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Date : 20210106


Dossiers : T-2182-18

T-2183-18

Référence : 2020 CF 1158

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 6 janvier 2021

En présence de madame la juge Kane

ENTRE :

TEVA CANADA INNOVATION ET

TEVA CANADA LIMITED

demanderesses

et

PHARMASCIENCE INC.

défenderesse

et

YEDA RESEARCH AND DEVELOPMENT CO., LTD.

Brevetée ajoutée en vertu du para 6(2)

du Règlement AC et du

para 55(3) de la Loi sur les brevets

JUGEMENT ET MOTIFS PUBLICS

(Les jugement et motifs confidentiels ont été rendus le 16 décembre 2020, et aucun caviardage n’est nécessaire)

Table des matières

I. Aperçu 5

II. Les brevets en litige 14

A. Le brevet 437 14

B. Le brevet 802 16

III. Les témoins et la nature de leurs témoignages 18

A. Le brevet 437 18

(1) Les témoins des faits cités par Teva 18

(2) Les témoins experts cités par Teva 19

(3) Les témoins des faits cités par Pharmascience 20

(4) Les témoins experts cités par Pharmascience 20

B. Le brevet 802 21

(1) Les témoins des faits cités par Teva 21

(2) Les témoins des faits cités par Pharmascience 21

(3) Les témoins experts cités par Teva 22

(4) Le témoin expert cité par Pharmascience 22

IV. La SP ainsi que son diagnostic et les critères connexes 23

A. Formes de SP 24

B. Syndrome clinique isolé 25

C. Diagnostic de la SP 26

D. Utilisation de l’IRM 30

E. Les critères de McDonald 31

F. Différence entre les critères de Poser et de McDonald à l’égard du SCI 34

V. Position globale de la demanderesse Teva sur le brevet 437 35

VI. La position générale de la défenderesse Pharmascience sur le brevet 437 38

VII. La position générale de la demanderesse Teva sur le brevet 802 41

VIII. La position générale de la défenderesse Pharmascience sur le brevet 802 43

IX. Le fardeau de la preuve 44

X. Le brevet 437 – Description et divulgation 44

XI. Le brevet 802 – Description et divulgation 49

XII. La structure du présent jugement 52

XIII. Survol des témoignages d’experts sur le brevet 437 53

A. L’expert de Pharmascience, le Dr Green 53

B. L’experte de Teva, la Dre Morrow 58

C. L’expert de Teva, le Dr Selchen 59

D. L’experte de Teva, Mme Kreitman 62

XIV. La personne versée dans l’art dans le cas du brevet 437 63

A. Les principes tirés de la jurisprudence 63

B. Qui est la personne versée dans l’art dans le cas du brevet 437? 64

XV. L’interprétation des revendications 66

A. Les principes tirés de la jurisprudence 66

B. Les revendications du brevet 437 68

C. Le litige concernant les patients visés par les revendications 71

(1) Observations de Pharmascience 71

(2) Observations de Teva 74

D. Que disent les experts concernant les patients visés par les revendications? 76

(1) Dr Green 76

(2) Dre Morrow 79

(3) DSelchen 81

E. Les patients visés par la revendication 1 et les revendications subséquentes 84

XVI. Art antérieur concernant le brevet 437 94

A. Art antérieur concernant le traitement de la SP par l’acétate de glatiramère 95

B. Art antérieur concernant l’évolution du SCI en SP 96

C. Art antérieur concernant le traitement du SCI à l’aide d’interférons 96

D. Antériorités citées par Pharmascience 100

XVII. Connaissances générales courantes 101

A. Principes tirés de la jurisprudence 101

B. Que disent les experts? 102

(1) Dr Green 102

(2) Dr Selchen 106

C. Les connaissances générales courantes concernant le brevet 437 110

XVIII. Pharmascience peut‑elle invoquer la défense Gillette à l’encontre des allégations de contrefaçon du brevet 437? 114

A. Principes tirés de la jurisprudence 114

B. Les observations de Pharmascience 114

C. Les observations de Teva 116

D. La défense Gillette ne peut pas être retenue 117

XIX. Le brevet 437 est‑il antériorisé? 118

A. Principes tirés de la jurisprudence 118

B. Observations de Pharmascience 121

C. Observations de Teva 125

D. Que disent les experts? 128

(1) Dr Green 128

(2) Dr Selchen 130

E. Karussis 2006 n’antériorise pas les revendications du brevet 437 133

XX. Le brevet 437 est-il évident? 145

A. Les principes tirés de la jurisprudence 145

B. Les observations de Pharmascience 150

C. Les observations de Teva 156

D. Que disent les experts? 161

(1) DGreen 161

(2) DSelchen 165

E. Les revendications du brevet 437 sont évidentes 169

(1) L’état de la technique 170

(2) Les différences entre l’état de la technique et l’objet des revendications 175

XXI. Le brevet 802 179

A. La personne versée dans l’art dans le cas du brevet 802 179

B. L’interprétation des revendications du brevet 802 181

XXII. Art antérieur et connaissances générales courantes en ce qui a trait au brevet 802 182

A. Art antérieur concernant l’administration d’une dose de 20 mg d’acétate de glatiramère tous les jours par rapport à un jour sur deux 183

B. Art antérieur concernant l’administration quotidienne d’une dose de 20 mg d’acétate de glatiramère par rapport à une dose de 40 mg 185

C. Art antérieur concernant l’administration d’une dose de 40 mg d’acétate de glatiramère tous les deux jours 188

D. Art antérieur concernant les réactions au point d’injection et les réactions immédiates suivant l’injection 189

XXIII. Aperçu du témoignage des experts sur le brevet 802 190

A. L’expert de Pharmascience, le DGreen 190

B. L’expert de Teva, le Dr Prat 191

C. L’expert de Teva, M. Day 192

XXIV. Le brevet 802 est‑il invalide pour cause d’évidence? 194

A. Les observations de Teva 194

B. Les observations de Pharmascience 203

C. Que disent les experts? 210

(1) DGreen 210

(2) Dr Prat 218

D. Le brevet 802 n’est pas évident 232

(1) État de la technique 244

(2) Les différences entre l’état de la technique et l’objet des revendications 246

(3) L’essai n’allant pas de soi 246

XXV. Le brevet 802 est‑il invalide pour cause d’absence d’utilité ou de prédiction valable d’utilité? 253

A. Les observations de Teva 253

B. Les observations de Pharmascience 257

C. Les principes tirés de la jurisprudence 259

D. Le brevet 802 n’est pas invalide pour cause d’absence de prédiction valable d’utilité 264

XXVI. La question de la compétence – Teva peut‑elle se fonder sur le Règlement pour faire valoir que Glatect à 20 mg de Pharmascience est contrefaisant? 271

XXVII. La contrefaçon par Pharmascience 275

XXVIII. Les dépens 280

 

I. Aperçu

[1] La présente instance concerne deux actions en contrefaçon de brevet [l’action] intentées en vertu du paragraphe 6(1) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93‑133 [le Règlement AC].

[2] Sont en litige des médicaments contre la sclérose en plaques [SP]. Le produit de Teva Canada Innovation et de Teva Canada Limited [collectivement, Teva] est Copaxone® [Copaxone]. Copaxone en concentration de 20 milligrammes [Copaxone à 20 mg] existe sur le marché depuis le milieu des années 1990. Copaxone en concentration de 40 mg [Copaxone à 40 mg] est un produit plus récent.

[3] Le produit générique de Pharmascience Inc. [Pharmascience] est Glatect® [Glatect]. Pharmascience a obtenu en 2017 un avis de conformité [AC] du ministre de la Santé [le ministre] pour Glatect à 20 mg, qui est administré quotidiennement, et depuis, elle commercialise ce produit. La monographie de produit de Glatect, qui, notamment, décrit ce que Glatect à 20 mg est censé traiter, est décrite plus en détail plus loin dans les présents motifs. Teva a confirmé qu’indépendamment de l’issue de la présente action, l’AC délivré à Pharmascience pour Glatect à 20 mg administré quotidiennement n’en sera pas touché.

[4] Pharmascience souhaite maintenant ajouter à son produit Glatect une concentration à 40 mg à administrer trois fois par semaine. Elle a présenté à cette fin un supplément à une présentation de drogue nouvelle [SPDN] et, dans ce contexte, elle a indiqué comme produit de référence Copaxone à 40 mg. Elle qualifie son SPDN d’extension de gamme par rapport à son produit à 20 mg.

[5] La présente action résulte du dépôt par Pharmascience de son SPDN. Teva soutient que Glatect à 40 mg serait commercialisé selon la monographie de produit de Glatect proposée par Pharmascience, lequel est essentiellement identique à la monographie de produit de Copaxone de Teva.

[6] Teva allègue que les produits Glatect de Pharmascience contreferont les deux brevets en litige : les brevets canadiens portant les nos 2,702,437 [le brevet 437] et 2,760,802 [le brevet 802]. Teva ajoute que Pharmascience fabriquera, vendra et incitera à utiliser ses produits, qui s’adressent exactement au même groupe de patients, dans la même concentration et avec le même schéma posologique dans le but d’obtenir les mêmes résultats. Teva soutient que Pharmascience n’a produit aucune preuve tendant à démontrer qu’elle ne contrefera pas les brevets en question. Pharmascience fait valoir que ces derniers sont invalides.

[7] Les critères diagnostiques de la SP sont un point de discorde entre Teva et Pharmascience, car ils ont une incidence sur la portée des revendications du brevet 437 et, partant, sur les allégations de contrefaçon et d’invalidité. Comme nous le verrons plus loin, dans les années 1980 et 1990, le diagnostic de la SP reposait sur des critères établis par Poser (Poser CM et coll., « New Diagnostic Criteria for Multiple Sclerosis : Guidelines for Research Protocols », 1983 Ann Neurol 13(3) : 227‑230 [les critères de Poser]), lesquels exigeaient la démonstration de deux poussées cliniques. En 2001, de nouveaux critères ont été établis par McDonald (McDonald et coll., « Recommended diagnostic criteria for multiple sclerosis : guidelines from the international panel on the diagnosis of multiple sclerosis », 2001 Ann Neurol 50 : 121‑127 [les critères de McDonald]), lesquels se fondaient davantage sur des résultats d’imagerie par résonnance magnétique [IRM] pour établir l’existence de la maladie et sa progression. Les critères de McDonald ont été mis à jour en 2005, en 2010 et en 2017. Les experts ont dit que, même si les critères de McDonald sont aujourd’hui largement admis, ceux de Poser et la terminologie connexe font encore partie de leurs connaissances et quelques médecins continuent d’y faire référence.

[8] Teva soutient que les revendications du brevet 437 ne visent que les patients qui ont subi une seule poussée clinique et qui n’ont pas encore reçu un diagnostic de SP.

[9] Teva ne conteste pas le fait que Copaxone à 20 mg était reconnu comme un traitement efficace chez les patients ayant reçu un diagnostic de sclérose en plaques récurrente‑rémittente [SP‑RR], l’un des types de SP. La société fait valoir le caractère nouveau et inventif de l’inclusion, dans le brevet 437, d’une dose quotidienne de 20 mg d’acétate de glatiramère pour le traitement précoce des patients à la suite d’une première poussée clinique, avant l’apparition de la SP. Teva soutient que l’art antérieur invoqué par Pharmascience était méconnu et ne faisait que spéculer sur l’efficacité d’une administration quotidienne d’acétate de glatiramère dans le traitement précoce des patients.

[10] Pharmascience fait valoir qu’elle ne contrefera pas le brevet 437 parce que celui‑ci est invalide et que son produit Glatect à 40 mg n’est pas destiné aux patients ayant subi une seule poussée, mais à ceux qui répondent aux critères diagnostiques de la SP ou de la SP récurrente‑rémittente [SP‑RR].

[11] Pharmascience invoque le moyen de défense fondé sur l’arrêt Gillette [défense Gillette] en réponse aux allégations de contrefaçon de Teva. Elle fait valoir qu’elle ne contrefait pas le brevet 437 parce que son produit Glatect met simplement en pratique les enseignements tirés de l’art antérieur. Elle soutient que les revendications du brevet 437 visent les patients atteints de SP‑RR, et que l’art intérieur inclut le fait qu’il était bien connu que l’acétate de glatiramère constitue un traitement efficace pour la SP‑RR.

[12] Pharmascience soutient de plus que le brevet 437 n’est ni nouveau ni inventif et qu’il est de ce fait invalide pour cause d’antériorité et d’évidence.

[13] Pharmascience allègue que, bien qu’elles reflètent les critères de Poser, les revendications du brevet 437 visent certains patients qui répondent aux critères de SP selon McDonald. Si c’est son interprétation qui est retenue, il s’ensuit que les patients qui n’ont subi qu’une seule poussée clinique mais qui répondent aux critères diagnostiques de la SP (c.‑à‑d., d’après des résultats d’IRM) tombent sous le coup des revendications du brevet 437. On pourrait dire que ces patients atteints de SP ne sont pas différents des patients atteints de SP‑RR pour lesquels Copaxone à 20 mg était un traitement bien connu.

[14] Pharmascience soutient également que si l’on interprète de manière étroite les revendications du brevet 437, à savoir que celui-ci vise les patients ayant subi une seule poussée (comme Teva le propose), ces revendications se heurtent quand même à l’art antérieur, lequel recommandait d’envisager l’utilisation d’acétate de glatiramère pour le traitement précoce de ces patients.

[15] Pharmascience fait valoir que les revendications sont évidentes, car il n’y a aucune différence entre l’état de la technique en novembre 2007 et l’objet des revendications.

[16] Pharmascience a soulevé des questions de compétence quant à savoir si le Règlement AC permet à Teva d’alléguer la contrefaçon du brevet 437 à l’égard de Glatect à 20 mg sur une base prospective dans ces circonstances, étant donné que Pharmascience a déjà obtenu un AC. Cette question est analysée plus loin dans les présents motifs, à la partie XXVI.

[17] Pour ce qui est du brevet 802, Teva soutient que Pharmascience contrefera le brevet parce que le produit Glatect de cette dernière est indiqué pour traiter exactement le même groupe de patients, principalement ceux qui sont atteints de SP‑RR, avec la même posologie de 40 mg trois fois par semaine. Teva nie que le brevet 802 est invalide pour cause d’évidence ou d’absence de prédiction valable d’utilité.

[18] Selon Teva, il y a une différence notable entre l’état de la technique en août 2009 et l’objet des revendications du brevet. Elle conteste que l’art antérieur sur lequel se fonde Pharmascience faisait autorité ou était connu par la personne versée dans l’art, ou encore qu’il était considéré par celle-ci comme une « mosaïque d’extraits ». Elle ajoute que la personne versée dans l’art ne saurait réaliser l’invention en faisant appel à ses connaissances générales courantes et dans le cadre de son travail quotidien. Il lui serait plutôt nécessaire de faire preuve d’inventivité. Elle soutient qu’il ne fait aucun doute que l’invention de 40 mg trois fois par semaine a une valeur inventive et utile.

[19] Pharmascience soutient qu’elle ne contrefera pas le brevet 802 de Teva, car celui-ci est invalide pour cause d’évidence.

[20] Pharmascience allègue subsidiairement que, si le brevet 802 n’est pas évident au regard de l’art antérieur, il s’ensuit donc que Teva n’a ni démontré l’utilité ni valablement prédit cette dernière. Teva signale qu’aucun résultat n’est énoncé dans le brevet 802, juste une proposition concernant l’étude des résultats attendus.

[21] De façon générale, les parties ont proposé des voies différentes pour parvenir aux conclusions qu’elles recherchent et ont cité certains extraits de la preuve à l’appui de leurs voies respectives. Cependant, le rôle de la Cour consiste à suivre le « grand chemin » et à examiner l’ensemble de la preuve pertinente dans son contexte.

[22] Teva et Pharmascience ont chacune soulevé des objections à l’égard de certains éléments de preuve présentés par l’autre.

[23] Par exemple, Teva est d’avis que Pharmascience a scindé la preuve en introduisant de nouveaux éléments, en particulier la demande de brevet internationale no WO 2007/081975 [Pinchasi 2007], mentionnée dans le rapport en réponse du Dr Ari Green sur l’absence de contrefaçon. Pharmascience conteste cette allégation et fait valoir qu’elle a clairement invoqué la défense Gillette à l’encontre de la question relative à la contrefaçon. Pharmascience explique que l’on a remis au Dr Green les monographies de produit antérieures de Copaxone et la demande Pinchasi 2007 et qu’on lui a demandé de les examiner et de décrire comment la personne versée dans l’art les comprendrait. On lui a aussi demandé de passer en revue la monographie de produit de Glatect et de faire part de son opinion quant à savoir si on y appliquait les enseignements de l’art antérieur.

[24] Pharmascience explique qu’elle ne se fonde pas sur l’opinion exprimée par le Dr Green au sujet de Pinchasi 2007 dans son rapport en réponse sur l’absence de contrefaçon pour étayer ses arguments en matière d’antériorité; elle s’appuie plutôt sur cette opinion pour étayer la défense Gillette. Elle signale que Teva n’a pas répliqué au rapport du Dr Green sur l’absence de contrefaçon.

[25] Pharmascience signale aussi qu’elle a clairement cité Pinchasi 2007 à titre d’antériorité et que cette demande de brevet peut donc servir à établir l’antériorité.

[26] Teva soutient de plus que Pharmascience a cherché à introduire de nouveaux éléments de preuve dans son plaidoyer final. Pharmascience répond que le compendium supplémentaire, d’une longueur de 21 pages, ne contient que des extraits de documents déjà mis en preuve et qu’il ne vise qu’à faire ressortir les antériorités sur lesquelles s’est fondé le Dr Green dans son opinion sur la validité.

[27] De façon plus générale, chaque partie cherche à amoindrir l’expertise et le témoignage des experts de la partie adverse, et ce, notamment : en mettant en doute leur compréhension des critères juridiques applicables et des instructions qui leur ont été données, en suggérant qu’ils sont à la solde de grandes sociétés pharmaceutiques à cause des subventions de recherche et des honoraires de consultation qu’ils ont reçus antérieurement, qu’ils ont excédé leur mandat, qu’ils n’ont pas publié d’articles dans certaines revues scientifiques de pointe et qu’ils ont cité dans leurs publications d’autres experts du domaine avec lesquels ils semblent maintenant différer d’opinion sur des points précis, de même qu’en contestant leur expertise, par exemple parce qu’ils ne font partie d’une équipe de mise au point de médicaments.

[28] À mon avis, tous les experts ont établi leur expertise et tous ont livré des témoignages utiles à la Cour sur les questions en litige. Tous sont manifestement soucieux d’améliorer la situation des personnes atteintes de SP. J’ai examiné les observations faites par chacune des parties en vue minimiser l’importance des dépositions faites par les témoins de l’autre partie. J’ai examiné l’ensemble des témoignages dans leur contexte et je les ai soupesés. Je n’ai pas écarté le témoignage d’un expert parce qu’il a été rémunéré par les parties dans le cadre de la présente instance, d’un autre litige ou de ses recherches, ou parce qu’il a publié nettement plus d’articles – ou moins – que d’autres experts. À l’évidence, tous sont des experts en diagnostic et en traitement de la SP et tous ont été reconnus comme tels pour les besoins de la présente action. Ils ont toutefois exprimé des opinions différentes sur des questions clés qu’il est impossible de concilier. Les contre‑interrogatoires ont permis de relever des incohérences et des faiblesses dans certains témoignages. Cependant, certaines des questions posées aux experts en contre‑interrogatoire étaient détaillées et précises et visaient naturellement à étayer des arguments en particulier. Dans certains cas, les questions et les réponses étaient déroutantes et alambiquées si bien que j’ai dû examiner attentivement l’ensemble du témoignage détaillé offert par l’expert. Les témoignages sont évalués dans le contexte des questions pertinentes.

[29] Pour les motifs qui suivent, je conclus que le brevet 437 n’est pas antériorisé par le rapport de Karussis D et coll., « A recommended treatment algorithm in relapsing multiple sclerosis : report of an international consensus meeting », 2006 Eur J Neurol 13: 61‑71 [Karussis 2006]. Je conclus toutefois que ce brevet est évident.

[30] Point n’est besoin d’examiner la question de compétence que soulève le fait que Teva se fonde sur le Règlement AC pour alléguer la contrefaçon relativement au produit de Glatect à 20 mg, étant donné ma conclusion que le brevet 437 n’est pas valide.

[31] Je conclus que le brevet 802 est valide; il n’est pas évident et il a valablement prédit son utilité.

[32] Pour ce qui est de la contrefaçon, si Pharmascience entreprend de commercialiser Glatect à 40 mg en fonction de la SPDN qu’elle a proposée, elle contrefera le brevet 802.

II. Les brevets en litige

A. Le brevet 437

[33] Yeda Research and Development Co., Ltd. [Yeda] est titulaire du brevet 437.

[34] Aux termes de l’article 42 de la Loi sur les brevets, LRC (1985), c P‑4, Yeda a le droit, la faculté et le privilège exclusif de fabriquer, construire, exploiter et vendre à d’autres, pour qu’ils l’exploitent, l’objet de l’invention revendiquée dans le brevet 437.

[35] Yeda est une société dont le siège est situé à Rehovot (Israël).

[36] Teva Canada Innovation est une société dont le siège est situé à Montréal (Québec) et qui a un bureau à Toronto (Ontario). Teva Canada Limited est une société dont le siège est situé à Toronto (Ontario).

[37] Le brevet 437 est inscrit au registre des brevets que tient le ministre en vertu du Règlement AC, relativement au produit à base d’acétate de glatiramère à 40 mg de Teva, commercialisé sous le nom de marque Copaxone, dans des seringues préremplies à une concentration de 40 mg/1 mL, pour injection sous‑cutanée. Le produit à base d’acétate de glatiramère à une concentration de 20 mg de Teva n’est pas inscrit au registre des brevets.

[38] Teva souligne qu’elle a obtenu le consentement de Yeda pour l’inscription du brevet 437 au registre des brevets que tient le ministre en vertu du Règlement AC. Elle est autorisée par Yeda à vendre, et elle vend, le médicament Copaxone (acétate de glatiramère) au Canada.

[39] Le brevet 437 a pour titre « Procédé pour retarder le début d’une sclérose en plaques cliniquement définie ». Il a été délivré le 25 juin 2013 et n’a pas encore expiré.

[40] Les parties conviennent que, pour l’interprétation des revendications, la date pertinente est celle de la publication du brevet, soit le 4 juin 2009. Pour ce qui est de l’antériorité et de l’évidence, la date pertinente est celle de la revendication, soit le 28 novembre 2007.

[41] Le brevet 437 contient 50 revendications. Ces dernières se rapportent à l’acétate de glatiramère, ou à des médicaments comprenant ce produit, qui est conçu pour le traitement de patients humains à risque de SP. Les revendications en litige (nos 1, 2, 3, 4, 13, 14, 15, 16, 19, 24, 33, 47 et 50) sont reproduites à l’annexe 1.

[42] Le 13 novembre 2018, Teva a reçu signification d’un avis d’allégation [AA] envoyé par Pharmascience, une société de fabrication de produits pharmaceutiques génériques, relativement à Glatect à 40 mg et au brevet 437. Il est allégué dans cet AA que Pharmascience ne contrefera pas le brevet 437 en fabriquant, construisant, utilisant ou vendant Glatect et que le brevet 437 est invalide.

B. Le brevet 802

[43] Yeda est elle aussi la titulaire inscrite du brevet 802 et, conformément au paragraphe 6(2) du Règlement AC, elle est partie à la présente action.

[44] Aux termes de l’article 42 de la Loi sur les brevets, Yeda a le droit, la faculté et le privilège exclusif de fabriquer, construire, exploiter et vendre à d’autres, pour qu’ils l’exploitent, l’objet de l’invention revendiquée dans le brevet 802.

[45] Le brevet 802 est inscrit au registre sur les brevets que tient le ministre en vertu du Règlement AC, relativement au produit à base d’acétate de glatiramère de Teva, commercialisé sous le nom de marque Copaxone, dans des seringues préremplies à une concentration de 40 mg/1 ml, pour injection sous‑cutanée.

[46] Teva signale qu’elle a obtenu le consentement de Yeda pour inscrire le brevet 802 dans le registre des brevets que tient le ministre en vertu du Règlement AC. Elle affirme être autorisée par Yeda à vendre, et elle vend, le médicament Copaxone (acétate de glatiramère) au Canada.

[47] Le brevet 802 a pour titre « Thérapie à l’acétate de glatiramère à basse fréquence ».

[48] Les parties conviennent que, pour l’interprétation des revendications, la date pertinente est celle de la publication de la demande de brevet, soit le 24 février 2011. Pour ce qui est des allégations d’évidence, la date pertinente est la date de la revendication, soit le 20 août 2009. S’agissant de l’utilité, la date pertinente est celle du dépôt, soit le 19 août 2010.

[49] Le brevet 802 contient 66 revendications. Celles-ci se rapportent toutes à l’acétate de glatiramère, ou à des médicaments comprenant ce produit, qui est conçu pour traiter les patients humains atteints de SP ou à risque de SP. Les revendications en litige sont les nos 1, 2, 3, 4, 22, 24, 25, 36‑39, 47‑57, 59, 60, 63‑66, et elles sont reproduites à l’annexe 2.

[50] Le 13 novembre 2018, Teva a reçu signification d’un AA envoyé par Pharmascience relativement à Glatect et au brevet 802. Il est allégué dans cet AA que Pharmascience ne contrefera pas le brevet 802 en fabriquant, en construisant, en utilisant ou en vendant Glatect et que le brevet 802 est invalide.

III. Les témoins et la nature de leurs témoignages

[51] Les parties ont présenté leur preuve sous forme de rapports écrits rédigés par des témoins experts et des témoins des faits, de même que sous forme de témoignages faits de vive voix par de nombreux témoins. Les témoins et un bref résumé de la nature de leurs témoignages sont présentés ci‑après.

