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Dossiers : T-84-19

T-978-19

T-182-19

T-1893-19

Référence : 2021 CF 7

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Dossier : T-84-19

ENTRE :

JANSSEN INC, JANSSEN ONCOLOGY, INC ET BTG INTERNATIONAL LTD

demanderesses

et

APOTEX INC

défenderesse

Dossier : T-978-19

ET ENTRE :

JANSSEN INC, JANSSEN ONCOLOGY, INC ET BTG INTERNATIONAL LTD

demanderesses

et

DR REDDY’S LABORATORIES LTD

ET DR REDDY’S LABORATORIES, INC

défenderesses

Dossiers : T-182-19

T-1893-19

ET ENTRE :

JANSSEN INC, JANSSEN ONCOLOGY, INC ET BTG INTERNATIONAL LTD

demanderesses

et

PHARMASCIENCE INC

défenderesse

MOTIFS PUBLICS DU JUGEMENT

(Identiques aux motifs confidentiels du jugement

rendus le 6 janvier 2021)

TABLE DES MATIÈRES

SECTIONS:

NO DE PARAGRAPHES

I. Introduction

[1] à [4]

II. Historique des procédures

[4] à [12]

III. Contexte

[13]

A. Parties et revendication

[13] à [19]

B. Aperçu

[20] à [30]

C. Témoins

[31]

(1) Témoins des faits

[31] à [35]

(2) Témoins experts

[36] à [37]

(a) Experts de Janssen

[38] à [55]

(b) Experts des défenderesses

[56] à [73]

IV. Connaissances générales courantes et état de la technique

[74] à [77]

A. Concernant l’acétate d’abiratérone

[78] à [81]

B. Concernant la prednisone

[82] à [91]

V. Invention

[92] à [108]

VI. Interprétation des revendications

[109]

A. Personne versée dans l’art

[109] à [110]

B. Revendications

[111] à [124]

VII. Validité

[125]

A. Évidence et essai allant de soi

[125]

(1) Cadre

[125] à [137]

(2) Étape 1 – État de la technique et connaissances générales courantes – le 23 août 2007

[138] à [162]

(3) Étape 2 – Différences entre l’état de la technique et les revendications invoquées

[163] à [169]

(4) Étape 3 – Différences entre l’état de la technique et le concept inventif de la revendication ou de la revendication ainsi qu’elle est interprétée

[170] à [180]

(5) Étape 4 – Évidence et inventivité

[181] à [183]

(6) Travail « allant de soi »

[184] à [189]

(7) Effort nécessaire

[190] à [193]

(8) Motivation

[194] à [199]

B. Utilité

[200] à [210]

C. Caractère suffisant

[211] à [215]

D. Objet brevetable

[216] à [223]

E. Inscription

[224] à [228]

F. Revendications non invoquées et demande reconventionnelle

[229] à [237]

VIII. Contrefaçon

[238] à [260]

IX. Conclusion

[261] à [264]

LE JUGE PHELAN

I. Introduction

[1] Il s’agit d’une action en contrefaçon de brevet intentée en vertu du paragraphe 6(1) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133 [Règlement sur les MB(AC)].

[2] Voici les motifs des jugements rendus le 8 janvier 2021 par lesquels a Cour a rejeté l’action des demanderesses. Le procès relatif à ces actions a duré cinq semaines et s’est achevé à la fin novembre 2020. Le délai prévu au Règlement sur les MB(AC) expire le 9 janvier 2021 et une décision était nécessaire avant cette date.

[3] La Cour a statué sur une procédure similaire relative à un AC sous le régime de la version antérieure du Règlement sur les MB(AC), qui avait été introduite sous la forme d’une demande. Dans cette instance, la Cour a accueilli la demande des demanderesses visant à interdire au ministre d’octroyer un avis de conformité à l’une des défenderesses – Apotex Inc – pour son produit proposé à base d’acétate d’abiratérone [AA] (Janssen Inc c Apotex Inc, 2019 CF 1355). Cette décision fait actuellement l’objet d’un appel. Cette procédure et cette décision sont appelées procédure ou décision relative à « l’AC 2019 ».

[4] Le brevet en litige porte sur un procédé et un traitement d’association contre le cancer, principalement le cancer de la prostate, par l’association d’un inhibiteur de l’enzyme 17α-hydroxylase/C17,20-lyase, comme l’AA, à un agent anticancéreux ou à un stéroïde, en l’occurrence la prednisone [PN].

II. Historique des procédures

[5] Cette demande d’AC était l’une des dernières, sinon la dernière, à être instruite en vertu de l’ancien Règlement AC. Les défenderesses ont demandé de nouvelles approbations d’AC pour leurs produits AA respectifs [produits]. Cela a donné lieu à la présente action intentée par les demanderesses.

[6] Les actions ont été intentées individuellement contre chaque défenderesse, mais le procès a été mené comme une seule action. Il a été mené en grande partie par Apotex et, sous réserve d’aspects limités précis liés à chaque défenderesse, Apotex et son ébauche de monographie de produit ont servi de mesure de substitution théorique pour toutes les défenderesses. La collaboration et le professionnalisme des avocats ont facilité l’audition ordonnée et complète de ce différend en cette période difficile de COVID-19 et grâce à l’utilisation de la technologie Zoom.

[7] Aucune question n’a été soulevée concernant une forme quelconque de préclusion entre la procédure relative à l’AC 2019 et la présente action. Les parties ont traité l’affaire comme une instance entièrement nouvelle, tout comme la Cour.

[8] L’ancien régime de demande d’AC a été très critiqué et il a été remplacé. Les nouvelles actions ont donné aux parties et à la Cour la possibilité d’obtenir des éléments de preuve supplémentaires et de meilleure qualité au moyen de la communication de documents, d’interrogatoires préalables et de nouvelles observations.

[9] Les parties ont profité de ces droits procéduraux plus complets. Elles ont également présenté des éléments de preuve nouveaux et de meilleure qualité dans des domaines tels que la biostatistique et l’endocrinologie. Des témoins qui avaient précédemment témoigné pouvaient être interrogés sur un dossier plus complet découlant du processus de communication préalable.

[10] La Cour a eu l’avantage d’entendre directement des témoins. Elle a bénéficié de meilleurs éléments de preuve, d’enseignements de l’état actuel du droit et d’arguments plus ciblés.

[11] Par conséquent, à moins qu’ils proviennent de la décision relative à l’AC 2019 – comme dans le cas de l’interprétation des revendications – les conclusions et les commentaires de cette décision ne sont pas pertinents pour le procès. Le nouveau processus permet, un peu comme dans le droit antérieur, d’intenter une action en réparation malgré les conclusions d’une instance connexe relative à un AC.

[12] Dans le cadre de la présente nouvelle action, la Cour (d’autant plus que le juge ayant statué à l’égard de l’AC précédent est le même que celui du présent procès) est tenue d’aborder l’affaire à partir de zéro avec « un esprit désireux de comprendre » et d’être convaincue par ce qui lui est présenté. La Cour doit envisager le processus avec compréhension, mais sans conclusions.

III. Contexte

A. Parties et revendication

[13] Janssen Oncology, Inc [Janssen] et BTG International Ltd sont propriétaires du brevet canadien no 2,661,442 [brevet 422 ou brevet]. Le brevet 422 a été délivré à la suite d’une demande déposée le 23 août 2007 et publiée le 28 février 2008 – les différences de dates n’ont aucune incidence dans la présente affaire.

[14] Lors du dépôt de la demande de brevet en 2007, le brevet proposé décrivait et revendiquait un grand nombre d’associations composées d’un inhibiteur du CYP17, y compris l’AA, et d’un ou de plusieurs agents thérapeutiques, y compris des agents anticancéreux. Au moins une réalisation combinait l’inhibiteur avec la PN en tant qu’antibiotique, mais dans la réalisation concernant les agents anticancéreux, la PN n’était pas mentionnée.

[15] En 2011, avant la délivrance du brevet 422, les demanderesses ont obtenu l’autorisation pour leur formulation ZYTIGA, une préparation à base d’AA devant être administrée avec la PN pour traiter les effets secondaires. Des revendications révisées ont ensuite été déposées auprès du Bureau des brevets afin de revendiquer l’association d’AA et de PN pour traiter le cancer, comme spécifié dans les revendications invoquées.

[16] Janssen allègue que les défenderesses ont enfreint ou enfreindront les revendications 3, 6, 7, 14 et 15 [les revendications invoquées].

[17] Ces revendications sont rédigées comme suit :

[TRADUCTION]

3. Utilisation d’une quantité thérapeutiquement efficace d’acétate d’abiratérone ou de l’un de ses sels pharmaceutiquement acceptables et d’une quantité thérapeutiquement efficace de prednisone pour le traitement d’un humain atteint d’un cancer de la prostate.

6. Utilisation selon l’une des revendications 1 à 3, où la quantité thérapeutiquement efficace d’acétate d’abiratérone ou de l’un de ses sels pharmaceutiquement acceptables est de 1 000 mg/jour.

7. Utilisation selon l’une des revendications 1 à 3, où la quantité thérapeutiquement efficace d’acétate d’abiratérone ou de l’un de ses sels pharmaceutiquement acceptables est contenue dans au moins une forme pharmaceutique orale renfermant environ 250 mg d’acétate d’abiratérone ou de l’un de ses sels pharmaceutiquement acceptables.

14. Utilisation d’une quantité thérapeutiquement efficace d’acétate d’abiratérone ou de l’un de ses sels pharmaceutiquement acceptables et d’une quantité thérapeutiquement efficace de prednisone pour le traitement d’un humain atteint d’un cancer de la prostate réfractaire.

15. Utilisation selon l’une des revendications 12 à 14, où le cancer de la prostate réfractaire ne réagit pas à au moins un agent anticancéreux.

[18] Les défenderesses allèguent que chacune des revendications invoquées est invalide. Apotex a également allégué dans une demande reconventionnelle que les revendications « non invoquées » sont également invalides.

[19] La question de l’invalidité ne permet pas de statuer sur la déclaration des demanderesses. Toutefois, pour faciliter la révision en appel (que, selon ce que la Cour a appris, les demanderesses demanderaient peu importe le résultat), la Cour a également traité de la question de la contrefaçon.

B. Aperçu

[20] Le cancer de la prostate, prolifération incontrôlée des cellules de la prostate, est le cancer le plus souvent diagnostiqué chez les hommes et la deuxième cause de décès par cancer chez les hommes. Si le cancer de la prostate au stade précoce peut être traité ou non et surveillé, après un temps, le cancer peut se propager à d’autres parties du corps et devenir métastatique.

[21] La plupart des hommes atteints d’un cancer de la prostate métastatique sont traités par un traitement antiandrogénique, car les hormones sexuelles mâles (androgènes), en particulier la testostérone, favorisent la progression du cancer de la prostate.

Depuis les années 1940, le traitement antiandrogénique du cancer de la prostate métastatique s’effectuait principalement par castration médicale ou chirurgicale, de façon à inhiber la production d’androgènes dans les testicules. Il est à noter que les patients qui reçoivent un traitement antiandrogénique ont tout de même des taux résiduels d’androgènes dans leur organisme parce que la glande surrénale produit environ 10 % des androgènes circulants chez l’homme.

[22] Lorsque le cancer de la prostate progresse à la suite d’un traitement antiandrogénique, on parle de « cancer de la prostate hormonorésistant » [CPHR] et, si le cancer avait métastasé, de « cancer de la prostate métastatique hormonorésistant ».

[23] Une mesure standard dans le traitement du cancer de la prostate est le taux d’antigène prostatique spécifique [APS], une protéine sécrétée par la prostate. Elle est utilisée pour détecter le cancer de la prostate et pour déterminer la réponse du cancer aux traitements. La réponse de l’APS servait de mesure de substitution pour évaluer l’efficacité des traitements contre le cancer de la prostate, mais il s’agissait d’un indicateur imparfait, du fait qu’elle n’établissait pas l’amélioration de la survie. L’amélioration de la survie devait être estimée indirectement, celle-ci n’étant réellement établie qu’au décès du patient.

Ce procès a fait ressortir les problèmes liés à l’APS et à l’amélioration de la survie, car plusieurs experts des demanderesses ont défini ou mesuré l’utilité d’un médicament anticancéreux par rapport à l’amélioration de la survie observée, plutôt qu’à un effet anticancéreux conformément au brevet.

[24] En août 2007 (date de référence fixée pour la présente affaire), il était établi qu’un groupe de médicaments chimiothérapeutiques cytotoxiques appelés taxanes, et plus précisément le docétaxel (approuvé en 2004), entraînait une légère amélioration de la survie chez les patients atteints d’un cancer de la prostate métastatique hormonorésistant. Son mode d’action était différent de celui des hormonothérapies comme le traitement antiandrogénique.

[25] L’amélioration de la survie par le docétaxel marquait un « nouveau paradigme », comme l’a expliqué le Dr Nam, dans le traitement des patients atteints d’un cancer de la prostate métastatique hormonorésistant. Cependant, de nombreux patients présentaient des effets secondaires importants. Un autre problème majeur était que les patients atteints d’un cancer de la prostate métastatique hormonorésistant finissaient par ne plus répondre au docétaxel, ce qui leur était fatal.

[26] Avant 2007, l’aminoglutéthimide et le kétoconazole étaient utilisés dans le traitement du cancer de la prostate, mais n’amélioraient pas la survie. Ils étaient considérés comme des inhibiteurs non spécifiques de la synthèse des stéroïdes surrénaliens et provoquaient de graves effets secondaires, notamment une déficience en glucocorticoïdes qui nécessitait parfois une utilisation concomitante de glucocorticoïdes. Aucun des deux composés n’était réputé entraîner un excès de minéralocorticoïdes (une question sujette à débat), mais comme l’a souligné le DBantle, même si les taux de minéralocorticoïdes restaient normaux, les faibles taux de glucocorticoïdes étaient tout de même à l’origine d’effets secondaires graves.

[27] La PN, un glucocorticoïde, était utilisée comme traitement palliatif chez les patients atteints d’un cancer de la prostate et permettait d’atténuer les effets secondaires du traitement. Il s’agissait d’un médicament classique, disponible depuis les années 1950. On savait que la PN avait des effets anticancéreux, mais on ne savait pas comment et dans quelle mesure. Elle était utilisée à des fins palliatives, pour le soulagement des effets secondaires et procurait certains effets anticancéreux (parfois appelés activité antitumorale), mais il n’était pas établi qu’elle améliorait la survie. La PN n’avait pas été approuvée comme médicament anticancéreux.

[28] Comme indiqué dans le brevet 422, les inhibiteurs de l’enzyme CYP17, dont l’AA fait partie, se sont révélés utiles dans le traitement du cancer de la prostate. L’AA était un médicament plus récent que la PN.

