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                                                                 Date : 20020118

                                                             Dossier : IMM-6617-00

Ottawa (Ontario), le 18 janvier 2002

En présence de Monsieur le juge Pinard

ENTRE :

                         JAMES OLANUSI AKINDELE

                                                                demandeur

                                  - et -

                       MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                          ET DE L'IMMIGRATION

                                                                défendeur

                                ORDONNANCE

La Cour rejette la demande de contrôle judiciaire de la décision en date du 8 décembre 2000 par laquelle la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugiéa jugé que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention et que son récit n'avait pas un minimum de fondement.

                                                                   « YVON PINARD »   

                                                                              Juge                 

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


                                                                 Date : 20020118

                                                             Dossier : IMM-6617-00

                                                  Référence neutre : 2002 CFPI 37

ENTRE :

                         JAMES OLANUSI AKINDELE

                                                                demandeur

                                  - et -

                       MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                          ET DE L'IMMIGRATION

                                                                défendeur

                         MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD:

   Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire d'une décision en date du 8 décembre 2000 par laquelle la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a jugé que le demandeur ne répondait pas à la définition de réfugié au sens de la Convention que l'on trouve au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, (la Loi) et que son récit n'avait pas un minimum de fondement au sens du paragraphe 69.1(9.1) de ladite loi.

   Le revendicateur, James Olanusi Akindele, est un citoyen du Nigéria. Il affirme avoir raison de craindre d'être persécuté au Nigéria en raison de ses convictions religieuses.


   La Commission a refusé de reconnaître au revendicateur le statut de réfugié au sens de la Convention en concluant ce qui suit : [Traduction] « Compte tenu du fait que le tribunal estime que le revendicateur n'est pas crédible tant en ce qui concerne son témoignage que son récit écrit, et compte tenu du manque de fiabilitédes pièces qu'il a versées au dossier pour justifier sa revendication, le tribunal ne peut que conclure à une absence générale de crédibilité. » La Commission a invoqué les raisons suivantes pour justifier ses conclusions :

-     Le témoignage du revendicateur était dans l'ensemble vague, hésitant et très confus. Il n'était pas spontané et il a répété souvent textuellement son récit écrit. Son récit écrit manquait lui aussi de cohérence, de sorte qu'il était difficile pour le tribunal de discerner avec précision le fondement exact de sa revendication.

-     Le revendicateur n'a pas été en mesure de décrire son Église de façon cohérente, même s'il affirme qu'elle est bien connue au Nigéria. Il avait même du mal avec l'orthographe de son nom, comme le démontre la correction manuscrite qu'il a faite àla question 10 sur son formulaire de renseignements personnels.

-     Le Centre de renseignement de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié n'a trouvé aucun renseignement au sujet de l' « Église de Sion » (Zion Church) ou de l'Emmanuel Bible College du Nigéria.

-     Après avoir attentivement examiné les pièces d'identité produites par le requérant, la Commission a conclu que le type d'impression de son permis de conduire était typique d'un document contrefait. En outre, son attestation d'études est un document créé par ordinateur dont le sceau est une imitation d'un tampon de caoutchouc.

-     Le tribunal ne croit pas que l'Église que le requérant a nommée existe et constate qu'il est impossible de savoir avec certitude si le revendicateur est effectivement originaire du Nigéria.

-     Le revendicateur n'a pas été capable de fournir des détails cohérents au sujet de son arrestation par des militaires en 1993 ou en 1999.


   Le demandeur soutient que la Commission a tirédes conclusions absurdes et arbitraires,

sans tenir compte des éléments de preuve dont elle disposait. Il est de jurisprudence constante que la Commission a le droit d'inférer que le demandeur n'est pas crédible en raison des invraisemblances que comporte son témoignage, àcondition que ses inférences ne soient pas déraisonnables (Aguebor c. M.E.I., (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.)) et à condition d'exposer ses motifs dans des « termes clairs et explicites » (Hilo c. Canada (M.E.I.), 15 Imm. L.R. (2d) 199 (C.A.F.)). De plus, à moins que le contraire ne soit démontré, la Commission est présumée avoir tenu compte de l'ensemble de la preuve qui lui a été soumise, peu importe qu'elle l'ait mentionné ou non dans ses motifs (Hassan c. M.E.I., (1992), 147 N.R. 317, à la page 318 et Florea c. Canada (M.E.I.), [1993] A.C.F. no 598 (C.A.F.) (QL)). En l'espèce, après examen de la preuve, je ne suis pas convaincu que la Commission ait rendu une décision fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait (alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7).

   Le demandeur allègue en outre que les documents qu'il a soumis ont été rejetés sans justification. Le juge Joyal a déclaré, dans le jugement Culinescu c. Canada (M.C.I.), [1997] A.C.F. no 1200 (C.F. 1re inst.) (QL), qui a été confirmédans le jugement Hossain c. Canada (M.C.I.), [2000] A.C.F. no 160 (C.F. 1re inst.) (QL), que la crédibilitéest une question de fait qui relève entièrement de la compétence de la Commission, laquelle peut mettre en doute l'authenticité d'un document si elle dispose de suffisamment d'éléments de preuve pour justifier une telle conclusion. En l'espèce, la Commission a fondé sa conclusion sur les connaissances d'un expert spécialisé, de même que sur les diverses contradictions et invraisemblances qui ressortaient à l'évidence des documents que le demandeur lui avait soumis.


