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                                                                                                                                           Date : 20010424

                                                                                                                               No du greffe : T-648-01

                                                                                                           Référence neutre : 2001 CFPI 379

Ottawa (Ontario), le 24 avril 2001

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BLANCHARD

ENTRE :

                                               LAURIE CAISSIE, CYRENUS DUGAS,

                                          VINCENT JONES et GILLES HÉBERT FILS

                                                                                                                                                   demandeurs

                                                                                   et

                         LE MINISTRE DES PÊCHES ET DES OCÉANS DU CANADA

                                                                                                                                                      défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Le 12 avril 2001, les demandeurs, Laurie Caissie, Cyrenus Dugas, Vincent Jones et Gilles Hébert fils, ont présenté les présentes requêtes en vertu de la règle 369 des Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, et leurs modifications.

[2]                 Ces requêtes, fondées sur les règles 372 à 374 des Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, et leurs modifications, sollicitent l'octroi d'injonctions provisoires ordonnant au défendeur de délivrer les permis et d'imposer les conditions nécessaires aux demandeurs pour que ceux-ci puissent se livrer à la pêche du crabe des neiges pour l'année 2001.


Les faits

[3]                 À l'exception de Laurie Caissie, les demandeurs ont pêché le crabe des neiges conformément aux permis qu'ils détenaient au cours des années précédentes.

[4]                 Le 4 avril 2001, Pêches et Océans Canada a informé les demandeurs que leur statut de détenteurs de permis pour la pêche du crabe des neiges était sous étude et qu'elle n'avait pris aucune décision finale.

[5]                 Les agents de Pêches et Océans Canada n'ont toujours pas fourni d'explication aux demandeurs quant aux raisons pour lesquelles ils ont retardé la décision relative à la délivrance des permis.

[6]                 Les avocats des demandeurs soutiennent que la présente affaire est très urgente étant donné que la pêche au crabe des neiges s'ouvre dans quelques jours.

[7]                 Le 12 avril 2001, au moyen d'une requête en injonction provisoire, les demandeurs ont demandé à la Cour d'ordonner au défendeur de délivrer les permis de pêche du crabe des neiges.

La question en litige

[8]                 La Cour doit-elle accorder une injonction interlocutoire ordonnant au ministre des Pêches et des Océans du Canada de délivrer des permis de pêche du crabe des neiges aux demandeurs?.


Analyse

[9]                 Les demandeurs sollicitent une ordonnance fondée sur la partie 8 des Règles de la Cour fédérale (1998), qui prévoit la sauvegarde des droits avant qu'il soit statué sur l'affaire. En vertu de la règle 372 de ces règles, une requête en injonction interlocutoire peut être présentée avant l'introduction de l'instance en cas d'urgence. La personne sollicitant ce redressement en cas d'urgence doit s'engager à introduire une instance.

[10]            En l'espèce, seul l'affidavit du demandeur Cyrenus Dugas déposé à la Cour à l'audience renferme des éléments de preuve de l'intention des demandeurs d'introduire une instance. L'affiant fait notamment les déclarations suivantes :

[TRADUCTION]

[...]

5.             Je confirme que nous avons instruction de présenter une demande de contrôle judiciaire et/ou d'intenter une action contre le ministre et/ou son représentant.

                                 6.             Je confirme que j'ai communiqué avec les autres parties, Gilles Hébert, Laurie Caissie et Vincent Jones, et qu'ils ont confirmé leur intention de faire de même.

[11]            Même si j'acceptais ces éléments de preuve malgré les oppositions bien fondées des avocats du défendeur, je devrais faire des suppositions quant à la nature de l'instance que les demandeurs désirent introduire.

[12]            Il est essentiel que la Cour sache dans le cadre de quelle instance la présente demande d'injonction provisoire est présentée pour déterminer si elle a compétence pour l'accorder.


[13]            Je me contente pour l'instant d'analyser la nature du redressement sollicité, sans trancher la question de la compétence. Le redressement provisoire sollicité par les demandeurs est un mandamus. Les demandeurs visent à obtenir de la Cour une ordonnance enjoignant au ministre de leur délivrer des permis de pêche du crabe des neiges.