[29] L’enzyme CYP17 (17α-hydroxylase/C17,20-lyase) agit de deux façons dans la synthèse des hormones stéroïdes surrénaliennes : l’activité 17α-hydroxylase est nécessaire à la production du cortisol et des androgènes, tandis que l’activité 17,20‑lyase ne concerne que la production des androgènes.

[30] À l’annexe A des présents motifs se trouve un tableau des voies de synthèse pertinentes, lequel figurait dans le rapport d’expert du Dr Bantle et fut d’une grande utilité pour la Cour.

C. Témoins

(1) Témoins des faits

[31] Le Dr Johann de Bono, professeur de cancérologie expérimentale au Royaume-Uni, est chercheur dans le domaine du cancer de la prostate, médecin et inventeur nommé dans le brevet 422.

[32] Les défenderesses ont tenté de discréditer son statut d’inventeur; toutefois, il a été ajouté à titre d’inventeur par l’ordonnance de la juge Heneghan (Janssen Oncology, Inc and BTG International Ltd c Canada (Attorney General) (15 juin 2018), T-1495-17 (Cour fédérale)) et il n’appartient pas à la Cour de vérifier le bien‑fondé de cette ordonnance.

Toutefois, la Cour sait que le travail du Dr de Bono consistait à élaborer une hypothèse qui n’était pas le brevet finalement déposé. Il a lui-même été surpris d’apprendre l’existence du brevet 422.

[33] Le Dr de Bono dirige l’équipe de recherche sur le cancer de la prostate à l’Institute of Cancer Research [ICR] du Royal Marsden Hospital.

Il a fourni des preuves directes utiles quant aux essais qui ont conduit au brevet 422. Il a retracé le cheminement de son hypothèse selon laquelle la supplémentation en glucocorticoïdes pouvait inverser la résistance à l’AA, en réduisant la production des hormones stéroïdes surrénaliennes en amont dans l’organisme [1] . À cet égard, s’il a utilisé la dexaméthasone parce qu’elle était disponible à l’ICR, il a admis que tout glucocorticoïde aurait fait l’affaire. La PN n’était alors pas disponible au Royaume-Uni.

[34] La Dre Gloria Lee est médecin et ancienne vice-présidente de la recherche et du développement cliniques chez Cougar Biotechnology Inc. [Cougar], le promoteur des essais cliniques qui ont conduit au brevet 422. Son témoignage a fourni une mise en contexte et des informations détaillées sur les quatre (4) études de Cougar (COU-AA-001, 002, 003 et 004), ainsi que sur la modification apportée au protocole en 2008.

[35] Le Dr Robert Charnas était le responsable mondial de la réglementation chez Cougar (aujourd’hui Janssen Oncology Inc.) et était responsable de la présentation réglementaire pour le projet ZYTIGA (le produit à base d’AA des demanderesses). Comme la Dre Lee, il a abordé dans son témoignage les études de Cougar et la modification du protocole, mais aussi les deux études de phase II COU-AA-301 et 302, lesquelles ont comparé l’efficacité d’une association de PN et d’AA, par rapport à l’efficacité de la PN et d’un placebo, chez des patients atteints d’un cancer de la prostate métastatique hormonorésistant.

(2) Témoins experts

[36] La présente affaire reposait en grande partie sur des témoignages d’experts. Il incombe à la Cour d’évaluer le domaine difficile de la preuve qui fait l’objet de la présente instance, tant dans son ensemble qu’à l’égard de chaque élément individuellement avec l’aide de chaque expert.

[37] Il y avait des points faibles, un manque de clarté et d’autres problèmes de ce genre à l’égard de la plupart des experts, mais la Cour doit évaluer la crédibilité et le poids à accorder à la preuve par rapport à des éléments qui sont loin d’être parfaits.

a) Experts de Janssen

[38] Le Dr Geoffrey Gotto est actuellement directeur médical à la Clinic for Advanced Metastatic Prostate Cancer à Calgary et professeur agrégé d’enseignement clinique à l’Université de Calgary. Il a été reconnu à titre d’expert en oncologie urologique, notamment pour les questions cliniques entourant le diagnostic et le traitement du cancer de la prostate, y compris la chirurgie et la prescription d’interventions médicales. Cette expertise comprend une compréhension des décisions de prescription des urologues canadiens pour le traitement du cancer de la prostate. En général, son témoignage a couvert les détails de l’utilisation faite de la monographie d’un médicament, les données à l’appui de la monographie de ZYTIGA, les instructions à tirer d’une monographie de produit, les instructions contenues dans les autres monographies des demanderesses et d’Apotex à l’intention des urologues, ainsi qu’une comparaison des monographies des produits.

[39] Le témoignage du Dr Gotto a été utile. Il a permis d’éclaircir le contexte et de mieux comprendre les médicaments du point de vue de l’urologue. Sa collaboration avec Janssen, bien qu’elle ne soit pas idéale sur le plan de l’objectivité, n’a pas ébranlé sa crédibilité. Ses explications des rôles de l’AA et de la PN, dans le contexte où les monographies de produits mentionnent la PN en lien avec les effets secondaires, ont été remises en cause. Malgré ces déclarations, la monographie de produit de Dr. Reddy’s indiquait que la PN est employée dans le traitement du cancer de la prostate en raison de ses effets anticancéreux lorsqu’elle est utilisée en association avec l’AA. Ses déclarations équivoques sur les effets anticancéreux de la PN étaient insatisfaisantes et suggéraient une volonté de protéger les demanderesses et leur position.

[40] Jane Costaris est présidente de Regulatory Solutions Inc et a été reconnue comme experte en matière de réglementation et d’assurance de la qualité pour les industries des produits pharmaceutiques, des produits de santé naturels et des instruments médicaux. Elle possède une expertise en matière de présentation réglementaire de médicaments et de produits de santé aux autorités fédérales et provinciales au Canada, y compris les présentations de drogues nouvelles et les présentations supplémentaires de drogues nouvelles, ainsi que les présentations de produits de mise en marché et de produits génériques subséquents. De plus, elle possède une expertise dans la préparation de matériel publicitaire et de marketing pour les produits pharmaceutiques au Canada. Elle a fourni un témoignage général sur des questions de réglementation relativement à Santé Canada et des détails sur les monographies de produits en cause dans le présent litige. Son témoignage n’a de façon générale pas été contesté.

[41] Le Dr Matthew Rettig est un oncologue médical possédant 25 ans d’expérience dans le cancer de la prostate et un témoin clé pour les demanderesses. Il a été reconnu à titre d’expert en oncologie médicale, et en particulier dans le diagnostic, le traitement et la prise en charge des cancers urologiques, y compris le traitement du cancer de la prostate. Cette expertise comprend : a) la conception, la conduite et l’interprétation des résultats d’essais cliniques du point de vue du clinicien; b) l’utilisation d’agents dans le traitement du cancer de la prostate, les soins palliatifs du cancer de la prostate et la prise en charge des effets secondaires associés au traitement du cancer de la prostate; et c) la compréhension des décisions de prescription des oncologues médicaux dans le traitement du cancer de la prostate.

[42] Le Dr Rettig est intervenu pour le compte de Janssen en tant que co-chercheur local et chercheur principal pour les essais cliniques relatifs à l’AA et à la PN, en particulier les études 301 et 302, et chercheur principal dans l’étude de 2004 (l’un des principaux sujets du présent litige). Il s’agit d’une proximité malheureuse avec le sujet de ce qui devrait faire l’objet d’un avis objectif. Son témoignage portait sur un large éventail de questions, allant des connaissances générales courantes, la personne versée dans l’art, l’interprétation des mots dans le brevet, jusqu’à la contrefaçon. En résumé, il est d’avis que :

[43] Le rapport du Dr Rettig était bien construit, clair mais imparfait. Son témoignage doit être mis en contraste avec celui du Dr Nam et du Dr Lipton, qui ont témoigné pour le compte des défenderesses. Dans son domaine d’expertise non principal, l’endocrinologie, ses commentaires peuvent être mis en contraste avec ceux du Dr Bantle.

[44] Le témoignage du Dr Rettig a été profondément affaibli en contre-interrogatoire. Il ne s’agissait pas seulement de questions de choix de mots et de nuances; il a dû faire des concessions et a supprimé ou modifié des conclusions importantes figurant dans son rapport, notamment en ce qui a trait à « l’évidence » concernant les effets sur le cancer de l’aminoglutéthimide ainsi que du kétoconazole, la nécessité connue d’un traitement substitutif par glucocorticoïdes pour l’aminoglutéthimide et le kétoconazole, et le rôle de la PN dans l’obtention d’un effet anticancéreux. Il a fait d’autres concessions majeures sur ces questions importantes.

[45] Parmi ses nombreux revirements et éclaircissements relativement à son rapport, il a été contraint d’admettre que l’effet anticancéreux de la PN était connu; que l’on savait que l’aminoglutéthimide avait des effets thérapeutiques anticancéreux vis-à-vis du cancer de la prostate; et que le kétoconazole avait un effet anticancéreux.

[46] Son explication pour ce changement d’opinion, puisqu’il est passé de l’affirmation [traduction] « n’avait pas d’effet anticancéreux » et à l’affirmation [traduction] « avait un effet anticancéreux », était qu’il avait en tête l’amélioration connue de la survie et non l’effet anticancéreux. Cela est peut-être vrai dans son esprit, mais ce n’est pas satisfaisant compte tenu de son témoignage au sujet des revendications. En dépit de ces modifications apportées à son rapport, il a maintenu son opinion selon laquelle il n’était pas évident d’essayer de combiner l’AA et la PN comme d’autres l’ont prétendu parce qu’il n’y avait aucune motivation à le faire. Il s’agit au mieux d’un avis faible et non d’un avis sur lequel la Cour peut se fonder.

[47] Son analyse de l’utilité a été utile, mais elle était chancelante parce qu’elle reposait sur une erreur de compréhension du droit applicable. Il a admis comprendre que le critère était [traduction« parcelle de preuve d’utilité » plutôt que [traduction« parcelle d’utilité ».

[48] Je ne rejette pas l’ensemble de son rapport et j’accepte de façon générale son avis concernant la validité à certains égards (p. ex., l’utilité) et la contrefaçon. Toutefois, je constate, dans de nombreux aspects relatifs à validité, en particulier l’analyse de l’évidence, que les experts des défenderesses sur ces questions sont plus crédibles et que, lorsque les témoignages des deux parties diffèrent, j’accorde la préférence en général aux experts des défenderesses.

[49] Mme Karla Ballman, Ph. D., est la chef de la Division des biostatistiques (un nouveau domaine dans le présent litige) au Département des sciences de la santé des populations du Weill Cornell Medical College. Elle a été reconnue comme experte en biostatistique, particulièrement en biostatistique du cancer. Elle possède une expertise dans la conception d’essais cliniques et l’analyse des données connexes ainsi que dans l’interprétation des résultats du point de vue d’une biostatisticienne, y compris la modélisation mathématique, les statistiques, les probabilités, l’analyse des données et le plan expérimental.

[50] Elle a fourni un témoignage utile et clair sur la pertinence de la biostatistique et le sens qui peut être tiré des études Cougar et de publications telles que Attard (2009), Danila (2010) et Reid (2010). Elle a confirmé dans son témoignage le rôle de la PN en tant qu’agent anticancéreux dans l’association d’AA et de PN pour le traitement du cancer de la prostate.

[51] Mme Ballman était prête à tirer ces conclusions, contrairement au biostatisticien des défenderesses, M. McKeague. Elle a dû admettre l’hypothèse selon laquelle la dexaméthasone et la PN appartiennent à la même classe de médicaments et agissent d’une façon similaire. Les défenderesses critiquent cette hypothèse, mais elle la jugeait acceptable à la lumière de son expérience considérable en oncologie. À cet égard, l’expérience de Mme Ballman lui a permis, selon moi, de poser un jugement professionnel sur certains points incertains, ce que d’autres personnes hautement qualifiées dans leur domaine, mais moins expérimentées en oncologie, ne pouvaient faire. Son témoignage a été utile et convaincant.

[52] Le Dr Richard Auchus est un endocrinologue clinicien qui pratique et étudie la synthèse des hormones stéroïdiennes depuis plus de 25 ans. Il est réputé avoir une vaste expérience dans le diagnostic et le traitement des patients atteints de maladies surrénaliennes. Il a été reconnu comme expert en endocrinologie clinique ainsi qu’en étude et traitement clinique des troubles endocriniens associés à la stéroïdogenèse, y compris la synthèse et l’action des androgènes. Cette expertise comprend le diagnostic et le traitement des affections congénitales et non congénitales entraînant des changements dans la production d’hormones stéroïdiennes, notamment l’insuffisance surrénale et les troubles de la production de minéralocorticoïdes.

[53] Le Dr Auchus a fait part de sa participation importante au cours des années aux activités de Cougar (aujourd’hui Janssen), notamment en ce qui concerne l’AA (faut-il administrer un glucocorticoïde avec l’AA, à savoir l’une des questions centrales en l’espèce). Il a donné cette information dans le cadre de la présente affaire, mais il n’a pas révélé ce niveau de participation dans la procédure relative à l’AC 2019 où il était témoin. Sa participation directe et substantielle et ses relations avec un participant remettent en question – du moins d’un point de vue objectif – la possibilité qu’il ait fourni le genre d’avis impartial envisagé par le Code de déontologie régissant les témoins experts. La Cour n’était pas à l’aise avec ce niveau de participation et il a eu une incidence sur le poids qui pouvait être accordé à son témoignage.

[54] Le Dr Auchus était d’avis qu’il n’est pas nécessaire d’administrer un glucocorticoïde en concomitance avec l’AA. Il a établi une distinction entre le kétoconazole/l’aminoglutéthimide et l’AA et a remis en question les enseignements de O’Donnell (2004). Il a écarté l’utilisation et la nécessité des tests à la cosyntrophine. Ses principaux arguments ont été remis en question lors du contre-interrogatoire, notamment le fait qu’un glucocorticoïde pourrait devoir être administré pour d’autres effets secondaires. Il avait sa théorie, dont la justesse n’est pas à établir ici, mais son témoignage sur ce qu’une personne versée dans l’art saurait et ferait n’était pas convaincant.

[55] Le témoignage du Dr Auchus était presque complètement en contradiction avec celui du Dr Bantle sur les principales questions en litige en l’espèce. Sur bon nombre de ces questions, la Cour a dû faire un choix entre ces témoins. Compte tenu de la force du témoignage du Dr Bantle, qui contraste avec la faiblesse de celui du Dr Auchus, la Cour s’est davantage fiée au témoignage de Dr Bantle.

b) Experts des défenderesses

[56] Le Dr Robert Nam est professeur de chirurgie à l’Université de Toronto et dirige le Programme de cancérologie génito-urinaire au Centre de cancérologie Odette, entre autres postes pertinents. Il travaille dans les domaines de l’oncologie et de l’épidémiologie, sa pratique étant largement axée sur la prise en charge du cancer de la prostate. Il a été reconnu à titre d’expert dans le domaine de l’oncologie urologique, et plus particulièrement dans le traitement des patients atteints de cancer de la prostate (y compris le cancer de la prostate au stade avancé ou métastatique), ainsi qu’en épidémiologie clinique du cancer de la prostate.