A. Le brevet 437

(1) Les témoins des faits cités par Teva

[52] Mme Sigalit Zecharia Daniel est directrice principale, cheffe de la qualité clinique à l’échelle mondiale, à Teva Pharmaceutical Industries Ltd. Mme Daniel a joint à son affidavit des documents relatifs aux études cliniques que Teva a menées, dont les protocoles de ces études et les rapports connexes.

[53] Mme Rivka Kreitman est titulaire d’un doctorat en biochimie et elle a effectué un stage postdoctoral en biologie moléculaire et en génétique. Elle s’est jointe à Teva en 1993 et a quitté l’entreprise en 2018. Dans le cadre de son travail chez Teva, son équipe et elle s’occupaient entre autres des travaux de recherche et de développement, du dépôt des dossiers réglementaires et des études cliniques concernant Copaxone. Mme Kreitman a fourni des documents relatifs à la mise au point de Copaxone. Elle a également témoigné dans des instances introduites dans d’autres pays au sujet des brevets en litige.

(2) Les témoins experts cités par Teva

[54] La Dre Sarah Morrow est une neurologue spécialisée en troubles neurologiques, notamment en diagnostic et en traitement de la SP. La Dre Morrow a parlé de la personne versée dans l’art, de la divulgation du brevet 437 et de l’interprétation des revendications. Son témoignage a porté principalement sur la question de savoir si l’utilisation ou la vente des produits Glatect de Pharmascience, décrits dans la monographie de produit de Glatect, contreferait les revendications du brevet 437.

[55] Le Dr Selchen est un neurologue spécialisé en troubles neurologiques, notamment en diagnostic et en traitement de la SP. Le Dr Selchen a répondu à l’opinion du Dr Green sur la validité du brevet. Il a parlé de la personne versée dans l’art, des connaissances générales courantes, de l’interprétation des revendications ainsi que de l’état de la technique, relativement au brevet 437.

[56] M. Neil Palmer est un expert du marché pharmaceutique canadien. Il est le fondateur, le conseiller principal et le président émérite de PDCI Market Access Inc., un cabinet‑conseil en fixation de prix et en remboursement, situé à Ottawa. Le témoignage de M. Palmer a porté, entre autres, sur les régimes de remboursement publics et privés concernant l’acétate de glatiramère, dont Copaxone et Glatect. Les parties ont accepté que le rapport de M. Palmer soit admis sans témoignage de vive voix.

[57] M. Gregory Grant est biochimiste et professeur de biologie du développement et de biochimie médicale. La preuve fournie par M. Grant traite de la connaissance qu’aurait un biochimiste de l’« acétate de glatiramère » par rapport aux brevets 437 et 802, et de la question de savoir si Glatect contient de l’acétate de glatiramère. Les parties ont accepté que la preuve fournie par M. Grant soit admise sans témoignage de vive voix.

(3) Les témoins des faits cités par Pharmascience

[58] M. Graham McKinnon est agent enregistré de brevets au Canada et aux États‑Unis. M. McKinnon a joint à son affidavit des documents qui concernent l’historique du dépôt de la demande de brevet américain no 11/651,212 et du brevet canadien no 2,191,088 [le brevet 088].

[59] M. Deirdre Cozier est directeur des affaires réglementaires mondiales à Pharmascience, où il est chargé de recueillir des informations et des données et de soumettre des présentations liées aux produits pharmaceutiques de Pharmascience aux autorités réglementaires du monde entier, dont Santé Canada. M. Cozier a joint à son affidavit des documents concernant le dépôt des dossiers réglementaires concernant Glatect, dont la monographie de produit et le SPDN.

(4) Les témoins experts cités par Pharmascience

[60] Le Dr Ari Green est un neurologue spécialisé en troubles neurologiques, notamment en diagnostic et en traitement de la SP. Il a présenté deux rapports concernant le brevet 437. Il s’est d’abord prononcé sur la validité du brevet 437 et a examiné la question de l’antériorité, citant Karussis 2006, et de l’évidence en faisant référence à l’art antérieur et aux connaissances générales courantes. Le Dr Green a également présenté un second rapport en réponse au rapport de la Dre Morrow sur la contrefaçon. Dans son second rapport, il a traité des monographies de produit, a donné des précisions sur le groupe de patients visés et a cité d’autres antériorités. Il a également offert une preuve d’expert dans des instances engagées dans d’autres pays au sujet des brevets en litige ou de leurs équivalents.

[61] Mme Susanne Picard est pharmacienne et consultante en affaires réglementaires. Elle est spécialisée dans l’approbation réglementaire des produits pharmaceutiques. Le témoignage de Mme Picard a porté, notamment, sur les exigences relatives aux présentations de drogue nouvelle [PDN] et aux SPDN, sur l’utilisation des monographies de produit et, plus particulièrement, sur le SPDN et la monographie de produit concernant Glatect.

B. Le brevet 802

(1) Les témoins des faits cités par Teva

[62] Mme Sigalit Zecharia Daniel et Mme Rivka Kreitman, décrites ci‑dessus, ont également témoigné au sujet du brevet 802.

(2) Les témoins des faits cités par Pharmascience

[63] M. Graham McKinnon et M. Deirdre Cozier, décrits ci‑dessus, ont également témoigné au sujet du brevet 802.

(3) Les témoins experts cités par Teva

[64] Le Dr Reza Vosoughi est un neurologue spécialisé en troubles neurologiques, notamment en diagnostic et en traitement de la SP. Le témoignage du Dr Vosoughi a porté sur la personne versée dans l’art, l’interprétation des revendications et la contrefaçon des revendications du brevet 802.

[65] Le Dr Alexandre Prat est un neurologue spécialisé en troubles neurologiques, notamment en diagnostic et en traitement de la SP. Le Dr Prat a répondu à l’opinion du Dr Green sur l’invalidité du brevet 802.

[66] M. Simon Day est un biostatisticien spécialisé en conception et en interprétation d’essais cliniques. M. Day a entre autres expliqué comment la personne versée dans l’art aurait interprété les résultats des études cliniques et d’autres résumés concernant l’acétate de glatiramère.

[67] M. Neil Palmer et M. Gregory Grant, décrits ci‑dessus, ont également témoigné au sujet du brevet 802.

(4) Le témoin expert cité par Pharmascience

[68] Le Dr Ari Green, décrit ci‑dessus, a lui aussi donné son opinion sur la validité du brevet 802.

IV. La SP ainsi que son diagnostic et les critères connexes

[69] La SP est une maladie du système nerveux central [SNC], lequel comprend le cerveau, le nerf optique et la moelle épinière. La SP est considérée comme une maladie inflammatoire ou auto-immune, au cours de laquelle le système immunitaire du patient s’attaque à la myéline du SNC.

[70] Comme l’a expliqué la Dre Morrow, témoin de Teva, et comme l’ont confirmé les autres experts, le SNC se compose de matière grise et de matière blanche. La matière grise contient les corps cellulaires des neurones, tandis que la matière blanche contient les axones, qui forment le prolongement des neurones. Les axones de la matière blanche du SNC sont recouverts d’une substance grasse appelée myéline. La myéline, agissant à la façon d’une gaine isolante, permet la transmission rapide des signaux électriques qui sont générés dans les corps cellulaires des neurones et qui se propagent le long des axones.

[71] Chez une personne atteinte de SP, le système immunitaire s’attaque aux composants du SNC. Il s’ensuit une destruction de la gaine de myéline à différents emplacements du cerveau, du nerf optique et de la moelle épinière (un processus appelé « démyélinisation »), de même qu’une dégénérescence axonale. Ce processus provoque l’apparition graduelle de lésions ou d’atteintes du SNC.

[72] La démyélinisation peut se produire dans diverses zones du SNC. Les symptômes que présente un patient atteint de SP dépendent de la zone ou des zones où survient la démyélinisation, ainsi que de la taille des lésions.

[73] L’expert de Pharmascience, le DGreen, a expliqué que tôt dans son évolution, la SP se caractérise par des événements inflammatoires et démyélinisants intermittents, mais potentiellement débilitants (également appelés « poussées », « rechutes », « exacerbations » et « épisodes »). La première poussée se manifeste couramment par une névrite optique (à savoir une perte de vision et une douleur à l’arrière de l’œil). D’autres manifestations courantes pendant les poussées cliniques incluent les épisodes d’engourdissement, de picotements, de faiblesse musculaire et de spasticité, l’incoordination, l’incontinence urinaire et fécale, la fatigue générale, les étourdissements et la dépression.

A. Formes de SP

[74] Les témoins experts ont tous décrit les formes de SP de la même manière, en indiquant que ces formes sont définies selon l’évolution ou la progression de la maladie.

[75] Les experts ont expliqué qu’en novembre 2007, en ce qui concerne le brevet 437, et en août 2009, en ce qui concerne le brevet 802, on distinguait quatre formes de SP en fonction de l’évolution clinique :

  1. la SP‑RR se caractérise par des poussées intermittentes, clairement définies, suivies par une rémission au moins partielle ou par une atténuation de certains symptômes durant plusieurs semaines ou plusieurs mois;
  2. la SP progressive secondaire, qui suit un diagnostic de SP-RR, se caractérise par une aggravation progressive des symptômes; les poussées suivies d’une rémission partielle surviennent rarement ou disparaissent;
  3. la SP progressive primaire se caractérise par un déclin constant de la fonction neurologique sans poussées ou rémissions distinctes;
  4. la SP progressive récurrente se caractérise par un déclin constant de la fonction neurologique dès l’apparition de la maladie, auquel s’ajoutent des poussées occasionnelles et des périodes de rémission pendant lesquelles l’aggravation progressive des symptômes se poursuit.

[76] Plusieurs experts ont expliqué que la SP-RR reste la forme de SP la plus courante.

B. Syndrome clinique isolé

[77] Le DSelchen, témoin de Teva, a expliqué qu’en novembre 2007, les patients qui présentaient des manifestations caractéristiques de la SP au cours d’une seule poussée clinique recevaient un diagnostic de syndrome clinique isolé [SCI]. Il a souligné qu’il importait que le clinicien écarte les autres causes pouvant expliquer un SCI, outre la SP, lors de l’examen d’un patient présentant un possible SCI. Toujours selon le DSelchen, il était reconnu que de nombreux cas de SP, mais pas tous, débutent par un SCI.

[78] L’IRM pouvait être utilisée chez les patients ayant subi une seule poussée clinique afin de déterminer si cette poussée évoquait ou appuyait un diagnostic de SP.

[79] Le DGreen a également expliqué que le terme « SCI » était généralement réservé aux patients chez qui un seul épisode d’atteinte neurologique clinique laissait soupçonner une démyélinisation, en présence d’autres lésions observées à l’IRM (au moins une ou deux). Pour le distinguer d’un épisode évoquant une démyélinisation inflammatoire, mais pour lequel aucune lésion n’est visible à l’IRM, le SCI s’accompagnant de lésions à l’IRM était souvent qualifié de SCI « à risque élevé ». Le Dr Green a déclaré que la plupart des patients atteints de SCI « à risque élevé » présentent par la suite une SP-RR.

[80] Le DGreen a ajouté que la mise en évidence d’épisodes antérieurs à l’événement clinique (le SCI) est le principal moyen de cerner les patients qui risquent de subir d’autres poussées. En novembre 2007, ce risque était largement évalué par l’observation de lésions suspectes à l’IRM.

C. Diagnostic de la SP

[81] Tous les experts se sont accordés à dire que le diagnostic de la SP a évolué au fil du temps.

[82] Les experts ont également convenu qu’aucune forme de SP ne peut être diagnostiquée au moyen d’un test unique. Le diagnostic repose sur un ensemble de renseignements issus de l’étude des antécédents du patient, de l’examen physique, d’examens diagnostiques complémentaires (telle l’IRM cérébrale et médullaire) et d’une analyse du liquide céphalorachidien prélevé par ponction lombaire.

[83] Comme l’a expliqué le DGreen, en novembre 2007, le diagnostic de la SP reposait (tout comme aujourd’hui) sur de nombreuses analyses objectives et subjectives. Les analyses objectives comprennent l’examen clinique, les évaluations cliniques normalisées permettant de mesurer l’incapacité, les examens d’IRM, les évaluations cliniques élargies (p. ex. les évaluations neuropsychologiques et neurovisuelles) et les évaluations de la fréquence des rechutes. Les analyses subjectives comprennent les questionnaires destinés aux patients qui visent à mesurer la progression clinique.

[84] Même si la SP était diagnostiquée bien avant les années 1980, les critères pertinents dans la présente action sont les critères de Poser et de McDonald.

[85] Les « critères de Poser » ont été établis dans les années 1980. Ils reposent en grande partie sur l’observation clinique.

[86] Les concepts sur lesquels s’appuient ces critères sont la « dissémination dans l’espace » [DIS], soit la mise en évidence de lésions à plusieurs endroits du SNC, et la « dissémination dans le temps » [DIT], soit la survenue d’épisodes distincts à des moments différents.

[87] Le DGreen a expliqué que la dissémination dans l’espace et la dissémination dans le temps demeurent des caractéristiques essentielles de la SP.

[88] Le DSelchen a expliqué également qu’un diagnostic de SP ne peut être posé qu’une fois la dissémination dans le temps et la dissémination dans l’espace établies.

[89] Selon les critères de Poser, un diagnostic de SP (également appelée « SP cliniquement certaine » [SP-CC]) nécessite la mise en évidence de plusieurs lésions du SNC. L’existence de ces lésions peut être établie par un examen neurologique (en fonction des signes cliniques de dysfonctionnement neurologique) ou par des examens ou évaluations, telle l’IRM, qui démontrent la présence d’une lésion sans que le patient signale ou observe de signe clinique (on parle alors de signes paracliniques de dysfonctionnement neurologique). La présence d’au moins deux lésions séparées dans l’espace (c.-à-d. la dissémination dans l’espace) et d’au moins deux épisodes ou rechutes (c.-à-d. la dissémination dans le temps) doit être établie chez le patient.

[90] Selon les critères de Poser, un diagnostic de SP-CC est posé quand le patient satisfait à l’un ou l’autre des deux ensembles de critères suivants :

  • Deux poussées et la présence de deux lésions distinctes établie par des données cliniques;
  • Deux poussées, la présence d’une lésion établie par des données cliniques et la présence d’une autre lésion distincte établie par des données paracliniques (c.-à-d. par IRM).

[91] Autrement dit, le diagnostic selon les critères de Poser (ou les critères de McDonald) nécessite de démontrer que la maladie touche diverses parties du SNC, et ce, à des moments différents.

[92] Le DGreen a expliqué que lorsqu’on applique les critères de Poser pour établir un diagnostic de SP-CC, il faut démontrer que la maladie touche plusieurs voies (dissémination dans l’espace) et n’est pas « monophasique » (c.-à-d. qu’elle ne comporte pas une seule phase, soit la dissémination dans temps). Ce diagnostic repose sur l’évaluation clinique et nécessite généralement deux poussées (ou rechutes) définies, d’une durée de plus de 24 heures et survenues à plus d’un mois d’intervalle, ainsi que des signes cliniques de lésions à au moins deux endroits du SNC.

[93] La Dre Morrow a expliqué que, selon les critères de Poser, un diagnostic de SCI était posé lorsqu’un patient avait connu une seule poussée et que les données cliniques ou paracliniques révélaient au moins une lésion du SNC.

[94] La Dre Morrow a déclaré qu’à la suite d’un SCI, la majorité des patients finissent par recevoir un diagnostic de SP-CC. Le DGreen s’est dit du même avis. Le DSelchen était également d’accord, mais a souligné que certains patients doivent être suivis sur une longue période.

[95] Le DSelchen a expliqué que le SCI est décrit comme un [traduction] « événement clinique évoquant la SP », parce que chez de nombreux patients, il précède un diagnostic de SP.

D. Utilisation de l’IRM

[96] Au début des années 2000, l’IRM est devenue un outil clinique prépondérant en ce qui a trait à la SP. La Dre Morrow a expliqué que l’IRM est une technique très sensible pour détecter les modifications tissulaires attribuables à la SP. L’IRM fournit des données paracliniques qui contribuent au diagnostic de la SP et à la surveillance de l’activité et de la progression de la maladie chez les patients.

[97] Les experts ont expliqué la façon dont l’IRM cérébrale, réalisée en vue de cerner les lésions caractéristiques de la SP, permet de décrire la maladie et son évolution et peut orienter le traitement de la maladie. Les deux principaux types d’images utilisés sont les images « pondérées en T1 » et les images « pondérées en T2 ».

[98] Le DVosoughi et les autres experts ont indiqué que l’inflammation cérébrale peut être mise en évidence par l’injection de gadolinium (désigné par l’abréviation Gd ou GAD). Selon la description donnée de cette technique d’imagerie, un « agent de rehaussement », comme un colorant, est administré au patient de façon à augmenter le contraste entre les tissus sains et les tissus lésés. La Dre Morrow et le DGreen ont expliqué de façon similaire la visualisation à l’aide d’images d’IRM pondérées en T1 et en T2 et l’utilisation du Gd sur les images prises après l’administration du produit de contraste.

[99] Le DVosoughi a expliqué que chez les patients atteints de SP, les lésions en T1 ont tendance à augmenter en nombre et en taille au fil du temps. De plus, lorsque le système immunitaire attaque le cerveau (ou la moelle épinière) chez les patients atteints de SP, de nouvelles lésions en T2 apparaissent. Graduellement, le nombre de lésions en T2 et leur taille augmentent. Outre sa contribution au diagnostic et au suivi de la maladie, la mesure du nombre et de la taille des lésions en T1 et en T2 est utilisée dans les essais cliniques pour établir les effets des interventions expérimentales.

E. Les critères de McDonald

[100] En 2001, l’International Panel on MS Diagnosis a publié un rapport proposant des critères révisés pour le diagnostic de la SP, appelés « critères de McDonald ». Les critères de McDonald ont permis le diagnostic d’une maladie « monosymptomatique » (poussée unique) évoquant la SP. Auparavant, ce type de maladie n’était pas considéré comme la SP et aurait été diagnostiqué selon les critères de Poser comme un SCI (une seule poussée confirmée). Les critères de McDonald intégraient également les concepts de dissémination dans l’espace et dans le temps et s’appuyaient sur l’utilisation de l’IRM ainsi que d’autres méthodes de diagnostic.

[101] Le DGreen a noté que l’élaboration des critères de McDonald faisait suite à l’utilisation croissante de l’IRM et à la nécessité qu’un diagnostic puisse être posé à un stade antérieur de la maladie. Le DSelchen a expliqué que les critères de McDonald ont apporté la spécificité et la sensibilité diagnostiques recherchées; autrement dit, ils permettaient d’identifier les patients atteints de SP en vue d’un traitement et d’éviter de traiter ceux qui n’avaient pas la SP. L’IRM a fourni un moyen de consigner la dissémination dans l’espace et d’uniformiser la manière de consigner la dissémination dans le temps.

[102] Les experts ont convenu qu’en novembre 2007, il était courant d’utiliser les résultats de l’IRM pour confirmer un diagnostic de SP.

[103] Selon les critères de McDonald, le diagnostic de SP peut être posé après une seule poussée si les résultats de l’IRM démontrent objectivement la dissémination dans le temps et dans l’espace (et ce, même en l’absence d’une deuxième poussée corroborée par des signes cliniques ou par les déclarations du patient).

[104] Voici un extrait du résumé de McDonald 2001 :

[traduction]

Les critères révisés facilitent le diagnostic de la SP en présence de différents tableaux cliniques chez les patients, y compris une maladie « monosymptomatique » évoquant la SP, une maladie à évolution récidivante-rémittente typique et une maladie de progression insidieuse, sans poussées et rémissions définies. Les termes utilisés précédemment tels que « cliniquement certaine » et « SP probable » ne sont plus recommandés. Le résultat d’une évaluation diagnostique est soit « SP », « SP possible » (s’il existe un risque de SP à l’issue d’une évaluation diagnostique équivoque) ou « affection autre que la SP ».

[105] Les critères de McDonald permettaient un diagnostic de SP fondé sur une seule poussée clinique si un autre argument étayait le diagnostic. Deux scénarios ont été décrits :

  1. Une poussée et la démonstration objective d’au moins deux lésions, ce qui nécessitait :

  • une dissémination dans le temps démontrée par IRM ou

  • une deuxième poussée clinique

  1. Une poussée et la démonstration objective d’une seule lésion (maladie monosymptomatique ou SCI), ce qui nécessitait :

  • une dissémination dans l’espace démontrée par IRM ou

  • au moins deux lésions détectées par IRM compatibles avec une SP, en plus d’un résultat positif à l’analyse du liquide céphalorachidien et

  • une dissémination dans le temps démontrée par IRM.

[106] Les experts ont convenu que les critères de McDonald aboutissent à trois catégories de diagnostic : « SP », « SP possible » (lorsque l’évaluation diagnostique est équivoque) ou « affection autre que la SP ».

[107] Tous les experts ont souligné l’évolution des critères de diagnostic et convenu de l’acceptation générale des critères de McDonald. Les experts ont convenu que le terme SP-CC a cédé la place au terme SP, tout simplement. La Dre Morrow a toutefois expliqué que les critères de McDonald n’ont pas immédiatement remplacé les critères de Poser et que les termes SP-CC et SCI restent familiers aux neurologues en exercice. Tous les experts ont fait remarquer que la personne versée dans l’art connaîtrait encore les termes contenus dans les critères de Poser et les critères de McDonald.

[108] Les critères de McDonald ont été affinés en 2005, 2010 et 2017.

[109] Le DGreen a expliqué que, selon les critères de McDonald (Polman et coll., « Diagnostic criteria for multiple sclerosis : 2005 Revisions to the “McDonald Criteria” », Ann Neurol, 2005, vol 58, aux pp 840-846 »), le diagnostic pouvait reposer sur les résultats caractéristiques de l’IRM cérébrale et médullaire, en plus des signes et symptômes caractéristiques mis en évidence par l’examen neurologique. Ainsi, lorsqu’un patient présentait deux épisodes ou poussées caractéristiques de la SP, mais qu’une seule lésion était confirmée par des signes cliniques objectifs, les critères de McDonald permettaient de s’appuyer sur les résultats de l’IRM pour établir que la maladie avait affecté plus d’une zone du SNC et étayer un diagnostic de SP. Par ailleurs, lorsque l’examen neurologique démontrait par des données cliniques objectives l’existence de deux lésions ou plus du SNC, mais que les antécédents du patient n’indiquaient qu’une seule poussée, les critères de McDonald permettaient de s’appuyer sur les résultats de l’IRM afin d’établir que la maladie était suffisamment disséminée dans le temps pour qu’un diagnostic de SP soit porté.

[110] Les experts ont mentionné qu’après l’introduction des critères de McDonald de 2005, relativement plus de cas de SCI recevaient un diagnostic de SP (généralement la SP-RR) uniquement parce que l’IRM révélait de nouvelles lésions, indépendamment de l’apparition de nouveaux symptômes cliniques et de l’existence de symptômes associés aux lésions.

F. Différence entre les critères de Poser et de McDonald à l’égard du SCI

[111] L’une des questions faisant débat en l’espèce consiste à déterminer si les revendications du brevet 437 s’appliquent uniquement à un patient ayant présenté une seule poussée (ou un SCI) – à savoir un patient qui aurait subi une seule poussée sans plus – ou si elles s’appliquent également à un patient admissible au diagnostic de SP selon les critères de McDonald à la suite d’une seule poussée, avant la survenue d’une deuxième poussée clinique. Teva soutient que les revendications visent clairement l’administration d’acétate de glatiramère à la suite d’un SCI, avant la survenue d’une deuxième poussée clinique et donc avant l’établissement du diagnostic de SP-CC. Teva soutient que les revendications ne visent pas les patients qui ont reçu ou pourraient recevoir un diagnostic de SP selon les critères de McDonald.

[112] Pharmascience soutient que les critères de McDonald étaient les critères diagnostiques applicables en 2007. Ainsi, les revendications du brevet 437 viseraient également certains patients qui n’ont pas encore subi de seconde poussée à la suite d’une poussée initiale (ou d’un SCI), mais qui ont reçu un diagnostic de SP selon les critères de McDonald.

[113] Cette question est abordée ci‑dessous dans le contexte de l’interprétation des revendications.

V. Position globale de la demanderesse Teva sur le brevet 437

[114] Teva fait remarquer que Copaxone, son produit à base d’acétate de glatiramère, réduit efficacement la fréquence des poussées cliniques chez les patients pendant la phase récurrente-rémittente de la maladie (SP‑RR).

[115] Teva explique qu’après l’approbation initiale de Copaxone dans les années 1990, elle a mené des travaux de recherche et développement pendant plus de 10 ans en vue d’améliorer son produit. Teva fait observer qu’elle a connu des échecs, mais aussi des succès, notamment l’invention faisant l’objet des brevets 437 et 802.

[116] Teva prétend que Pharmascience cherche à tirer profit de son travail acharné, de son investissement et de son inventivité.

[117] Teva conteste l’allégation ou l’insinuation de Pharmascience selon laquelle elle chercherait à prolonger la durée de ses brevets, ce qu’on appelle la « perpétuation ». Teva reconnaît que son produit Copaxone à 20 mg est offert depuis de nombreuses années. Le produit Copaxone à 40 mg a été autorisé pour la vente au Canada en 2016. Teva reconnaît également que Pharmascience a déjà obtenu un avis de conformité autorisant la commercialisation de Glatect, son produit renfermant 20 mg d’acétate de glatiramère.

[118] Teva explique avoir conçu et mené un essai clinique de phase III au début des années 2000 (l’essai PreCISe) pour étudier l’effet de l’acétate de glatiramère avant l’apparition de la SP-CC chez des patients ayant subi une seule poussée évoquant la SP.

