Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20050920

Dossier : IMM-99-05

Référence : 2005 CF 1294

Ottawa (Ontario), le 20 septembre 2005

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE MACTAVISH

ENTRE :

LE SOLLICTEUR GÉNÉRAL DU CANADA et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

demandeurs

et

SANJEEVAN SIVANANTHAN

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit en l'espèce de savoir si la Section d'appel de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a manqué aux règles d'équité procédurale dans le traitement du présent dossier. Les demandeurs font valoir que le président de l'audience a agi injustement « en brûlant les étapes » , c'est-à-dire en tirant une conclusion avant l'expiration du délai que les parties avaient pour présenter leurs observations.

[2]                Je conviens qu'en l'espèce, il y a eu un manquement grave aux règles d'équité procédurale et, par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie.

La chronologie des événements

[3]                Le 18 mars 2002, M. Sanjeevan Sivananthan a fait l'objet d'une mesure de renvoi après avoir été déclaré coupable de plusieurs infractions criminelles, y compris de voies de fait ayant causé des lésions corporelles, de ne pas avoir respecté un engagement, d'avoir entravé un agent de la paix dans l'exécution de ses fonctions et d'avoir troublé la paix.

[4]                Le 10 janvier 2003, M. Sivananthan a obtenu un sursis de l'exécution de sa mesure de renvoi s'il se conformait à certaines conditions, notamment de ne plus commettre d'infractions criminelles et d'informer sans tarder le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration s'il était accusé ou déclaré coupable d'une infraction au criminel. On a également demandé à M. Sivananthan de faire des efforts raisonnables pour obtenir et garder un emploi à plein temps, de signaler tout changement concernant son emploi, de ne pas troubler l'ordre public et d'observer une bonne conduite.

[5]                Selon le dossier certifié du tribunal, le 21 septembre 2004, un commissaire de la SAI a été saisi du dossier de M. Sivananthan. Le commissaire a ordonné qu'un « Avis de reprise de l'appel (sursis) » soit envoyé aux parties, et que les parties aient jusqu'au 1er novembre 2004 pour y répondre. Le commissaire a également demandé que l'affaire soit entendue le 2 novembre 2004. Rien n'indique que ce document ait été transmis aux parties à ce moment-là.

[6]                Dans une lettre datée du 26 octobre 2004, la SAI a avisé les parties que le dossier de M. Sivananthan serait examiné, conformément au paragraphe 74(2) de l'ancienne Loi sur l'immigration. La lettre renferme le passage suivant :

[traduction]

Conformément à l'ordonnance de la Section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, signée le 10 janvier 2003, il y a eu sursis d'exécution de la mesure de renvoi prise contre vous.

Nous vous avisons par la présente que la Section d'appel examinera votre dossier en chambre le ou vers le 10 JANVIER 2005. Ni le demandeur, ni le défendeur ne sont tenus d'être présents.

[...]

NOTE : Le défendeur doit indiquer par écrit la position du ministre en ce qui concerne l'examen.[Souligné dans l'original.]

Cette lettre ne comporte aucune mention du 1er novembre 2004, date limite pour présenter les observations.

[7]                Il appert du dossier certifié du tribunal qu'un agent de règlement des cas avait indiqué que les parties n'avaient versé aucun document au dossier en date du 23 novembre 2004. L'affaire a donc été renvoyée au président de l'audience qui, vers la fin du mois de novembre 2004, a inscrit ce qui suit dans le dossier :

[TRADUCTION]

- sursis annulé;

- mesure de renvoi annulée;

- appel accueilli.

[8]                Il ne semble pas que la décision en question ait été communiquée aux parties à ce moment-là.

[9]                Le 6 décembre 2004, l'avocate du solliciteur général a fait parvenir à la Commission des observations détaillées concernant le dossier de M. Sivananthan. Les observations mentionnaient que le ministre était d'avis que le sursis de l'exécution de la mesure de renvoi prise contre M. Sivananthan devait être annulé puisque ce dernier ne s'était pas conformé aux conditions du sursis. Des preuves ont été déposées selon lesquelles, depuis que M. Sivanathan avait obtenu le sursis de l'exécution de sa mesure de renvoi, il avait été déclaré coupable d'avoir entravé un agent de police dans l'exécution de ses fonctions et accusé d'infractions criminelles et d'infractions provinciales. L'avocate a également indiqué que M. Sivananthan avait violé une fois de plus les conditions dont était assorti son sursis en omettant d'informer le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration qu'il avait été accusé et déclaré coupable d'infractions criminelles.

[10]            Le ministre était d'avis que M. Sivananthan avait fait fi des conditions qui lui avaient été imposées. Par conséquent, l'avocate du solliciteur général a proposé que l'appel interjeté par M. Sivananthan soit rejeté ou qu'une audition orale soit fixée pour examiner le dossier.