[14]            Essentiellement, les demandeurs veulent que la Cour exerce le pouvoir discrétionnaire que le législateur a conféré au ministre des Pêches et des Océans du Canada au moyen de l'article 7 de la Loi sur les pêches[1]. Cet article prévoit :


7.(1) En l'absence d'exclusivité du droit de pêche conférée par la loi, le ministre peut, à discrétion, octroyer des baux et permis de pêche ainsi que des licences d'exploitation de pêcheries - ou en permettre l'octroi -, indépendamment du lieu de l'exploitation ou de l'activité de pêche.


7. (1) Subject to subsection (2), the Minister may, in his absolute discretion, wherever the exclusive right of fishing does not already exist by law, issue or authorize to be issued leases and licences for fisheries or fishing, wherever situated or carried on.


(2) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, l'octroi de baux, permis et licences pour un terme supérieur à neuf ans est subordonné à l'autorisation du gouverneur général en conseil.


(2) Except as otherwise provided in this Act, leases or licences for any term exceeding nine years shall be issued only under the authority of the Governor in Council.


[15]            La loi crée le pouvoir discrétionnaire, et non l'obligation, de délivrer ces permis. Dans l'arrêt Hahlon c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration)[2], la Cour d'appel fédérale a conclu que le redressement qu'est le mandamus pouvait convenir pour forcer l'exécution d'un devoir public mais qu'il ne pouvait pas dicter le résultat à atteindre.


[16]            Les demandeurs ne sollicitent pas une ordonnance forçant le ministre à prendre une décision, redressement que la Cour est autorisée à examiner. Ils veulent plutôt que la Cour dicte le résultat à atteindre, soit la délivrance des permis, redressement qu'il appartient au ministre, et non pas à la Cour, d'accorder.

[17]            Il faut aussi tenir compte de l'article 22 de la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif[3]. Le paragraphe 22(1) prévoit uniquement la possibilité d'une ordonnance déclaratoire des droits des parties et interdit l'octroi d'une injonction ou d'une ordonnance d'exécution contre l'État.

[18]            Même si on tenait pour acquis que l'instance sous-jacente à venir était clairement définie, les demandeurs ne peuvent pas obtenir en droit le redressement interlocutoire qu'ils sollicitent, soit une ordonnance de la Cour enjoignant au ministre de délivrer des permis de pêche. Les demandeurs n'ont donc pas démontré l'existence d'une question sérieuse. Il s'ensuit qu'ils n'atteignent pas le seuil peu élevé de la première étape du critère à trois étapes établi dans l'arrêt RJR-Macdonald Inc.[4] Étant donné que les trois étapes du critère dépendent l'une de l'autre, il n'y a pas lieu que j'examine les deuxième et troisième étapes.

[19]            Pour les motifs qui précèdent, les requêtes en injonction interlocutoire des demandeurs sont rejetées.


                                                                     ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.         Les requêtes en injonction interlocutoire des demandeurs sont rejetées.

2.         Les dépens ne sont pas adjugés sur ces requêtes.

                                                                                                                            « Edmond P. Blanchard »                 

                                                                                                                                                          J.C.F.C.                  

Traduction certifiée conforme

Pierre St-Laurent, LL.M.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :                                 T-648-01

INTITULÉ DE LA CAUSE :             Laurie Caissie, Cyrenus Dugas, Vincent Jones, Gilles Hébert fils c. Le ministre des Pêches et des Océans du Canada

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                 Le 19 avril 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE PAR monsieur le juge Blanchard

EN DATE DU :                                     24 avril 2001

ONT COMPARU

M. Maurice Richard                                POUR LES DEMANDEURS HÉBERT ET CAISSIE

M. Jacques Cormier                                POUR LES DEMANDEURS JONES ET DUGAS

Mme Kathleen McManus                         POUR LE DÉFENDEUR

M. John Ashley                                       POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Clermont Richard & Assoc.                    POUR LES DEMANDEURS HÉBERT ET CAISSIE

Frédéricton (Nouveau-Brunswick)

Cantini, Leblanc, Martin                          POUR LES DEMANDEURS JONES ET DUGAS

Sweet & Cormier

Moncton (Nouveau-Brunswick)

Morris Rosenberg                                    POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)



[1]           L.R.C. (1985), ch. F-14.

[2]           [1986] 3 C.F. 386.

[3]           L.R.C. (1985), ch. C-50.

[4]           RJR-Macdonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311.

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