[119] Selon la terminologie employée par Teva, les patients qui ont subi une seule poussée évoquant la SP, mais qui n’ont pas encore reçu de diagnostic de SP, ont présenté un SCI.

[120] Teva a demandé et obtenu le brevet 437 d’après les résultats de l’étude PreCISe. L’approbation réglementaire de la nouvelle indication dans le traitement du SCI, incluse dans la monographie de produit, a été accordée à Teva en 2009.

[121] Teva soutient que les revendications du brevet 437 visent l’utilisation thérapeutique de l’acétate de glatiramère chez les patients qui ont présenté un SCI, l’une des revendications précisant une réduction d’au moins 50 % du nombre de nouvelles lésions en T2.

[122] Teva soutient que Copaxone et Glatect seront utilisés de la même manière si une approbation est accordée en fonction du SPDN et du projet de monographie de produit combinée de Pharmascience. Teva soutient par ailleurs que Glatect à 40 mg serait commercialisé conformément à une monographie de produit essentiellement identique à celle du produit Copaxone de Teva.

[123] Teva signale que Pharmascience n’a présenté aucune preuve tendant à établir la non‑contrefaçon.

[124] Teva soutient que Pharmascience ne peut pas opposer la défense Gillette à une allégation de contrefaçon. Elle ajoute que Pharmascience tente de fractionner sa preuve et l’a prise par surprise en cherchant à introduire de nouveaux éléments de preuve dans le rapport présenté par le Dr Green en réponse au rapport de la Dre Morrow, l’experte en contrefaçon de Teva. Teva soutient de plus que le droit et les faits ne justifient pas la défense Gillette.

[125] Teva nie que le brevet 437 est antériorisé par la pièce d’art citée par Pharmascience, Karussis 2006, qui est analysée plus en détail ci‑après.

[126] Teva conteste également que le brevet 437 est évident. Elle soutient qu’il y a une différence notable entre l’état de la technique en 2007 ‑ qui, notamment, n’établissait pas au moyen d’une preuve quelconque que l’acétate de glatiramère serait efficace chez les patients présentant un SCI ‑ et l’objet des revendications. Teva ajoute qu’il fallait faire preuve d’inventivité pour arriver à l’invention.

[127] De façon plus générale, Teva allègue que le témoignage de l’expert de Pharmascience quant à la validité du brevet, le Dr Green, était incohérent et commande la prudence. Teva va plus loin en contestant le témoignage du Dr Green et en laissant entendre que ce dernier a outrepassé son rôle de témoin expert et s’est transformé en défenseur de la position de Pharmascience.

VI. La position générale de la défenderesse Pharmascience sur le brevet 437

[128] Pharmascience signale que les produits Copaxone de Teva jouissent depuis 20 ans d’un monopole sur le marché canadien.

[129] Pharmascience soutient que Teva a tenté d’étendre son monopole et de perpétuer son invention à base d’acétate de glatiramère (Copaxone) au moyen de brevets successifs, qui visent à ajouter d’anciennes caractéristiques peu inventives.

[130] Pharmascience fait valoir que la fabrication, la commercialisation, la vente et l’utilisation générale de ses produits Glatect ne contreferont pas le brevet 437.

[131] Pharmascience invoque la défense Gillette à l’encontre des allégations formulées par Teva au sujet de la contrefaçon du brevet 437. Elle soutient qu’elle ne fait que mettre en pratique les enseignements de l’art antérieur, qui reconnaissait que l’acétate de glatiramère était efficace contre la SP‑RR et que, de ce fait, le brevet de Teva est invalide. Subsidiairement, si le brevet de Teva est valide, Pharmascience ne peut pas le contrefaire.

[132] Pharmascience allègue également que le brevet 437 est invalide pour cause d’antériorité et d’évidence.

[133] Pharmascience soutient que les revendications du brevet 437, dans la forme où elles ont été rédigées, viseraient les patients diagnostiqués selon les critères modernes et prédominants de McDonald. Plus précisément, les patients qui ont eu une seule poussée mais pas encore une deuxième poussée clinique seraient visés s’ils répondent aux critères de la SP selon McDonald.

[134] Pharmascience affirme que, en novembre 2007, l’acétate de glatiramère était un traitement de première intention pour les patients atteints de SP‑RR, y compris ceux qui avaient subi une première poussée et qui répondaient aux critères de SP selon McDonald.

[135] Pharmascience soutient aussi que si l’on interprète les revendications de manière étroite, comme le propose Teva, les revendications sont encore antériorisées et sont évidentes.

[136] Pharmascience conteste ce qu’elle appelle la position [traduction] « extrême » de Teva : tant que l’essai clinique de phase III n’a pas démontré que le traitement précoce, à l’acétate de glatiramère, des patients ayant subi une seule poussée ou présentant un SCI donnait des résultats, l’utilisation de ce produit pour traiter ces patients demeurait nouvelle et inventive.

[137] À l’appui de sa position selon laquelle le brevet 437 est antériorisé, Pharmascience invoque Karussis 2006. Elle décrit ce rapport comme présentant le consensus d’un groupe international formé de 13 spécialistes de la SP [le groupe de travail Karussis], selon lequel l’acétate de glatiramère devrait être utilisé pour traiter les patients ayant subi une seule poussée qui répondent aux critères de McDonald, ainsi que ceux qui n’y répondent pas.

[138] Pharmascience soutient que, selon Karussis 2006, l’acétate de glatiramère [traduction] « devrait fonctionner » pour ce qui est du traitement des patients ayant subi une seule poussée (y compris ceux qui ne répondaient pas aux critères de SP établis par McDonald) et qu’il serait raisonnable de s’en servir pour traiter ces patients.

[139] En ce qui concerne l’antériorité, Pharmascience soutient que Karussis 2006 répond aux exigences de divulgation et de caractère réalisable.

[140] Pharmascience soutient de plus que la revendication 16 du brevet 437 est antériorisée par Pinchasi 2007, car celle-ci divulguait l’utilisation d’acétate de glatiramère à 40 mg pour le traitement de la SP‑RR.

[141] Pharmascience ajoute qu’il n’y a aucune différence entre l’état de la technique en novembre 2007, qui inclut Karussis 2006, et les revendications du brevet 437. En conséquence, ce brevet était évident. Elle soutient que, s’il y avait eu des différences, la personne versée dans l’art les aurait aisément comblées en faisant appel aux connaissances générales courantes et aux informations obtenues à l’issue d’une recherche raisonnablement diligente.

[142] Pharmascience s’élève contre le recours par Teva au Règlement AC pour obtenir des déclarations de contrefaçon de brevet à l’égard de ses deux produits – Glatect à 20 mg administré quotidiennement, et Glatect à 40 mg administré trois fois par semaine – étant donné qu’elle a obtenu un AC pour Glatect à 20 mg en 2017 et qu’elle commercialise depuis ce produit.

VII. La position générale de la demanderesse Teva sur le brevet 802

[143] Teva rappelle qu’elle a travaillé au fil des ans à améliorer ses produits, notamment à mettre au point une formulation orale, qui s’est révélée inefficace lors d’un essai clinique de phase III (CORAL), et une dose quotidienne d’acétate de glatiramère à 40 mg, qui ne s’est pas révélée plus efficace que la dose de 20 mg lors de l’essai clinique de phase III (FORTE).

[144] Teva affirme que le brevet 802 a été obtenu à l’issue d’un essai clinique de phase III couronné de succès (GALA), qui a montré que l’acétate de glatiramère à 40 mg, administré trois fois par semaine, était efficace pour le traitement de la SP‑RR.

[145] Teva fait valoir que le produit Glatect de Pharmascience contrefera le brevet 802, car il sera utilisé exactement de la même façon que Copaxone à 40 mg s’il est approuvé selon le SPDN et l’ébauche de monographie de produit proposée par Pharmascience. Elle ajoute que Pharmascience n’a fourni aucune preuve qu’elle ne contrefera pas le brevet 802; elle s’est plutôt limitée à soutenir qu’il est invalide.

[146] Teva conteste que le brevet 802 est invalide pour cause d’évidence ou d’absence de prédiction valable d’utilité.

[147] Teva soutient que Pharmascience a adopté une approche rétrospective à l’égard de l’évidence et qu’elle a [traduction] « choisi aléatoirement » les éléments de l’art antérieur, dont certains sont obscurs, de manière à montrer que l’état de la technique était tel que l’administration d’une dose d’acétate de glatiramère de 40 mg un jour sur deux était connue et qu’il aurait été évident de changer simplement pour une posologie de trois fois par semaine.

[148] Teva soutient que la Cour devrait privilégier la preuve fournie par ses experts car elle est plus nuancée. Elle ajoute que, sans connaître l’invention revendiquée, il n’aurait pas été évident pour la personne versée dans l’art d’administrer l’acétate de glatiramère 40 mg à raison de trois fois par semaine aux patients atteints de SP‑RR.

[149] Teva souligne que Pharmascience n’a présenté aucune preuve à l’appui de son argument selon lequel le brevet 802 manque d’utilité. Elle fait valoir que tout ce qu’il faut, c’est une parcelle d’utilité et qu’il ne fait aucun doute que Copaxone à 40 mg est utile.

[150] En ce qui concerne les allégations relatives à l’absence de prédiction valable d’utilité, Teva fait entre autres valoir que le brevet 802 comporte, d’une part, une description détaillée de l’étude GALA, un essai clinique de phase III, comprenant les résultats, sur le plan de l’efficacité et de l’innocuité, de l’administration de l’acétate de glatiramère à 40 mg trois fois par semaine, et, d’autre part, au moins 18 références à l’appui de l’invention.

VIII. La position générale de la défenderesse Pharmascience sur le brevet 802

[151] Pharmascience soutient que le brevet 802 est invalide pour cause d’évidence. Elle fait valoir, subsidiairement, qu’il est invalide pour cause d’inutilité ou d’absence de prédiction valable d’utilité.

[152] Pharmascience soutient que Teva avait déjà divulgué publiquement le schéma posologique de 40 mg d’acétate de glatiramère un jour sur deux. Elle se fonde sur une mosaïque d’antériorités pour faire valoir que l’état de la technique était que l’acétate de glatiramère à 40 mg était reconnu comme efficace (comme la dose de 20 mg) quand il était administré aux deux jours. Elle soutient que la différence entre l’état de la technique et les revendications du brevet 802 n’est que d’une dose de 40 mg de moins aux deux semaines. Selon elle, il est plus facile pour un patient de se souvenir de prendre son médicament trois fois par semaine, à jours fixes, plutôt qu’aux deux jours. Elle ajoute que la différence entre l’état de la technique et les revendications serait facilement comblée par la personne versée dans l’art qui adopterait le schéma posologique à jours fixes.

[153] Pharmascience laisse en outre entendre que la décision de la Cour sur la validité du brevet 802 devrait tenir compte des instances connexes. Elle signale que le brevet 802 fait actuellement l’objet d’un examen par l’Office de la propriété intellectuelle du Canada [OPIC] et que des brevets équivalents ont été considérés comme évidents au Royaume‑Uni et aux États‑Unis.

[154] Pharmascience soutient que si le brevet 802 n’est pas évident en raison de l’état antérieur de la technique, Teva ne peut alors pas invoquer les antériorités qu’elle écarte ou rejette pour étayer l’utilité du brevet 802 ou la prédiction valable de son utilité.

[155] Pharmascience soutient que la Cour devrait privilégier la preuve fournie par ses experts. Elle fait valoir que les experts de Teva ont reçu des directives erronées au sujet du critère de l’évidence et que, de façon plus générale, ils ne sont pas du même calibre que son propre expert, le Dr Green, qui, entre autres champs d’expertise, est spécialisé dans la conception d’essais cliniques.

IX. Le fardeau de la preuve

[156] Il incombe à la défenderesse, Pharmascience, de prouver, selon la prépondérance des probabilités, chacun des motifs d’invalidité qu’elle invoque. Il incombe à la demanderesse, Teva, de prouver la contrefaçon selon la prépondérance des probabilités. Lorsque la validité d’un brevet est en litige, le point de départ est que le brevet est présumé valide.

X. Le brevet 437 – Description et divulgation

[157] Le brevet 437 a pour titre « Procédé pour retarder le début d’une sclérose en plaques cliniquement définie ».

[158] Dans le brevet 437, au sujet des diverses publications qui y sont citées, il est indiqué que ces publications sont incorporées par renvoi dans la demande de brevet pour [TRADUCTION] « décrire plus précisément l’état de la technique auquel se rapporte l’invention ». Ces publications sont : les critères de Poser; Brex PA et coll., « A longitudinal study of abnormalities on MRI and disability from multiple sclerosis », N Engl J Med, 2002, vol 346, no 3, aux pp 158‑164 [Brex 2002]; Frohman EM et coll., « The utility of MRI in suspected MS : report of the Therapeutics and Technology Assessment Subcommittee of the American Academy of Neurology », Neurology, 2003, vol 61, no 5, aux pp 602‑611 [Frohman 2003]; Johnson KP et coll., « Copolymer 1 reduces relapse rate and improves disability in relapsing-remitting multiple sclerosis : results of a phase III multicenter, double-blind, placebo-controlled trial. The Copolymer 1 Multiple Sclerosis Study Group », Neurology, 1995, vol 45, aux pp 1268‑1276 [Johnson 1995]; Cohen JA, Rovaris et coll., « 9006 Study Group. Randomized, double-blind, dose-comparison study of glatiramer acetate in relapsing–remitting MS », Neurology, 2007, vol 68, no 12, aux pp 939-944 [Cohen 2007 ou phase II FORTE] et Comi G et coll., « European/Canadian Multicenter, Double-Blind, Randomized, Placebo-Controlled Study of the Effects of Glatiramer Acetate on Magnetic Resonance Imaging-Measured Disease Activity and Burden in Patients with Relapsing Multiple Sclerosis », Ann Neurol, 2001, vol 49, aux pp 290‑297 [Comi 2001].

[159] Dans la section relative au contexte de l’invention, les auteurs affirment que la SP est [TRADUCTION] « l’une des maladies neurologiques chroniques fréquentes chez les humains adultes » et qu’il s’agit d’une « maladie inflammatoire chronique [du SNC], caractérisée sur le plan pathologique par la démyélinisation » et « considérée comme une maladie auto-immune ».

[160] Le brevet 437 mentionne que [TRADUCTION] « l’activité de la SP peut être surveillée par des examens d’imagerie crânienne dont [l’IRM] cérébrale, par l’accumulation des incapacités, ainsi que par la fréquence et la gravité des rechutes ».

[161] Le brevet 437 indique en outre que le diagnostic de SP‑CC tel que déterminé par les critères de Poser [TRADUCTION] « nécessite au moins deux événements neurologiques évoquant une démyélinisation du SNC survenus à des moments et à des emplacements distincts ».

[162] Le brevet 437 définit le SCI comme une poussée monosymptomatique unique évoquant la SP, par exemple une névrite optique, des symptômes d’atteinte du tronc cérébral ou une myélite partielle. On y indique que [TRADUCTION] « [l]es patients qui subissent une deuxième poussée clinique à la suite d’un SCI sont généralement considérés comme atteints de [SP‑CC] » et que « plus de 80 % des patients présentant un SCI et des lésions à l’IRM seront un jour atteints de SP, tandis que le processus est spontanément résolutif chez environ 20 % des patients ».

[163] Le brevet 437 décrit cinq types de SP : bénigne, récurrente‑rémittente, progressive secondaire, progressive récurrente et progressive primaire.

[164] Le brevet 437 décrit l’acétate de glatiramère et précise que celui‑ci est commercialisé sous le nom de Copaxone, un médicament injectable approuvé pour le traitement de la SP‑RR à une dose de 20 mg d’acétate de glatiramère.

[165] Le brevet 437 mentionne également que la synthèse de Copaxone a été divulguée dans plusieurs brevets américains et que la formulation de Copaxone à 40 mg a été divulguée dans un brevet américain.

[166] Le brevet 437 indique en outre que [TRADUCTION] « l’efficacité de Copaxone® est bien établie en ce qui concerne la réduction de la fréquence des rechutes chez les patients atteints de SP‑RR » et que les doses de 20 mg et de 40 mg, administrées quotidiennement par voie sous‑cutanée, réduisent l’une comme l’autre le nombre total de lésions rehaussées à l’IRM chez les patients atteints de SP (d’après Cohen 2007).

[167] Le brevet 437 soulève la question de l’efficacité incertaine de Copaxone aux stades précoces de la SP, dans le contexte où la communauté médicale et scientifique ne s’entendait pas sur les avantages du traitement de la SP à un stade précoce. On peut y lire ce qui suit [TRADUCTION] : « Particulièrement, on se demande si les avantages d’un traitement précoce l’emportent sur les inconvénients, le coût, les possibles effets indésirables du traitement et le risque de soumettre inutilement à un traitement au long cours des patients qui, indépendamment du traitement, ne subiront aucune autre poussée ».

[168] Le résumé de l’invention indique que l’invention [traduction] « porte sur un procédé pour retarder l’apparition d’une [SP‑CC] chez un patient à risque de [SP‑CC], le procédé comprenant l’administration périodique au patient d’une composition pharmaceutique contenant une quantité thérapeutiquement efficace d’acétate de glatiramère, de façon à retarder l’apparition d’une [SP‑CC] chez le patient ».

[169] Le résumé mentionne ensuite, entre autres, que l’invention porte également sur un procédé pour réduire la progression de l’activité de la maladie surveillée par IRM chez un patient à risque de SP‑CC, un procédé pour réduire la progression des symptômes et un procédé pour retarder la progression vers la SP-CC. On y mentionne que l’invention du médicament à base d’acétate de glatiramère vise le traitement d’un patient qui [TRADUCTION] « a vécu un seul événement démyélinisant et présente un processus inflammatoire actif, ce qui indique que le patient présente un risque élevé de progression vers une SP-CC », ainsi que d’un patient qui « a vécu un premier événement clinique évoquant la [SP] et risque de présenter une [SP-CC] ».

[170] Le brevet 437 définit les termes qui y sont employés. Ces définitions figurent dans la discussion de la partie XV, Interprétation des revendications.

[171] Le brevet 437 comprend cinq exemples destinés à illustrer l’invention et à [TRADUCTION] « faciliter la compréhension de l’invention », ces exemples ne devant « limiter d’aucune façon l’invention énoncée dans les revendications ». On y décrit un essai clinique visant à évaluer l’effet d’un traitement consistant en l’administration quotidienne de 20 mg d’acétate de glatiramère par injection sous-cutanée, par rapport à un placebo, sur le délai avant la conversion en SP-CC déterminée par les critères de Poser. Les exemples 1, 2 et 5 se rapportent précisément à une évaluation de l’effet de l’acétate de glatiramère chez les patients présentant un SCI.

[172] Le brevet 437 indique que les résultats des exemples [TRADUCTION] « montrent qu’un traitement précoce [par l’acétate de glatiramère] avant le diagnostic, c’est‑à‑dire avant l’apparition d’une SP‑CC, est bénéfique à long terme en ce qui concerne les symptômes de la SP et la progression de l’incapacité ».

[173] Toujours selon le brevet 437, les résultats montrent que l’acétate de glatiramère [TRADUCTION] « retarde l’apparition de la [SP-CC] lorsqu’il est administré à des patients présentant un seul syndrome clinique isolé (SCI) évoquant la SP ».

XI. Le brevet 802 – Description et divulgation

[174] Le brevet 802 est intitulé « Thérapie à l’acétate de glatiramère à basse fréquence ».

[175] Le brevet 802 contient une mention selon laquelle [traduction] « [t]out au long de la présente demande, diverses publications sont mentionnées à l’aide de citations complètes. Les éléments divulgués dans ces publications sont mentionnés dans la présente demande afin de mieux décrire l’état de la technique ».

[176] La section relative au contexte de l’invention inclut une description de la SP, ainsi que des divers types de SP et des méthodes de surveillance de la maladie. L’acétate de glatiramère y est également décrit.

[177] Le brevet 802 explique que les patients atteints de SP‑RR [TRADUCTION] « présentent des exacerbations ou des rechutes sporadiques, ainsi que des périodes de rémission » et que « [d]es lésions et des signes de dégénérescence axonale peuvent être visibles ou non à l’IRM chez les patients atteints de SP-RR ».

[178] Le brevet 802 indique que l’acétate de glatiramère [TRADUCTION] « est commercialisé sous l’appellation commerciale Copaxone® », et que Copaxone en injection quotidienne de 20 mg « est un traitement approuvé pour les patients atteints de [SP-RR], y compris les patients qui ont présenté un premier épisode clinique ».

[179] Toujours selon le brevet 802, [TRADUCTION] « [i]l a été démontré que la dose sous‑cutanée (s.c.) de 20 mg/jour réduit le nombre total de lésions rehaussées à l’IRM chez les patients atteints de SP » et que « les données accumulées relativement à l’innocuité de [l’acétate de glatiramère] dans les essais cliniques montrent que le médicament est sûr et bien toléré ».

[180] Le résumé de l’invention décrit un [TRADUCTION] « procédé pour atténuer un symptôme de la [SP-RR] chez un patient humain atteint de [SP-RR] ou un patient ayant connu un premier épisode clinique dont la probabilité d’évolution vers une [SP-CC] est élevée. Ce procédé comprend l’administration au patient humain de trois injections sous‑cutanées d’acétate de glatiramère à une dose efficace sur le plan thérapeutique sur une période de sept jours, avec un intervalle d’au moins un jour entre chaque injection sous‑cutanée, de sorte que le symptôme du patient soit atténué ».

[181] Le brevet 802 décrit plusieurs modes de réalisation, notamment [TRADUCTION] « la dose d’acétate de glatiramère efficace sur le plan thérapeutique est de 40 mg/ml ».

[182] Dans la description détaillée de l’invention, le brevet 802 décrit à nouveau son objectif et présente les divers modes de réalisation possibles, dont plusieurs schémas posologiques de trois injections par semaine. D’autres modes de réalisation décrivent les modalités d’atténuation des symptômes de la SP-RR, soit par exemple une réduction du degré d’incapacité et une réduction du nombre de divers types de lésions.

[183] Le brevet 802 comprend les définitions suivantes :

Réaction immédiate suivant l’injection s’entend d’une [traduction] « réaction telle que des palpitations, une sensation de chaleur, des bouffées congestives, des bouffées de chaleur, une tachycardie, une dyspnée, un malaise thoracique, une douleur thoracique et une douleur thoracique non cardiaque survenant immédiatement après l’injection ».

Réaction au point d’injection s’entend d’une [traduction] « réaction telle qu’un érythème, une hémorragie, une induration, une inflammation, une masse, une douleur, un prurit, une urticaire et un bombement qui se produit immédiatement autour du point d’injection ».

Le terme tolérabilité renvoie au [traduction] « degré d’inconfort associé au traitement par [l’acétate de glatiramère] »; la tolérabilité « est associée à la fréquence et à la gravité des réactions suivant l’injection et des réactions au point d’injection » et elle « influence la période pendant laquelle un patient peut suivre le traitement par [l’acétate de glatiramère] ».

[184] Les termes « syndrome clinique isolé », « lésions rehaussées par le Gd » et « une seule poussée clinique » sont également définis, et les critères de Poser sont mentionnés relativement au diagnostic de la SP‑CC.

[185] Le brevet 802 indique que la section des exemples vise à faciliter la compréhension de l’invention, sans [TRADUCTION] « limiter d’aucune façon l’invention énoncée dans les revendications ».

[186] Les détails expérimentaux sont présentés sur 16 pages.

[187] À la section « analyse », il est écrit qu’un [TRADUCTION] « inconvénient important du traitement par [l’acétate de glatiramère] est la nécessité d’injections quotidiennes, ce qui peut être peu pratique ». On y mentionne également que « dans tous les essais cliniques, les réactions au point d’injection ont constitué les réactions indésirables les plus fréquentes et ont été signalées par la majorité des patients recevant [l’acétate de glatiramère] » (par rapport au placebo).

[188] Le brevet 802 comporte 66 revendications. Les revendications invoquées figurent à l’annexe 2. Il convient de mentionner que les revendications invoquées concernent toutes l’utilisation d’une dose de 40 mg d’acétate de glatiramère chez les patients atteints de SP-RR.

XII. La structure du présent jugement

[189] Comme je l’ai mentionné, Teva allègue la contrefaçon des deux brevets 437 et 802 par Pharmascience. Pharmascience nie qu’elle contrefera les brevets et allègue que les brevets 437 et 802 sont invalides. Les principes jurisprudentiels, énoncés ci‑après, s’appliquent à l’examen des questions soulevées à l’égard des deux brevets. Certains éléments de preuve s’appliquent aux deux brevets, notamment en ce qui concerne le traitement de la SP. D’autres éléments, cependant, ne s’appliquent qu’au brevet dont il est question. Les allégations relatives au brevet 437 sont analysées en premier. Elles sont suivies des allégations relatives au brevet 802.

XIII. Survol des témoignages d’experts sur le brevet 437

A. L’expert de Pharmascience, le Dr Green

[190] Le Dr Green a décrit la personne versée dans l’art comme étant un professionnel de la santé (un neurologue, par exemple), qui a une expérience dans l’évaluation et le diagnostic de patients atteints de SP, ainsi que dans l’administration d’agents thérapeutiques entrant dans le traitement de la SP. La personne versée dans l’art serait aussi membre d’une équipe de mise au point de médicaments.

