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Date : 20201218


Dossier : T-1483-20

Référence : 2020 CF 1169

Ottawa (Ontario), le 18 décembre 2020

En présence de l'honorable monsieur le juge Shore

ENTRE :

CHRISTIAN DESCHÊNES

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]  Il s’agit d’une requête d’injonction interlocutoire mandatoire pour obliger le Service correctionnel du Canada [SCC] à permettre au demandeur de visiter sa conjointe, atteinte d’un cancer, dans le cadre d’une permission de sortir sans escorte [PSSE], octroyée le 15 octobre 2020 par la Commission des libérations conditionnelles du Canada [CLCC].

[2]  Le demandeur, âgé de 64 ans, est un détenu du Centre fédéral de formation [CFF], un établissement à sécurité minimale, qui purge une peine cumulative de quarante-cinq ans et quatre mois pour crimes divers, incluant des récidives. Il allègue que sa conjointe d’une quinzaine d’années est atteinte d’un cancer avec un pronostic d’un an; suite à ce pronostic, le demandeur exprime le désir de soutenir sa conjointe et de l’accompagner pendant les derniers mois de sa vie.

[3]  En octobre 2020, la CLCC a refusé la demande de libération conditionnelle et de semi-liberté, mais a autorisé une PSSE pour perfectionnement personnel effectif au moment où le SCC pourra l’actualiser, considérant l’actuelle pandémie de COVID-19. La PSSE a de fait été temporairement suspendue par la directrice du CFF en raison de la pandémie. Qui plus est, à l’occasion de la révision de cette position par la gestionnaire, évaluation, intervention et la directrice, ainsi que par la sous-commissaire, le demandeur ne rencontrait pas les critères de la Directive 710-3. Aucun grief n’a été déposé à l’encontre de la décision de la directrice ni de la sous-commissaire.

[4]  La présente requête porte sur la mise en œuvre de la décision de la CLCC. Pour ce faire, la Cour doit être satisfaite que l’issue présente une question sérieuse, que le demandeur risque de subir un tort irréparable et que la balance des inconvénients penche en sa faveur (RJR-Macdonald Inc. c Canada (Procureur général), 1994 SCC 117 [RJR-Macdonald]).

[5]  D’abord, à défaut de ne pas avoir épuisé ces recours internes, la Cour ne peut établir une question sérieuse (voir Teale c Canada (Procureur Général), [2000] FCJ No 1666, 104 ACWS (3e) 570, 49 WCB (2d) 447 au para 16; Mackinnon c Directeur de l’Établissement Bowden, 2016 CAF 14 au para 6). Les faits sont tels que le décideur du grief devrait considérer la gravité de l’état de santé de la conjointe du détenu, de même que la sécurité et la santé du CFF et de sa collectivité.

[6]  Quant au tort irréparable, le demandeur affirme que lui et sa conjointe subiront un préjudice s’il ne peut la soutenir dans ces temps d’instabilité. Ceci n’a toutefois pas été étayé dans les représentations écrites.

[7]  Enfin, la balance des inconvénients penche en faveur du défendeur ayant un mandat légiféré de veiller à la sécurité du public, des détenus et des pénitenciers (RJR-Macdonald, ci-dessus, aux para 69, 71). Il est d’ailleurs dans l’intérêt public que le défendeur observe les risques liés à la COVID-19. Avec tout le respect dû au témoignage du demandeur qui affirme qu’il se retrouve dans une situation délicate, la preuve au dossier démontre que la pandémie demeure un danger envers la collectivité, les détenus et le personnel des pénitenciers. Comme le roi Salomon, tiraillé entre deux témoignages, la Cour se retrouve devant deux plaidoiries qui ne sont pas sans conséquences déchirantes, mais — en tenant compte de la jurisprudence — la balance ne peut pencher en faveur du demandeur.

[8]  Pour ces motifs, la requête en injonction interlocutoire mandatoire est rejetée.


ORDONNANCE au dossier T-1483-20

LA COUR ORDONNE que la requête en injonction interlocutoire mandatoire soit rejetée.

OBITER

La Cour note que selon les propos du demandeur, le temps est compté pour sa conjointe et que si un grief est présenté, en autant que possible il devrait être considéré dans les plus brefs délais.

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1483-20

 

INTITULÉ :

CHRISTIAN DESCHÊNES c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AFFAIRE ENTENDUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE À MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 15 décembre 2020

 

ORDONNANCE ET motifs :

LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 18 décembre 2020

 

COMPARUTIONS :

Sylvie Bordelais

 

Pour le demandeur

 

Véronique Forest

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Bordelais, Nguyen, S.N.A.

Montréal (Québec)

 

Pour le demandeur

 

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour le défendeur

 

 

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