[57] Le témoignage du Dr Nam a couvert de nombreux points, dont les connaissances générales courantes d’une personne versée dans l’art. Le Dr Nam a précisé qu’en août 2007, la dexaméthasone, l’hydrocortisone et la PN étaient les glucocorticoïdes les plus utilisés dans le traitement du cancer de la prostate. Il s’est penché sur l’utilisation de l’APS comme indicateur de substitution pour établir l’efficacité du traitement et sur l’effet anticancéreux de la PN. Il a montré la voie dans l’analyse de l’évidence (essai allant de soi) menant à la conclusion que les revendications invoquées étaient évidentes. Il a passé en revue la littérature pertinente et les résultats des essais pour se faire une opinion.

[58] Il a également couvert d’autres domaines indirectement, comme la biostatistique. La Cour a jugé que son témoignage était utile et convaincant lorsqu’il était fondé sur ses principaux domaines d’expérience et d’expertise. Il était solide lorsqu’il était lu conjointement avec le témoignage du Dr Lipton. La Cour a accordé plus de poids au témoignage du Dr Nam seul et à son témoignage combiné à celui du Dr Lipton qu’au témoignage du Dr Rettig.

[59] Le Dr Allan Lipton est professeur au Département de médecine de la Division de l’hématologie et de l’oncologie à la Pennsylvania State University. Il possède une expérience dans le traitement du cancer de la prostate au moyen d’inhibiteurs de la synthèse des hormones stéroïdes surrénaliennes et de corticostéroïdes (par exemple, les glucocorticoïdes). Il s’est consacré pendant plus de 40 ans aux soins et à la recherche dans le domaine du cancer de la prostate. Il a été reconnu comme médecin expert en oncologie médicale et en particulier dans le traitement des patients atteints d’un cancer de la prostate.

[60] Le Dr Lipton, dont le témoignage est également pris en compte à la lumière de celui du Dr Nam, a abordé des aspects généraux de la maladie et du traitement. Selon lui, en 2006, il était bien connu que les inhibiteurs de l’enzyme CYP17 (tels que le kétoconazole et l’aminoglutéthimide) étaient utiles dans le traitement du cancer de la prostate, car ils entravaient la production des hormones stéroïdes surrénaliennes et empêchaient ainsi la conversion en testostérone. Cependant, ces inhibiteurs empêchaient également la production de cortisol, entraînant une surproduction d’hormone adrénocorticotrope [ACTH] et une augmentation des minéralocorticoïdes aux effets potentiellement mortels. On savait que les glucocorticoïdes pouvaient résoudre ces problèmes, à savoir réduire les minéralocorticoïdes et traiter l’insuffisance surrénale et l’hypertension.

[61] Il a parlé des connaissances d’une personne versée dans l’art et a indiqué qu’en 2006, l’art antérieur fournissait trois motivations indépendantes pour combiner l’AA avec la PN dans le traitement du cancer de la prostate : 1) la PN fournirait un traitement substitutif par glucocorticoïdes pour atténuer les effets secondaires connus de l’AA; 2) la PN fournirait un soulagement palliatif et améliorerait la qualité de vie; et 3) la PN et l’AA étaient reconnus comme des agents anticancéreux actifs ayant des modes d’action différents dans le traitement du cancer de la prostate. La Cour accorde un poids considérable à cette conclusion, car elle résume le poids de la preuve sur la question de la motivation.

[62] Le Dr Lipton a examiné la littérature pertinente et a traité de la question de l’attente selon laquelle l’AA pouvait traiter le cancer de la prostate, étant un inhibiteur connu de l’enzyme CYP17 depuis 1994. De même, il a conclu qu’en 2006 (ou même avant), une personne versée dans l’art aurait su que la PN pouvait être utilisée seule comme agent anticancéreux actif. Il a dépeint les raisons pour lesquelles il allait de soi d’essayer de créer l'association telle qu’elle figure dans le brevet.

[63] La Cour a conclu que le témoignage du Dr Lipton, bien que non sans certaines imperfections, était complet, éclairé et équilibré. La Cour s’appuie largement sur ce témoignage.

[64] Le Dr John Bantle, endocrinologue, a occupé de nombreux postes au sein du Département de médecine de la University of Minnesota Medical School et est aujourd’hui professeur émérite. Il a simplement été reconnu comme expert dans le domaine de l’endocrinologie. Il a acquis des connaissances et une expérience approfondies dans ce domaine depuis 1972.

[65] Il a passé en revue les connaissances préalables sur l’AA, en particulier le fait qu’en inhibant l’enzyme CYP17 (indispensable aux voies de synthèse des androgènes surrénaliens et des glucocorticoïdes), l’AA inhibe essentiellement les voies de synthèse des glucocorticoïdes et des androgènes. Ainsi, les molécules de cholestérol sont plutôt transformées par la voie des minéralocorticoïdes (voir annexe A), ce qui entraîne des taux de minéralocorticoïdes très élevés, voire excessifs. Par ailleurs, la baisse des androgènes surrénaliens qu’engendre cette inhibition peut être mortelle. Ces deux troubles – soit l’excès de minéralocorticoïdes et l’insuffisance surrénale – sont associés à une multitude d’effets secondaires graves. Le test de stimulation à la cosyntrophine, dont le DAuchus a nié l’utilité dans son témoignage, servait à déterminer la production de cortisol et donc l’insuffisance surrénale.

[66] Il y a eu un vif débat entre le Dr Bantle, qui pensait que l’AA pouvait causer une insuffisance surrénale en bloquant la production de cortisol, et le Dr Auchus, qui estimait que la corticostérone, n’étant pas bloquée, compensait la baisse de cortisol. Ce n’est pas à la Cour de trancher le débat scientifique, mais de constater que le Dr Bantle exposait les connaissances générales courantes de l’époque et ce qu’une personne versée dans l’art aurait compris.

[67] Le Dr Bantle a estimé qu’en raison de la similitude entre le kétoconazole et l’AA, un endocrinologue compétent aurait été incité à administrer l’AA en association avec un traitement par glucocorticoïdes. Il a également abordé certaines publications et conclu que O’Donnell, en mentionnant le besoin d’études supplémentaires sur l’AA, faisait davantage allusion au moment auquel un glucocorticoïde (comme la PN) serait administré avec l’AA, plutôt qu’au fait d’établir si un glucocorticoïde était nécessaire ou non.

[68] Le rapport du Dr Bantle était complet et équilibré. Le Dr Bantle a répondu correctement aux questions et a été inébranlable. Il a montré le souhait de l’enseignant d’éduquer plutôt que de défendre un point de vue. J’ai privilégié son témoignage lorsque c’était nécessaire à celui de son homologue, le Dr Auchus, dont j’ai traité précédemment.

[69] M. Ian McKeague, Ph. D., est professeur de biostatistique à la Columbia University. Il a été reconnu comme expert en statistiques, notamment en biostatistique, en conception d’essais cliniques et en analyse statistique des résultats d’essais cliniques.

[70] M. McKeague était le témoin appelé pour fournir une contre-expertise à la suite du témoignage de Mme Ballman. Il a déposé au sujet des principes statistiques, des essais cliniques sur l’AA et de la comparaison du délai médian avant progression, puis il a conclu, après avoir effectué un examen des documents, que les publications d’Attard (2009) et de Ryan (2011) présentaient trop de différences pour qu’une comparaison soit possible entre les études. Il a alors entrepris sa propre étude comparative, ce qu’il avait reproché à Mme Ballman de faire.

[71] La différence essentielle entre M. McKeague et Mme Ballman est que cette dernière possédait les connaissances et l’expérience en la matière (oncologie) nécessaires pour exercer son jugement professionnel. Elle a pu tirer des conclusions à partir de ses connaissances et de son expérience, ce que M. McKeague n’était pas prêt à faire et ne pouvait pas faire. Comme nous l’avons indiqué plus tôt, la Cour est prête à admettre cet exercice de jugement malgré les nombreuses faiblesses mentionnées par M. McKeague.

[72] Mme Susanne Picard est pharmacienne et propriétaire de SPharma Inc., une société d’experts-conseils en réglementation couvrant une gamme de produits de santé. Elle a été reconnue en tant que pharmacienne et consultante en affaires réglementaires. Ses domaines de spécialité comprennent l’approbation des produits pharmaceutiques et de leur étiquetage (y compris les monographies de produits) par Santé Canada, de même que la réglementation, les lignes directrices et les protocoles connexes.

[73] Le témoignage de Mme Picard a porté sur les exigences relatives aux monographies de produits et aux monographies de produits des défenderesses. Elle a confirmé que, se fondant sur sa connaissance de l’ébauche des monographies de produits, aucune des défenderesses ne pouvait être autorisée à commercialiser son produit à base d’AA (et dans le cas d’Apotex, son produit à base de PN) comme ayant un effet anticancéreux. Il y avait des différences sans importance entre les produits mentionnés par les défenderesses.

IV. Connaissances générales courantes et état de la technique

[74] Les connaissances générales courantes s’entendent des connaissances que possède généralement une personne versée dans l’art en cause au moment considéré. Elles n’englobent pas la totalité des connaissances relevant du domaine public (Apotex Inc c Sanofi-Synthelabo Canada Inc, 2008 CSC 61 au para 37 [Sanofi].

[75] L’état de la technique est plus étendu que les connaissances générales courantes (Hospira Healthcare Corporation c Kennedy Trust for Rheumatology Research, 2020 CAF 30 [Hospira CAF]), mais en l’espèce les parties ne contestent pas l’état de la technique, qui est constitué en grande partie par des articles professionnels, des résumés et autres.

[76] Au cours du procès, la Cour a été renvoyée à un certain nombre d’antériorités au moyen du partage d’écran Zoom. Certaines parties ont été utiles, en particulier en contre-interrogatoire, si bien que le texte intégral de chacune de ces antériorités doit être considéré comme exposant l’état de la technique et les connaissances générales courantes.

[77] La Cour a été renvoyée, souvent de façon indirecte, à d’autres publications. Par ailleurs, dans le contexte du déroulement du procès, des références ont été faites à des publications du Dr Fauci – le fameux Dr Fauci de la COVID-19.

A. Concernant l’acétate d’abiratérone

[78] Barrie (1994) a conclu que l’AA méritait d’être étudié plus avant en tant qu’agent potentiel pour le traitement du cancer de la prostate hormonodépendant.

[79] O’Donnell (2004), un article du British Journal of Cancer (2004) ayant pour auteur principal O’Donnell, a fait état du premier essai de l’AA chez l’humain. Il s’agissait d’un essai mené par l’ICR sur l’administration d’AA en monothérapie. En plus de conclure que l’AA était sans danger et qu’il fallait poursuivre les études en raison de la suppression accrue de la testostérone, l’article donnait à penser que l’AA était un traitement approprié en deuxième intention (après la castration). On y indiquait en outre que le kétoconazole, bien qu’étant un inhibiteur non sélectif, avait un effet antitumoral (un avantage clinique mis en évidence par une réduction du taux d’APS). Un inhibiteur plus sélectif pourrait être un agent de deuxième intention.

[80] Dans quelques publications ultérieures, les auteurs ont conjecturé que l’AA pourrait être un bon sujet d’étude chez l’humain, notant qu’il inhibe à la fois la fonction hydroxylase et lyase de l’enzyme CYP17.

[81] O’Donnell (2004) a confirmé le rôle de l’AA dans le traitement du cancer en exposant la capacité de l’AA à supprimer durablement la production de testostérone chez les hommes castrés, lorsqu’il est administré à des doses de 500 à 800 mg. On y indiquait que l’AA pourrait constituer un traitement de deuxième intention.

B. Concernant la prednisone

[82] En ce qui concerne la PN, Tannock (1996) est la première publication pertinente, mais la PN était connue avant cette date.

[83] Tannock (1996) rendait compte d’une étude auprès de patients ayant un cancer de la prostate réfractaire avec douleur. Les patients avaient reçu un médicament de chimiothérapie combiné à la PN ou la PN seule. La publication révélait que l’association de la mitoxantrone (un médicament de chimiothérapie) et de la PN, dosée à 10 mg par jour, permettrait d’atténuer les symptômes des patients atteints d’un cancer de la prostate hormonorésistant.

[84] Cette publication a été suivie par Sartor (1998), qui a examiné l’effet de la PN sur les taux d’APS chez les patients atteints d’un cancer de la prostate hormonoréfractaire. La réduction des taux d’APS atteignait au moins 50 % chez 34 % des patients et 75 % chez 14 % des patients. En conséquence, 48 % des patients ont vu leurs taux d’APS diminuer de plus de 50 %. Certaines critiques ont été formulées quant au fait que les résultats n’atteignaient pas la norme recommandée de 50 % des patients. Quoi qu’il en soit, on ne peut nier que les résultats montraient que la PN était tolérée et qu’elle avait un effet anticancéreux chez un sous-ensemble de patients atteints d’un cancer de la prostate.

[85] Dans Fossa (2001), les résultats étaient moins encourageants, avec environ 20 % seulement des patients chez qui la réduction des taux d’APS dépassait 50 %. Toutefois, les auteurs ont conclu que [TRADUCTION] « [...] la monothérapie par PN à faible coût devrait être envisagée comme une manipulation hormonale standard pour le traitement de première intention du cancer de la prostate hormonorésistant, mais l’association avec un traitement cytotoxique tolérable devrait être explorée ».

[86] L’année suivante dans Fakih (2002), les auteurs ont conclu qu’un glucocorticoïde pouvait exercer un effet antitumoral sur le cancer de la prostate androgéno-indépendant en supprimant les androgènes surrénaliens.

[87] La revue de la littérature concernant la PN se conclut par l’examen de Harris (2002), une étude prospective de phase II. Selon cette étude, [TRADUCTION] « […] les glucocorticoïdes administrés seuls peuvent avoir des effets antitumoraux médiés soit par l’interaction directe avec les récepteurs des androgènes, soit par la rétro-inhibition de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien ».

[88] Pour compléter le tableau, l’art antérieur révélait l’utilisation d’agents combinés pour traiter le cancer de la prostate. Gerber (1990), au sujet du kétoconazole et de la PN dans le cancer de la prostate réfractaire, notait qu’un petit groupe de patients ayant reçu un blocage androgénique tireraient profit d’un traitement par glucocorticoïdes et kétoconazole.

[89] O’Donnell (2004) mentionnait précisément l’AA et la nécessité de déterminer si un traitement concomitant par un glucocorticoïde était nécessaire sur une base continue en période de stress psychologique.