[191] Pour ce qui est des connaissances générales courantes en date du 28 novembre 2007, le Dr Green a déclaré que la personne versée dans l’art connaîtrait bien la SP et ses caractéristiques, la classification de la SP, l’imagerie cérébrale (y compris l’utilisation de l’IRM), l’évolution des critères diagnostiques de la SP, le SCI, ainsi que les traitements contre la SP (dont l’acétate de glatiramère) et le SCI (y compris les études cliniques en cours sur l’acétate de glatiramère) et, de façon plus générale, le traitement de la SP. Il a décrit les sources de ces connaissances, par exemple les conférences, les revues, les ressources en ligne telles que PubMed et EMBASE (une base de données tirées de la littérature, accessible sur abonnement) ainsi que les articles qui y figurent. Il a fait référence à plusieurs comptes rendus d’étude, laissant entendre que ceux‑ci faisaient partie des connaissances générales courantes.

[192] Le Dr Green a déclaré que, de façon générale, le brevet 437 se rapporte au traitement de patients non encore atteints de sclérose en plaques cliniquement certaine (SP‑CC) en vue d’en retarder l’apparition (et la progression de ses symptômes). Il a ajouté que, plus particulièrement, le brevet 437 a trait à l’utilisation d’acétate de glatiramère, un traitement connu pour les patients atteints d’une SP‑CC (en particulier de SP‑RR), en vue du traitement des patients qui ne présentent encore aucun signe de SP‑CC.

[193] Dans son opinion écrite, le Dr Green a fait remarquer que, même si toutes les revendications utilisent un libellé légèrement différent pour décrire les groupes de patients, la personne versée dans l’art comprendrait que le groupe de patients visé par toutes les revendications est formé des patients présentant un SCI et à risque de SP‑CC (mais qui ne sont pas déjà atteints de SP‑CC) et qui présentent au moins une lésion compatible avec une SP.

[194] Dans le rapport écrit qu’il a produit en réponse au rapport sur la validité rédigé par la Dre Morrow, de même que dans son témoignage, le Dr Green a exprimé l’avis que les revendications visaient également les patients atteints de SP selon les critères de McDonald.

[195] Le Dr Green a déclaré que l’idée originale des revendications du brevet 437 correspond à l’objet que définissent ces revendications. D’autres experts se sont dits du même avis.

[196] De l’avis du Dr Green, les revendications du brevet 437 sont antériorisées. Il a déclaré que Karussis 2006 divulguait et rendait réalisable l’objet de toutes les revendications du brevet 437.

[197] Selon lui, l’objet des revendications est également évident. Il n’y a aucune différence, a‑t‑il déclaré, entre l’état de la technique en 2007 et l’objet des revendications divulguées dans le brevet 437.

[198] Le Dr Green a expliqué qu’en novembre 2007, une étude clinique de phase III de grande envergure, utilisant de l’acétate de glatiramère pour traiter des patients présentant un SCI, était en cours (il s’agit de l’essai PreCISe). Il a ajouté que, de l’avis unanime des chefs de file dans le domaine, l’utilisation de l’acétate de glatiramère pour traiter les patients présentant un SCI était raisonnable et [traduction] « devrait fonctionner », et que l’étude clinique en cours (l’essai PreCISe) était susceptible de démontrer qu’un traitement précoce, au moment du SCI initial, aurait une efficacité accrue par rapport au traitement ultérieur de la SP‑RR.

[199] Le Dr Green a ajouté que, dans la mesure où il y aurait eu une différence entre l’état de la technique et l’idée originale, la personne versée dans l’art aurait pu facilement la combler en faisant appel aux connaissances générales courantes. Aucun esprit inventif n’était requis.

[200] Le Dr Green a expliqué que la personne versée dans l’art connaissait le concept du SCI. Il a ajouté que des traitements ou médicaments modificateurs de la maladie [TMM ou MMM] (p. ex., des interférons) utilisés pour traiter la SP, y compris la SP‑RR, s’étaient montrés efficaces chez les patients présentant un SCI, et ce, en réduisant les risques de progression vers la SP‑CC ou en retardant cette progression. Il a ajouté que la personne versée dans l’art serait motivée à trouver de nouveaux traitements, et que l’acétate de glatiramère était le choix évident.

[201] Le Dr Green a fourni une seconde opinion écrite en réponse au rapport sur la contrefaçon produit par l’experte de Teva, la Dre Morrow. Le second rapport du Dr Green porte sur plusieurs mandats.

[202] Le Dr Green a indiqué qu’il souscrivait de façon générale aux opinions de la Dre Morrow au sujet du survol scientifique et clinique de la SP‑RR, de la description de la personne versée dans l’art ainsi que de l’interprétation des revendications.

[203] Le Dr Green a critiqué l’emploi fait par la Dre Morrow des termes « SP‑CC » et « SP probable » étant donné qu’elle a reconnu que ces termes n’avaient pas été employés après l’adoption des critères de McDonald. De l’avis du Dr Green, les critères de McDonald ont remplacé ceux de Poser en 2005, au plus tard. Il a toutefois convenu que les neurologues praticiens connaissent encore bien les termes SP‑CC et SCI.

[204] Le Dr Green a reconnu que, en 2007, on aurait posé un diagnostic de SCI chez les patients ayant eu un seul événement clinique évoquant une SP.

[205] Le Dr Green a modifié son avis à propos des patients visés par les revendications. Dans son rapport présenté en réponse, il a déclaré que [traduction] « le 4 juin 2009, […] au moins quelques patients ayant subi une seule poussée clinique et au moins une lésion auraient été classés dans la catégorie des personnes atteintes de SP, selon les critères de McDonald de 2005 » et qu’ils auraient été mentionnés dans les revendications.

[206] Plus de précisions sont données sur le témoignage du Dr Green à ce sujet dans l’analyse portant sur l’interprétation des revendications, à la partie XV.

[207] Dans son second rapport, le Dr Green a fait référence à Pinchasi 2007 (une demande de brevet). Il a déclaré que Pinchasi 2007, telle que lue et comprise peu avant le 28 novembre 2007, prescrivait aux médecins d’utiliser de l’acétate de glatiramère pour traiter les patients atteints de SP‑RR, ce qui aurait inclus certains patients ayant subi une seule poussée clinique. En contre‑interrogatoire, il a convenu qu’un médecin ne considérerait pas que Pinchasi 2007 le guidait dans ses pratiques de prescription en 2007, ou qu’il s’en inspire encore maintenant.

[208] Le Dr Green a également donné son avis sur les monographies de produit en général et, plus précisément, sur les monographies de Copaxone de 2001 et de 2006.

[209] Le Dr Green a dit que, avant novembre 2007, lui‑même et d’autres médecins prescrivaient Copaxone pour traiter les patients présentant un SCI (c.‑à‑dire, ceux qui n’avaient subi qu’une seule poussée clinique, mais dont le diagnostic de SP n’était pas confirmé, car ils ne répondaient pas aux critères de McDonald de 2005). Il a reconnu qu’il s’agissait là d’une utilisation « non conforme à l’étiquette », c’est‑à‑dire une utilisation non approuvée et non mentionnée dans la monographie de produit.

[210] Le Dr Green a été attaqué au sujet d’un témoignage incompatible qu’il a livré lors d’un procès au Royaume‑Uni, où il a laissé entendre que Copaxone ne devrait pas être utilisé de façon non conforme à l’étiquette sinon dans le contexte d’une étude.

B. L’experte de Teva, la Dre Morrow

[211] La Dre Morrow a fait un survol de l’historique scientifique et clinique de la SP, y compris ses critères diagnostiques, sous l’angle du brevet 437. Elle a expliqué que les critères diagnostiques de Poser, introduits dans les années 1980, employaient le terme « SCI » pour les patients qui n’avaient eu qu’une seule poussée clinique, et le terme « SP‑CC » pour ceux qui en avaient eu au moins deux.

[212] La Dre Morrow a mentionné que les critères de Poser ont été graduellement remplacés par les critères de McDonald, qui n’emploient pas les termes « SCI » ou « SP‑CC », et qui ne font pas de distinction claire fondée uniquement sur le nombre de poussées cliniques pour poser un diagnostic de SP.

[213] La Dre Morrow a expliqué comment l’IRM illustre la dissémination dans le temps et la dissémination dans l’espace, et que l’utilisation croissante de cette technique permet de poser un diagnostic de SP sans devoir faire la démonstration de poussées cliniques.

[214] La Dre Morrow a déclaré que la personne versée dans l’art comprendrait que le libellé des revendications fait référence à des termes utilisés en lien avec les critères de Poser (c’est‑à‑dire, la SP‑CC), lesquels exigeaient la confirmation d’une seconde poussée clinique. Elle a ajouté que la personne versée dans l’art comprendrait que le brevet 437 est axé sur l’utilisation de l’actétate de glatiramère pour traiter des patients qui ont présenté une poussée clinique évoquant une SP, mais qui n’ont pas déjà subi une seconde poussée clinique.

[215] Pour ce qui est de la contrefaçon, la Dre Morrow a déclaré que, à son avis, si le produit Glatect de Pharmascience est fabriqué, vendu, utilisé ou construit en conformité avec la monographie de produit Glatect qu’elle a examinée, Glatect à 20 mg et à 40 mg seront utilisés de la manière prévue dans les revendications invoquées du brevet 437. Elle a fait état de la formulation précise du produit à 20 mg et du produit à 40 mg ainsi que des distinctions entre les deux.

C. L’expert de Teva, le Dr Selchen

[216] Le Dr Selchen s’est dit d’accord avec la Dre Morrow et a souscrit à l’opinion initiale du Dr Green à propos de l’interprétation des revendications du brevet 437, qui viseraient le patient présentant un SCI.

[217] Le Dr Selchen a déclaré que, en 2007, un patient présentant le profil décrit dans la revendication 1 était habituellement diagnostiqué comme un patient présentant un SCI. Il a expliqué que le SCI était considéré comme étant différent de la SP‑CC, qui exigeait la confirmation d’une seconde poussée clinique (et l’exclusion, dans le cas de la première poussée, d’autres causes possibles non liées à la SP).

[218] Le Dr Selchen a souligné que les revendications du brevet 437 visent le patient présentant un SCI et non le patient qui pourrait recevoir un diagnostic de SP selon les critères de McDonald de 2001 ou de 2005, notamment de SP‑RR.

[219] Le Dr Selchen a fait remarquer que les revendications du brevet 437 citent plusieurs exemples d’efficacité : retarder l’apparition de la SP‑CC, réduire la progression de l’activité de la maladie surveillée par IRM (y compris réduire le taux d’accumulation de nouvelles lésions pondérées en T2, une mesure d’un processus inflammatoire actif), réduire la progression des symptômes de SP et réduire la fréquence des poussées.

[220] Le Dr Selchen a également convenu que l’idée originale des revendications invoquées correspond à leur objet.

[221] Le Dr Selchen a dit qu’il n’était pas tout à fait d’accord avec le Dr Green au sujet de l’étendue des connaissances générales courantes, et plus particulièrement en ce qui concerne les articles de revues moins connues et ceux rendant compte d’études pilotes ou d’études de cas.

[222] Pour ce qui est de l’allégation d’antériorité, le Dr Selchen a émis l’avis que Karussis 2006 ne divulguait pas l’objet des revendications en litige, pas plus qu’il ne permettait à une personne versée dans l’art de le réaliser.

[223] Le Dr Selchen a fait remarquer que le groupe de travail Karussis a été chargé de formuler des recommandations fondées sur des données probantes. Karussis 2006 mentionne clairement que la recommandation du groupe en faveur de l’utilisation de l’acétate de glatiramère (parmi d’autres traitements) pour traiter les patients présentant un SCI n’est pas fondée sur des données probantes. Le Dr Selchen a déclaré que la suggestion que les traitements approuvés [traduction] « devraient » fonctionner, dans Karussis 2006, ne visait pas en particulier l’acétate de glatiramère. Il a ajouté que les suggestions et les opinions ne permettraient pas à une personne versée dans l’art d’obtenir les résultats revendiqués du brevet 437.

[224] Le Dr Selchen a reconnu que, en novembre 2007, la personne versée dans l’art aurait simplement su qu’une étude clinique était en cours (l’essai PreCISe). Il a également souligné que plusieurs autres essais cliniques portant sur des médicaments destinés au traitement de la SP n’avaient pas atteint leurs objectifs et que la personne versée dans l’art n’aurait pas tenu pour acquis que l’essai PreCISe serait couronné de succès juste parce qu’il avait commencé.

[225] Le Dr Selchen a déclaré que, en 2007, la personne versée dans l’art n’aurait pas pu traiter des patients présentant un SCI avec de l’acétate de glatiramère, soulignant que ce produit n’avait pas été approuvé pour cet usage, qu’il n’aurait été visé par aucun régime d’assurance‑médicaments et, de surcroît, qu’il n’existait aucune preuve confirmant son efficacité.

[226] Le Dr Selchen a rejeté l’opinion du Dr Green selon laquelle il aurait été évident aux yeux de la personne versée dans l’art que l’acétate de glatiramère aurait été utile pour traiter le SCI, comme il est revendiqué dans le brevet 437. Il a rappelé qu’il n’existait aucune preuve que l’on s’était servi de l’acétate de glatiramère pour traiter des patients présentant un SCI, ou que ce traitement était efficace, pas même une preuve fondée sur des études non contrôlées ou des rapports de cas.

D. L’experte de Teva, Mme Kreitman

[227] Mme Kreitman a décrit l’essai PreCISe, qui a démontré qu’une dose quotidienne de 20 mg d’acétate de glatiramère était efficace pour retarder l’apparition d’une CP‑CC chez les patients présentant un SCI. Elle a confirmé que la dose de 40 mg n’avait pas été testée dans le cadre de cet essai.

[228] Mme Kreitman a également décrit les activités de Teva qui ont précédé la mise au point de Copaxone à 40 mg administré trois fois par semaine et le brevet 802.

[229] Mme Kreitman a fait état d’autres essais réalisés par Teva, dont celui d’une formulation de glatiramère à plus forte concentration (20 mg/0,5 mL), qui ont été soit abandonnés soit infructueux.

[230] Mme Kreitman a expliqué que, vers 2002, Teva a commencé à envisager la mise au point d’une dose quotidienne de 40 mg d’acétate de glatiramère. Elle a procédé à un essai clinique de phase III, l’essai FORTE, qui a comparé une dose quotidienne d’acétate de glatiramère de 40 mg à une dose quotidienne d’acétate de glatiramère de 20 mg. L’étude n’a pas démontré que la dose de 40 mg était d’une plus grande efficacité que celle de 20 mg.

XIV. La personne versée dans l’art dans le cas du brevet 437

A. Les principes tirés de la jurisprudence

[231] La jurisprudence fait référence à cette personne que l’on appelle la « personne versée dans l’art », aussi appelée « personne moyennement versée dans l’art » ou « PVA ».

[232] La personne versée dans l’art n’est pas une véritable personne, mais plutôt une personne fictive ou une équipe fictive de personnes combinant des compétences différentes. La personne versée dans l’art est la lentille à travers laquelle le brevet est interprété, l’art antérieur est examiné et d’autres questions sont évaluées (Pfizer Canada Inc. c Pharmascience Inc., 2013 CF 120 au para 28; Teva Canada Limited c Janssen Inc., 2018 CF 754 au para 66, conf par 2019 CAF 273).

[233] Dans la décision Valeant Canada LP/Valeant Canada S.E.C. c Generic Partners Canada Inc., 2019 CF 253 au para 44 [décision Valeant], le juge Fothergill a décrit en ces termes la personne versée dans l’art :

44. La PVA est dépourvue d’imagination et d’esprit inventif, mais fait preuve d’une diligence raisonnable pour se tenir au courant des progrès dans le domaine (Pfizer Canada Inc. c Teva Canada Ltd., 2017 CF 777, paragraphe 183). La PVA n’est pas incompétente, elle possède des connaissances de base et une expérience considérables (AstraZeneca Canada Inc. c Apotex Inc., 2015 CF 322, paragraphe 276). La PVA n’est pas dépourvue de la capacité de poser des questions raisonnables et logiques et peut faire des déductions fondées sur les renseignements disponibles (Jay‑Lor International Inc. c Penta Farms Systems Ltd., 2007 CF 358, paragraphe 75 [Jay‑Lor], citant l’arrêt Beloit Canada Ltd c Valmet Oy (1986), 8 CPR (3d) 289, page 294 (CAF) [Beloit]).

B. Qui est la personne versée dans l’art dans le cas du brevet 437?

[234] Teva soutient que la personne versée dans l’art est un neurologue qui a de l’expérience en matière de diagnostic et de traitement de la SP.

[235] Pharmascience soutient que la personne versée dans l’art serait un neurologue ayant plusieurs années d’expérience, dont une expérience directe de l’évaluation et du diagnostic des patients atteints de SP, ainsi que de l’administration d’agents thérapeutiques entrant dans le traitement de la SP (ce qui suppose une connaissance de leurs schémas posologiques et de leur fréquence d’administration). Elle ajoute que la personne versée dans l’art ferait également partie d’une équipe de mise au point de médicaments ayant de l’expérience dans l’élaboration d’études cliniques.

[236] Le Dr Green a décrit la personne versée dans l’art comme un professionnel de la santé, plus particulièrement un neurologue ayant plusieurs années d’expérience, dont une expérience directe de l’évaluation et du diagnostic de patients atteints de SP, ainsi que de l’administration d’agents thérapeutiques entrant dans le traitement de la SP. Il aurait ainsi une connaissance des schémas posologiques et de la fréquence d’administration des différents agents thérapeutiques pouvant entrer dans le traitement de la SP, de même que des effets indésirables de ces traitements. Il a ajouté que la personne versée dans l’art ferait également partie d’une équipe de mise au point de médicaments et qu’elle aurait une expérience de la conception d’études cliniques. Le Dr Green ne partageait pas l’opinion de la Dre Morrow selon laquelle la personne versée dans l’art pourrait aussi être un biochimiste, mais il a convenu que cette personne pourrait consulter un tel spécialiste.

[237] Le Dr Selchen a convenu que la personne versée dans l’art serait un professionnel de la santé, comme un neurologue, qui aurait au moins quelques années d’expérience dans le domaine de l’évaluation et du diagnostic des patients atteints de SP, ainsi que dans celui de l’administration d’agents thérapeutiques entrant dans le traitement de la SP. Il a dit ne pas souscrire à l’opinion du Dr Green selon laquelle la personne versée dans l’art serait membre d’une équipe de mise au point de médicaments, ou que l’équipe versée dans l’art comprendrait un tel membre, ou encore que la personne versée dans l’art aurait de l’expérience dans la conception des études nécessaires à la mise au point de médicaments. Selon lui, cela serait trop spécialisé.

[238] Les experts s’entendent tous sur les compétences de base de la personne versée dans l’art, mais non sur les autres caractéristiques spéciales mises de l’avant par Pharmascience.

[239] Pharmascience semble défendre l’idée que la personne versée dans l’art ferait partie d’une équipe de mise au point de médicaments et qu’elle aurait de l’expérience dans la conception d’études cliniques, pour soutenir ensuite que cette personne ferait des recherches de brevets et serait capable mener des études cliniques, si bien qu’il s’agirait pour elle d’un travail « courant ».

[240] À mon avis, la personne versée dans l’art – du point de vue de laquelle le brevet 437 est compris et à qui il s’adresse – est un neurologue praticien ayant acquis plusieurs années d’expérience dans le domaine de l’évaluation, du diagnostic et du traitement des patients atteints de SP. Cette personne connaît très bien les agents thérapeutiques disponibles pour le traitement de la SP (c’est‑à‑dire, les MMM), leurs posologies, ainsi que les effets indésirables qui accompagnent l’administration des divers médicaments modificateurs de la maladie. La personne versée dans l’art aurait une certaine connaissance et habitude des études cliniques et de leur interprétation, mais elle ne serait pas membre d’une équipe de mise au point de médicaments. La personne versée dans l’art s’entend également en l’espèce d’un neurologue praticien.

XV. L’interprétation des revendications

A. Les principes tirés de la jurisprudence

[241] Il appartient au tribunal d’interpréter les revendications, avec l’aide des témoignages d’expert, au besoin. L’interprétation des revendications précède l’examen des allégations d’invalidité. Les revendications sont interprétées à la date de publication; dans le cas du brevet 437, il s’agit du 4 juin 2009 et, dans le cas du brevet 802, du 24 février 2011.

[242] Aux paragraphes 76 à 78 de la décision Biogen Canada Inc c Taro Pharmaceuticals Inc, 2020 CF 621 [Biogen], la Cour a résumé les principes de l’interprétation des revendications. Elle a souligné ce qui suit au paragraphe 78 :

[78] La Cour suprême du Canada a énoncé les principes d’interprétation qui s’appliquent en matière de revendications dans les arrêts Whirlpool et Free World Trust (Whirlpool, aux para 49‑55;Free World Trust c Électro Santé Inc., 2000 CSC 66, aux para 44‑54 [arrêt Free World Trust]). Les revendications doivent être interprétées de façon éclairée et de manière téléologique, avec la volonté de les comprendre et sous l’angle d’une personne moyennement versée dans l’art, en tenant compte des connaissances générales courantes. Il est nécessaire de prendre en considération le mémoire descriptif du brevet tout entier pour déterminer la nature de l’invention; cependant, le fait de s’en tenir au texte des revendications permet d’interpréter ces dernières de la manière dont l’inventeur est présumé l’avoir voulu, en mettant l’accent sur l’équité et la prévisibilité.

[243] Dans la décision Valeant, la Cour a rappelé les « principes fondamentaux de l’interprétation des revendications », au paragraphe 42 :

[42] Les principes fondamentaux de l’interprétation des revendications se trouvent dans les arrêts suivants de la Cour suprême du Canada : Whirlpool Corp. c Camco Inc., 2000 CSC 67, paragraphes 49 à 55; Free World Trust c Électro Santé Inc., 2000 CSC 66 (Free World Trust), paragraphes 44 à 54. Les voici :

(a) les revendications doivent être interprétées de façon éclairée et en fonction de l’objet, dans un esprit désireux de comprendre et selon ce qu’entend une personne versée dans l’art, à la date de la publication, en tenant compte des connaissances générales courantes;

(b) la teneur des revendications doit être interprétée selon le sens que l’inventeur est présumé avoir voulu lui donner et d’une manière qui est favorable à l’accomplissement de l’objet de l’inventeur, de sorte à favoriser tant l’équité que la prévisibilité;

(c) l’ensemble du mémoire descriptif doit être pris en considération afin de déterminer la nature de l’invention, et l’interprétation des revendications doit se faire sans être ni indulgent ni dur, mais plutôt en cherchant une interprétation qui soit raisonnable et équitable à la fois pour le titulaire du brevet et le public.

B. Les revendications du brevet 437

[244] Le brevet 437 comporte une définition de certains des termes employés dans le brevet et dans les revendications :

[245] Selon le brevet 437, un [traduction] « patient à risque de SP (c’est-à-dire de SP‑CC) » est un patient présentant l’un des facteurs de risque connus de la SP. Les facteurs de risque énumérés sont le SCI, une seule poussée évoquant la SP sans lésion décelable, la présence d’une lésion sans poussée clinique, ainsi que des facteurs environnementaux et génétiques.

[246] Le SCI est défini comme [traduction] « une seule poussée clinique (synonyme ici de “premier événement clinique” et de “premier événement démyélinisant”) évoquant la SP qui, par exemple, prend la forme d’un épisode de névrite optique, de trouble de la vision, […] de perte d’équilibre, de tremblements [et plusieurs autres indicateurs] » et « au moins une lésion évoquant la SP ».

[247] Le brevet 437 établit que [TRADUCTION] « les critères définis par Poser […] pour déterminer si l’état du sujet est compatible avec la [SP‑CC] sont :

  • Deux poussées et la présence de deux lésions distinctes établie par des données cliniques

ou

  • Deux poussées, la présence d’une lésion établie par des données cliniques et la présence d’une autre lésion distincte établie par des données paracliniques. »

[248] La « poussée », aussi appelée [traduction] « exacerbation, crise ou rechute », est définie cliniquement comme l’apparition ou l’aggravation soudaine d’un symptôme ou d’un dysfonctionnement neurologique, avec ou sans confirmation objective.

[249] Le brevet 437 définit les données cliniques et paracliniques qui peuvent servir à étayer le diagnostic. Les données cliniques attestant l’existence d’une lésion correspondent aux [TRADUCTION] « signes de dysfonctionnement neurologique pouvant être mis en évidence par un examen neurologique », y compris les signes qui ne sont plus présents s’ils ont été consignés par un [TRADUCTION] « examinateur compétent ». Les données paracliniques attestant l’existence d’une lésion à laquelle aucun signe clinique n’est associé, que cette lésion ait ou non provoqué des symptômes, comprennent les données provenant de divers examens, dont la neuro‑imagerie.

[250] Le brevet 437 compte 50 revendications, dont 13 sont invoquées. Comme indiqué, les revendications sont présentées dans leur intégralité à l’annexe 1.

[251] La revendication 1 est rédigée comme suit :

[TRADUCTION]

Une composition pharmaceutique comprenant un véhicule pharmaceutiquement acceptable et une quantité thérapeutiquement efficace d’acétate de glatiramère dont l’utilisation vise à retarder l’apparition de la sclérose en plaques cliniquement certaine chez un patient qui a subi une seule poussée clinique évoquant la sclérose en plaques, qui présente au moins une lésion compatible avec la sclérose en plaques et qui risque d’évoluer vers une sclérose en plaques cliniquement certaine, et ce, avant l’apparition de la sclérose en plaques cliniquement certaine.

[252] La revendication décrit la composition pharmaceutique renfermant l’acétate de glatiramère. Les revendications subséquentes établissent clairement son administration par injection sous‑cutanée, à une dose quotidienne de 20 mg ou de 40 mg.

[253] Les revendications qui portent sur les effets du traitement ne sont pas en litige. Il s’agit des revendications 2 (réduction de la progression de l’activité de la maladie surveillée par IRM), 3 (réduction de la progression des symptômes de SP), 4 (réduction de la fréquence des rechutes), 19 et 24 (taux de rechute et nombre moyen de nouvelles lésions en T2) et 33 (réduction d’au moins 50 % du taux d’accumulation de nouvelles lésions pondérées en T2). Ces revendications concernent toutes la population de patients décrite dans la revendication 1.