   Le demandeur soutient également que la Commission n'a pas apprécié la preuve à la lumière de la situation véritable qui existe au Nigéria. J'ai le sentiment qu'en l'espèce, le demandeur invite la Cour à substituer son évaluation de la preuve à la décision de la Commission. Ce n'est toutefois pas le rôle que notre Cour est appelée à jouer lorsqu'elle est saisie d'une demande de contrôle judiciaire (voir le jugement Tawfik c. M.E.I., (1993), 137 F.T.R. 43, à la page 46). Je suis d'avis, eu égard aux circonstances, que la perception de la Commission suivant laquelle le demandeur n'était pas crédible équivaut en fait à une conclusion qu'il n'existait pas d'éléments de preuve crédibles qui justifieraient sa revendication du statut de réfugié (Sheikh c. Canada (M.E.I.), [1990] 3 C.F. 238, à la page 244 (C.A.F.)).

   Le demandeur soutient en outre que la Commission n'a pas agi de façon impartiale tout au long de l'audience. Cet argument ne m'a pas convaincu. Dans l'arrêt Arthur c. Canada (Procureur général), [2001] A.C.F. no 1091 (QL), la Cour d'appel fédérale a d'ailleurs confirmé ce qui suit :

[...] Une allégation de partialité, surtout la partialitéactuelle et non simplement appréhendée, portée à l'encontre d'un tribunal, est une allégation sérieuse. Elle met en doute l'intégrité du tribunal et des membres qui ont participé à la décision attaquée. Elle ne peut être faite à la légère. Elle ne peut reposer sur de simples soupçons, de pures conjectures, des insinuations ou encore de simples impressions d'un demandeur ou de son procureur. Elle doit être étayée par des preuves concrètes qui font ressortir un comportement dérogatoire à la norme. Pour ce faire, il est souvent utile et même nécessaire de recourir à des preuves extrinsèques au dossier. C'est pourquoi ces preuves sont admissibles en dérogation au principe qu'une demande de contrôle judiciaire doit porter sur le dossier tel que constituédevant le tribunal.


   En l'espèce, Me Istvanffy, l'avocat du demandeur, n'a pas citéd'exemples concrets et sérieux ou fait état d'éléments de preuve extrinsèques propres au présent dossier qui permettraient de conclure à un parti pris chez les commissaires saisis de l'affaire. Je ne puis considérer l'affidavit de Me Tello comme une preuve concrète, car il est un collègue de l'avocat du demandeur, ce qui ne me convainc pas qu'il est en mesure de formuler une opinion objective. Qui plus est, Me Tello n'a pas déclaré qu'il avait lui-même assisté à cette audience. Sur cette question, le demandeur ne m'a pas convaincu qu'une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique, conclurait que la Commission aurait pu juger l'affaire sans objectivité (Committee for Justice and Liberty c. Office national de l'énergie, [1978] 1 R.C.S. 369). Je conclus que l'accusation de partialité que Me Istvanffy formule contre la Commission est dénuée de tout fondement.

   Le demandeur soutient finalement que la décision de la Commission et l'expulsion dont il a fait l'objet par suite de cette décision violent la Charte canadienne des droits et libertés de même que plusieurs droits protégés par le droit international. Je considère que ces arguments sont mal fondés, au motif qu'ils sont prématurés et qu'ils devraient en conséquence être rejetés. Cette position trouve appuie dans les propos suivants du juge Teitelbaum qui, dans le jugement Cota c. Canada (M.C.I.), [1999] A.C.F. no 872 (C.F. 1re inst.) (QL), a rejeté des arguments semblables au paragraphe [30] :

Cet argument est sans mérite. La Cour d'appel fédérale a déterminé dans l'affaire Barrera c. Canada (M.E.I.), [1993] 2 C.F. 3 (C.A.F.) qu'il était prématuré de déterminer si la déportation du demandeur serait cruelle et inusité puisque le Ministre n'avait pas encore déterminé si le demandeur constituait un danger pour le public et le mettant en danger imminent de déportation. Il s'ensuit qu'il est tout aussi prématuré de déterminer si une décision refusant d'accorder le statut de réfugié au demandeur enfreint l'article 12 de la Charte.

                                         

Pour les motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

La présente affaire ne soulève pas de question de portée générale susceptible d'être certifiée.

                                                                   « YVON PINARD »   

                                                                              Juge                 

OTTAWA (ONTARIO)

Le 18 janvier 2002

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


                          COUR FÉDÉ RALE DU CANADA

                      SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :          IMM-6617-00

INTITULÉ :              JAMES OLANUSI AKINDELE c. M.C.I.

LIEU DE L'AUDIENCE :    Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :    5 décembre 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR MONSIEUR LE JUGE PINARD

DATE DES MOTIFS :      18 janvier 2002

COMPARUTIONS:

Stewart Istvanffy                                  POUR LE DEMANDEUR

Daniel Latulippe                                   POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Stewart Istvanffy                                  POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

Morris Rosenberg                                   POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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