[90] Vidal (2004), dont le Dr de Bono est l’un des auteurs, en plus d’aborder l’utilisation de stéroïdes à faible dose comme inhibiteurs d’enzymes clés, notait que l’association de médicaments pourrait améliorer les résultats.

[91] Les connaissances générales courantes englobaient le rôle de l’AA, le rôle de la PN et le recours à une association de composés dans le traitement du cancer de la prostate.

V. Invention

[92] Les inventeurs n’ont découvert aucun des médicaments de cette association. L’AA a été synthétisé et décrit pour la première fois en 1994. Dix (10) ans plus tard, une petite société californienne, Cougar Biotechnology, Inc., a obtenu le droit de développer l’AA. Les premiers essais cliniques parrainés par Cougar ont débuté en décembre 2005 sous la direction du Dr de Bono.

[93] Avant le début des essais cliniques, l’état de la technique connu par une personne versée dans l’art (il a généralement été admis qu’il n’y avait pas de différence importante entre l’état de la technique et les connaissances générales courantes) était que malgré la castration, les cellules cancéreuses de la prostate étaient toujours stimulées par la testostérone produite dans les glandes surrénales. Ainsi, les hormonothérapies visant à réduire la production d’androgènes surrénaliens (testostérone) pourraient être utiles chez les patients atteints d’un cancer de la prostate androgéno-indépendant. On savait également que les inhibiteurs de l’enzyme CYP17 (aminoglutéthimide et kétoconazole) avaient démontré une activité antitumorale modeste en raison de leur capacité à supprimer la synthèse des androgènes surrénaliens. On a donc voulu trouver des inhibiteurs plus sélectifs de l’enzyme CYP17.

[94] Avant le début des essais, on savait que l’AA était un inhibiteur de l’enzyme CYP17 pouvant traiter le cancer de la prostate. D’autres chercheurs avaient déterminé que l’AA était un puissant inhibiteur irréversible de l’enzyme CYP17. Les collègues du Dr de Bono à l’ICR avaient mené trois essais de phase I dans lesquels l’AA était administré à des patients atteints de cancer de la prostate castrés et non castrés.

[95] La PN était également connue pour supprimer la production des androgènes qui stimulent la croissance des cellules cancéreuses de la prostate. Pour cette raison, ainsi que pour leurs effets palliatifs largement connus, l’administration de PN et d’autres glucocorticoïdes représentait fréquemment la « norme de soins » chez les patients atteints d’un cancer de la prostate au stade avancé.

[96] Le Dr de Bono savait tout ce qui précède et que l’administration d’AA sans glucocorticoïde pouvait entraîner une toxicité endocrinienne. Même s’il savait que l’administration de glucocorticoïdes, y compris la PN, protégerait les patients des effets secondaires, et malgré la pression de ses collègues, le Dr de Bono a renoncé à l’ajout d’un glucocorticoïde concomitant au début de la première étude, COU-AA-001 [étude 001], parce qu’il voulait une étude « propre » de l’AA, exempte d’effet de tout autre médicament anticancéreux, tout en sachant que l’administration de glucocorticoïdes, y compris la PN, protégerait les patients contre les effets secondaires.

[97] L’étude 001 menée en 2005 visait à évaluer l’innocuité, la tolérabilité et l’efficacité d’une monothérapie par l’AA chez des hommes atteints d’un cancer de la prostate métastatique hormonorésistant qui n’avaient reçu aucune chimiothérapie. Une posologie de 1 000 mg/jour d’AA a été retenue à la lumière des résultats.

[98] L’étude 001 faisait partie des démarches entreprises en vue d’éprouver l’hypothèse du Dr de Bono décrite précédemment. Ce dernier a conçu une étude de prolongation de l’étude 001 dans laquelle la dexaméthasone (le glucocorticoïde disponible à l’ICR) serait ajoutée après l’augmentation des taux d’APS. Cet aspect constituait une étude exploratoire. Ses collègues se sont opposés à son idée d’attendre avant d’ajouter un glucocorticoïde, mais convenaient qu’il était nécessaire d’administrer un glucocorticoïde avec l’AA.

[99] L’étude 001 a montré que l’AA pouvait être efficace dans le traitement du cancer de la prostate et que, lorsque le patient cessait de répondre à l’AA en monothérapie, l’ajout d’un glucocorticoïde pouvait conduire à une nouvelle réponse, ce qui neutralisait la résistance à l’AA.

[100] Les résultats de l’étude 001 ont été publiés dans O’Donnell (2004). Il s’agit d’un document essentiel, en particulier en ce qui concerne « l’évidence ». Un passage clé fréquemment évoqué est :

[traduction]

Dans l’utilisation clinique de l’aminoglutéthimide et du kétoconazole, il est courant d’administrer de l’hydrocortisone en complément, et cela pourrait s’avérer nécessaire avec les inhibiteurs de l’enzyme 17α-hydroxylase/C17,20-lyase tels que l’acétate d’abiratérone. Toutefois, l’omission d’un traitement substitutif par glucocorticoïdes lors de l’administration d’aminoglutéthimide et de kétoconazole s’est révélée sûre et efficace (Eichenberger et Trachtenberg, 1988; Dowsett et al., 1988; Harnett et al., 1987; Rostom et al., 1982). À la lumière de ces données cliniques, d’autres études sur l’acétate d’abiratérone seront nécessaires pour déterminer si un traitement concomitant par un glucocorticoïde est nécessaire en permanence, en période de stress physiologique, si les patients deviennent symptomatiques ou en aucun cas.

[101] Pour certains, O’Donnell (2004) dit simplement que l’innocuité est assurée et qu’une étude plus approfondie s’impose. Cependant, d’autres soutiennent que O’Donnell (2004) indique clairement que l’administration simultanée d’un glucocorticoïde devra être incluse dans toute étude future sur la pertinence ou les modalités de l’administration d’inhibiteurs de l’enzyme CYP17 comme l’AA.

Les demanderesses ont beaucoup insisté sur le fait que ce sont l’aminoglutéthimide et le kétoconazole qui ont été administrés, et non la PN.

[102] L’étude 001 a fait l’objet de commentaires, de discussions et d’articles, dont certains sont cités ci-dessous. Elle a été présentée (par affichage) en juin 2007 à l’American Society of Clinical Oncology et publiée dans Attard (2008) et Attard (2009).

[103] Les courriels divulgués ont révélé la nature et l’ampleur des préoccupations relatives au fait que les glucocorticoïdes n’étaient pas administrés dès le début du traitement par l’AA pour la sécurité des patients. Parmi ces preuves, notons la FDA en 2005 qui, à l’époque, exigeait un traitement substitutif par glucocorticoïdes dans toute étude à doses multiples, suggérant un glucocorticoïde avec une activité minéralocorticoïde minimale comme la PN, au lieu de l’hydrocortisone ou de la dexaméthasone.

[104] Malgré les préoccupations de la FDA, les essais sur l’AA en monothérapie étaient autorisés. Des incidents d’hypokaliémie, d’hypertension et d’autres effets secondaires ont été signalés. Le concept de monothérapie par l’AA a été abandonné en mars 2008 lorsqu’un patient participant à une autre étude a souffert d’hypokaliémie et est décédé.

[105] Les deux études suivantes, COU-AA-002 [étude 002] et COU-AA-003 [étude 003], étaient conçues pour évaluer l’efficacité de la monothérapie par l’AA en l’absence de chimiothérapie antérieure, puis à la suite d’une chimiothérapie. Ces études ont débuté en juillet et en novembre 2006. L’étude 002 a été modifiée en mai 2007 pour permettre une association d’AA et de PN, tandis que l’étude 003 autorisait l’utilisation de stéroïdes à faible dose au besoin.

[106] Comme il a été confirmé par les faits convenus et divers témoins, en août 2007, les résultats de plusieurs patients des études 002 et 003 avaient démontré que la monothérapie par l’AA était sûre. Les études montraient que les glucocorticoïdes peuvent contribuer à l’effet anticancéreux de l’association avec l’AA.

[107] Cependant, l’autorisation réglementaire de l’AA fondée sur des études de phase III (menées après la date de dépôt au Canada) reposait sur l’utilisation de l’AA et de la PN en association.

[108] En ce qui concerne ces études de phase III, le Dr de Bono a indiqué que l’association de l’AA et de la PN avait procuré une amélioration inattendue de la survie des patients; cependant, il n’a pas qualifié d’étonnant l’effet anticancéreux. Le Dr de Bono et de nombreux autres témoins utilisaient les expressions « amélioration de la survie » et « effets anticancéreux » sans distinction, alors que ce sont des concepts différents dans le contexte du présent litige.

Bien que le Dr de Bono soit un inventeur nommé, le brevet 422 ne fait pas référence à son travail, et il ne s’appuie pas directement sur celui-ci. En fait, l’invention n’est pas le concept auquel travaillait le Dr de Bono. Toutefois, un tel fait n’invalide pas un brevet.

VI. Interprétation des revendications

A. Personne versée dans l’art

[109] La description de la personne versée dans l’art est bien établie dans Free World Trust c Électro Santé Inc, 2000 CSC 66 au para 44 [Free World Trust] – [traduction] « un être fictif ayant des compétences et des connaissances usuelles dans l’art dont relève l’invention et un esprit désireux de comprendre la description qui lui est destinée ». Hospira CAF souligne le manque d’inventivité de la personne versée dans l’art.

[110] Les parties acceptent la description de la personne versée dans l’art (légèrement différente de celle de la décision relative à l’AC 2019), à savoir un médecin spécialisé en oncologie médicale ou en urologie qui posséderait des connaissances ou qui pourrait consulter des personnes ayant une expertise dans un domaine connexe, y compris l’endocrinologie. Le brevet 422 s’adresse à un médecin spécialisé en urologie ou en oncologie médicale qui possède une vaste expérience pratique dans le traitement des patients atteints d’un cancer de la prostate en plus de connaissances en endocrinologie, ou qui aurait accès à l’expertise d’un endocrinologue.

B. Revendications

[111] Les parties n’ont pas argumenté vigoureusement au sujet de l’interprétation des revendications. Les revendications du brevet doivent être interprétées du point de vue d’une personne versée dans l’art à la date de publication, le 28 février 2008. Rien ne tend à indiquer qu’il y a une différence entre l’interprétation du 23 août 2007 et celle du 28 février 2008.

[112] Les principes d’interprétation des revendications en droit canadien des brevets ont été énoncés par la Cour suprême du Canada dans les arrêts Whirlpool Corp c Camco Inc, 2000 CSC 67 aux para 49 à 55, et Free World Trust, aux para 44 à 54. Ces principes sont les suivants :

[113] L’interprétation se fait en une même fois pour toutes les questions (validité et contrefaçon), et elle est faite avec un esprit désireux de comprendre. Les mémoires descriptifs peuvent être utiles pour l’interprétation; ils ne peuvent pas étendre ou restreindre la revendication.

[114] Le brevet 422 concerne le traitement du cancer de la prostate par l’administration d’un inhibiteur de l’enzyme 17α-hydroxylase/C17,20-lyase, comme l’AA, en association avec au moins un autre agent thérapeutique supplémentaire tel qu’un agent anticancéreux ou un stéroïde. Les inhibiteurs comprennent un grand nombre de composés.

[115] Le brevet indique que l’AA était déjà connu comme traitement pour le cancer de la prostate. Les défenderesses font valoir que Janssen « est lié[e] » par son admission (voir Bristol-Myers Squibb Canada c Apotex Inc, 2017 CF 296 au para 183 et les affaires citées).

Il semble que les demanderesses n’ont pas contesté ce fait, et ce n’était pas possible non plus, compte tenu de la preuve concernant les connaissances générales courantes.

[116] Il est important de noter que la divulgation souligne [traduction] « qu’au moins un agent thérapeutique supplémentaire peut être un vaste éventail de centaines d’autres médicaments comprenant au moins soixante-dix catégories fonctionnelles connues », y compris des stéroïdes comme la dexaméthasone et la PN.

[117] L’historique du dossier du Bureau des brevets révèle que les revendications étaient initialement formulées de façon générale, mais ne contenaient pas le même libellé que les revendications invoquées. Ces revendications ont été réécrites en 2013 pour éliminer toute référence à des composés autres que l’AA et la PN. Les défenderesses font valoir que cette théorie de validation après le fait, du moins dans le contexte d’une analyse de l’utilité, est incompatible avec la politique en matière de brevets.

En toute déférence, j’estime que l’argument de Glaxo/Wellcome n’est conforme ni à la Loi (où la preuve de l’utilité requise n’est pas différée aléatoirement au moment où cette preuve pourrait être exigée) ni à la politique en matière de brevets (qui ne consiste pas à encourager l’accumulation de divulgations inutiles ou trompeuses). Si l’état du droit était différent, les grandes sociétés pharmaceutiques pourraient (sous réserve de considérations relatives aux coûts) adopter une approche tous azimuts en faisant breveter une multitude de composés chimiques à toutes sortes de fins souhaitables mais non réalisées, dans l’espoir que, comme à la loterie, un certain pourcentage des composés s’avéreront, par un heureux hasard, utiles aux fins revendiquées. Un tel système de brevets récompenserait la capacité de payer ainsi que l’ingéniosité des agents de brevets plutôt que celle des véritables inventeurs.

Apotex Inc c Wellcome Foundation Inc, 2002 CSC 77 au para 80

[118] Les revendications invoquées font chacune référence à l’utilisation d’une quantité thérapeutiquement efficace d’AA et d’une quantité thérapeutiquement efficace de PN pour le traitement du cancer de la prostate (revendications 3, 6 et 7), du cancer de la prostate réfractaire (cancer qui ne répond pas au traitement, qui n’y répond pas suffisamment ou qui est récurrent ou récidivant) (revendication 14) et du cancer de la prostate réfractaire qui ne répond pas à un ou plusieurs agents anticancéreux (revendication 15) [souligné par la Cour]. Les revendications non invoquées sont essentiellement les mêmes.

[119] Les définitions sont évidemment importantes pour l’interprétation des revendications. En l’espèce, le breveté crée son propre lexique qui régit l’interprétation du brevet. Voici les définitions les plus importantes à cette fin :

[TRADUCTION]

[120] Les expressions « quantité thérapeutiquement efficace d’acétate d’abiratérone » et « quantité thérapeutiquement efficace de prednisone » décrivent l’utilisation et la qualité de chacun des agents dans le traitement du cancer de la prostate lorsqu’ils sont utilisés en association.

[121] Les termes « traiter » (ou « traitement ») comprennent [traduction] « l’éradication, l’ablation, la modification, la prise en charge et le contrôle d’une tumeur ou de cellules ou tissus cancéreux primitifs, localisés ou métastatiques, ainsi que la réduction ou le ralentissement de la propagation du cancer ».