[254] Les revendications qui décrivent comment l’acétate de glatiramère est administré ne sont pas non plus en litige : les revendications 13 (l’administration a lieu une fois par jour), 14 (l’administration se fait par voie sous‑cutanée), 15 (la quantité thérapeutiquement efficace d’acétate de glatiramère est de 20 mg) et 16 (la quantité thérapeutiquement efficace d’acétate de glatiramère est de 40 mg).

[255] Les revendications 47 et 50 concernent l’utilisation de l’acétate de glatiramère dans la fabrication d’un médicament destiné au traitement de la population de patients énoncée dans la revendication 1.

[256] Les experts ont tous interprété les revendications de manière semblable, en énonçant les revendications indépendantes et dépendantes et en les regroupant selon leurs caractéristiques communes. Tous les experts ont interprété la revendication 1 de la même manière, à savoir dans son sens littéral. En revanche, Teva et Pharmascience interprètent différemment l’étendue de la population de patients décrite dans la revendication 1, ce qui a une incidence sur toutes les revendications.

C. Le litige concernant les patients visés par les revendications

(1) Observations de Pharmascience

[257] Pharmascience soutient que le brevet 437 indique clairement que son invention, définie en fonction des critères de Poser, est le report du moment d’apparition de la SP‑CC chez un patient qui a subi une seule poussée clinique et qui risque de présenter une deuxième poussée clinique (c’est-à-dire un patient ayant reçu un diagnostic de SCI conformément à la définition de SCI fournie dans le brevet 437).

[258] Pharmascience soutient que les revendications couvrent deux groupes de patients qui ont subi une seule poussée clinique :

  • Le patient qui ne peut recevoir un diagnostic de SP, car il ne satisfait pas encore aux critères relatifs à l’IRM selon les critères de McDonald de 2005;
  • Le patient qui satisfait aux critères relatifs à l’IRM et qui a reçu ou pourrait recevoir un diagnostic de SP selon les critères de McDonald de 2005.

[259] Pharmascience soutient que si l’on considère le libellé de la revendication et les définitions énoncées dans le brevet 437, les termes clés sont [traduction] « une seule poussée » et [traduction] « avant l’apparition de la SP‑CC », ce qui est défini expressément comme une deuxième poussée clinique. Pharmascience s’appuie sur les critères de McDonald, qui aboutiraient à un diagnostic de SP, en fonction de la dissémination des lésions dans le temps et dans l’espace établie à l’IRM, chez certains patients n’ayant subi qu’une seule poussée clinique.

[260] Pharmascience soutient que la SP‑CC telle que définie n’est pas synonyme de SP ou de SP‑RR. Pharmascience soutient qu’un patient peut recevoir un diagnostic de SP ou de SP‑RR selon les critères de McDonald après une seule poussée clinique et que ce patient atteint de « SP selon McDonald » est visé par les revendications du brevet 437, car il n’a pas encore subi de deuxième poussée clinique et il ne satisfait pas à la définition de la SP-CC.

[261] Selon Pharmascience, les experts ont convenu qu’en raison de l’utilisation des critères « obsolètes » de Poser, les revendications couvrent deux groupes de patients ayant eu une seule poussée.

[262] Pharmascience indique que, bien que son expert, le DGreen, ait décrit la population de patients visée par toutes les revendications comme étant un [traduction] « patient qui risque d’évoluer vers une SP‑CC à la suite d’un SCI (mais qui n’est pas déjà atteint de SP‑CC) et qui présente au moins une lésion compatible avec la SP », lors de son contre-interrogatoire, le DGreen a déclaré à plusieurs reprises à l’avocat de Teva qu’il utilisait simplement la définition proposée par le titulaire du brevet, Teva.

[263] Pharmascience s’appuie également sur le témoignage de l’experte de Teva, la Dre Morrow, selon qui les revendications du brevet 437 se rapportent à [TRADUCTION] « l’utilisation chez des patients qui répondent aux critères diagnostiques du SCI, mais qui ne répondent pas aux critères de la SP‑CC établis par Poser […] afin de retarder l’apparition de la SP‑CC ». Selon Pharmascience, la description donnée par la Dre Morrow doit être interprétée à la lumière de son opinion sur la contrefaçon, à savoir que l’indication pour Glatect à 40 mg inclut dans son champ d’application les patients qui répondent aux critères de McDonald à la suite d’une seule poussée.

[264] Pharmascience conteste l’interprétation étroite des revendications que TEVA propose. Pharmascience soutient que Teva est liée par son choix d’inclure les critères de Poser dans les revendications du brevet 437, malgré l’acceptation et l’utilisation générales des critères de McDonald bien avant 2007. Pharmascience soutient que Teva ne peut réécrire les revendications en fonction de nouvelles définitions. Pharmascience ajoute que si Teva entendait limiter les revendications, elle pouvait le faire expressément au moment de la rédaction du brevet.

[265] Pharmascience affirme qu’il convient de rejeter l’interprétation étroite faite par Teva, car celle-ci repose sur une interprétation du libellé des revendications qu’ont rejetée les Drs Green, Selchen et Morrow lorsqu’ils étaient « orientés adéquatement ».

(2) Observations de Teva

[266] Teva soutient que les revendications 1 à 4 concernent le traitement d’un patient qui a subi une seule poussée clinique évoquant la SP, présente au moins une lésion compatible avec la SP et risque d’évoluer vers une SP‑CC. Teva soutient qu’il s’agit d’un patient ayant présenté un SCI, et non d’un patient qui a déjà reçu un diagnostic de SP‑CC ou qui satisfait aux critères de la SP‑CC. Il ne s’agit pas non plus d’un patient atteint de SP en application des critères de McDonald.

[267] Teva soutient que tous les experts s’accordent à dire que les revendications visent le traitement d’un patient ayant présenté un SCI sous la forme d’une seule poussée clinique évoquant la SP. Teva conteste l’interprétation de Pharmascience selon laquelle les revendications visent le patient qui, à la suite d’un SCI, satisfait aux critères de SP selon McDonald, sans avoir déjà subi une deuxième poussée clinique.

[268] Teva soutient que les revendications doivent être interprétées du point de vue de la personne versée dans l’art en fonction des connaissances générales courantes à la date des revendications, le 4 juin 2009. Ces connaissances englobaient le diagnostic de la SP en fonction des critères de Poser et des critères de McDonald.

[269] Teva signale que les critères de McDonald ne nécessitent pas deux poussées cliniques distinctes pour l’établissement d’un diagnostic de SP. Teva signale également que les experts ont convenu que l’adoption des critères de McDonald a fait en sorte qu’un plus grand nombre de patients recevaient un diagnostic de SP (généralement la SP‑RR) en fonction de nouvelles lésions constatées à l’IRM à la suite d’un SCI, indépendamment de l’apparition de nouveaux symptômes cliniques. Teva s’appuie sur le témoignage de la Dre Morrow, qui a expliqué que les termes proposés par Poser restent en usage et qu’on parle de SCI lorsqu’un patient ne répond pas encore aux critères diagnostiques de la SP.

[270] Teva ajoute que le DGreen a déclaré (dans son rapport sur la validité) qu’il existe plusieurs formes de SP‑CC, y compris la SP‑RR, et que la personne versée dans l’art comprendrait que le SCI n’en fait pas partie.

[271] Teva souligne également l’avis du Dr Green, qui a été repris par le DSelchen : [TRADUCTION] « [b]ien que les revendications utilisent un libellé légèrement différent pour décrire les groupes de patients, la personne versée dans l’art comprendrait que le groupe de patients visé par toutes les revendications est formé de patients présentant un SCI et à risque de SP‑CC (mais qui ne sont pas déjà atteints de SP‑CC) et qui présentent au moins une lésion compatible avec une SP ».

[272] Toujours selon Teva, le DSelchen a clairement expliqué que [TRADUCTION] « par définition, un patient présentant un SCI n’équivaut pas à un patient atteint de la SP selon les critères de McDonald » et qu’un patient qui satisfait aux critères de McDonald après une seule poussée n’est pas visé par les revendications.

[273] Teva fait remarquer que le DGreen a modifié son avis en réponse au rapport sur la contrefaçon de la Dre Morrow, mais n’a pas su expliquer pourquoi il n’avait pas exprimé cet avis dans son rapport sur la validité.

[274] Teva soutient que l’avis modifié du DGreen est incompatible avec sa description des connaissances générales courantes selon laquelle le groupe de patients était formé de [TRADUCTION] « patients ayant un risque élevé de SP à la suite d’un SCI ». Teva ajoute que les articles cités par le DGreen, dont Comi 2001 et Kappos L. et coll., « Treatment with interféron beta-1b delays conversion to clinical definite and McDonald MS in patients with clinically isolated syndromes », Neurology, 2006, vol 67, aux pp 1242-1249 [Kappos 2006], distinguent les patients ayant présenté un SCI des patients ayant reçu un diagnostic de SP selon les critères de McDonald. Par exemple, le DGreen a cité l’article Kappos 2006, qui portait sur l’utilisation d’un interféron (soit Betaseron® [Betaseron]) chez des patients présentant un SCI (au moment de la première poussée) pour prévenir les rechutes subséquentes.

D. Que disent les experts concernant les patients visés par les revendications?

(1) Dr Green

[275] Le DGreen a expliqué qu’en 2001, conformément aux critères de McDonald, il n’était plus nécessaire que deux poussées confirment le diagnostic. Le terme SP‑CC n’était plus utilisé, mais le terme SP l’était toujours. Un patient pouvait avoir eu une poussée tout en répondant aux autres critères de McDonald qui établissaient le diagnostic de SP. Si le patient ayant eu « une seule poussée » ne répondait pas à ces critères, un diagnostic de SCI était retenu.

[276] Le DGreen a reconnu qu’en 2007, le diagnostic de SCI était réservé aux patients qui avaient présenté un seul événement clinique évoquant la SP.

[277] Au paragraphe 104 de son rapport, il a expliqué que les examens d’IRM des patients présentant un SCI ne répondent pas aux critères de McDonald :

[traduction]

Les examens d’IRM de ces patients présentant un SCI, bien que compatibles avec la SP, ne permettaient pas la confirmation du diagnostic de SP d’après les critères de McDonald. La définition du SCI variait quelque peu selon le contexte, mais le terme s’appliquait généralement aux patients chez qui un seul épisode d’atteinte neurologique clinique laissait soupçonner une démyélinisation (c’est-à-dire un dysfonctionnement neurologique d’apparition subaiguë, en particulier chez une personne jeune ou d’âge moyen), en présence d’indications d’autres lésions à l’IRM (au moins 1 ou 2 selon l’expert clinique).Le DGreen a reconnu qu’en 2007, le diagnostic de SCI s’appliquait aux patients ayant présenté un seul événement clinique évoquant la SP.

[278] Dans son rapport sur la validité, le DGreen a expliqué que la personne versée dans l’art comprendrait que le résumé de l’invention présenté dans le brevet 437 décrit l’utilisation de l’acétate de glatiramère pour traiter les patients qui présentent un SCI et pour produire divers résultats, notamment retarder l’apparition de la SP‑CC, retarder la progression vers la SP‑CC, réduire la progression de l’activité de la maladie surveillée par IRM, réduire la progression des symptômes de la SP et réduire la fréquence des poussées, entre autres.

[279] Dans son second rapport, qui visait à répondre au rapport de la Dre Morrow sur la contrefaçon, le DGreen a déclaré qu’il était généralement d’accord avec l’interprétation qu’avait faite la Dre Morrow des revendications. Le DGreen a ensuite ajouté que [TRADUCTION] « en juin 2009 (et avant), soit la date en fonction de laquelle on m’a demandé d’interpréter les revendications du point de vue de la personne versée dans l’art, au moins certains patients présentant une seule poussée et au moins une lésion auraient été considérés comme atteints de SP selon les critères de McDonald ».

[280] Le DGreen a réitéré ce point de vue dans son témoignage de vive voix, afin d’indiquer que la personne versée dans l’art comprendrait que les revendications visent le patient atteint de SP selon les critères de McDonald, malgré la définition de SCI précisée dans le brevet 437.

[281] En contre-interrogatoire, on a renvoyé le DGreen au paragraphe 269 de son avis sur la validité, dans lequel il résumait les revendications et déclarait que la [traduction] « personne versée dans l’art comprendrait que le groupe de patients visé par toutes les revendications est formé de patients présentant un SCI et à risque de SP‑CC et qui présentent au moins une lésion compatible avec une SP ».

[282] Le DGreen a reconnu ne pas avoir expliqué que, lorsqu’il faisait référence à un patient présentant un SCI, il entendait les patients présentant un SCI et les patients atteints de « SP selon les critères de McDonald », parce qu’il l’avait déjà précisé dans son avis sur l’interprétation des revendications et qu’il appliquait les définitions du brevet. Le DGreen a ajouté que le brevet serait lu en fonction des connaissances générales courantes de l’époque, c’est-à-dire des critères de McDonald.

[283] L’avocat de Teva a demandé pourquoi le DGreen n’avait pas indiqué dans son rapport sur la validité que les patients qui répondaient aux critères de la SP selon McDonald constitueraient une antériorité par rapport au brevet ou le rendraient évident :

[traduction]

Suggérez-vous à la Cour qu’aux fins de cette analyse de la validité, vous dites au paragraphe 269 qu’il s’agit d’un patient présentant un SCI et vous ne dites nulle part dans le rapport que les patients présentant une lésion qui sont atteints de SP selon les critères de McDonald constitueraient une antériorité par rapport au brevet ou le rendraient évident, ainsi que le traitement de ces patients, et que ce n’était pas intentionnel?

[284] Le DGreen a répondu que ce n’était pas intentionnel et que la terminologie clinique était imprécise à l’époque. Il a déclaré que son avis n’avait pas changé, qu’il l’avait simplement précisé.

(2) Dre Morrow

[285] La Dre Morrow a expliqué que la personne versée dans l’art comprendrait que la terminologie employée dans les revendications du brevet 437 renvoie aux critères de Poser (p. ex. SP‑CC, un diagnostic de SP qui nécessite la confirmation d’une deuxième poussée clinique). La personne versée dans l’art reconnaîtrait que le brevet 437 concerne l’utilisation de l’acétate de glatiramère dans le traitement des patients qui ont présenté une poussée clinique évoquant la SP, mais qui n’ont pas déjà subi une deuxième poussée clinique.

[286] En ce qui concerne les critères de Poser et la SP‑CC, la Dre Morrow a expliqué que [TRADUCTION] « pour être atteint de [SP‑CC], il fallait deux rechutes réparties dans l’espace, c’est-à-dire touchant deux zones distinctes du SNC [...] Les patients devaient effectivement avoir deux poussées survenues à au moins 30 jours d’intervalle et associées à des zones distinctes du cerveau pour qu’on puisse conclure à l’existence de plusieurs plaques, comme le laisse entendre l’appellation sclérose en plaques ».

[287] La Dre Morrow a expliqué que le terme SP‑CC n’est plus aussi utilisé aujourd’hui, vu l’établissement des critères de McDonald en 2001 et leurs révisions ultérieures. La Dre Morrow a expliqué que lorsque les critères de McDonald sont appliqués, il ne faut pas nécessairement une deuxième poussée clinique, parce qu’il existe d’autres manières d’établir le diagnostic. Elle a ajouté que le diagnostic serait soit un SCI soit une SP (ou une SP‑RR) et que le terme SP‑CC est « dépassé ».

[288] Dans son témoignage de vive voix, la Dre Morrow a souligné que le brevet 437 et les revendications utilisent des termes tirés des critères de Poser :

[traduction]

De toute évidence, nous, en tant que personnes versées dans l’art, comprendrions qu’il s’agit des personnes qui ont eu un SCI ou une poussée clinique évoquant la SP, mais qui n’ont pas encore satisfait les critères diagnostiques de la SP‑CC ou déjà eu cette deuxième rechute. Je suppose qu’un autre point important est le 67.5. Bien sûr, cela concerne précisément les personnes qui risquent d’évoluer vers une SP cliniquement certaine. Voilà où cette autre lésion à l’IRM devient importante, où vous voulez constater un autre foyer d’inflammation également, bien entendu avant la conversion en SP‑CC, donc au stade du SCI.

[289] La Dre Morrow a expliqué, comme les autres experts, que les critères de McDonald permettaient d’étayer en partie le diagnostic de SP par l’activité à l’IRM, notamment pour démontrer la dissémination dans l’espace et dans le temps. Elle explique que le perfectionnement des critères a ouvert la porte à un diagnostic précoce, en présence d’un degré inférieur d’activité clinique. En ce qui concerne les divers critères diagnostiques, la Dre Morrow a expliqué ceci à l’égard des critères de McDonald :

[TRADUCTION]

Vous devez encore montrer que plusieurs zones du cerveau et de la moelle épinière sont touchées, et que les atteintes se sont produites au fil du temps, mais cette démonstration peut désormais reposer sur des critères établis par IRM. La personne peut donc présenter une poussée à laquelle s’ajoutent des indications d’atteintes multiples dans certaines zones à l’IRM. Les lésions doivent aussi être caractéristiques de la sclérose en plaques. L’affirmation de la dissémination dans le temps, ou de l’apparition de plusieurs lésions au fil temps, pour démontrer la chronicité peut être faite au moment de la première poussée si des lésions sont rehaussées par le Gd et qu’on peut ainsi distinguer des lésions antérieures et de nouvelles lésions. Une IRM faite après l’IRM initiale peut aussi révéler de nouvelles lésions, et donc montrer la chronicité, à savoir l’apparition de lésions nouvelles et multiples au fil du temps.

(3) DSelchen

[290] Le DSelchen n’était pas d’accord pour dire que les revendications du brevet 437 visaient les patients ayant subi un SCI chez qui la SP pouvait être diagnostiquée selon les critères de McDonald.

[291] Le DSelchen a souligné que le SCI est un diagnostic distinct qui prévaut jusqu’à ce que la deuxième poussée ou rechute soit établie et que des considérations distinctes entourent le traitement du SCI.

[292] Le DSelchen a déclaré qu’en novembre 2007, le SCI était considéré comme distinct de la SP. Le SCI demeurait un syndrome classé à part dans les critères de McDonald de 2005. L’opinion dominante n’était pas simplement que [TRADUCTION] « le SCI est une forme de SP récurrente », comme l’a affirmé le DGreen.

[293] Le DSelchen a convenu que les publications scientifiques indiquaient que de nombreux patients ayant présenté un SCI et la plupart des patients atteints de lésions cérébrales supplémentaires subiraient de nouvelles poussées. Le DSelchen a également admis que de nombreux patients qui auraient reçu un diagnostic de SCI selon les critères de Poser auraient plutôt reçu un diagnostic de SP‑RR selon les critères de McDonald (en 2007 et aujourd’hui).

[294] Le DSelchen a reconnu qu’avec le recours aux données d’IRM et l’application des critères de McDonald, la proportion de patients qui présenteront la SP se situe probablement entre 70 % et 80 %, tout dépendant de la durée de suivi des patients. Le DSelchen est également d’accord avec l’affirmation du brevet 437 selon laquelle, en 2003, plus de 80 % des patients qui présentaient un SCI et des lésions à l’IRM recevaient par la suite un diagnostic de SP. Le DSelchen a ajouté que chez certains patients, pour des raisons inconnues, le SCI n’évolue pas vers la SP.

[295] Le DSelchen a indiqué qu’un des objectifs des critères de McDonald était d’augmenter la sensibilité du diagnostic sans en sacrifier la spécificité. C’est donc dire qu’on ne veut laisser échapper aucun patient atteint ni inclure dans une catégorie diagnostique un patient qui n’a pas la maladie.

[296] Le DSelchen explique que les lésions en T1 sont généralement des lésions antérieures, alors que les lésions en T2 correspondent plutôt à une nouvelle activité inflammatoire. Pour cette raison, les nouvelles lésions en T2 se révélaient utiles comme indicateur d’un processus d’inflammation actif (qu’il soit ou non associé à une rechute clinique); elles ont fourni un marqueur beaucoup plus sensible que la rechute clinique pour cerner la maladie cliniquement active.

[297] Le DSelchen a expliqué qu’un patient ayant eu une seule poussée peut recevoir un « diagnostic positif de SP selon les critères de McDonald » en fonction des données paracliniques, à savoir les données de l’IRM.

[298] Le DSelchen a déclaré que la personne versée dans l’art comprendrait que les patients ayant présenté un SCI ne seraient pas considérés comme des patients atteints de SP « confirmée », car un tel diagnostic ne serait établi qu’à la suite d’une deuxième poussée ou si les critères de McDonald étaient respectés.

[299] En contre‑interrogatoire, l’avocat de Teva a demandé au DSelchen si en novembre 2007, un patient qui avait eu une seule poussée clinique, qui présentait une ou plusieurs lésions et qui satisfaisait aux critères de McDonald pour la SP, et plus précisément la SP‑RR, pouvait être traité par l’acétate de glatiramère afin de retarder une deuxième poussée et si, oui ou non, ce patient serait visé par les revendications. Le DSelchen a convenu que le patient pouvait recevoir un tel traitement.

[300] L’avocat de Teva a décrit d’autres scénarios, tous concernant le patient qui a subi une seule poussée et qui répond aux critères de la SP selon McDonald, et a demandé au DSelchen si ce patient pouvait être traité par l’acétate de glatiramère dans l’objectif de réduire la progression de l’activité de la maladie surveillée par IRM, réduire la progression de la maladie, réduire la fréquence des rechutes ou traiter l’un des autres résultats énoncés dans les revendications. Le DSelchen a convenu que ce patient pouvait recevoir un tel traitement.

[301] Lors du réinterrogatoire, le DSelchen a réitéré l’opinion exposée dans son rapport selon laquelle les revendications utilisent un libellé différent pour désigner divers groupes de patients, mais que la personne versée dans l’art comprendrait que ces revendications visent un patient ayant présenté un SCI, et non un patient ayant reçu un « diagnostic positif de SP selon les critères de McDonald ». Le DSelchen a souligné qu’un patient qui reçoit un diagnostic de SCI est un patient qui ne répond pas aux critères de la SP selon McDonald, qui n’a pas encore subi d’autre épisode clinique et chez qui la distribution dans le temps ne peut affirmée par des lésions à l’IRM. Le DSelchen a clairement indiqué que le diagnostic de SCI et le « diagnostic positif de SP selon les critères de McDonald » s’appliquent par définition à des [TRADUCTION] « patients totalement différents ». L’un de ces patients répond aux critères d’un diagnostic de SP‑RR et l’autre non.

E. Les patients visés par la revendication 1 et les revendications subséquentes

[302] C’est à la Cour qu’il appartient d’interpréter les revendications. Comme il a été mentionné plus tôt, la Cour interprète ces dernières de façon téléologique, du point de vue de la personne versée dans l’art (le neurologue praticien), en se reportant à l’ensemble du mémoire descriptif ainsi qu’au libellé que l’inventeur a utilisé, et elle s’efforce ainsi de donner effet à l’intention de l’inventeur.

[303] J’ai examiné la divulgation du brevet 437 et le libellé des revendications en portant attention aux définitions du brevet. J’ai pris en compte les témoignages des experts qui ont expliqué les critères diagnostiques de la SP et exprimé leur opinion sur les définitions qui figurent dans le brevet. Même si la reconnaissance des critères de McDonald pour le diagnostic de la SP faisait partie des connaissances générales courantes en novembre 2007, les experts ont convenu que la personne versée dans l’art connaîtrait les critères diagnostiques et les termes utilisés par Poser et par McDonald. De plus, en tant que neurologue ayant de l’expérience dans le traitement des patients atteints de SP, la personne versée dans l’art comprendrait sûrement que l’objet du brevet et le libellé des revendications étaient axés sur le traitement précoce de la SP, avant l’apparition de la maladie, peu importe la manière dont le diagnostic était posé. La personne versée dans l’art saurait de quelle façon l’IRM (les images pondérées en T1 et en T2 décrites par les experts) révèle l’existence d’une dissémination dans le temps et d’une dissémination dans l’espace, deux concepts sur lesquels s’appuient les critères diagnostiques de Poser et de McDonald. La personne versée dans l’art comprendrait que le SCI n’est pas la SP selon les critères de McDonald et qu’il n’est pas la SP‑CC selon les critères de Poser. Elle comprendrait également que dès lors qu’un patient a reçu un diagnostic de SP, ou qu’il répond aux critères diagnostiques de la SP, il n’est plus « à risque » d’une SP‑CC, pas plus que son état n’« évoque une SP », car le diagnostic de SP l’emporte sur ces critères. La « fenêtre » du traitement précoce s’est fermée.

[304] Pharmascience met l’accent sur les termes « une seule poussée » et « avant le début d’une SP‑CC ». Elle soutient que la SP‑CC ne signifie rien de plus qu’une deuxième poussée clinique. Selon son interprétation, un patient qui a subi une seule poussée, mais qui a reçu un diagnostic de SP selon les critères de McDonald, serait visé par les revendications du brevet 437. Toutefois, cette interprétation ne concorde pas avec le témoignage des experts, qui ont déclaré que, selon les critères de McDonald, il n’y a pas de diagnostic de SP‑CC, juste un diagnostic de SP ou d’une affection autre que la SP. Deux poussées ne sont pas requises pour poser un diagnostic de SP selon les critères de McDonald, comme ce serait le cas selon les critères de Poser, qui ne s’appuyaient pas dans la même mesure sur une preuve par IRM. Pharmascience admet que le brevet 437 utilise les critères de Poser et elle se fonde sur cette utilisation, mais elle cherche à surimposer les critères de McDonald de manière à étendre la portée des revendications sans tenir compte de la divulgation du brevet et de l’absence de logique dans cette interprétation.