[11]            De toute évidence, les observations du ministre ont été envoyées à la Commission par télécopieur, mais elles ne se trouvent pas dans le dossier certifié du tribunal.

[12]            Même si la décision concernant l'affaire M. Sivananthan a été effectivement prise à la fin du mois de novembre 2004, le président de l'audience a signé, le 20 décembre 2004, des motifs officiels annulant et l'ordonnance du 10 janvier 2003 de surseoir à l'expulsion de M. Sivananthan et la mesure de renvoi. Les motifs mentionnent que :

Même si une demande a été faite en bonne et due forme, le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (l'intimé) n'a pas répondu à la lettre du 10 août 2004 de la SAI en ce qui concerne le respect de l'appelant à l'égard des conditions de son sursis et n'a pas fourni de renseignements défavorables sur l'appelant.

[13]            Il faut mentionner que le dossier du tribunal ne comporte aucune lettre envoyée aux parties par la SAI qui soit datée du 10 août 2004. En l'espèce, le seul avis donné aux parties est la lettre du 26 octobre 2004 mentionnée ci-dessus qui indique que le dossier sera examiné « le ou vers le 10 janvier 2005 » .

La norme de contrôle

[14]            La question en l'espèce est de savoir si la procédure suivie par la SAI était équitable. Les questions d'équité procédurale sont analysées selon la norme de la décision correcte : C.U.P.E. c. Ontario (Ministre du Travail), [2003] 1 R.C.S. 539, au paragraphe 100, 2003 CSC 29.

Analyse

[15]            Il est bien évident que la procédure suivie par la SAI dans cette affaire était gravement viciée. Le seul avis donné aux parties indiquait que le dossier de M. Sivananthan devait être examiné « le ou vers le 10 janvier 2005 » . Aucun délai n'a été donné aux parties pour qu'elles soumettent leurs observations. Cependant, le ministre a envoyé ses observations à la Commission, de façon opportune, plus d'un mois avant la date à laquelle l'affaire devait apparemment être entendue.

[16]            Ces observations contenaient des renseignements qui étaient très préjudiciables à M. Sivananthan et qui auraient vraisemblablement influé sur la décision. À cet égard, il faut mentionner que M. Sivananthan ne met pas en doute l'exactitude des renseignements contenus dans les observations du ministre, ni ne nie avoir violé les conditions du sursis qui lui avaient été imposées dans l'ordonnance de 2003 de la SAI.

[17]            L'avocat de M. Sivananthan prétend qu'il n'est pas évident que les observations aient été envoyées au bon numéro, puisque la feuille de transmission par télécopieur déposée par le ministre portent un numéro de télécopieur différent de celui de la SAI utilisé par le public. Cependant, la Cour n'est saisie d'aucune preuve étayant cet argument. De plus, la feuille de transmission par télécopieur indique que le document a été envoyé à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Néanmoins, rien n'indique que les observations aient été versées au dossier de M. Savananthan ou qu'elles aient été acheminées au président de l'audience pour examen.

[18]            Compte tenu des circonstances, je suis convaincue que les observations du ministre ont effectivement été transmises à la Commission de façon opportune et que le président de l'audience n'en a pas tenu compte pour prendre sa décision.

[19]            En outre, la décision dans le dossier de M. Sivananthan semble avoir été rendue environ six semaines avant le 10 janvier 2005, date mentionnée dans la lettre envoyée aux parties le 26 octobre 2004. À mon avis, une décision rendue vers la fin du mois de novembre n'est pas rendue « le ou vers le » 10 janvier de l'année suivante. La SAI a examiné le dossier bien avant la date fournie aux parties, ce qui était tout à fait inéquitable puisque les parties n'ont pas eu l'occasion raisonnable de participer à la procédure.

Conclusion

[20]            Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accueillie.

Certification

[21]            Aucune des parties n'a demandé qu'une question soit certifiée et il n'y en a aucune.

ORDONNANCE

            LA COUR ORDONNE :

            1.          La présente demande de contrôle judiciaire est accueille, la décision de la SAI est annulée et l'affaire est renvoyée devant un tribunal différemment constitué pour nouvelle décision;

            2.          Aucune question grave de portée générale n'est certifiée.

« Anne Mactavish »

Juge

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-99-05

INTITUTLÉ :                                      LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

c.

                                                                        SANJEEVAN SIVANANTHAN

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                            le 13 Septembre 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    LA JUGE MACTAVISH

DATE DES MOTIFS

ET DE L'ORDONNANCE :                          LE 20 SEPTEMBRE 2005

COMPARUTIONS :

Martina Karvellas                                              POUR LES DEMANDEURS

Max Chaudhary                                                 POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

John H. Sims, c.r.                                              POUR LES DEMANDEURS

Sous-procureur général du Canada

Ministère de la Justice

Toronto (Ontario)

Max Chaudhary                                                 POUR LE DÉFENDEUR

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.