La définition mentionne l’effet sur la tumeur ou sur les cellules cancéreuses. Elle ne traite pas d’autres effets palliatifs ou d’autres effets secondaires ni ne mentionne et encore moins n’implique une « amélioration de la survie ». Elle n’affirme pas non plus un effet anticancéreux accru, une durée d’efficacité prolongée ou une inversion de la résistance à tout médicament.

[122] Un « agent anticancéreux » est tout agent thérapeutique qui, directement ou indirectement, tue les cellules cancéreuses ou empêche, arrête ou réduit leur prolifération. Contrairement à l’argument des demanderesses, la définition ne dit pas que les effets d’un agent anticancéreux se produisent nécessairement lorsqu’il est utilisé en association avec l’AA uniquement (cette interprétation est celle du Dr Rettig, et non celle de la Cour).

[123] Enfin, selon moi, comme le précise l’avis de conformité de 2019, l’AA et la PN doivent tous deux être efficaces pour traiter le cancer de la prostate. Alors que les demanderesses soutiennent qu’il n’y a aucune raison pratique pour laquelle chacun des agents devrait être efficace lorsqu’il est administré seul, c’est ce que disent les revendications.

En outre, et contrairement à la procédure relative à l’AC 2019, des preuves suffisantes montrent qu’on attribuait un certain effet anticancéreux à la PN, en plus de ses effets palliatifs reconnus de longue date.

[124] Après avoir terminé l’analyse de l’interprétation de la revendication, il est plus utile d’examiner d’abord les questions de validité, en particulier l’évidence, car elles permettent de trancher le présent litige. La Cour examine également l’allégation de contrefaçon de manière à ce que les parties aient au moins une réponse complète aux questions soulevées dans le présent litige.

VII. Validité

A. Évidence et essai allant de soi

(1) Cadre

[125] L’article 28.3 de la Loi sur les brevets, RSC 1985, c P-1, exige que l’« objet que définit la revendication » ne soit pas évident à la date de la revendication pour une personne versée dans l’art, compte tenu de l’état de la technique.

En l’espèce, les défenderesses prétendent qu’il s’agit d’un [traduction] « essai allant de soi », soit une variation sur le thème de l’évidence.

[126] Dans Eli Lilly Canada Inc c Mylan Pharmaceuticals ULC, 2020 CF 816, la juge St-Louis a fourni un examen utile de la confusion dans la loi au cours des dernières années concernant l’évidence, les allégations et les concepts inventifs. La Cour suit directement l’orientation donnée dans Hospira CAF et concentre son examen sur les revendications invoquées du brevet 422. Une question cruciale consiste à savoir, au regard des revendications invoquées, ce qui était inventif (non évident) à propos de la combinaison de l’AA et de la PN (dans les quantités précises) pour traiter le cancer de la prostate, y compris le cancer de la prostate réfractaire.

[127] Les demanderesses affirment qu’il n’allait pas de soi pour une personne versée dans l’art de proposer une association d’AA et de PN dans laquelle les deux agents contribuent à l’efficacité de l’association, en partie parce que le mécanisme de la résistance à l’hormonothérapie n’était pas compris dans le cancer de la prostate métastatique hormonorésistant. Les demanderesses soutiennent qu’il n’allait pas de soi d’ajouter un glucocorticoïde dans l’espoir de générer une nouvelle réponse à l’AA en présence d’une résistance clinique à l’AA.

Comme nous l’avons vu dans la section sur l’interprétation des revendications, les revendications invoquées n’abordent pas et n’incluent pas une inversion de la résistance à l’AA.

[128] L’état de la technique ne se limite pas à l’art qui aurait été découvert au moyen de recherches raisonnablement diligentes – sauf potentiellement à l’étape 4 de l’analyse de l’évidence préconisée dans Sanofi (Hospira CAF, au para 86). En tout état de cause, le choix de l’état de la technique est entre les mains de la partie qui invoque l’évidence.

[129] L’analyse de l’évidence préconisée dans Sanofi compte quatre étapes :

[130] La personne versée dans l’art théorique possède certaines des qualités d’un technicien compétent (déduction et dextérité) mais d’autres lui font défaut (inventivité et imagination). La qualité de l’inventivité vise la capacité d’examiner un problème d’une manière qui ne serait pas évidente pour d’autres personnes dans leur domaine (Hospira CAF, au para 80).

[131] Dans Sanofi, la Cour suprême a déclaré que dans le cadre analytique actuel « où les progrès sont souvent le fruit de l’expérimentation », le recours à la notion d’« essai allant de soi » pourrait être indiqué.

[132] Au paragraphe 66 de cette décision, la Cour suprême a exposé le critère à respecter :

Pour conclure qu’une invention résulte d’un « essai allant de soi », le tribunal doit être convaincu selon la prépondérance des probabilités qu’il allait plus ou moins de soi de tenter d’arriver à l’invention. La seule possibilité d’obtenir quelque chose ne suffit pas.

[133] La Cour suprême a également donné dans Sanofi les indications suivantes sur ce qui constitue effectivement les quatre facteurs devant être considérés comme une circonstance allant de soi :

[69] Lorsque l’application du critère de l’« essai allant de soi » est justifiée, les éléments énumérés ci‑après doivent être pris en compte à la quatrième étape de l’examen de l’évidence. Tout comme ceux pertinents pour l’antériorité, ils ne sont pas exhaustifs et s’appliquent selon la preuve offerte dans le cas considéré.

1. Est-il plus ou moins évident que l’essai sera fructueux? Existe-t-il un nombre déterminé de solutions prévisibles connues des personnes versées dans l’art?

2. Quels efforts – leur nature et leur ampleur – sont requis pour réaliser l’invention? Les essais sont-ils courants ou l’expérimentation est-elle longue et ardue, de telle sorte que les essais ne peuvent être qualifiés de courants?

3. L’art antérieur fournit-[il] un motif de rechercher la solution au problème qui sous-tend le brevet?

[70] Les mesures concrètes ayant mené à l’invention peuvent constituer un autre facteur important. Il est vrai que l’évidence tient en grande partie à la manière dont l’homme du métier aurait agi à la lumière de l’art antérieur. Mais on ne saurait pour autant écarter l’historique de l’invention, spécialement lorsque les connaissances des personnes qui sont à l’origine de la découverte sont au moins égales à celles de la personne versée dans l’art.

[134] Il convient de noter que, bien que le fait qu’il allait « plus ou moins de soi de tenter d’arriver à l’invention » (Sanofi, au para 66) soit une exigence pour l’essai allant de soi, le fait d’être « plus ou moins évident que l’essai sera fructueux » (Sanofi, au para 69) n’est pas une exigence mais un facteur à prendre en considération.

[135] Pour ce qui est de la question de savoir si « l’essai sera fructueux », il est clair que la certitude du succès n’est pas nécessaire sinon il ne serait pas utile de le décrire comme quelque chose à « tenter ». Le terme « tenter » sous-entend la possibilité d’un échec mais avec l’attente d’un succès. Il n’est jamais facile de le définir sur un spectre de succès probables, mais il ne s’agit pas d’une passe « Hail Mary » de Doug Flutie de Boston College ni d’un « but dans un filet ouvert » de Wayne Gretsky. Certaines expériences limitées sont autorisées dans le contexte du deuxième facteur. Elles ne doivent pas être ardues, inventives ou inhabituelles.

[136] L’évaluation des facteurs énumérés au paragraphe précédent est un exercice fondé sur des faits, lesquels sont propres à l’affaire. Le quatrième facteur est étroitement lié au deuxième facteur (Sanofi, au para 71).

[137] La Cour est tenue d’évaluer et de soupeser les facteurs, certains ayant plus de poids que d’autres dans une affaire donnée, pour arriver à sa conclusion concernant l’« essai va de soi ». La Cour doit éviter de bénéficier de l’avantage du recul. Pratiquement tout est évident une fois découvert.

(2) Étape 1 – État de la technique et connaissances générales courantes – le 23 août 2007

[138] Le point de départ de l’analyse de l’essai allant de soi est l’état de la technique et les connaissances générales courantes au moment pertinent. À part le fait que le Dr Rettig s’est appuyé sur l’état de la technique en ce qui concerne l’amélioration de la survie, il y avait peu de désaccords sur l’état de la technique. Les conclusions finales des défenderesses exposent clairement l’état de la technique et une synthèse des éléments de preuve examinés précédemment.

Le Dr Rettig, dans l’une de ses nombreuses rétractations de la preuve en contre‑interrogatoire, a reconnu que les traitements exposés dans le brevet 422 n’avaient pas à établir une amélioration de la survie et a fini par admettre bon nombre des points soulevés par les experts des défenderesses (voir, par exemple, la transcription, aux p 1545 à 1558).

[139] Comme l’a établi le Dr Lipton, lorsque les cellules cancéreuses deviennent un CPHR, il est possible d’entreprendre un traitement hormonal de deuxième intention qui réduit la production de testostérone dans les glandes surrénales.

L’art antérieur révélait que le cancer de la prostate répond à l’hormonothérapie.

[140] Un indicateur clé dans le traitement du cancer de la prostate (le terme « traitement » étant utilisé dans le brevet et dans l’art) est le résultat au test de l’APS (antigène prostatique spécifique), un test courant proposé aux hommes à partir de la cinquantaine. Selon les lignes directrices de 2007 du NCCN et la pratique courante dans la profession, une « réponse de l’APS » correspond à une réduction d’au moins 50 %, confirmée par un second test effectué après un délai d’au moins quatre semaines. Les patients qui remplissent ce critère sont susceptibles d’avoir eu une réponse cliniquement significative ou, autrement dit, un effet anticancéreux.

Le résultat au test de l’APS était une mesure de substitution dans le traitement du cancer de la prostate et un marqueur clé de la progression (résultat négatif) ou du déclin des cellules cancéreuses (résultat positif).

[141] L’aminoglutéthimide, le kétoconazole et l’AA étaient connus comme étant des inhibiteurs de l’enzyme CYP17, bloquant ainsi la synthèse des androgènes, et faisaient partie d’une classe de médicaments utilisés pour traiter le cancer de la prostate métastatique hormonorésistant. Ils inhibent les enzymes qui produisent de la testostérone à partir du cholestérol. Cela a été confirmé par les Drs Nam et Lipton et, bien que le Dr Rettig l’ait nié dans la procédure relative à l’AC 2019, il semble maintenant l’accepter.

[142] Comme l’ont établi les Drs Nam et Lipton, l’aminoglutéthimide était connu pour avoir des effets anticancéreux dans les brevets relatifs au traitement du cancer de la prostate. Un fait que le DRettig, l’ayant nié dans la procédure relative à l’AC 2019, a été contraint de reconnaître.

[143] Bon nombre de témoignages d’experts et d’études établissent que les effets thérapeutiques anticancéreux du kétoconazole étaient connus. Encore une fois, le Dr Rettig a dû concéder ce point après l’avoir nié dans la procédure relative à l’AC 2019. Il a admis avoir utilisé le kétoconazole avec la PN dans le traitement du cancer de la prostate.

Le kétoconazole a été utilisé hors indication dans le traitement du cancer de la prostate, car il réduit la production de testostérone. Qui plus est, son utilisation a été recommandée dans les lignes directrices de 2005 et de 2007 du NCCN.

[144] Il est important de noter que l’administration d’inhibiteurs des androgènes surrénaliens était connue pour avoir une incidence sur plusieurs voies de synthèse des stéroïdes et pour compromettre la production de cortisol. L’utilisation de l’aminoglutéthimide et du kétoconazole impliquait un traitement substitutif par glucocorticoïdes.

Il y avait plusieurs façons de contrer l’insuffisance surrénale, la faible réserve surrénalienne et l’excès de minéralocorticoïdes. Cependant, le traitement substitutif par glucocorticoïdes avec la PN, la dexaméthasone ou l’hydrocortisone était une pratique clinique courante. La PN était connue pour avoir des effets palliatifs et anticancéreux, comme il est exposé plus loin.

[145] L’AA, un inhibiteur de l’enzyme CYP17, s’est avéré utile dans le traitement du cancer de la prostate. Le rôle des inhibiteurs de l’enzyme CYP17 (également appelés inhibiteurs de la synthèse des androgènes) dans le traitement du cancer de la prostate est reconnu dans le brevet 422.

[146] Les premières publications, telles que Gerber (1990), donnent à penser que lorsque les taux d’APS augmentent, les patients peuvent être traités avec une combinaison de kétoconazole et d’un glucocorticoïde. Potter (1995) et Barrie (1994) ont décrit l’activité de l’AA in vitro et chez l’animal. L’AA était basé sur le kétoconazole et O’Donnell (2004) notait que l’AA faisait passer la testostérone en dessous des valeurs obtenues par castration. O’Donnell (2004) est un article important de l’art antérieur, dont les limites ont été discutées plus tôt, mais l’essentiel de la preuve indique que O’Donnell a montré la voie vers le brevet.

[147] L’AA était administré avec un traitement substitutif par glucocorticoïdes, tout comme le kétoconazole et l’aminoglutéthimide. La nécessité d’un traitement substitutif par glucocorticoïdes a été reconnue même par le Dr de Bono, qui voulait éviter de l’utiliser dans ses études le plus longtemps possible.

[148] La preuve montre que l’AA était plus sélectif que les deux autres inhibiteurs connus de l’enzyme CYP17, qui avaient comme effet souhaitable de diminuer les androgènes, mais aussi comme effets indésirables de diminuer les taux de cortisol et d’augmenter les minéralocorticoïdes. Ces effets pouvaient se solder par une insuffisance surrénale combinée à un excès de minéralocorticoïdes, une situation potentiellement fatale en l’absence de traitement.

[149] O’Donnell (2004) signalait l’obtention de taux de cortisol anormalement bas dans les tests à la cosyntrophine. Le rôle et l’importance des tests à la cosyntrophine sont abordés plus tôt en lien avec le témoignage du Dr Bantle.

[150] Comme l’a indiqué le DBantle, un endocrinologue versé dans l’art serait préoccupé par le fait que l’AA engendre de faibles réserves surrénaliennes, une insuffisance surrénale et un excès de minéralocorticoïdes. Selon ses explications, un endocrinologue serait consulté au sujet des tests à la cosyntrophine et de l’effet indésirable de l’AA. Le témoignage du Dr Auchus sur cette question n’a pas été convaincant.

[151] La mise en garde de O’Donnell (2004) concernant les études futures a été évoquée précédemment. Toutefois, la Cour conclut que la force probante de la preuve est telle qu’une personne versée dans l’art, forte de l’expérience acquise avec l’aminoglutéthimide et le kétoconazole, s’attendrait à des effets secondaires de l’AA et à la nécessité d’un traitement concomitant par un glucocorticoïde.