[305] Je reconnais que l’acétate de glatiramère est un traitement contre la SP‑RR qui était connu avant le brevet 437. Je comprends que les revendications, si elles visent les patients atteints de SP et de SP‑RR, ne sont pas nouvelles. Je comprends aussi que selon l’interprétation de Pharmascience, les revendications visent les patients ayant subi une seule poussée qui répondent aux critères de la SP selon McDonald, ce qui ouvrirait la voie à la défense Gillette ainsi qu’à d’autres motifs d’invalidité. Or, cette interprétation ne saurait être retenue.

[306] À mon avis, on a consacré nettement trop de temps et d’efforts à débattre du sens des termes, de l’évolution des critères diagnostiques et de l’éventail des patients visés par les revendications.

[307] Tous les experts ont interprété les revendications selon leur sens ordinaire. Les revendications doivent s’entendre dans leur sens ordinaire. Malgré ce consensus, l’expert de Pharmascience, le DGreen, a modifié son avis dans son rapport de réponse.

[308] Je ne suis pas convaincue par l’opinion modifiée du DGreen selon laquelle les revendications concernent, d’une part, les patients ayant présenté un SCI qui ne satisfont pas aux critères de McDonald et, d’autre part, les patients ayant présenté un SCI qui satisfont aux critères de McDonald. Il semble que le DGreen ait adapté son témoignage de façon à appuyer les arguments avancés par Pharmascience relativement à l’invalidité, ainsi que la défense Gillette opposée à l’allégation de contrefaçon. Le DGreen a fourni des réponses confuses lorsqu’il a tenté d’expliquer pourquoi il avait modifié son avis. En outre, son avis modifié ne tient pas compte des connaissances de la personne versée dans l’art.

[309] Comme indiqué ci-dessus, dans son rapport et ses opinions sur la validité, le DGreen a signalé la distinction établie dans le brevet entre le SCI et la SP‑CC et a expliqué que l’objectif du brevet était de déterminer si l’acétate de glatiramère serait efficace chez les patients ayant présenté un SCI.

[310] Le DGreen a expliqué l’importance de démontrer la dissémination dans l’espace et la dissémination dans le temps, sur lesquelles s’appuie le diagnostic de SP (et aussi de SP‑CC). Le Dr Green a souligné l’utilisation croissante de l’IRM pour déceler la première manifestation de la maladie, [TRADUCTION] « c’est-à-dire les patients qui avaient eu une seule poussée clinique et une IRM évoquant un diagnostic de SP (c’est-à-dire un “syndrome clinique isolé” ou SCI) » et le fait que [TRADUCTION] « les examens d’IRM de ces patients ayant présenté un SCI, bien que compatibles avec la SP, ne satisfaisaient pas les critères de McDonald qui auraient permis de confirmer le diagnostic de SP ».

[311] Le DGreen a également déclaré, en ce qui concerne la divulgation du brevet 437, que [TRADUCTION] « la personne versée dans l’art comprendrait que la SP‑RR, la SP progressive secondaire, la SP progressive primaire et la SP progressive récurrente sont toutes des formes de SP-CC et qu’elles n’incluent pas le SCI ». [Non souligné dans l’original.]

[312] Le DGreen a par la suite modifié sa perception des revendications dans son deuxième rapport en réponse au rapport sur la contrefaçon de la Dre Morrow et a déclaré que les revendications concernaient certains patients qui, après un SCI, répondaient aux critères de la SP selon McDonald, généralement la SP‑RR.

[313] Le DGreen a tenté de justifier son changement d’opinion en expliquant qu’il s’était appuyé sur les définitions du brevet pour interpréter la revendication 1 dans son rapport sur la validité. Le DGreen a formulé une réponse vague en contre‑interrogatoire au sujet de son changement d’opinion. Il n’a pas su expliquer de façon convaincante pourquoi il n’avait pas indiqué dans son premier rapport sur la validité que les revendications incluaient également certains patients atteints de « SP selon les critères de McDonald ».

[314] De même, le DGreen a déclaré de manière incohérente que le concept de SCI ne faisait pas partie des critères de Poser. Cependant, il a reconnu que le brevet 437 utilisait les critères de Poser et définissait plusieurs termes, notamment « syndrome clinique isolé » (en précisant que le terme est utilisé de manière interchangeable avec les termes « une seule poussée clinique » et « premier événement démyélinisant »). Le DGreen a par ailleurs affirmé avoir appliqué ces définitions.

[315] En contre‑interrogatoire, le DGreen a admis que dès lors qu’un patient satisfaisait les critères de McDonald relatifs à la SP, il ne s’agissait plus d’un cas « évoquant la SP », et on ne pouvait dire que le patient se trouvait dans la période « avant l’apparition de la SP‑CC ». Comme l’a déclaré le DGreen, [TRADUCTION] « dès qu’un patient est atteint de SP selon les critères de McDonald, le diagnostic de SCI ne s’applique plus ».

[316] Le DGreen a également convenu que l’expression [TRADUCTION] « une seule poussée évoquant la SP » ne décrit pas un patient chez qui la SP a été diagnostiquée.

[317] Contrairement à ce que prétend Pharmascience, le témoignage de la Dre Morrow n’appuie pas une interprétation élargie des revendications. Ainsi qu’il est indiqué ci-dessus, en ce qui concerne l’interprétation des revendications, la Dre Morrow a soutenu que les revendications doivent être comprises ainsi qu’elles ont été rédigées. Son témoignage concernant la contrefaçon et le produit Glatect repose sur le libellé de la monographie de produit de Glatect, et non sur les revendications du brevet 437.

[318] Dans son explication des revendications, la Dre Morrow a souligné que la personne versée dans l’art comprendrait que celles-ci visent les personnes qui ont un diagnostic de SCI, et ce, [TRADUCTION] « bien sûr avant l’apparition d’une SP‑CC, donc bien sûr au stade du SCI ».

[319] Le DSelchen a clairement indiqué que les revendications visaient le patient ayant présenté un SCI qui ne répondait pas aux critères de la SP selon McDonald. Le DSelchen a précisé qu’un patient qui présente un SCI n’aurait pas reçu un diagnostic de SP, de SP‑RR ou de SP‑CC (comme l’a aussi indiqué le DGreen). Les réponses du DSelchen aux divers scénarios présentés en contre‑interrogatoire décrivaient l’emploi de l’acétate de glatiramère dans le traitement d’un patient atteint de SP selon les critères de McDonald. Le traitement de la SP ou de la SP‑RR n’est pas en cause. Le DSelchen a simplement confirmé que les patients qui avaient reçu un tel diagnostic seraient traités avec de l’acétate de glatiramère.

[320] Pharmascience cherche à superposer les critères de McDonald au libellé des revendications. Toutefois, l’application des critères de McDonald ne peut donner lieu à un diagnostic de SP‑CC, car ce terme n’est pas utilisé. Le patient recevrait plutôt un diagnostic de SP ou d’une « affection autre que la SP ». Les experts s’accordent à dire qu’un patient qui reçoit un diagnostic de SP‑CC souffre de SP. Le DGreen a évoqué un diagnostic confirmé de SP lorsque les critères Poser sont respectés. Il a également convenu que la SP‑RR est une forme de SP‑CC et que ni la SP‑RR ni la SP‑CC ne sont un SCI.

[321] Tous les experts ont expliqué que, selon les critères de Poser, le diagnostic reposait sur des observations et des évaluations cliniques. La seconde poussée clinique établissait la dissémination des lésions dans le temps et dans l’espace. Avec l’utilisation accrue de l’IRM, il est devenu possible d’affirmer la dissémination dans le temps et dans l’espace sans l’observation d’une deuxième poussée clinique.

[322] Le diagnostic peut être confirmé par l’IRM plutôt que par une deuxième poussée clinique, car les constatations de l’IRM peuvent servir à établir la dissémination dans le temps et dans l’espace, à l’instar de la deuxième poussée. Selon les critères de Poser, la deuxième poussée clinique permet un diagnostic de SP‑CC. Selon les critères de McDonald, les constatations de l’IRM permettent un diagnostic de SP.

[323] La divulgation du brevet 437, dont la description se trouve ci-dessus, reconnaît que l’acétate de glatiramère à 20 mg est déjà approuvé et utilisé efficacement pour traiter les patients atteints de SP‑RR, l’une des formes de SP. Le brevet mentionne l’existence de certaines interrogations quant aux avantages d’un traitement précoce. Les exemples fournis dans le brevet concernent surtout les patients qui ont présenté un SCI, et non ceux qui satisfont déjà aux critères diagnostiques de la SP. Il est évident que l’intention des inventeurs était de privilégier un traitement précoce, dès la survenue du SCI, dans le but de retarder la progression de la maladie vers la SP‑CC (autrement dit, la SP).

[324] La revendication 1 prévoit en termes clairs que :

  • la composition à base d’acétate de glatiramère [TRADUCTION]« vise à retarder l’apparition de la sclérose en plaques cliniquement certaine »;
  • le groupe de patients visé est formé de patients qui :
  • o [TRADUCTION] « ont subi une seule poussée clinique évoquant la sclérose en plaques » (le SCI est défini comme la survenue d’une seule poussée clinique, et le terme est utilisé de manière interchangeable avec les termes « premier événement clinique » et « premier événement démyélinisant ». L’expression « évoquant la sclérose en plaques » comprend, par exemple, les symptômes de névrite optique et de perte d’équilibre et signifie que les symptômes ne peuvent être attribués à une autre affection);

  • o [TRADUCTION] « présentent au moins une lésion compatible avec la sclérose en plaques »;

  • o [TRADUCTION] « risquent d’évoluer vers une sclérose en plaques cliniquement certaine »;

  • o [TRADUCTION] « [présentent ce qui précède] avant l’apparition de la sclérose en plaques cliniquement certaine ». (En d’autres termes, avant une deuxième poussée clinique.)

[325] Eu égard à l’objet du brevet et au libellé clair des revendications, il serait illogique d’avancer que les revendications permettent d’affirmer que la seule poussée « évoque la SP » chez un patient qui satisfait déjà aux critères diagnostiques de la SP. Une fois le diagnostic de SP établi selon les critères de McDonald, il n’est plus question d’un tableau clinique « évoquant la SP » ou toute autre maladie. Le patient est alors atteint de la SP. En contre‑interrogatoire, le DGreen en a convenu.

[326] De même, un patient qui [traduction] « risque d’évoluer vers une sclérose en plaques cliniquement certaine » n’a pas encore reçu de diagnostic. Le brevet définit la SP‑CC d’après la survenue de deux poussées, mais les experts ont convenu que la SP‑CC correspond à la SP. La personne versée dans l’art comprendrait que la SP‑CC équivaut au diagnostic de SP. Il serait illogique d’affirmer que les patients qui ont reçu un diagnostic de SP risquent de présenter une SP‑CC. Une fois la SP diagnostiquée, le « risque » s’est matérialisé.

[327] La revendication porte également sur l’utilisation de l’acétate de glatiramère pour « retarder l’apparition » de la SP‑CC, « avant l’apparition de la [SP‑CC] ». Lorsque la SP‑CC, définie comme une deuxième poussée clinique, est diagnostiquée, il n’y a plus lieu d’entreprendre un traitement précoce pour en retarder l’apparition. De même, si la SP est diagnostiquée conformément aux critères de McDonald, le traitement précoce n’est plus possible. La SP‑CC et la SP sont une seule et même maladie. Autrement, à quoi la SP‑CC correspondrait‑elle?

[328] La personne versée dans l’art en 2007, connaissant à la fois les critères diagnostiques de McDonald et de Poser, saurait en lisant les revendications du brevet 437 que la SP‑CC correspond à la SP et en déduirait que les revendications visent un traitement avant l’apparition de la maladie et, plus particulièrement, au stade du SCI.

[329] En conclusion, les revendications du brevet 437 visent le patient qui a subi une seule poussée clinique (ou un premier événement démyélinisant) évoquant la SP – à savoir un SCI – et qui satisfait aux conditions énoncées dans les revendications avant l’apparition de la SP‑CC (ce qui correspond à un diagnostic confirmé de SP). Elles ne visent pas les patients qui ont subi une seule poussée clinique, mais qui satisfont déjà aux critères de McDonald pour le diagnostic de la SP.

XVI. Art antérieur concernant le brevet 437

[330] Dans sa défense, Pharmascience énumère 103 documents d’antériorité. Les experts ont fait remarquer qu’il existait des milliers d’articles sur la SP et le traitement de la SP‑RR et du SCI. Les paragraphes qui suivent décrivent brièvement les antériorités qui ont été citées ou auxquelles il a été fait référence.

[331] Dans un dossier spécial publié dans la revue Neurology (Goodin et coll., « Disease modifying therapies in multiple sclerosis : Subcommittee of the American Academy of Neurology and the MS Council for Clinical Practice Guidelines » 2002 Neurology, vol 58, aux pp 169‑178), une série de lignes directrices concernant le traitement de la SP a été établie. On peut lire que [traduction] « l’objet du présent examen est d’examiner l’utilité clinique de ces agents modificateurs de la maladie, dont les traitements anti‑inflammatoires, immunomodulateurs et immunosuppressifs actuellement disponibles ». L’article décrit un mécanisme détaillé qui permet, d’une part, de coter et d’évaluer les données en fonction du modèle d’étude utilisé, et d’autre part, de classer les études selon la qualité de leur conception et leur capacité à générer des conclusions cliniques claires et valables. Les lignes directrices précisent que les données probantes qui reposent sur des études contrôlées bénéficient d’une cote supérieure, tandis que celles qui sont fondées sur des études non contrôlées, des séries ou études de cas ou des opinions d’expert reçoivent une cote inférieure.

A. Art antérieur concernant le traitement de la SP par l’acétate de glatiramère

[332] Bornstein et coll., « A pilot trial of copolymer 1 in exacerbating-remitting multiple sclerosis », N Engl J Med, 1987, vol 317, pp 408-414 [Bornstein 1987] a été l’une des premières publications mentionnant l’efficacité du traitement par l’acétate de glatiramère relativement à la réduction du taux de rechute chez les patients atteints de SP. Bornstein 1987 a été publié dans le New England Journal of Medicine, l’une des principales revues du domaine médical.

[333] Johnson 1995 rend compte d’un essai clinique « pivot » de phase III visant à évaluer l’administration quotidienne de 20 mg d’acétate de glatiramère par voie sous‑cutanée pour traiter la SP‑RR. L’article confirme les conclusions de Bornstein 1987. On a notamment constaté que les rechutes étaient réduites d’environ 30 % chez les patients atteints de SP‑RR qui recevaient quotidiennement 20 mg d’acétate de glatiramère, par rapport au placebo.

[334] Comi 2001 rend compte d’un essai randomisé de 9 mois, mené à double insu contre placebo chez des patients atteints de SP‑RR, dans lequel la dose administrée d’acétate de glatiramère était de 20 mg par jour. En plus des conclusions relatées dans Johnson 1995, Comi 2001 montre que les patients atteints de SP‑RR qui recevaient l’acétate de glatiramère présentaient une réduction significative du nombre total de lésions mesurées par IRM par rapport au placebo.

B. Art antérieur concernant l’évolution du SCI en SP

[335] Filippi et coll., « Quantitative brain MRI lesion load predicts the course of clinical isolated syndromes suggestive of multiple sclerosis », Neur, 1994, vol 44, pp 635-641 [Filippi 1994] rend compte d’une étude de 5 ans visant à évaluer la probabilité d’évolution vers une SP sur 5 ans chez un patient présentant des anomalies à l’IRM cérébrale à la suite d’un SCI. Il a été démontré qu’après un épisode clinique évoquant une poussée démyélinisante avec lésions cérébrales (ce qui correspond à un SCI évoquant la SP), la progression vers la SP survenait chez 65 % des patients en 5 ans.

[336] Brex 2002 relate une étude de suivi de 14 ans auprès de patients ayant présenté un SCI et dont l’IMR évoquait cliniquement une SP. Dans l’introduction, les auteurs indiquent que 90 % des patients atteints de SP présentent d’abord [TRADUCTION] « des syndromes isolés qui évoquent cliniquement une sclérose en plaques » et qu’en 2002, deux essais (CHAMPS et ETOMS) étudiaient l’utilisation d’interférons comme [TRADUCTION] « traitements modificateurs de la maladie visant à retarder l’apparition de la sclérose en plaques ».

C. Art antérieur concernant le traitement du SCI à l’aide d’interférons

[337] Jacobs L.D. et coll., « Intramuscular interferon beta-1a therapy initiated during a first demyelinating event in multiple sclerosis », N Engl J Med, 2000, vol 343, no 13, pp 898‑904 [Jacobs 2000] rend compte de l’essai CHAMPS. CHAMPS était un essai clinique de phase III (à double insu contre placebo) visant à étudier l’utilisation de 30 µg (microgramme) d’interféron bêta-1a (soit AVONEX® [Avonex]) administré par voie sous-cutanée une fois par semaine chez des patients ayant présenté un SCI. Le critère d’efficacité était le délai avant la deuxième poussée clinique; ainsi, l’atteinte de ce critère rendrait le patient admissible à un diagnostic de SP‑CC selon les critères de Poser. Entre autres résultats, l’étude a révélé une réduction de 58 % du nombre moyen de lésions en T2 entre le groupe de traitement et le groupe placebo.

[338] Comi G et coll., « Effect of early interféron treatment on conversion to definite multiple sclerosis: a randomized study », Lancet, 2001, vol 357, pp 1576‑1582 [Comi 2001 Lancet] rend compte de l’essai ETOMS, qui a examiné les effets de l’interféron bêta-1a (soit Rebif® [Rebif]) chez des patients ayant présenté un SCI. ETOMS était un essai clinique de phase III (à double insu contre placebo) visant à étudier l’utilisation de 22 µg de Rebif administré par voie sous‑cutanée une fois par semaine chez des patients ayant un diagnostic de SCI. On a constaté que le traitement par Rebif réduisait la proportion de patients dont le SCI évoluait vers une SP‑CC, ainsi que la fréquence des rechutes. Entre autres résultats, l’étude a montré une réduction de 33 % du nombre médian de lésions actives en T2 entre le groupe de traitement et le groupe placebo. Ce résultat ne faisait toutefois pas l’unanimité chez les experts.

[339] Kappos 2006 relatait les résultats de l’essai BENEFIT, essai clinique de phase III ayant étudié l’administration de Betaseron un jour sur deux par injection sous‑cutanée chez des patients ayant présenté un SCI. Entre autres résultats, l’étude a signalé une réduction de 50 % du risque de progression d’un SCI vers la SP‑CC chez les patients traités par Betaseron par rapport au groupe placebo. L’étude a également montré une réduction de 33 % du nombre moyen de lésions en T2.

[340] Comi G et Martino G, « MS treatment : new perspectives », Clin Neurol et Neurosurg, 2006, vol 108, no 3, p 339-345 [Comi 2006] est un document de réflexion qui soutient le traitement précoce de la SP. Il aborde notamment les résultats des essais CHAMPS et ETOMS. En particulier, en comparant les patients traités par Avonex dans différents essais cliniques, les auteurs ont avancé que le médicament semblait mieux fonctionner lorsqu’il était donné plus tôt que plus tard dans le cours de la maladie. Comi 2006 conclut que [TRADUCTION] « les données [disponibles] plaident en faveur d’un traitement précoce de la SP par des médicaments immunomodulateurs ».

[341] Karussis 2006, publié dans l’European Journal of Neurology, est le rapport d’un groupe de travail international pour l’optimisation du traitement de la SP qui, à l’issue de discussions et d’améliorations successives, a publié 15 déclarations faisant consensus sur le traitement de la SP.

[342] Frohman EM et coll., « Most Patients with Multiple Sclerosis or a Clinical Isolated Demyelinating Syndrome Should Treated at the Time of Diagnosis », Arch Neurol, 2006, vol 63, pp 614-619 [Frohman 2006] cherche à définir le stade auquel le traitement de la SP devrait débuter. Frohman 2006 tient compte des résultats des essais ETOMS et CHAMPS et expose des arguments en faveur d’un traitement précoce de la SP, y compris chez les patients ayant présenté un SCI.

[343] Pittock SJ et coll., « Not every patient with multiple sclerosis should be treated at time of diagnosis », Arch Neurol, 2006, vol 63, pp 611-614 [Pittock 2006] a été cité par le DSelchen pour montrer l’incertitude entourant les lésions mises en évidence par l’IRM et le pronostic de la maladie à long terme chez les patients ayant présenté un SCI, et illustrer l’autre côté de la médaille quant au traitement précoce.

[344] Panitch H, « Do patients with clinically isolated syndrome benefit from treatment with interferon β1b? » (2007) Nat Clin Prac Neurol, vol 3, no 2, pp 81-81 [Panitch 2007] est un commentaire d’une page du DHillel Panitch sur l’essai BENEFIT. Le DPanitch avance que l’essai BENEFIT est le troisième essai (après CHAMPS et ETOMS) montrant [TRADUCTION] « essentiellement le même résultat » chez les patients ayant un diagnostic de SCI. Comme l’indique le DPanitch, [TRADUCTION] « une vaste étude similaire comparant l’acétate de glatiramère à un placebo, appelée PRECISE, est actuellement menée et révélera probablement une efficacité clinique d’ampleur comparable ».

[345] Thrower BW, « Clinical isolated syndromes: predicting and delay multiple sclerosis », Neurology, 2007, vol 68, no 24, suppl 4, pp S12-15 [Thrower 2007] examine les essais cliniques CHAMPS, CHAMPIONS (faisant suite à CHAMPS), ETOMS et BENEFIT, qui ont tous étudié l’utilisation des traitements modificateurs de la maladie en présence d’un SCI à risque élevé. L’auteur conclut que [TRADUCTION] « les premiers essais de traitements immunomodulateurs chez des patients ayant subi un SCI indiquent qu’un traitement précoce peut retarder le deuxième événement clinique ou l’apparition d’une nouvelle lésion à l’IRM. Par conséquent, un traitement précoce doit être envisagé chez les patients ayant eu un SCI et présentant un risque élevé de progression vers une SP-CC. »

[346] D’autres articles moins connus, soit Tintoré M, « Early MS treatment », Int J MS, 2007, vol 14, pp 5-10 [Tintoré 2007], Ruggieri M et coll., « Glatiramer acetate in multiple sclerosis : a review », CNS Drug Rev, 2007, vol 13, no 2, pp 178-191 [Ruggieri 2007] et Coyle PK, « Evidence-based medicine and clinical trials », Neurology, 2007 vol 68, no 24, suppl 4, pp S3‑S7 [Coyle 2007], mentionnent tous que l’essai de phase III PreCISe de Teva était en cours.

D. Antériorités citées par Pharmascience

[347] Karussis 2006 est cité par Pharmascience en tant que document d’antériorité. L’article est décrit ci-dessus et ci-dessous en lien avec les allégations d’antériorité et d’évidence.

[348] Pinchasi 2007 est une demande de brevet internationale, intitulée « Method of treating multiple sclerosis », déposée par Teva le 9 janvier 2007 et publiée le 19 juillet 2007. L’invention décrite dans la demande de brevet est [TRADUCTION] « un procédé pour atténuer un symptôme chez un patient souffrant d’une forme récurrente de sclérose en plaques par l’administration périodique au patient, par injection sous‑cutanée, d’une seule dose d’une composition pharmaceutique comprenant 40 mg d’acétate de glatiramère, de façon à atténuer le symptôme du patient [...] Dans [un] des modes réalisation, l’administration périodique est quotidienne et dans un autre, elle se fait un jour sur deux. »

[349] La notice de Copaxone® publiée en 2001 et la monographie de produit de Copaxone® publiée en 2006 sont citées par Pharmascience. En novembre 2007, Copaxone était indiqué dans le traitement de la SP‑RR. À l’époque, la dose recommandée d’acétate de glatiramère qui avait été approuvée était de 20 mg par jour, administrée par voie sous‑cutanée.

XVII. Connaissances générales courantes

A. Principes tirés de la jurisprudence

[350] Comme la Cour l’a mentionné dans la décision Valeant, aux paragraphes 47‑48, la jurisprudence établit que l’interprétation d’un brevet est faite en fonction des connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art. Au paragraphe 48, la Cour a apporté des précisions, citant les principes énoncés dans la décision Eli Lilly & Co c Apotex Inc., 2009 CF 991 au para 97 [Eli Lilly], conf par 2010 CAF 240, et dans l’arrêt General Tire & Rubber Co v Firestone Tyre & Rubber Co, [1972] RPC 457 (UKHL) aux pp 482 et 483 [General Tire]. La Cour a énoncé les principes suivants :

[traduction]

  • les connaissances générales courantes sont un concept différent dérivé d’une conception rationnelle de ce qui « serait en fait connu par une personne adéquatement versée dans l’art ‑ le genre d’homme qui fait bien son travail et qui existerait réellement »;
  • pour ce qui est des documents scientifiques :
  • § « il ne suffit pas de prouver qu’une divulgation a été faite dans un article, une série d’articles, dans une revue scientifique, peu importe l’importance du tirage de cette revue, en l’absence de toute preuve selon laquelle la divulgation est généralement acceptée par ceux versés dans l’art auxquels se rapporte la divulgation »;

  • § une connaissance précise divulguée dans un document scientifique « fait partie des connaissances usuelles uniquement lorsqu’elle est connue de manière générale et acceptée sans hésitation par ceux versés dans l’art particulier; en d’autres mots, lorsqu’elle fait partie du lot courant des connaissances se rapportant à l’art ».

