorde ou refuse cette permission.

Motifs

(4) Elle rend une décision motivée par écrit et en fait parvenir une copie à l’appelant et à toute autre partie.

Permission accordée

(5) Dans les cas où la permission est accordée, la demande de permission est assimilée à un avis d’appel et celui‑ci est réputé avoir été déposé à la date du dépôt de la demande de permission.

Décisions

59 (1) La division d’appel peut rejeter l’appel, rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen conformément aux directives qu’elle juge indiquées, ou confirmer, infirmer ou modifier totalement ou partiellement la décision de la division générale.

Motifs

(2) Elle rend une décision motivée par écrit et en fait parvenir une copie à l’appelant et à toute autre partie.

Criteria

(2) Leave to appeal is refused if the Appeal Division is satisfied that the appeal has no reasonable chance of success.

Decision

(3) The Appeal Division must either grant or refuse leave to appeal.

Reasons

(4) The Appeal Division must give written reasons for its decision to grant or refuse leave and send copies to the appellant and any other party.

Leave granted

(5) If leave to appeal is granted, the application for leave to appeal becomes the notice of appeal and is deemed to have been filed on the day on which the application for leave to appeal was filed.

Decision

59 (1) The Appeal Division may dismiss the appeal, give the decision that the General Division should have given, refer the matter back to the General Division for reconsideration in accordance with any directions that the Appeal Division considers appropriate or confirm, rescind or vary the decision of the General Division in whole or in part.

Reasons

(2) The Appeal Division must give written reasons for its decision and send copies to the appellant and any other party.

Loi sur l’assurance‑emploi (LC 1996, c 23)

Révision — Commission

112 (1) Quiconque fait l’objet d’une décision de la Commission, de même que tout employeur d’un prestataire faisant l’objet d’une telle décision, peut, dans les trente jours suivant la date où il en reçoit communication, ou dans le délai supplémentaire que la Commission peut accorder, et selon les modalités prévues par règlement, demander à la Commission de réviser sa décision.

Nouvel examen

(2) La Commission est tenue d’examiner de nouveau sa décision si une telle demande lui est présentée.

Reconsideration — Commission

112 (1) A claimant or other person who is the subject of a decision of the Commission, or the employer of the claimant, may make a request to the Commission in the prescribed form and manner for a reconsideration of that decision at any time within

(a) 30 days after the day on which a decision is communicated to them; or

(b) any further time that the Commission may allow.

Reconsideration

(2) The Commission must reconsider its decision if a request is made under subsection (1).

Règlement sur l’assurance‑emploi (DORS/96‑332)

Défalcation des sommes indûment versées, des pénalités et des intérêts

56 (1) La Commission peut défalquer une pénalité à payer en application des articles 38, 39 ou 65.1 de la Loi ou une somme due aux termes des articles 43, 45, 46, 46.1 ou 65 de la Loi ou les intérêts courus sur cette pénalité ou cette somme si, selon le cas :

a) le total des pénalités et des sommes, y compris les intérêts courus, que le débiteur doit à Sa Majesté en vertu de tout programme administré par le ministère de l’Emploi et du Développement social ne dépasse pas cent dollars, aucune période de prestations n’est en cours pour le débiteur et ce dernier ne verse pas de paiements réguliers en vertu d’un plan de remboursement;

b) le débiteur est décédé;

c) le débiteur est un failli libéré;

d) le débiteur est un failli non libéré à l’égard duquel le dernier dividende a été payé et le syndic a été libéré;

e) le versement excédentaire ne résulte pas d’une erreur du débiteur ni d’une déclaration fausse ou trompeuse de celui‑ci, qu’il ait ou non su que la déclaration était fausse ou trompeuse, mais découle :

(i) soit d’une décision rétrospective rendue en vertu de la partie IV de la Loi,

(ii) soit d’une décision rétrospective rendue en vertu des parties I ou IV de la Loi à l’égard des prestations versées selon l’article 25 de la Loi;

f) elle estime, compte tenu des circonstances, que :

(i) soit la pénalité ou la somme, y compris les intérêts courus, est irrécouvrable,

(ii) soit le remboursement de la pénalité ou de la somme, y compris les intérêts courus, imposerait au débiteur un préjudice abusif,

(iii) soit les frais administratifs de recouvrement de la pénalité ou de la somme, ou les intérêts, seraient vraisemblablement égaux ou supérieurs à la pénalité, à la somme ou aux intérêts à recouvrer.