[152] À cet égard, la Cour accepte l’explication du Dr Bantle selon laquelle la PN pourrait traiter efficacement l’insuffisance surrénale, la faible réserve surrénalienne et l’excès de minéralocorticoïdes. L’ajout d’un glucocorticoïde, tel que la PN, remplace le cortisol naturel que l’organisme produirait en l’absence d’AA et prévient notamment l’hypertension et l’hypokaliémie.

[153] Il a été reconnu que tous les médicaments peuvent avoir des effets secondaires. La nécessité, par exemple, de prendre un antiacide lors de la prise d’un médicament en vente libre contre l’arthrite en est une bonne illustration. Cependant, les effets secondaires des glucocorticoïdes, y compris la PN, n’auraient pas dissuadé un endocrinologue versé dans l’art d’administrer ces médicaments. La solution du Dr Auchus consistant à prescrire de la spironolactone, laquelle est connue pour exacerber le cancer de la prostate, n’est pas étayée.

[154] L’utilisation de l’AA ou d’un inhibiteur de l’enzyme CYP17, en association avec un glucocorticoïde dans le traitement du cancer de la prostate, était manifestement envisagée par les personnes versées dans l’art, comme en témoignent les nombreux articles de synthèse, manuels et essais cliniques en cours. L’AA, en raison de sa nature plus sélective, était de toute évidence un traitement cible.

[155] J’en conclus qu’une personne versée dans l’art aurait vu les résultats du kétoconazole comme une base pour passer à la prochaine étape d’investigation avec l’AA, en remplaçant le kétoconazole par l’AA, car l’AA était un inhibiteur supérieur, plus sélectif. Même la dose de 10 mg par jour peut être transposée d’un composé à l’autre.

[156] Il était connu que la PN pouvait traiter les cancers de la prostate de trois façons : 1) un effet anticancéreux (selon la définition du brevet 422); 2) un effet comme traitement substitutif par glucocorticoïdes; et 3) des effets palliatifs pour lesquels elle était principalement connue.

Les témoignages des Drs Nam et Lipton confirment ce qui précède et diverses publications, telles que Tannock (1989), Sartor (1998), Fossa (2001), Fakih (2002) et Lam (2006), abordent cette question et confirment les étapes ayant mené à la découverte.

[157] Rien ne laissait craindre que les glucocorticoïdes, et la PN en particulier, annulent ou entravent l’activité anticancéreuse des inhibiteurs de l’enzyme CPY17 tels que l’AA.

[158] L’utilisation d’agents anticancéreux en association était largement acceptée. En ce qui concerne l’activité anticancéreuse de la PN et d’autres glucocorticoïdes, leur utilisation avec l’aminoglutéthimide et le kétoconazole l’avait mise en évidence. Le Dr de Bono a reconnu ce fait, mais a d’abord utilisé un autre glucocorticoïde parce que celui-ci était disponible à l’IRC.

[159] La PN était surtout connue et utilisée pour ses effets palliatifs, qui atténuaient les effets du cancer et amélioraient la qualité de vie, en particulier chez les patients atteints de cancers de la prostate en phase terminale.

[160] En résumé, l’art antérieur concernant l’AA a révélé que la suppression des taux de testostérone sérique et de précurseurs surrénaliens était prévue. L’AA était à l’étude et des articles de synthèse recommandaient que tout patient recevant de l’AA soit étroitement surveillé pour détecter des signes d’insuffisance surrénale, d’excès de minéralocorticoïdes et des autres effets secondaires évoqués ci-dessus. La nécessité d’un traitement concomitant par un glucocorticoïde était également reconnue.

[161] Contrairement à la procédure relative à l’AC 2019, dans laquelle la preuve étayait presque le recours à l’administration simultanée d’AA et de PN pour l’obtention d’effets anticancéreux, la preuve en l’espèce démontre qu’une telle association était évidente. La preuve contraire comportait de graves lacunes.

[162] Comme je l’ai mentionné, ce qui est en cause n’est pas une preuve absolue de la science, mais les connaissances générales courantes acceptées de la personne versée dans l’art et l’état de la technique. Une personne versée dans l’art aurait considéré une telle administration simultanée comme une étape logique, un essai allant de soi.

(3) Étape 2 – Différences entre l’état de la technique et les revendications invoquées

[163] Les demanderesses font valoir que les différences entre l’invention du brevet 422 et les connaissances générales courantes et l’état de la technique en août 2007 étaient trop importantes (pour faciliter la lecture, les prétentions précises sont entre guillemets).

[164] « L’AA n’était pas connu pour traiter le cancer de la prostate. » Ce n’est pas le cas. Comme l’a montré O’Donnell (2004), l’AA pouvait supprimer durablement la production de testostérone chez les hommes castrés à une dose quotidienne de 500 à 800 mg, ce qui permettait d’envisager son utilisation comme traitement hormonal de deuxième intention.

[165] Selon moi, la preuve indique que l’AA avait été désigné dans l’art antérieur comme un traitement de deuxième intention efficace contre le cancer de la prostate. L’AA surpassait le kétoconazole, car il était plus sélectif et supprimerait la production de testostérone de manière ciblée, sans inhiber la production d’autres hormones stéroïdes importantes comme l’aldostérone.

[166] Les schémas posologiques de l’AA et de la PN étaient même décrits dans l’art antérieur (800 mg/jour et 10 à 20 mg/jour, respectivement, bien que O’Donnell (2004) craignait que 800 mg ne suffise pas).

[167] Il faut conclure que l’état de la technique n’écartait pas cette association, au contraire.

[168] « La PN n’était pas connue pour traiter efficacement le cancer de la prostate. » Les témoignages fournis notamment par les Drs Nam et Gotto montrent qu’il était connu qu’elle pouvait traiter le cancer de la prostate. Le mode d’action et le degré d’efficacité n’étaient pas établis, mais étant donné l’absence de seuils de performance dans le brevet, ce dernier point n’est pas pertinent à l’égard des revendications invoquées.

[169] « L’art antérieur n’indiquait pas que l’AA et la PN devaient être associés. » Comme on l’a vu plus haut, on savait que l’AA était administré avec un glucocorticoïde pour prévenir l’insuffisance surrénale, et la PN était un choix logique de glucocorticoïde.

(4) Étape 3 – Différences entre l’état de la technique et le concept inventif de la revendication ou de la revendication ainsi qu’elle est interprétée

[170] Il y avait quelques différences entre les connaissances générales courantes et les revendications invoquées, mais elles ne sont pas importantes au point où une personne versée dans l’art ne pourrait pas continuer sur la voie de l’invention. Pour une personne versée dans l’art, les connaissances générales courantes et l’état de la technique laissent augurer que l’AA pourrait être combiné avec la PN avec une probabilité raisonnable de succès dans le traitement du cancer.

[171] L’idée originale des revendications invoquées est l’association de quantités thérapeutiquement efficaces d’AA et de PN dans le traitement du cancer de la prostate (revendications 3, 6 et 7), du cancer réfractaire (revendication 14) et du cancer de la prostate réfractaire qui ne répond pas à un agent anticancéreux (revendication 15) chez un être humain. Cette idée originale est tout à fait semblable aux revendications interprétées.

[172] En réponse à la prétention des demanderesses selon laquelle il y aurait des différences (observations finales écrites des demanderesses, au para 77), la Cour a conclu ceci :

Comme il est indiqué dans les paragraphes qui suivent, il n’y aurait pas nécessité d’ingéniosité pour parvenir aux revendications invoquées.

[173] Tout ce qu’il manque à l’état de la technique et aux connaissances générales courantes est une personne qui combine concrètement l’AA et la PN en vue de traiter le cancer de la prostate, y compris le cancer de la prostate réfractaire. Compte tenu de la preuve, cette démarche était une étape logique dans l’évolution du traitement du cancer de la prostate.

[174] Il était logique d’associer un inhibiteur de l’enzyme CYP17 avec un glucocorticoïde et plus particulièrement l’AA avec la PN pour traiter le cancer de la prostate, y compris le cancer de la prostate réfractaire ne répondant pas au traitement. Les Drs Nam et Lipton le confirment; même le Dr Rettig avait recouru à l’association de kétoconazole et d’hydrocortisone ou de PN.

Il y avait des raisons amplement suffisantes pour qu’une personne versée dans l’art combine l’AA et la PN dans le traitement du CPHR.

[175] Les demanderesses s’appuient continuellement sur l’absence d’amélioration de la survie apportée par les traitements médicamenteux, à l’exception du docétaxel, pour soutenir qu’il n’allait pas de soi de tenter d’associer l’AA et la PN. Bien que la recherche d’une amélioration de la survie ait pu influencer les motivations de certains chercheurs, il était suffisamment logique d’associer l’AA et un glucocorticoïde facilement disponible pour que le Dr de Bono le fasse.

[176] Les effets anticancéreux de la PN était connus depuis les années 1980-1990, et malgré l’ancienneté de cette connaissance, rien n’indique que les connaissances générales courantes démentaient la survenue de baisses modestes et de courte durée du taux d’APS. Diverses publications rendaient bien compte de ces effets.

[177] Dans Tannock (1996), les auteurs concluaient que l’association de mitoxantrone et de PN procurait de meilleurs effets palliatifs que la PN seule. Tannock (2004) a comparé l’association docétaxel-PN à l’association mitoxantrone-PN et a constaté que la première offrait une plus grande amélioration de la survie globale, un meilleur soulagement de la douleur, une meilleure qualité de vie et des réponses de l’APS plus fréquentes que la seconde. Tannock (2004) faisait état des effets palliatifs de la PN ou de l’hydrocortisone à faible dose, ce qui, de l’avis du Dr Nam, était encourageant pour une personne versée dans l’art.

[178] Sartor (1998) indique en outre que la PN peut réduire le taux d’APS, un marqueur de l’effet anticancéreux. L’utilisation de la PN dans cette publication était en monothérapie chez les patients atteints d’un cancer de la prostate métastatique hormonorésistant. Fait important, Sartor (1998) a révélé que la PN avait des effets anticancéreux. Fossa (2001), Fakih (2002) et Harris (2002) soutiennent chacun la conclusion de Sartor (1998).

[179] Si la quête d’une amélioration de la survie était aussi importante qu’on le laisse entendre, les effets anticancéreux positifs de chaque médicament cité ci-dessus, en conjonction avec O’Donnell (2004), justifiaient largement qu’une personne versée dans l’art associe l’AA et la PN. Les inventeurs n’ont pas à chercher la même solution que celle divulguée dans le brevet subséquent (arrêt Hospira CAF, au para 94).

[180] Ces étapes mènent à la question de savoir s’il s’agirait d’un essai allant de soi de passer à l’étape suivante pour combiner l’AA et la PN, comme on l’a prétendu.

(5) Étape 4 – Évidence et inventivité

[181] Dans Sanofi, la Cour suprême du Canada a clairement envisagé le type même de question concernant les traitements médicamenteux.

[68] Dans les domaines d’activité où les progrès sont souvent le fruit de l’expérimentation, le recours à la notion d’« essai allant de soi » pourrait être indiqué. Dans ces domaines, de nombreuses variables interdépendantes peuvent se prêter à l’expérimentation. Par exemple, certaines inventions du secteur pharmaceutique pourraient justifier son application étant donné l’existence possible de nombreuses compositions chimiques semblables pouvant donner lieu à des réponses biologiques différentes et être porteuses de progrès thérapeutiques notables.

[182] Dans le cadre de son analyse concernant l’essai allant de soi, la Cour doit tenir compte de quatre facteurs – une liste non exhaustive – en fonction des éléments de preuve dans chaque cas.

[183] Sur la question de l’ingéniosité requise, j’accepte les avis de Drs Nam et Lipton selon lesquels aucune n’est nécessaire.

(6) Travail « allant de soi »

[184] Compte tenu du succès d’autres associations, il était raisonnable de s’attendre au succès d’un traitement anticancéreux associant l’AA et la PN chez les patients atteints d’un CPHR, à l’exclusion de ceux ayant un cancer réfractaire.

[185] Une personne versée dans l’art souhaiterait associer l’AA et la PN pour combiner leurs effets anticancéreux. On savait que chaque agent avait un tel effet, des médicaments similaires (aminoglutéthimide et kétoconazole) avaient été utilisés, et l’AA était plus puissant et sélectif que le kétoconazole. Il allait de soi que l’AA et la PN devaient bien fonctionner ensemble, et il n’y avait pas à craindre que leurs modes d’action s’annulent ou interfèrent l’un avec l’autre.

[186] L’augmentation des doses de 200 à 250 mg ou de 800 mg à 1 000 mg ne s’est pas révélée être une progression inventive, mais simplement logique. Les quantités initiales avaient été établies auparavant.

[187] La personne versée dans l’art associerait l’AA et la PN pour atténuer les effets secondaires de l’AA. D’après ce que l’on savait au sujet de l’AA, la nécessité d’utiliser un glucocorticoïde était prévue, et le traitement substitutif était la norme. La mise au point de l’AA par Cougar reflète cet état de fait. Il n’y avait aucune raison de s’attendre à ce que l’association ne fonctionne pas.

[188] Comme la PN avait également des effets palliatifs connus, il était raisonnable de l’associer avec l’AA pour cette caractéristique supplémentaire.

[189] Il y avait toutes les raisons de s’attendre à ce que l’association fonctionne. En août 2007, une personne versée dans l’art n’aurait pas examiné la vaste gamme de composés énumérés dans l’exposé du brevet, car les recherches se concentraient sur l’AA et un nombre restreint de glucocorticoïdes, y compris la PN.

(7) Effort nécessaire

[190] Les efforts en vue d’obtenir l’approbation de la FDA ne sont pas déterminants. Les parties ont convenu que l’approbation réglementaire n’est pas une exigence pour le brevet. Même si c’était le cas, les essais cliniques sont coûteux et prennent du temps, mais ils constituent un processus établi, une caractéristique commune des sociétés pharmaceutiques et de leur fonctionnement. La preuve n’indique pas que de tels essais aient été difficiles ou expérimentaux ou hors de l’ordinaire.

[191] Les chercheurs ont suivi la ligne de progression en ce qui concerne les mesures concrètes entreprises à l’égard du kétoconazole et de l’aminoglutéthimide en association avec un glucocorticoïde.

Il n’y avait aucune raison de ne pas s’attendre à ce que l’association AA-PN fonctionne. Il serait inquiétant pour les tribunaux que les travaux normalement réalisés dans le cadre d’un essai clinique soient considérés comme un effort qui empêcherait une analyse fondée sur le critère de l’« essai allant de soi ». Cela signifierait qu’aucun traitement pharmaceutique, qui autrement irait de soi, n’atteindrait la quatrième étape énoncée par la Cour suprême du Canada, parce que l’approbation réglementaire l’emporterait sur le droit des brevets.