B. Que disent les experts?

(1) Dr Green

[351] Le Dr Green a dit qu’en date du 28 novembre 2007, la personne versée dans l’art serait bien au fait de la SP et ses traitements. Elle aurait une connaissance de la SP, de ses caractéristiques et sa classification, de l’imagerie cérébrale (y compris l’utilisation de l’IRM), de l’évolution des critères diagnostiques de la SP, du SCI, des traitements contre la SP (dont l’acétate de glatiramère) et des traitements du SCI (dont les études cliniques en cours sur l’acétate de glatiramère). Les autres experts ont été du même avis.

[352] Le Dr Green a donné les sources de cette connaissance, dont les conférences, les revues, les ressources en ligne telles que PubMed et EMBASE (une base de données tirées de la littérature, accessible sur abonnement) ainsi que les articles qui s’y trouvent.

[353] Le Dr Green a convenu que, même si la personne versée dans l’art serait en mesure de trouver de nombreuses sources dans PubMed et EMBASE, et que lui-même avait trouvé des milliers de documents sur la SP‑RR et le SCI, seulement quelques‑uns auraient fait partie des connaissances générales courantes. Il a reconnu ne pas avoir fait référence à EMBASE en tant que source de connaissances générales courantes dans les rapports qu’il avait produits au Royaume‑Uni ou aux États‑Unis. Il a finalement admis qu’il ne s’était pas servi d’EMBASE lorsqu’il a effectué sa recherche pour les besoins de son opinion sur le brevet 437.

[354] Le Dr Green a fait remarquer, à l’instar des autres experts, qu’en novembre 2007, les médicaments modificateurs de la maladie qui étaient disponibles pour la SP étaient les interférons (Avonex, Betaseron, Rebif) et l’acétate de glatiramère (Copaxone). Il a également mentionné le Natalizumab et le Mitoxantrone.

[355] Le Dr Green a déclaré qu’en novembre 2007, il était établi que, chez les patients atteints de SP‑RR, l’acétate de glatiramère était efficace pour réduire les rechutes, augmenter le délai entre les rechutes et réduire l’activité observée à l’IRM. De plus, il était établi qu’une dose de 40 mg était tout aussi efficace que la dose de 20 mg, et présentait peut‑être quelques avantages pour ce qui est de l’activité observée à l’IRM.

[356] De l’avis du Dr Green, en novembre 2007 on commençait à reconnaître que les traitements du SCI étaient identiques à ceux de la SP. Il a cité à l’appui les comptes rendus de diverses études, dont Comi 2001 Lancet, Kappos 2006, Comi 2006 et Frohman 2006.

[357] Le Dr Green a dit que les auteurs de Comi 2006 affirmaient que la stratégie prévalente était celle du traitement précoce, même si certains spécialistes doutaient de cette stratégie à cause d’un petit nombre de patients qui n’avaient peut‑être pas besoin de traitements.

[358] Le Dr Green a parlé des résultats de Karussis 2006 et expliqué que Karussis avait conclu que, parce que les interférons et l’acétate de glatiramère s’étaient révélés efficaces dans le cas de la SP‑RR, et qu’il était fort probable qu’un patient présentant un SCI évolue vers la SP, [traduction] « il [était] raisonnable de proposer un traitement précoce […] aux doses approuvées pour la SP, même s’il n’existe pas encore de données probantes pour soutenir cette approche ».

[359] Le Dr Green a également fait référence à Panitch 2007, dans lequel il est mentionné que l’essai PreCISe est actuellement en cours et révélera [traduction] « probablement une efficacité clinique d’ampleur comparable » à celle de l’essai BENEFIT, qui fait état d’une réduction de 50 % du risque d’évolution vers une SP‑CC chez les patients présentant un SCI que l’on soignait avec un interféron bêta‑1b (c’est‑à‑dire, Betaseron).

[360] Bien que le Dr Green ait cité les rapports Karussis 2006, Panitch 2007, Tintoré 2007, Ruggieri 2007 et Coyle 2007, et ait prétendu que ceux-ci faisaient partie des connaissances générales courantes, il a convenu qu’ils n’avaient pas été publiés dans des revues de haut niveau.

[361] Pour ce qui est de certains des documents cités, dont Karussis 2006 et Panitch 2007, le Dr Green a reconnu que, dans l’opinion qu’il avait fournie au Royaume‑Uni, il ne les avait pas inclus dans les connaissances générales courantes.

[362] Le Dr Green a reconnu avoir nommé d’autres revues au titre des connaissances générales courantes dans l’opinion qu’il avait fournie dans le cadre de l’instance ayant eu lieu au Royaume‑Uni, comparativement à son opinion sur le brevet 437. Il a mentionné qu’il y avait un certain [traduction] « chevauchement » entre les connaissances générales courantes au Royaume‑Uni et au Canada.

[363] Le Dr Green a également convenu que ce n’était pas tout ce qui était publiquement disponible à la date de priorité qui faisait partie des connaissances générales courantes.

[364] Le Dr Green a reconnu que les essais cliniques randomisés et à double insu font partie des éléments probants de classe 1 et constituent l’« étalon de référence ». Il a reconnu qu’une étude de cas serait d’un niveau inférieur à un élément de classe 3, tout en précisant qu’une telle étude constituait quand même un élément important de la base de connaissances.

[365] En contre‑interrogatoire, le Dr Green a semblé reconnaître que le document Pinchasi 2007 et le brevet 088 (des demandes de brevet dans les deux cas) n’étaient pas ressortis dans la recherche de brevets menée en lien avec le brevet 437. Il a fait remarquer que, s’il n’avait pas fait lui‑même la recherche de brevets liée au brevet 437, il l’avait dirigée. Il a ajouté que la personne versée dans l’art saurait qu’il existe des brevets sur les sujets en question, mais n’en connaîtrait pas les détails.

[366] Quant au rôle des monographies de produit (aussi appelées étiquettes ou notices de produit) en tant qu’éléments des connaissances générales courantes, le Dr Green a déclaré que les médecins ne les lisent pas ou ne s’y fient pas. Il a expliqué que la personne versée dans l’art était au fait, pour des raisons autres que l’étiquette de produit, des traitements approuvés, mais qu’elle connaissait les faits pertinents indiqués sur cette étiquette.

(2) Dr Selchen

[367] Le Dr Selchen s’est dit du même avis que le Dr Green au sujet des connaissances générales courantes concernant la SP et son traitement (décrit plus tôt) et des nombreuses sources de ces connaissances.

[368] Le Dr Selchen a convenu que la personne versée dans l’art aurait consulté des ressources en ligne, dont PubMed, mais il a exprimé l’avis que la plupart des neurologues n’auraient pas consulté EMBASE ou utilisé d’autres services de recherche documentaire disponibles par abonnement.

[369] Le Dr Selchen a fait remarquer que ce ne sont pas toutes les références mentionnées dans le brevet 437 qui auraient été bien connues de la personne versée dans l’art, car certaines sont des pages Web et d’autres sont des articles de revues peu connues ou présentant un intérêt limité. Il a précisé que, en novembre 2007, de nombreuses revues diffusées à l’échelle internationale n’auraient pas été consultées régulièrement par les neurologues parce qu’elles n’étaient pas considérées comme des revues faisant autorité dans le domaine de la SP. Il a ajouté que les renseignements obtenus à partir d’une recherche de brevets n’auraient pas été considérés comme faisant partie des connaissances générales courantes, à moins qu’ils n’aient été également rapportés dans des études cliniques.

[370] Le Dr Selchen a fait remarquer qu’il était extrêmement peu probable qu’un neurologue clinicien consulte une demande de brevet et qu’il ne l’avait jamais fait lui-même. Il a ajouté qu’un neurologue clinicien ne procéderait vraisemblablement pas à une recherche de brevets, pas plus qu’il ne demanderait que cela soit fait pour orienter ses décisions cliniques. Il a toutefois convenu que le neurologue spécialisé pourrait lire et comprendre des brevets relevant du domaine de la neurologie.

[371] Pour ce qui est des connaissances relatives au traitement de la SP‑RR, le Dr Selchen a expliqué que, en 2007, le [traduction] « traitement de première intention » de la SP‑RR faisait habituellement appel à des interférons ou à l’acétate de glatiramère.

[372] Le Dr Selchen s’est dit du même avis que le Dr Green quant aux connaissances générales courantes sur l’efficacité des traitements contre le SP‑RR. Comi 2001, par exemple, rapporte que des patients atteints de SP‑RR à qui l’on avait administré une dose quotidienne de 20 mg d’acétate de glatiramère avaient connu une réduction significative du nombre total de lésions mesurées par IRM et des taux de rechute, par rapport au placebo.

[373] Le Dr Selchen a également convenu que Cohen 2007, qui indiquait qu’une dose quotidienne de 40 mg d’acétate de glatiramère était sûre et potentiellement plus efficace que la dose quotidienne de 20 mg, était également connu. Cependant, il a fait remarquer que cela n’avait pas été démontré et que, comme le soulignait Cohen, une [traduction] « étude plus vaste et plus longue » serait nécessaire.

[374] Le Dr Selchen s’est dit en désaccord avec le Dr Green selon qui, en 2007, il était reconnu que les traitements contre le SCI étaient identiques aux traitements contre la SP.

[375] Le Dr Selchen a dit que, pour les patients présentant un SCI, le débat avait pour objet le traitement précoce, étant donné qu’il était établi qu’il pouvait améliorer l’état du patient, et le traitement retardé, étant donné que tous les patients présentant un SCI n’évoluaient pas vers la SP et que certains d’entre eux fonctionnaient bien sans traitement.

[376] Le Dr Selchen a expliqué qu’en 2007, les opinions divergeaient quant aux patients à traiter et au moment où commencer un traitement. Selon l’une des écoles de pensée, il valait mieux observer une période d’un an sans traitement et contrôler pendant ce temps l’activité de la maladie pour savoir s’il était possible de poser un diagnostic selon les critères de McDonald (citant Panitch 2007).

[377] Le Dr Selchen a ajouté que [traduction] « le désir d’entreprendre le traitement le plus tôt possible n’était pas universel », soulignant qu’il fallait soupeser cela en regard de la décision de ne pas offrir de traitement (en raison de son coût, du risque d’effets indésirables et d’autres aspects) aux patients qui n’en bénéficieraient probablement pas, dont les nombreux patients présentant un SCI qui ne subiront aucune autre poussée clinique.

[378] Le Dr Selchen a expliqué que, pour les défenseurs d’un traitement précoce, la norme de soins consistait à favoriser l’utilisation d’interférons dès que le diagnostic de SCI était posé. Il a reconnu qu’il existait des données probantes concernant le traitement du SCI par interférons, d’après les essais ETOMS, CHAMPS et BENEFIT. Cependant, il n’y avait ni comptes rendus ni données probantes quant aux effets de l’acétate de glatiramère chez les patients présentant un SCI.

[379] Le Dr Selchen a mentionné qu’il fallait faire preuve de prudence au moment de tirer des conclusions au sujet de l’acétate de glatiramère en se fondant sur l’efficacité des traitements par interférons administrés aux patients présentant un SCI, car le mécanisme d’action de ces traitements était incertain.

[380] Le Dr Selchen a également reconnu que, dans le rapport « Early treatment » 2006 Neurol Sci, vol 27, pp S8‑S12, le professeur Comi fait état de certains signes que l’acétate de glatiramère semblait être plus efficace chez les patients atteints de SP‑RR à des stades précoces.

[381] Le Dr Selchen a mis en doute la déclaration du Dr Green selon laquelle un certain nombre d’essais avaient maintenu, voire amélioré, l’efficacité à réduire le taux de rechutes ou à retarder la prochaine rechute, à réduire les nouvelles lésions constatées par IRM et à réduire la progression de l’incapacité. Il a fait remarquer que le Dr Green n’avait pas mentionné les essais sur lesquels il s’était fondé. Il a également fait remarquer que les indices de réduction de la progression de l’incapacité (par exemple à l’aide d’interférons) étaient de courte durée et, dans le meilleur des cas, controversés.

[382] Le Dr Selchen a convenu que les connaissances générales courantes pertinentes avaient évolué entre le 28 novembre 2007 et le 4 juin 2009, et ce, par suite de la publication des résultats de l’essai PreCISe et du changement apporté à l’étiquette de produit de Copaxone, afin d’y inclure une indication à l’intention des patients ayant subi un premier épisode clinique et présentant à l’IRM des caractéristiques compatibles avec la SP.

C. Les connaissances générales courantes concernant le brevet 437

[383] Pharmascience a cité 103 documents d’antériorité, mais elle reconnaît que ce ne sont pas tous les documents d’antériorité qui font partie des connaissances générales courantes. Elle soutient, dans le contexte de ses observations sur l’évidence, qui sont exposées ci‑après et étayées par le témoignage du Dr Green, que la personne versée dans l’art est au fait des traitements relatifs à la SP, de l’opinion prépondérante selon laquelle le traitement précoce de la SP‑RR, du SCI en particulier, est souhaitable et que plusieurs études étayent cette opinion, dont certaines déclarations faites dans le rapport Karussis 2006, sinon par Karussis lui‑même.

[384] Teva convient que les connaissances générales courantes pertinentes comprenaient les traitements approuvés contre la SP (SP‑RR) qui étaient disponibles à l’époque, c’est‑à‑dire l’acétate de glatiramère (Copaxone) et les interférons (Avonex, Rebif et Betaseron).

[385] Teva fait valoir que l’acétate de glatiramère n’avait fait l’objet d’aucun essai ni d’aucune approbation pour le SCI, mais que l’on savait de façon générale que l’essai PreCISe était en cours.

[386] Teva soutient que le traitement précoce des patients ne faisait pas partie des connaissances générales courantes. Il n’y avait pas de « consensus », mais le débat entourant la question de savoir s’il fallait traiter le SCI, à quel moment et de quelle façon, se poursuivait.

[387] Teva reconnaît qu’en novembre 2007, quelques traitements aux interférons étaient approuvés pour le SCI, mais elle précise que les interférons sont des composés différents de l’acétate de glatiramère.

[388] Teva soutient que Karussis 2006 ne faisait pas partie des connaissances générales courantes, ainsi que l’a finalement reconnu le Dr Green.

[389] Rappelons qu’au paragraphe 48 de la décision Valeant, les connaissances générales courantes sont décrites comme étant celles qu’aurait une « personne adéquatement versée dans l’art », ce qui veut dire la personne moyennement versée dans l’art, qui existerait réellement. Ce ne sont pas tous les articles et comptes rendus d’étude cités, par exemple par le Dr Green, qui étaient bien connus ou généralement admis, et tous ne faisaient pas partie du « lot courant des connaissances ».

[390] La Cour conclut que les connaissances générales courantes en novembre 2007 englobaient ce qui suit :

  • la connaissance des caractéristiques de la SP, la classification de la SP, l’imagerie cérébrale (y compris l’utilisation de l’IRM), l’évolution des critères diagnostiques de la SP, le concept de traitement contre le SCI et la SP (interférons et acétate de glatiramère);
  • chez les patients atteints de SP‑RR, l’acétate de glatiramère était efficace pour réduire les rechutes, augmenter le délai entre les rechutes et réduire l’activité observée à l’IRM, ainsi que l’avaient démontré les études cliniques;
  • les avantages d’un traitement précoce après un SCI continuaient de susciter un débat, malgré une tendance favorisant le traitement des patients présentant un SCI par des interférons, à la lumière d’essais cliniques qui avaient démontré les avantages de leur administration précoce. Néanmoins, certains experts préconisaient toujours d’attendre le diagnostic de SP;
  • les interférons étaient des composés différents de l’acétate de glatiramère;
  • l’efficacité de l’acétate de glatiramère n’avait pas été établie chez les patients ayant présenté un SCI;
  • l’acétate de glatiramère n’était pas approuvé en vue d’une utilisation chez les patients ayant présenté un SCI;
  • il était généralement connu que l’essai PreCISe était en cours et visait à déterminer l’efficacité de l’acétate de glatiramère chez les patients ayant présenté un SCI;
  • Karussis 2006 ne faisait pas partie des connaissances générales courantes. Comme l’a souligné le DSelchen et l’a reconnu le DGreen, ce document n’a pas été publié dans une revue bien connue. Le DGreen a également reconnu que Karussis 2006 ne faisait pas partie des connaissances générales courantes, contrairement à certaines déclarations qu’on trouve dans le document. Je reconnais que les déclarations de Karussis 2006 qui font état des critères diagnostiques de la SP selon Poser et McDonald et qui mentionnent les résultats des études de phase III – par exemple les interférons dans le traitement de la SP-RR et du SCI et l’acétate de glatiramère chez les patients atteints de SP-RR – auraient été des connaissances générales courantes. Cependant, les recommandations ou suggestions faites dans Karussis 2006 quant au fait que l’acétate de glatiramère devrait être envisagé chez les patients qui présentent un SCI n’étaient pas des connaissances générales courantes.

XVIII. Pharmascience peut‑elle invoquer la défense Gillette à l’encontre des allégations de contrefaçon du brevet 437?

A. Principes tirés de la jurisprudence

[391] La « défense Gillette » se nomme ainsi en raison de l’arrêt Gillette Safety Razor Co v Anglo-American Trading Co Ltd (1913), 30 RPR 465 (HL) dont elle tire son origine. Ce moyen de défense, qui permet au défendeur de nier à la fois la contrefaçon et la validité du brevet, a été qualifié de raccourci.

[392] Dans le cas d’une allégation de contrefaçon, la défense Gillette a été décrite dans l’arrêt AB Hassle c Apotex Inc., 2006 CAF 51 au para 15, comme étant « invoqué[e] quand on établit que le produit censément contrefait est fondé sur les enseignements d’un brevet antérieur ».

[393] Plus récemment, dans la décision Tensar Technologies, Limited c Enviro-Pro Geosynthetics Ltd., 2019 CF 277 au para 135, la Cour a expliqué :

[135] En première instance, la défenderesse a abandonné l’antériorité comme moyen pour contester la validité, sauf dans la mesure où cette antériorité se rapporte au moyen de défense fondé sur l’arrêt Gillette. Ce moyen de défense est invoqué quand le contrefacteur présumé peut établir que le produit censément contrefait est fondé sur les enseignements d’un brevet antérieur et que le contrefacteur présumé fait simplement quelque chose qui est déjà connu (Gillette Safety Razor Co. c Anglo-American Trading Co. Ltd (1913), 30 RPC 465 (HL)).

B. Les observations de Pharmascience

[394] Pharmascience fait valoir la défense Gillette à l’encontre des allégations de contrefaçon et soutient qu’elle met en pratique les enseignements de l’art antérieur et que, cela étant, le brevet 437 est invalide (puisqu’il revendique ce qui fait partie de l’art antérieur). Subsidiairement, si le brevet 437 est valide, Pharmascience ne peut pas le contrefaire.

[395] Pharmascience soutient que son produit Glatect est indiqué pour le [traduction] « traitement des patients ambulatoires atteints de [SP‑RR] […] pour réduire la fréquence des poussées cliniques », ce qui est la même indication que celle qui existait pour Copaxone de Teva avant novembre 2007. Pharmascience affirme qu’une dose quotidienne de 20 mg d’acétate de glatiramère était un traitement bien connu contre la SP‑RR bien avant 2007.

[396] Pharmascience invoque la défense Gillette parce qu’elle estime que le groupe de patients visé par les revendications du brevet 437 inclut autant les patients présentant un SCI qui ne répondent pas aux critères de la SP selon McDonald que les patients présentant un SCI qui y répondent. Pharmascience soutient que, en 2007, l’acétate de glatiramère était déjà le traitement prévu pour les patients atteints de la SP selon les critères de McDonald, qui présentent habituellement une SP‑RR.

[397] Pharmascience se fonde également sur Pinchasi 2007, qui a divulgué l’utilisation d’une dose de 40 mg d’acétate de glatiramère contre la SP‑RR. Elle soutient que ce traitement s’applique aux patients ayant subi une seule poussée et qui ont reçu un diagnostic de SP selon les critères de McDonald de 2005.

[398] Pharmascience soutient que le Dr Green a renvoyé à Pinchasi 2007 en réponse au rapport de la Dre Morrow sur la contrefaçon. L’entreprise a par ailleurs cité Pinchasi 2007 en tant que document d’antériorité.

C. Les observations de Teva

[399] Teva fait valoir que le droit et les faits n’étayent pas la défense Gillette invoquée par Pharmascience.

[400] Teva soutient que, pour établir la défense Gillette, le contrefacteur prétendu (Pharmascience) doit démontrer que ses activités sont conformes à l’art antérieur et que les revendications du brevet se heurtent à l’art antérieur.

[401] Teva soutient que Pharmascience ne peut pas opposer la défense Gillette à l’allégation de contrefaçon parce que la monographie de produit de Glatect proposée par Pharmascience indique que ce produit sert aussi au traitement des patients présentant un SCI (comme l’indiquait la monographie de produit de Copaxone en 2009). Avant 2009, Copaxone n’était pas indiqué pour le SCI. Teva porte à notre attention le témoignage livré en contre‑interrogatoire par le Dr Green, qui a reconnu que les premières étiquettes de Copaxone n’étaient pas libellées de la même façon et ne [traduction] « faisaient pas état » de son utilisation pour le SCI et que, à cette époque, il n’existait aucune indication pour le SCI.

[402] Teva fait en outre valoir que Pharmascience ne peut pas invoquer Pinchasi 2007 à l’appui de la défense Gillette. Elle soutient en premier lieu que Pinchasi doit être écartée, car le Dr Green n’y a pas fait référence dans son rapport sur la validité. Elle ajoute que le Dr Green a reconnu que Pinchasi 2007 ne guidait pas les médecins dans leurs pratiques de prescription en 2007, ni même du tout, et que le traitement par l’acétate de glatiramère d’un patient présentant un SCI aurait été, en 2007, « non conforme à l’étiquette ».

D. La défense Gillette ne peut pas être retenue

[403] Il ressort de l’interprétation des revendications exposée ci‑dessus – selon laquelle celles‑ci visent les patients qui ont eu une seule poussée ou qui présentent un SCI (c’est‑à‑dire, les patients qui n’ont pas reçu un diagnostic de SP‑CC selon les critères de Poser ou qui n’ont pas reçu un diagnostic de SP selon les critères de McDonald) – que l’art antérieur n’enseignait pas l’utilisation de l’acétate de glatiramère pour les patients présentant un SCI. L’art antérieur enseignait l’utilisation de l’acétate de glatiramère pour les patients atteints de SP‑RR, et cette utilisation était bien connue. Le patient présentant un SCI n’est pas un patient atteint de SP ou de SP‑RR.

[404] Le Dr Green a fait référence à Pinchasi 2007 en réponse à l’opinion de la Dre Morrow sur la contrefaçon, et cette étude peut être prise en considération dans le contexte de la défense Gillette. Or, Pinchasi 2007 ne revendique l’utilisation d’une dose de 40 mg d’acétate de glatiramère que pour les patients atteints de SP‑RR. Pinchasi 2007 ne fait aucunement allusion au patient qui a subi une seule poussée ou qui présente un SCI. Les résultats d’essai dont il y est question concernent les patients atteints de SP‑RR. Le recours de Pharmascience à Pinchasi 2007 et la déclaration du Dr Green selon laquelle Pinchasi enseignait l’utilisation d’une dose de 40 mg d’acétate de glatiramère pour certains patients qui ont subi une seule poussée ou qui présentent un SCI reposent uniquement sur l’interprétation des revendications que privilégie Pharmascience, que la Cour a rejetée.

[405] La monographie combinée de Glatect proposée par Pharmascience prévoit que le produit à 20 mg est indiqué pour le traitement des patients atteints de SP‑RR et de ceux qui ont vécu un seul événement démyélinisant (c’est‑à‑dire, un patient présentant un SCI). Le produit à 40 mg de Pharmascience vise la SP‑RR; il n’est aucunement question du patient présentant un SCI.

XIX. Le brevet 437 est‑il antériorisé?

A. Principes tirés de la jurisprudence

[406] Le critère établi dans l’arrêt Apotex Inc c Sanofi-Synthelabo Canada Inc., 2008 CSC 61 [Sanofi] régit l’examen relatif à l’antériorité. La Cour suprême du Canada a rappelé que l’antériorité doit satisfaire à deux exigences – la divulgation et le caractère réalisable – sur lesquelles elle a donné des précisions. Aux paragraphes 25‑26, la Cour suprême a fait référence à une décision du Royaume-Uni rendue par lord Hoffman, Synthon BV v SmithKline Beecham plc, [2006] 1 All E.R. 685, [2005] UKHL 59 :

[25] Lord Hoffmann explique que suivant l’exigence de la divulgation antérieure, le brevet antérieur doit divulguer ce qui, une fois réalisé, contreferait nécessairement le brevet (par. 22) :

[traduction] Si je puis me permettre de résumer ce qui découle de ces deux énoncés fort connus [tirés de General Tire et de Hills c. Evans], l’objet de l’antériorité alléguée doit divulguer ce qui, une fois réalisé, contreferait le brevet. [. . .] Il s’ensuit que, peu importe que cela aurait sauté ou non aux yeux de quiconque au moment considéré, lorsque ce qui est décrit dans la divulgation antérieure est réalisable et une fois réalisé, contreferait nécessairement le brevet, la condition de la divulgation antérieure est remplie.

En ce qui concerne la divulgation, la personne versée dans l’art [traduction] « est censée tenter de comprendre ce que l’auteur de la description [dans le brevet antérieur] a voulu dire » (par. 32). À cette étape, les essais successifs sont exclus. La personne versée dans l’art se contente de lire le brevet antérieur pour en comprendre la teneur.

[26] Lorsque l’exigence de la divulgation est remplie, le second élément établissant l’antériorité est le « caractère réalisable », à savoir la possibilité qu’une personne versée dans l’art ait pu réaliser l’invention (par. 26). […]

[407] La Cour suprême a expliqué l’exigence du « caractère réalisable », au paragraphe 27 :

[27] Dès lors que l’objet de l’invention est divulgué dans un brevet antérieur, on suppose que la personne versée dans l’art est disposée à procéder par essais successifs pour arriver à l’invention. Bien que de tels essais soient exclus à l’étape de la divulgation, ils ne le sont pas pour les besoins du caractère réalisable, car la question n’est plus de savoir si la personne versée dans l’art saisit la teneur de la divulgation du brevet antérieur, mais bien si elle est en mesure de réaliser l’invention.