Write‑off of Amounts Wrongly Paid, Penalties and Interest

56 (1) A penalty owing under section 38, 39 or 65.1 of the Act or an amount payable under section 43, 45, 46, 46.1 or 65 of the Act, or the interest accrued on the penalty or amount, may be written off by the Commission if

(a) the total of the penalties and amounts, including the interest accrued on those penalties and amounts, owing by the debtor to Her Majesty under any program administered by the Department of Employment and Social Development does not exceed $100, a benefit period is not currently running in respect of the debtor and the debtor is not currently making regular payments on a repayment plan;

(b) the debtor is deceased;

(c) the debtor is a discharged bankrupt;

(d) the debtor is an undischarged bankrupt in respect of whom the final dividend has been paid and the trustee has been discharged;

(e) the overpayment does not arise from an error made by the debtor or as a result of a false or misleading declaration or representation made by the debtor, whether the debtor knew it to be false or misleading or not, but arises from

(i) a retrospective decision or ruling made under Part IV of the Act, or

(ii) a retrospective decision made under Part I or IV of the Act in relation to benefits paid under section 25 of the Act; or

(f) the Commission considers that, having regard to all the circumstances,

(i) the penalty or amount, or the interest accrued on it, is uncollectable,

(ii) the repayment of the penalty or amount, or the interest accrued on it, would result in undue hardship to the debtor, or

(iii) the administrative costs of collecting the penalty or amount, or the interest accrued on it, would likely equal or exceed the penalty, amount or interest to be collected.

(2) La Commission peut défalquer la partie de toute somme due aux termes des articles 47 ou 65 de la Loi qui se rapporte à des prestations reçues plus de douze mois avant qu’elle avise le débiteur du versement excédentaire, y compris les intérêts courus, si les conditions suivantes sont réunies :

a) le versement excédentaire ne résulte pas d’une erreur du débiteur ni d’une déclaration fausse ou trompeuse de celui‑ci, qu’il ait ou non su que la déclaration était fausse ou trompeuse;

b) le versement excédentaire est attribuable à l’un des facteurs suivants :

(i) un retard ou une erreur de la part de la Commission dans le traitement d’une demande de prestations,

(ii) des mesures de contrôle rétrospectives ou un examen rétrospectif entrepris par la Commission,

(iii) une erreur dans le relevé d’emploi établi par l’employeur,

(iv) une erreur dans le calcul, par l’employeur, de la rémunération assurable ou du nombre d’heures d’emploi assurable du débiteur,

(v) le fait d’avoir assuré par erreur l’emploi ou une autre activité du débiteur.

(2) The portion of an amount owing under section 47 or 65 of the Act in respect of benefits received more than 12 months before the Commission notifies the debtor of the overpayment, including the interest accrued on it, may be written off by the Commission if

(a) the overpayment does not arise from an error made by the debtor or as a result of a false or misleading declaration or representation made by the debtor, whether the debtor knew it to be false or misleading or not; and

(b) the overpayment arises as a result of

(i) a delay or error made by the Commission in processing a claim for benefits,

(ii) retrospective control procedures or a retrospective review initiated by the Commission,

(iii) an error made on the record of employment by the employer,

(iv) an incorrect calculation by the employer of the debtor's insurable earnings or hours of insurable employment, or

(v) an error in insuring the employment or other activity of the debtor.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑368‑20

 

INTITULÉ :

JACQUELINE SMITH c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (colombie‑britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 16 novembre 2020

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

la juge MCVEIGH

 

DATE :

Le 29 DÉCEMBRE 2020

 

COMPARUTIONS :

Mme Jacqueline Smith

LA DEMANDERESSE,

POUR SON PROPRE COMPTE

M. Jordan Marks

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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