[192] À des fins de traitement, le résultat au test de l’APS est la référence, et non l’approbation réglementaire. L’effort associé à la confirmation du fait que l’association procure un effet anticancéreux (définition de traitement du brevet) est établi par le test de l’APS, qui est relativement courant.

[193] L’effort n’est qu’un des facteurs à prendre en compte et toute difficulté qu’une personne versée dans l’art peut avoir est compensée par les autres facteurs qu’il faut examiner, qui comprennent la motivation. Aucune inventivité n’était nécessaire.

(8) Motivation

[194] Les raisons ou la motivation qui ont conduit à la solution contenue dans le brevet ont été abordées dans une certaine mesure sous le facteur des travaux qui vont de soi. Une motivation générale consistait à trouver un meilleur traitement pour les hommes atteints d’un cancer majeur mettant leur vie en danger. Les options étaient limitées en ce qui concerne le cancer de la prostate et le CPHR.

[195] Le facteur de la motivation suppose également la motivation bien précise de créer ce traitement avec ces agents. Comme nous l’avons vu tout au long des présents motifs, l’AA était considéré comme supérieur aux autres inhibiteurs de l’enzyme 17α-hydroxylase/C17,20-lyase. Un glucocorticoïde était nécessaire pour traiter les effets indésirables. De plus, les patients recherchaient un soulagement des effets secondaires, de la douleur et de l’inconfort, autant d’aspects sur lesquels on s’avait que la PN pouvait agir. Les effets secondaires étaient graves et pouvaient rendre l’inhibiteur sans valeur d’un point de vue médical ou pratique. L’effet anticancéreux de la PN lui conférait un avantage supplémentaire par rapport aux autres options.

[196] Une personne versée dans l’art serait incitée à associer ces deux agents pour voir s’ils apportent des avantages supplémentaires au patient, dans l’espoir que ce soit le cas.

[197] L’évaluation de ces facteurs ensemble mène à la conclusion que l’association allait de soi.

[198] Pour ces raisons, le brevet est évident et donc invalide.

[199] Pour les raisons exposées précédemment, la Cour traitera des autres questions de validité et de celle de la contrefaçon distincte.

B. Utilité

[200] L’utilité de l’invention doit être démontrée à la date de dépôt, soit le 23 août 2007. L’invention doit être [traduction« utile, c’est-à-dire qu’elle [doit pouvoir] servir une fin connue utile ». Comme l’a statué la Cour suprême au paragraphe 56 d’AstraZeneca Canada Inc c Apotex Inc, 2017 CSC 36, (arrêt invoqué par les deux parties), l’exigence d’utilité est d’empêcher qu’un brevet soit octroyé à l’égard d’une « curiosité de laboratoire dont la seule utilité possible serait de servir de point de départ à des recherches plus poussées ». Cela pourrait décrire le brevet initialement déposé, mais avec les modifications visant à limiter les revendications à celles qui sont actuellement en cause, cette préoccupation est éliminée.

[201] Une simple « parcelle » d’utilité suffira, c’est-à-dire qu’un usage unique lié à la nature de l’objet est suffisant. Nul ne conteste que l’invention est utile dans les faits.

[202] Je suis d’accord avec les demanderesses sur le fait que l’objet des revendications invoquées est l’utilisation de l’AA en association avec la PN dans le traitement du cancer de la prostate (revendications 3, 6 et 7), du cancer de la prostate réfractaire (revendication 14) ou du cancer de la prostate réfractaire ne répondant pas à au moins un agent anticancéreux (revendication 15). L’utilité a été démontrée par les données produites avant le 24 août 2007, y compris dans les études cliniques 001 à 004.

[203] La difficulté à laquelle se heurtent les défenderesses est qu’une grande partie de la preuve qu’elles invoquent pour l’essai allant de soi appuie l’utilité du brevet. Elles n’affirment pas précisément qu’il y a une [traduction« prédiction valable », mais Janssen dit que le travail du Dr de Bono avec l’AA et la dexaméthasone a démontré la parcelle d’utilité.

[204] Essentiellement, la position des défenderesses, telle que comprise par la Cour, est que les demanderesses n’ont jamais démontré que l’AA et la PN administrées ensemble ont un réel effet anticancéreux (« traiter le cancer »). Les défenderesses soutiennent que les demanderesses ne font qu’affirmer que la dexaméthasone et la PN sont interchangeables.

[205] La preuve établit que la PN et la dexaméthasone ne sont pas identiques, mais sont d’une équivalence suffisante à bien des égards. D’ailleurs, le Dr de Bono estime que tout glucocorticoïde pourrait supprimer l’ACTH. Comme il a été évoqué précédemment, une personne versée dans l’art percevrait les similitudes pertinentes pour les besoins de l’invention.

[206] Certains des témoignages d’experts ne sont pas utiles. Le Dr Rettig semblait penser que la norme légale était une « parcelle de preuve ». Le Dr Nam semble avoir appliqué une norme élevée en rejetant les données qui montrent que 50 % des patients ont connu une nouvelle réponse à l’AA, selon le test de l’APS, après l’ajout d’un glucocorticoïde. Dans la procédure relative à l’AC 2019, il avait fixé une norme de certitude scientifique, mais le présent litige est une nouvelle affaire et la preuve concernant l’utilité est de loin supérieure à celle de 2019. Les critiques des demanderesses à l’égard du témoignage du Dr Nam sur cette question (observations finales écrites des demanderesses, aux para 117 à 124) sont justifiées.

[207] La norme pour établir l’utilité est faible et n’exige pas d’études à trois volets ni un nombre important de résultats de patients pour établir la parcelle.

[208] Le témoignage de Mme Ballman, que la Cour a jugé utile, souligne que les données disponibles avant août 2007 montrent que la PN a un effet anticancéreux et contribue à l’efficacité de l’association. Le témoignage du Dr Nam sur l’utilité n’a pas été aussi cohérent ou éclairant que son témoignage sur d’autres aspects.

[209] En date du 23 août 2007, 15 patients au total avaient présenté des réponses cliniquement significatives au test de l’APS après l’administration d’AA et d’un glucocorticoïde, y compris la PN. Six d’entre eux faisaient partie de l’étude 004 et avaient reçu le traitement combiné d’AA et de PN dès le début de l’étude. Plusieurs des patients avaient atteint le critère de référence d’une réduction de 50 % du taux d’APS, confirmée par une deuxième mesure du taux d’APS au moins 28 jours plus tard. Aux fins de l’utilité, il n’est pas nécessaire de respecter les lignes directrices ou les critères d’approbation de la FDA. Il y a utilité si certains patients réagissent, même s’il ne s’agit que de ceux dont la situation est excessivement défavorable.

[210] Une utilité suffisante a par ailleurs été établie pour soutenir le brevet s’il n’allait pas de soi de faire l’essai.

C. Caractère suffisant

[211] Les défenderesses soutiennent que le mémoire descriptif n’est pas suffisant pour enseigner comment exploiter le brevet. Elles soutiennent que l’expression « quantité thérapeutiquement efficace » n’est pas suffisamment précise pour savoir quelle quantité de l’agent il faut utiliser. Elles affirment qu’il faut faire des recherches et que cela n’est pas permis selon Teva Canada Ltée c Pfizer Canada Inc, 2012 CSC 60.

Dans une certaine mesure, la position des défenderesses chevauche leur position sur l’« objet brevetable » examinée plus loin.

[212] Dans Consolboard Inc c MacMillan Bloedel (Sask) Ltd, [1981] 1 RCS 504 aux p 525 à 527, la Cour a conclu qu’un brevet n’avait pas à préciser le fonctionnement de l’invention pourvu qu’il explique comment l’exploiter.

[213] À cet égard, le brevet enseigne comment traiter le cancer de la prostate en administrant les quantités thérapeutiques combinées. Des posologies de 10 à 250 mg par jour de PN sont divulguées. Une autre dose de 1 000 mg/jour d’AA est divulguée (revendication 6) ainsi que 10 mg de PN. Cette quantité traitera le cancer de la prostate.

[214] Aucune preuve convaincante n’a été présentée pour démontrer qu’une personne versée dans l’art (qui possède les connaissances générales courantes décrites) serait incapable d’exploiter le brevet.

[215] Comme pour bon nombre des arguments qui suivent sur la validité, les éléments de preuve à l’appui de la prétention des défenderesses sont insuffisants. Le brevet et ses équivalents étrangers aux États-Unis et en Europe sont utilisés depuis plusieurs années. En dépit de cette utilisation, il n’y a pas eu de preuve directe et pratique (par opposition à des témoignages d’opinion) de la part de vrais utilisateurs et prescripteurs attestant les problèmes de compréhension ou d’utilisation du traitement. Étant donné que les défenderesses ont le fardeau d’établir le bien-fondé des divers chefs de contestation de la validité, cette lacune de la preuve est significative. L’argument de l’insuffisance n’est pas établi.

D. Objet brevetable

[216] Les arguments des deux parties sur la question des objets non brevetables sont déroutants et difficiles à examiner. Ils comprennent l’argument selon lequel les demanderesses réclament une simple agrégation et une simple découverte et, en outre, que le brevet vise une méthode de traitement médical.

[217] Les défenderesses exhortent la Cour à ne pas suivre sa décision relative à l’AC 2019 à ce sujet en raison d’erreurs qu’elle comporterait et de nouveaux éléments de preuve. Comme je l’ai déjà mentionné, la Cour aborde la présente affaire à partir de zéro et, sauf mention expresse, la décision relative à l’AC 2019 n’est pas pertinente. La Cour doit se prononcer sur la base des éléments de preuve présentés dans le cadre du présent procès qui sont sensiblement différents sur des points clés.

Les demanderesses, en revanche, n’aident pas la Cour puisqu’elles ont présenté des observations minimales. Elles demandent à la Cour de noter qu’elles conservent leurs droits sur les questions de l’agrégation et de la simple découverte pour l’appel en instance de la décision relative à l’AC 2019.

[218] La position des demanderesses sur ces points est tributaire du fait que l’invention est quelque chose de nouveau. Par conséquent, me fondant sur la présente décision, j’estime que cette position est théorique.

[219] En l’espèce, il a été établi que l’AA et la PN ont tous des effets anticancéreux. Les défenderesses soutiennent que l’association ne fait qu’ajouter deux substances connues, de sorte que le résultat final n’est qu’une simple agrégation, et non quelque chose de nouveau ou de synergique.

[220] Si les effets anticancéreux de la PN n’étaient pas connus, mais seulement ses effets palliatifs, alors l’association aurait révélé quelque chose de nouveau : une amélioration par rapport à une simple agrégation.

[221] Conformément aux faits constatés par la Cour dans le présent litige, la question est théorique. Le brevet n’a rien ajouté de nouveau, car il était évident et résultait d’un essai allant de soi.

[222] Quant à la question de la méthode de traitement médical, les défenderesses affirment qu’elle découle d’une fourchette posologique établie entre 0,01 mg et 500 mg de PN par jour. Le choix d’une quantité précise dans la fourchette nécessite le jugement d’un médecin et, par conséquent, les revendications sont invalides. Les fourchettes posologiques ne figurent pas dans les revendications invoquées.

[223] La question de la méthode de traitement médical n’est pas réglée et un tribunal doit donc faire preuve de prudence avant d’annuler les revendications sur cette base. En l’espèce, les fourchettes ne sont pas précisées dans les revendications invoquées, qui fournissent des instructions sur la manière d’utiliser l’AA et la PN pour obtenir le résultat optimal souhaité. Là encore, il n’y a pas de preuve directe de la part des prescripteurs (urologues et oncologues en exercice plutôt qu’une opinion d’expert) indiquant qu’ils sont incapables de savoir comment utiliser les revendications invoquées.

Par conséquent, les revendications invoquées ne seront pas rejetées pour ce seul motif.

E. Inscription

[224] La question soulevée, mais non vigoureusement défendue, est celle de savoir si la contestation de l’admissibilité au brevet inscrit dans le Registre des brevets à l’égard de ZYTIGA doit être présentée par requête ou peut faire l’objet d’une décision sur le fond dans une action intentée en vertu de l’article 6. Cette question est une question de procédure; il ne s’agit pas de savoir si le brevet 422 doit être inscrit ou non.

[225] Depuis la décision Bayer Inc c Apotex Inc, 2014 CF 436, rendue par le juge Hughes, la question de l’inscription peut être soulevée par requête avant le procès ou pendant le procès lui-même.

[226] Étant donné que ces types d’affaires font l’objet d’une gestion d’instance, il appartiendrait au juge chargé de la gestion de l’instance de traiter de cet aspect procédural.

[227] Dans les circonstances actuelles, il serait abusif de dire maintenant que la question de l’inscription aurait dû être soulevée par requête et ne peut être soulevée ici, si la proposition selon laquelle le brevet n’aurait pas dû être inscrit était fondée.

[228] Toutefois, l’objet revendiqué dans le brevet 422 est couvert par l’indication relative à ZYTIGA, comme nous le verrons dans l’examen de la contrefaçon qui suit. Il a donc été correctement inscrit.

F. Revendications non invoquées et demande reconventionnelle

[229] Les demanderesses s’opposent à ce que les défenderesses présentent une demande reconventionnelle à l’égard des revendications non invoquées au motif que le droit de présenter une demande reconventionnelle est limité en vertu du paragraphe 6(3) aux demandes reconventionnelles à l’égard des revendications invoquées.

[230] Dans le contexte de la présente affaire, la question relative à la demande reconventionnelle ne semble pas avoir de pertinence particulière, sauf pour les observations en appel.

[231] Les demanderesses soutiennent que l’article 6.01 limite une action intentée en vertu du paragraphe 6(1) aux revendications invoquées, bien que ces termes ne soient pas utilisés. Le Règlement AC indique qu’une demande reconventionnelle intentée en vertu du paragraphe 6(3) se limite précisément aux revendications invoquées.

[232] Deux choses préoccupent la Cour. Premièrement, les demanderesses ont consenti à la demande reconventionnelle sans réserve à l’époque. Deuxièmement, un défendeur pourrait ne pas être en mesure d’attaquer la validité d’un brevet, mais uniquement d’attaquer des revendications précises invoquées dans une action fondée sur un AC.

[233] Le Règlement AC n’est pas un code complet, mais le paragraphe 6(3) doit avoir pour objet de confirmer l’existence du droit de présenter une demande reconventionnelle dans l’action fondée sur un AC; il se limite toutefois aux revendications invoquées dans l’action.

[234] Une demande reconventionnelle est une action distincte. Le paragraphe 6(3) ne fait que permettre à une partie de contester un brevet dans le cadre d’une action fondée sur un AC à l’égard de revendications invoquées. La question de savoir si une revendication d’invalidité distincte pourrait être jointe à une action fondée sur un AC n’est pas tranchée.

[235] Vu le consentement des demanderesses en l’espèce, les parties ont trouvé un moyen plus rapide de traiter les revendications non invoquées, dont aucune n’a d’incidence sur le jugement rendu en l’espèce.

[236] Une analyse plus approfondie de l’incidence globale du paragraphe 6(3) du Règlement AC devrait attendre un meilleur dossier et des arguments juridiques plus complets.

[237] Ayant terminé l’examen des questions de validité, la Cour se penchera maintenant, par souci d’exhaustivité, sur la question de la contrefaçon.

VIII. Contrefaçon

[238] La dernière question à trancher est celle de savoir si les défenderesses vont inciter la contrefaçon du brevet 422 par les utilisateurs de tiers de leur produit à base d’AA pour lequel elles demandent un AC. Ce sont les demanderesses qui assument le fardeau de prouver cette prétention (Monsanto Canada Inc c Schmeiser, 2004 CSC 34).

[239] Afin de déterminer si une revendication d’un brevet est contrefaite, la Cour doit interpréter de façon téléologique les revendications et déterminer les éléments essentiels (tous les éléments de chaque revendication sont essentiels), puis déterminer si le produit qui emporterait contrefaçon est embrassé par la portée des revendications (Free World Trust, aux para 48 et 49). Il n’y a pas contrefaçon lorsqu’un élément essentiel est différent ou omis, mais il peut y avoir contrefaçon lorsque des éléments non essentiels sont substitués ou omis (Free World Trust, au para 31).

[240] Il est bien établi que les allégations d’absence de contrefaçon faites en vertu du Règlement AC ne renvoient qu’aux actes de la « seconde personne » – en l’espèce, les défenderesses –, et que la contrefaçon dans ce contexte signifie à la fois la contrefaçon directe et la contrefaçon indirecte par incitation (Aventis Pharma Inc c Pharmascience Inc, 2006 CAF 229 aux para 55 à 59). En l’absence d’influence d’un défendeur, les actes de contrefaçon de tiers ne justifient pas une conclusion de contrefaçon en vertu du Règlement AC (Novopharm Limited c Sanofi-Aventis Canada Inc, 2007 CAF 167 aux para 10 et 11).

[241] Le critère d’incitation est exposé au paragraphe 162 de Corlac Inc c Weatherford Canada Inc, 2011 CAF 228 :

[242] Ce critère a été décrit comme plaçant la barre haute. Comme il est indiqué au paragraphe 266 de Janssen Inc c Teva Canada Ltd, 2020 CF 593, lorsque les revendications du brevet portent sur l’utilisation d’une association, la monographie de produit doit ordonner à l’auteur de la contrefaçon d’utiliser l’association afin d’établir l’incitation. Si c’est le cas, le critère est respecté. Il faut tenir compte de l’ensemble de la monographie de produit.

[243] Les défenderesses conviennent de l’existence d’une contrefaçon directe [traduction] « car ceci est présumé (on “ne peut pas dire à un médicament comment agir dans le corps”) » (conclusions finales des défenderesses, au para 123 et jurisprudence). Les différences entre les monographies de produits respectives des défenderesses ne sont pas en cause. Les monographies de produits en cause sont les celles de l’AA, et non la monographie de la PN.

[244] Les défenderesses ont tort de soutenir que les demanderesses n’ont pas réussi à prouver que la PN aura un effet anticancéreux si elle coadministrée avec l’AA dans le traitement du cancer de la prostate. Comme détaillé dans la section « Validité », cet effet de la PN était connu depuis bien des années lors du dépôt du brevet 422, et le témoignage de Mme Ballman ainsi que d’autres témoignages entendus soutiennent cette conclusion en l’espèce.

[245] Les monographies de produits des défenderesses indiquent aux médecins de prescrire et aux pharmaciens de délivrer l’AA (1 000 mg/jour) et la PN (10 mg/jour pour le cancer de la prostate métastatique hormonorésistant et 5 mg/jour pour le cancer de la prostate hormonosensible à haut risque nouvellement diagnostiqué), en association, pour le traitement du cancer de la prostate. Le cancer de la prostate métastatique hormonorésistant est le cancer de la prostate couvert dans les revendications 3, 6 et 7. Le cancer de la prostate réfractaire est couvert par la revendication 14, tandis que la revendication 15 s’applique au cancer de la prostate réfractaire qui ne répond pas à un traitement anticancéreux.

L’indication relative au cancer de la prostate hormonosensible, un type de cancer de la prostate, est spécifique à PMS et aux produits de Dr. Reddy’s.

[246] Les utilisations susmentionnées contrefont les revendications invoquées. Par exemple, la section « Indications et utilisation clinique » de la monographie d’Apotex indique ceci :

[traduction]

LES COMPRIMÉS PELLICULÉS APO-ABIRATÉRONE (acétate d’abiratérone) sont indiqués en association avec la prednisone pour le traitement du cancer de la prostate métastatique (cancer de la prostate hormonorésistant) chez les patients qui :

sont symptomatiques ou légèrement symptomatiques après un échec du traitement antiandrogénique;

ont reçu une chimiothérapie antérieure à base de docétaxel après un échec du traitement antiandrogénique.

[247] La section « Indications et utilisation clinique » indique clairement que l’AA et la PN doivent être utilisés en association pour le traitement du cancer de la prostate métastatique hormonorésistant. En l’occurrence, les défenderesses indiquent l’utilisation des mêmes agents, de la même manière, dans le même but, chez les mêmes patients et par les mêmes utilisateurs.

[248] Il est également clair que l’utilisation – le traitement – ne vise pas à atténuer les effets secondaires. Comme il est évoqué dans l’interprétation des revendications, le « traitement » au sens des définitions du brevet comprend la prise en charge (et les autres activités dont l’éradication) « d’une tumeur ou de cellules ou tissus cancéreux primitifs, localisés ou métastatiques, ainsi que la réduction ou le ralentissement de la propagation du cancer ». L’accent est mis sur les effets directs sur le cancer, et non sur les effets secondaires.

[249] Comme l’ont souligné les experts, lorsqu’un médicament est utilisé uniquement pour atténuer les effets secondaires d’un traitement, il n’est pas inclus dans la section « Indications » (voir les témoignages de Mmes Costaris et Picard).

[250] Dans leurs projets de monographies de produits, les défenderesses citent un certain nombre de références (des publications telles que de Bono [2011] et les rapports d’Attard) qui traitent des effets anticancéreux de la PN dans son association avec l’AA. Le rôle de la PN dans l’atténuation des effets secondaires figure également dans les références. On ne saurait opposer que les défenderesses, bien qu’ayant mis les références dans la monographie du produit, ne s’attendent pas à ce que les médecins ou les pharmaciens les prennent en considération.

[251] Les défenderesses soulignent un certain nombre de passages des monographies de produits qui font référence au rôle de la PN dans l’atténuation des effets secondaires. En fait, les demanderesses font la même chose en ce qui concerne ZYTIGA.

[252] Les demanderesses ne sauraient éluder leur responsabilité en souhaitant qu’en cas d’utilisation de leur produit, la PN n’agisse pas comme un agent anticancéreux.

[253] Les conséquences naturelles de l’utilisation des produits des défenderesses sont l’effet anticancéreux de la PN associée à l’AA. Il s’agit d’une utilisation que les défenderesses connaissent ou devraient connaître, et qu’elles encouragent par l’utilisation de leurs produits. La difficulté pour les défenderesses tient à ce qu’elles ont choisi d’utiliser la PN comme glucocorticoïde avec l’AA, alors que la PN possède des propriétés anticancéreuses. Les défenderesses ne peuvent pas modifier ou inactiver les propriétés du médicament, mais elles ont choisi la PN et sont responsables des conséquences naturelles de son utilisation. Même les sections relatives aux indications des monographies de produits concurrents sont les mêmes.

[254] La PN contribue à l’effet anticancéreux de l’association. Les résultats des études d’Attard (2009) et Ryan (2011), ainsi que des études de phase II, montrent l’efficacité clinique accrue de l’association par rapport à l’AA en monothérapie. Seul McKay (2019), qui fait figure d’exception, contredit la preuve à cet égard.

[255] Des études de phase I et II, selon Attard (2008 et 2009) et Attard (2010), ont montré que l’AA était sûr, et que l’AA administré avec des corticostéroïdes à faible dose procurait une réponse tumorale secondaire durable. Danila (2010), qui a étudié l’AA et la PN, a appuyé ces conclusions. Ces études et publications ont révélé aux médecins que les glucocorticoïdes, en tant que classe de médicaments, contribuaient aux effets anticancéreux lorsqu’ils étaient utilisés en association avec l’AA.

[256] Les défenderesses contestent la possibilité de tirer une conclusion de ces publications sur les études de phase II et de phase III de l’AA (de Bono [2011], Ryan [2013] et Ryan [2015]) en ce qui concerne la PN, mais s’appuient sur des études d’antériorité d’un type similaire pour établir l’évidence.

[257] La Cour a déjà traité les points de vue différents de Mme Ballman et de M. McKeague et l’admission par la Cour de l’opinion de Mme Ballman.

[258] Les défenderesses savent ou devraient savoir que la PN a un effet anticancéreux en association avec l’AA. Les efforts qu’elles ont déployés pour mettre en avant les activités de la PN relativement aux effets secondaires et à la palliation ne les dégagent pas des conséquences de la contrefaçon découlant de l’information présentée dans la monographie du produit. Elles feront de la publicité et vendront leurs produits de sorte que l’AA et la PN soient utilisés ensemble pour traiter le cancer de la prostate. Une telle contrefaçon ne se produirait pas si les défenderesses ne publiaient pas une monographie de produit, n’obtenaient pas l’approbation réglementaire et ne vendaient pas leurs produits.

[259] La section « Indications et utilisation » de la monographie du produit est importante pour le médecin lorsqu’il détermine l’utilisation à faire d’un produit. L’utilisation indiquée est cohérente avec les revendications invoquées.

[260] Les défenderesses proposeront l’utilisation de l’AA et de la PN pour le traitement du cancer de la prostate métastatique hormonorésistant, ce qui constitue une contrefaçon des revendications invoquées du brevet 422, et pour le traitement du cancer de la prostate hormonosensible en ce qui concerne PMS et Dr. Reddy’s.

IX. Conclusion

[261] Pour ces motifs, l’action des demanderesses sera rejetée. La demande reconventionnelle sera également rejetée. L’invention est évidente et résultait d’un essai allant de soi. Le brevet 422 est et était invalide.

[262] Aucune ordonnance précise ne doit être rendue en ce qui concerne la contrefaçon, mais il y est renvoyé dans le jugement par souci d’exhaustivité.

[263] Les présents motifs sont confidentiels. Les parties disposeront de sept (7) jours pour présenter des observations sur les parties des motifs qui devraient rester confidentielles. Une version publique des motifs suivra.

[264] Les défenderesses ont droit à leurs dépens. Une conférence de gestion de l’instance sera organisée pour établir la procédure à suivre en ce qui concerne les dépens, y compris les questions relatives à un montant forfaitaire, au barème à utiliser et à tout différend concernant la répartition entre les défenderesses.

« Michael L. Phelan »

Ottawa (Ontario)

Le 14 janvier 2021

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


Annexe A

ACTH

ACTH

Mineralocorticoid Pathway

Voie de synthèse des minéralocorticoïdes

Glucocorticoid Pathway

Voie de synthèse des glucocorticoïdes

Androgen Pathway

Voie de synthèse des androgènes

Cholesterol

Cholestérol

Pregnenolone

Prégnénolone

17CH Pregnenolone

17-CH-prégnénolone

DHEA

DHEA

CYP11A1

20-22 desmolase

CYP11A1

20/22-desmolase

CYP17

17-hydroxylase

CYP17

17-hydroxylase

CYP17

17.20-lyase

CYP17

17,20-lyase

Progesterone

Progestérone

17CH Progesterone

17-CH-progestérone

Androstenodone

Androstènedione

CYP21A2

21-hydroxylase

CYP21A2

21-hydroxylase

DOC

Désoxycorticostérone

11-DOC

11-désoxycorticostérone

CYP11B1

11b-hydroxylase

CYP11B1

11b-hydroxylase

Corticosterone

Corticostéroïde

Aldosterone

Aldostérone

Cortisol

Cortisol

Testosterone

Testostérone

 



DOSSIER :

T-84-19

 

INTITULÉ :

JANSSEN INC, JANSSEN ONCOLOGY INC ET BTG INTERNATIONAL LTD c APOTEX INC

 

ET DOSSIER :

T-978-19

 

INTITULÉ :

JANSSEN INC, JANSSEN ONCOLOGY, INC ET BTG INTERNATIONAL LTD c DR REDDDY’S LABORATORIES LTD ET DR REDDY’S LABORATORIES, INC

 

ET DOSSIERS :

T-182-19 ET T-1893-19

 

INTITULÉ :

JANSSEN INC, JANSSEN ONCOLOGY, INC ET BTG INTERNATIONAL LTD c PHARMASCIENCE INC

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Audience tenue par vidéoconférence entre ottawa (ontario) et toronto (ontario) (TRIBUNAL À OTTAWA, ET avocats À TORONTO ET À OTTAWA).

 

DATES DE L’AUDIENCE :

Du 26 au 29 octobre 2020

DU 2 AU 5 NOVEMBRE 2020

LES 9, 10 ET 12 NOVEMBRE 2020

DU 16 AU 19 NOVEMBRE 2020

LES 26 ET 27 NOVEMBRE 2020

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE PHELAN

 

MOTIFS CONFIDENTIELS DU JUGEMENT :

Le 6 janvier 2021

 

MOTIFS PUBLICS DU JUGEMENT :

Le 14 JANVIER 2021

COMPARUTIONS :

Peter Wilcox

Marian Wolanski

Stephanie Anderson

Benjamin Reingold

Michael Schwartz

Megan Pocalyuko

 

POUR LES DEMANDERESSES

JANSSEN INC, JANSSEN ONCOLOGY, INC ET BTG INTERNATIONAL LTD

 

Andrew Brodkin

Richard Naiberg

Benjamin Hackett

Jenene Roberts

 

POUR LA DÉFENDERESSE

APOTEX INC

 

Bryan Norrie

Yaseen Manan

 

POUR LES DÉFENDERESSES

DR REDDY’S LABORATORIES LTD ET DR REDDY’S LABORATORIES, INC

 

Kavita Ramamoorthy

Katie O’Meara

 

POUR LA DÉFENDERESSE

PHARMASCIENCE INC

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Belmore Neidrauer LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDERESSES

JANSSEN INC, JANSSEN ONCOLOGY, INC ET BTG INTERNATIONAL LTD

 

Goodmans LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

APOTEX INC

 

Aitken Klee LLP

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

POUR LES DÉFENDERESSES

DR REDDY’S LABORATORIES LTD ET DR REDDY’S LABORATORIES, INC

 

Fineberg Ramamoorthy LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

PHARMASCIENCE INC

 

 



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