[408] Au paragraphe 37, la Cour suprême a dressé une liste non exhaustive de facteurs à considérer dans l’examen du caractère réalisable d’un brevet, notamment que la personne versée dans l’art peut faire appel à ses connaissances générales courantes pour compléter les données du brevet, et que les essais courants sont admis, mais que les essais successifs prolongés ou ardus ne sont pas tenus pour courants.

[409] Dans l’arrêt Tearlab Corporation c I-MED Pharma Inc., 2019 CAF 179 aux para 73 et 81, la Cour d’appel a fait la distinction entre l’antériorité et l’évidence, soulignant que l’antériorité doit figurer dans un seul document, et non pas dans une mosaïque d’extraits, comme le permet l’examen relatif à l’évidence, et elle a déclaré, au paragraphe 73 :

[…] Comme l’a souligné Donald MacOdrum dans Fox on the Canadian Law of Patents, 5e éd., feuilles mobiles (Toronto, Ont. : Thomson Reuters Canada, 2019), aux pages 4-6 et 4-7 [MacOdrum] :

[traduction] Il existe une différence importante dans l’évaluation de l’effet des documents antérieurs sur la question de l’antériorité et de l’évidence. Lorsque l’on tente de déterminer le caractère nouveau d’une invention, l’antériorité doit être déterminée dans un seul document. En d’autres termes, il n’est pas légitime de lire plusieurs documents simultanément et, comme les cas décrits, de composer une mosaïque d’extraits. En outre, ce document unique doit divulguer l’invention précise revendiquée par le brevet en litige. Toutefois, lorsque l’on compare l’invention à l’évidence, l’art antérieur doit être examiné et ses effets cumulatifs doivent être pris en compte. [Références omises.]

[410] Dans l’arrêt Hospira Healthcare Corporation c Kennedy Trust for Rheumatology Research, 2020 CAF 30 [Hospira], la Cour d’appel a récemment traité des deux exigences de l’antériorité, aux paragraphes 66‑71, et cité à cet égard le critère de l’arrêt Sanofi.

[411] La Cour d’appel a également conclu que le juge du procès avait commis une erreur en confondant les éléments de la divulgation et du caractère réalisable de sorte que l’antériorité citée reposait sur des conjectures et ne constituait donc pas une antériorité. La Cour d’appel a souligné ce qui suit, au paragraphe 73 :

[traduction]
[73] Bien que le juge ait reconnu que le critère relatif à l’antériorité comporte deux exigences distinctes ‑ la divulgation et le caractère réalisable – tel que mentionné au paragraphe [66] ci‑dessus, l’analyse qu’il fait du rapport Kennedy de 1994 et de l’article de Higgins dans ses motifs ne semble pas traiter de manière distincte de ces exigences. Le juge semble avoir rejeté les arguments avancés par les appelantes au sujet de ces deux documents au motif qu’ils ne répondent pas à l’exigence de la divulgation parce qu’ils ne révèlent pas les résultats des expériences proposées. Cette approche semble confondre la divulgation et le caractère réalisable. L’exigence de la divulgation est remplie si la réalisation de ce que décrit le document d’antériorité entraînerait nécessairement une contrefaçon. La lecture des motifs ne permet pas de savoir en quoi cette exigence n’est pas respectée, du moins en ce qui concerne le rapport Kennedy de 1994. Même dans le cas de l’article de Higgins, il est difficile de savoir pourquoi cette exigence n’est pas respectée pour ce qui concerne les revendications dont l’infliximab ou le schéma d’administration est un élément essentiel.

B. Observations de Pharmascience

[412] Pharmascience fait valoir que Karussis 2006 antériorise le brevet 437 (à l’exception de la revendication 16), peu importe comment, au regard du patient ayant subi une seule poussée, les revendications sont interprétées. Elle soutient que Karussis 2006 satisfait aux deux exigences de l’antériorité que sont la divulgation et le caractère réalisable.

[413] Pharmascience fait observer que le groupe de travail Karussis est arrivé à un consensus au sujet de plusieurs déclarations et qu’il a recommandé d’utiliser l’acétate de glatiramère pour traiter les patients qui ont subi une seule poussée et répondent aux critères de McDonald. Il a aussi recommandé d’utiliser l’acétate de glatiramère pour traiter les patients qui ont subi une seule poussée et ne répondent pas à ces critères. Pharmascience soutient qu’en novembre 2007 une personne versée dans l’art aurait pu facilement prescrire une dose quotidienne de 20 mg de Copaxone pour traiter ces deux groupes de patients.

[414] Pharmascience soutient qu’il importe peu que la dose de 20 mg n’ait pas été approuvée ou indiquée pour les patients ayant subi une seule poussée et que son utilisation soit « non conforme à l’étiquette ». Elle ajoute qu’il n’était pas interdit aux médecins de prescrire Copaxone. Le Dr Green a dit que lui‑même et d’autres médecins l’avaient fait. Pharmascience soutient que les experts de Teva ont reconnu l’existence d’une utilisation non conforme à l’étiquette. Selon elle, la seule question est de savoir si, à la lumière des enseignements de l’art antérieur, la personne versée dans l’art pourrait mettre en pratique les revendications et, à l’évidence, elle le pourrait.

[415] S’appuyant sur l’interprétation qu’elle préconise – que les revendications visent les patients qui ont subi une seule poussée et répondent aux critères de la SP selon McDonald, Pharmascience fait en outre valoir que toutes les revendications du brevet 437, dont la revendication 16 (qui revendique une dose de 40 mg d’acétate de glatiramère), sont antériorisées par Pinchasi 2007. Elle soutient également que Pinchasi 2007 constitue une antériorité parce que le document divulguait aussi que la dose de 20 mg réduisait les lésions mesurées par IRM chez les patients atteints de SP.

[416] Pharmascience souligne que, peu importe comment les revendications sont interprétées, le brevet 437 indique que la [traduction] « formulation de Copaxone® à 40 mg a été divulguée » et que, cela étant, la personne versée dans l’art aurait été en mesure d’administrer une dose de 40 mg d’acétate de glatiramère. Pharmascience soutient que Teva est liée par cette admission (c’est‑à‑dire, au sujet de la revendication 16).

[417] Pharmascience conteste l’observation de Teva ‑ qu’étant donné qu’aucun des avantages ou résultats d’un traitement précoce à l’acétate de glatiramère, qui sont revendiqués dans le brevet 437, n’est décrit dans les antériorités citées ‑ le brevet 437 est nouveau. Pharmascience soutient que, dans la mesure où la réalisation de l’antériorité emporterait contrefaçon des revendications, l’exigence de la divulgation est remplie parce que les avantages ou résultats obtenus découlent simplement de la réalisation de l’objet divulgué (Sanofi, aux para 23‑27).

[418] Pharmascience fait remarquer que les résultats de l’essai PreCISe ont montré que l’acétate de glatiramère, administré à raison de 20 mg chez des patients ayant subi une seule poussée, entraînera tous les avantages revendiqués (réduction de la progression de l’activité de la maladie surveillée par IRM; réduction de la progression des symptômes de la SP; réduction de la fréquence des rechutes; réduction du nombre moyen de nouvelles lésions en T2; réduction d’au moins 50 % du taux d’accumulation de nouvelles lésions pondérées en T2, entre autres).

[419] Pharmascience soutient que, même si la personne versée dans l’art n’avait pas su qu’il en découlerait ces avantages, elle les aurait obtenus si elle avait réalisé l’objet divulgué dans Karussis 2006 et elle aurait ainsi contrefait les revendications du brevet 437.

[420] Pharmascience conteste également l’observation de Teva selon laquelle il n’y a pas d’antériorité quand l’art antérieur offre des choix (p. ex., le choix entre des interférons ou l’acétate de glatiramère). Elle soutient que la question est de savoir si les éléments essentiels des revendications ont été divulgués et s’ils avaient un caractère réalisable.

[421] Pharmascience conteste les arguments de Teva selon lesquels Karussis 2006 n’est pas une antériorité parce qu’il repose sur des conjectures. Elle soutient que, pour qu’un brevet soit invalide pour cause d’antériorité, il n’est pas nécessaire que l’antériorité soit fondée sur des données probantes; il suffit que l’antériorité divulgue l’invention et permette à la personne versée dans l’art de la réaliser. Pharmascience se fonde sur le paragraphe 73 de l’arrêt Hospira, où la Cour d’appel conclut que le juge de première instance a eu tort d’écarter des documents de l’art antérieur parce qu’ils ne divulguaient pas les résultats d’expériences proposées.

[422] Pharmascience attire également notre attention sur la décision Biogen, dans laquelle notre Cour a examiné un document d’antériorité, un protocole d’étude qui ne comportait pas de résultats. La Cour a appliqué l’arrêt Hospira, aux para 133‑138, et elle a conclu, à la lumière des faits de l’affaire, que l’absence des résultats de l’étude en cours mentionnée dans le document d’antériorité n’était pas fatale à l’allégation d’invalidité pour cause d’antériorité.

[423] Par analogie, Pharmascience soutient que les déclarations faites dans Karussis 2006 et les résultats anticipés de l’essai PreCISe, qui étayaient ces déclarations, suffisent pour répondre à l’exigence de divulgation antérieure.

[424] Pharmascience est d’avis que Teva ne saurait être récompensée par un brevet dont l’invention est inspirée des idées formulées dans Karussis 2006. Même si Karussis 2006 n’a pas donné suite aux recommandations, elle les a divulguées.

C. Observations de Teva

[425] Teva réitère que le groupe de patients visé par les revendications est formé de patients présentant un SCI et non de patients répondant aux critères de la SP selon McDonald.

[426] Teva soutient que les revendications du brevet 437 sont nouvelles et ne sont pas antériorisées par Karussis 2006 ou Pinchasi 2007. Elle ajoute que Karussis 2006 est un article moins connu, qui fait état d’opinions sans fondement probant. Elle ajoute que, même si Karussis 2006 est un document d’antériorité valable, il ne divulgue pas les revendications du brevet 437 ou ne permet pas de les réaliser, car il ne donne pas d’instructions claires qui conduiraient inévitablement la personne versée dans l’art à l’objet revendiqué dans le brevet. Teva soutient que Karussis 2006 ne prévoit pas expressément l’utilisation de l’acétate de glatiramère, pas plus qu’il ne divulgue les avantages ou les résultats revendiqués dans le brevet 437. De plus, la personne versée dans l’art n’aurait pas pu réaliser l’invention en novembre 2007.

[427] Teva soutient que, pour établir l’antériorité, un seul document doit divulguer l’« invention précise » et fournir tous les renseignements nécessaires pour assurer la réalisation de l’invention divulguée. Un seul document doit « divulgue[r] entièrement et de façon précise la revendication du breveté » (Tearlab, au para 81). Teva soutient qu’il s’agit là d’un critère exigeant et que Karussis 2006 n’y satisfait pas.

[428] Teva soutient en outre que les avantages du traitement par l’acétate de glatiramère chez les patients ayant présenté un SCI n’étaient pas connus ou envisagés dans les antériorités citées par Pharmascience (Karussis 2006 ou Pinchasi 2007). Teva soutient que Karussis 2006 ne divulgue pas les résultats ou les avantages énoncés dans l’objet des revendications. Par exemple, Karussis 2006 ne révèle pas l’efficacité thérapeutique de l’acétate de glatiramère pour retarder l’apparition de la SP‑CC; réduire la progression de l’activité de la maladie surveillée par IRM; réduire la progression des symptômes de la SP ou réduire la fréquence des poussées. Karussis 2006 ne divulgue pas non plus une dose de 40 mg d’acétate de glatiramère (revendication 16). Teva ajoute que Karussis 2006 ne révèle aucun résultat thérapeutique précis. Elle souligne que la revendication 33 décrit une réduction de 50 % des nouvelles lésions en T2, ce qui était inattendu.

[429] Teva explique qu’on a mis fin prématurément à l’essai PreCISe à cause de ses premiers résultats fructueux, qui montraient des [traduction] « effets importants et marqués chez les patients atteints d’une maladie active mesurée par IRM ». Teva s’est fondée sur ces résultats pour faire approuver cette nouvelle indication pour le traitement du SCI. Teva s’appuie sur le paragraphe 41 de l’arrêt Sanofi et soutient que les propriétés avantageuses démontrées lors de l’essai PreCISe n’ont pas été divulguées dans l’art antérieur et qu’il ne saurait donc y avoir antériorité.

[430] Teva soutient qu’on ne peut pas dire que, si la personne versée dans l’art les mettait en œuvre, les suggestions de Karussis 2006 seraient efficaces pour traiter les patients présentant un SCI, parce que rien de tel n’est divulgué dans Karussis 2006.

[431] Teva fait valoir que la personne versée dans l’art ne donnerait pas suite aux recommandations formulées dans Karussis 2006. Elle rappelle le témoignage du Dr Selchen, qui a clairement dit que la [traduction] « personne versée dans l’art aurait carrément rejeté ces recommandations ».

[432] Teva soutient en outre que la mention dans Karussis 2006, selon laquelle des essais cliniques étaient en cours à cette époque, ne saurait antérioriser le brevet 437, car l’utilisation expérimentale que Teva a faite au cours d’un essai ne constitue pas une utilisation ou une divulgation publiques.

[433] Teva fait également valoir que Karussis ne permettait pas à la personne versée dans l’art de réaliser l’invention parce que, en 2007, l’utilisation de l’acétate de glatiramère chez les patients ayant subi une seule poussée n’était pas approuvée.

[434] Teva soutient que le Dr Green s’est contredit dans son témoignage au sujet de l’utilisation non conforme à l’étiquette de médicaments. Elle signale que, dans le cadre du présent litige, le Dr Green a déclaré qu’il prescrit des médicaments de façon non conforme à l’étiquette et que lui‑même et d’autres médecins auraient prescrit, en 2007, de l’acétate de glatiramère à des patients présentant un SCI. Cependant, dans le cadre du procès qui s’est déroulé au Royaume‑Uni, le Dr Green a déclaré qu’il ne changerait pas ses pratiques de prescription, même sur la foi d’une étude clinique de phase II; autrement dit, sans preuve d’efficacité.

[435] Teva soutient de plus que Pinchasi 2007 n’antériorise pas les revendications du brevet 437 parce qu’elle ne divulgue pas l’utilisation d’acétate de glatiramère pour traiter le SCI; elle divulgue plutôt son utilisation en vue du traitement de la SP‑RR. Teva ajoute que le Dr Green a admis qu’un [traduction] « médecin ne considère pas que Pinchasi 2007 le guide dans ses pratiques de prescription ».

D. Que disent les experts?

(1) Dr Green

[436] De l’avis du Dr Green, Karussis 2006 a divulgué les revendications du brevet 437 et les a rendues réalisables.

  • [437] Selon lui, Karussis 2006 conclut que [traduction] « des données probantes montrent que l’administration précoce d’un traitement modificateur de la maladie à la suite d’un premier événement clinique aigu de démyélinisation peut être bénéfique à long terme, en retardant la progression de la maladie et la conversion en SP cliniquement certaine ». Le DGreen a souligné la conclusion du groupe de travail Karussis selon laquelle [traduction] « un traitement devrait tout de même être envisagé » chez les patients qui ne répondent pas aux critères diagnostiques de McDonald pour la SP.

  • [438] Karussis 2006, auquel le DGreen faisait référence, conclut que parce que les interférons et l’acétate de glatiramère s’étaient tous révélés efficaces contre la SP‑RR, et parce qu’un diagnostic subséquent de SP était très probable après un SCI, [traduction] « il est raisonnable de proposer un traitement précoce par ces médicaments modificateurs de la maladie, aux doses approuvées pour la SP, même s’il n’existe pas encore de données probantes pour soutenir cette approche ». Dans son avis écrit, le DGreen a déclaré que Karussis 2006 recommandait [traduction « non seulement les traitements modificateurs de la maladie en général, mais l’acétate de glatiramère en particulier chez les patients qui présentent un SCI ».

  • [439] Afin de démontrer que Karussis 2006 divulgue l’objet des revendications, le DGreen s’est appuyé sur la déclaration de Karussis 2006 selon laquelle l’utilisation de l’acétate de glatiramère chez les patients qui présentent un SCI (soit une seule poussée évocatrice de la SP et des signes de lésions) [traduction] « devrait fonctionner » et serait « raisonnable ».

  • [440] Le DGreen a ajouté que Karussis 2006 permettait la mise en œuvre de l’invention par la personne versée dans l’art, car on y indiquait précisément qu’il serait raisonnable de traiter le SCI avec de l’acétate de glatiramère [traduction] « aux doses approuvées pour la SP ». La personne versée dans l’art pourrait facilement mettre en œuvre l’invention en administrant 20 mg d’acétate de glatiramère (la dose approuvée pour la SP) aux patients qui présentent un SCI et en surveillant l’évolution de leur état.

  • [441] Lors de son témoignage oral, le DGreen a déclaré qu’avant novembre 2007, lui-même et d’autres médecins prescrivaient Copaxone pour traiter des patients atteints de SP‑RR qui n’avaient subi qu’une seule poussée clinique. Le DGreen a affirmé que lui-même et d’autres médecins prescrivaient également Copaxone à une dose de 20 mg pour traiter les patients qui avaient reçu un diagnostic de SCI (c’est-à-dire les patients qui n’avaient subi qu’une seule poussée clinique, mais dont le diagnostic de SP n’était pas confirmé, car ils ne répondaient pas aux critères de McDonald de 2005). Il a toutefois admis ne pas l’avoir mentionné dans son rapport sur la validité.

  • [442] Le DGreen a affirmé qu’il est courant que les médecins prescrivent des médicaments pour des utilisations non conformes à l’étiquette.

(2) Dr Selchen

[443] Le DSelchen n’a pas partagé l’opinion du DGreen selon qui Karussis 2006 divulguait et rendait réalisables (c’est‑à‑dire, antériorisait) les revendications du brevet 437.

[444] Le DSelchen a décrit Karussis 2006 comme un texte d’opinion qui reflétait le consensus des membres du groupe de travail Karussis au sujet de déclarations particulières qu’on leur avait soumises pour discussion. Il a expliqué que Karussis 2006 portait principalement sur des stratégies de permutation du traitement déjà administré à des patients atteints de SP. Il a fait remarquer qu’aucune étude ou collecte de données ne sous‑tendait les déclarations ou les recommandations qu’il contenait.

[445] Le DSelchen a reconnu que le groupe de travail Karussis avait convenu que tous les traitements de première intention approuvés (les interférons et l’acétate de glatiramère) devraient être eux aussi efficaces chez les patients présentant un SCI et que l’on pourrait envisager de les administrer à ces derniers.

[446] Le DSelchen a convenu que, en 2007, la déclaration du groupe de travail Karussis, selon laquelle un [traduction] « traitement devrait être envisagé » chez les patients qui ne satisfaisaient pas aux critères diagnostiques de McDonald, ne prêtait pas à controverse. Cependant, ces patients auraient alors été traités à l’aide des interférons qui avaient fait l’objet d’essais et qui avaient été approuvés. Le DSelchen n’était pas d’accord pour dire que le groupe de travail Karussis recommandait l’administration d’acétate de glatiramère à un patient présentant un SCI, mais plutôt qu’il fallait envisager cette option. Il a ajouté que la plupart des personnes versées dans l’art n’auraient pas approuvé cette recommandation en 2007, car elle ne reposait pas sur des données probantes.

[447] Le DSelchen a aussi fait remarquer que Karussis 2006 admettait qu’un certain nombre de patients présentant un SCI pouvaient décider de ne pas être traités et préférer attendre de subir une seconde poussée avant de commencer à se faire soigner.

[448] Le DSelchen a souligné que, même si l’essai en cours PreCISe portait sur l’administration d’acétate de glatiramère chez les patients présentant un SCI, ce produit n’avait pas été approuvé pour le traitement des patients de ce groupe. Il a fait remarquer qu’on ne savait rien de l’efficacité de l’acétate de glatiramère chez les patients présentant un SCI, car on ne disposait d’aucune étude antérieure sur le sujet.

[449] Le DSelchen a expliqué qu’un clinicien praticien n’aurait tiré aucune inférence à propos de l’acétate de glatiramère en sachant que l’essai PreCISe était en cours, et qu’il n’aurait pas conclu à partir des résultats d’études sur les interférons que l’on pouvait recommander ou entreprendre un traitement à base d’acétate de glatiramère non conforme à l’étiquette chez les patients présentant un SCI.

[450] Le DSelchen a ajouté que Karussis 2006 ne divulguait pas les avantages thérapeutiques ou les résultats énoncés dans les revendications du brevet 437. Il s’est dit en désaccord avec le DGreen qu’une réduction de 50 % des nouvelles lésions en T2 était [traduction] « caractéristique » chez les patients atteints de la SP‑RR et traités à l’acétate de glatiramère ou chez les patients présentant un SCI et traités aux interférons.

[451] Pour ce qui est du caractère réalisable, le DSelchen s’est dit en désaccord avec le DGreen que la personne versée dans l’art [traduction] « pourrait facilement mettre en œuvre » la divulgation de Karussis 2006 pour arriver à l’objet des revendications. La personne versée dans l’art, a-t-il expliqué, ne serait pas en mesure d’administrer l’acétate de glatiramère ou de déterminer si le traitement était efficace sur le plan thérapeutique, car il faudrait pour cela mener un essai clinique, ce qui coûte cher, prend du temps et exige beaucoup de planification.

[452] L’avocat de Pharmascience a demandé au DSelchen si un médecin qui suivait la déclaration no 5 de Karussis 2006 prescrirait 20 mg d’acétate de glatiramère à un patient présentant un SCI. Le DSelchen a répondu que c’était [traduction] « complètement inexact ». Il a dit que dans la [traduction] « réalité », les médecins au Canada ne pouvaient pas prescrire un médicament non approuvé : [traduction] « absolument, catégoriquement pas ». Il a ajouté qu’il serait impensable qu’ils le fassent, car rien ne prouvait que le médicament était efficace, comme le signalait Karussis 2006. Il a reconnu que rien n’interdisait de le prescrire pour une utilisation non conforme à l’étiquette, et que le médicament était disponible, mais qu’au Canada cela ne se ferait pas.

E. Karussis 2006 n’antériorise pas les revendications du brevet 437

[453] Rappelons que, pour établir l’antériorité, un seul document d’antériorité doit, à la fois, divulguer l’objet des revendications et le rendre réalisable. Pharmascience fait valoir que Karussis 2006 est le document d’antériorité qui antériorise l’ensemble des revendications du brevet 437, sauf la revendication 16. Pharmascience fait valoir que Pinchasi 2007, une demande de brevet, est le document d’antériorité qui antériorise la revendication 16.

[454] La prétention de Pharmascience selon laquelle la revendication 16 est divulguée et rendue réalisable par Pinchasi 2007 repose sur l’interprétation plus large qu’elle donne des revendications, qui est rejetée. Pinchasi revendiquait l’utilisation d’acétate de glatiramère à 40 mg uniquement pour les patients atteints de la SP‑RR et mentionnait que la dose de 20 mg avait été divulguée antérieurement pour les patients de ce groupe. Les résultats d’essai divulgués par Pinchasi ne concernaient que la SP‑RR, et non le SCI.

[455] Je conclus que Karussis 2006 ne divulgue pas ou ne rend pas réalisables les revendications du brevet 437.

[456] Karussis 2006 et les déclarations clés invoquées par Pharmascience doivent être mis en contexte.

[457] Comme je l’ai mentionné, Karussis 2006 a été publié dans l’European Journal of Neurology, qui, selon le DSelchen ne compte pas parmi les revues de premier plan, et n’est pas bien connue de la personne versée dans l’art. Karussis 2006 ne fait pas partie des connaissances courantes, mais certaines des références qui y sont citées en font partie. Quoi qu’il en soit, c’est l’antériorité citée.

[458] Karussis 2006 est le rapport d’un groupe de travail international pour l’optimisation du traitement de la SP qui, après avoir examiné et peaufiné plusieurs déclarations, a publié 15 déclarations faisant consensus sur le traitement de la SP. Le groupe de travail Karussis n’a pas mené ni proposé d’expériences ou de protocoles d’étude. Il s’est plutôt intéressé aux études déjà réalisées tout en soulignant que d’autres études étaient en cours.

[459] Comme l’a dit le DSelchen, l’objectif déclaré du groupe de travail Karussis était de [traduction] « recommander des options thérapeutiques fondées sur des données probantes pour la gestion de réactions sous‑optimales ou d’effets secondaires intolérables chez les patients atteints de la sclérose en plaques (SP) qui sont soignés avec des médicaments modificateurs de la maladie (MMM) ».

[460] Selon la déclaration n1 : [traduction] « [l]es candidats à l’administration d’un traitement à base de MMM devraient, idéalement, satisfaire aux critères diagnostiques de McDonald pour la SP ». Dans l’analyse relative à cette déclaration, les auteurs énoncent les critères diagnostiques de la SP selon McDonald. Ils mentionnent que les critères diagnostiques de Poser ont été utilisés dans des essais cliniques antérieurs.

[461] Dans l’analyse relative à la déclaration n1, les auteurs soulignent que : [traduction] « bien qu’il soit admis que la majorité des patients recommandés en vue de l’administration d’un traitement à base d’un MMM devraient être atteints de la SP (selon la description des critères de McDonald, tableau 2), le groupe de travail a convenu que, dans le cas de certains patients qui ne satisfont pas aux critères de McDonald, un traitement devrait être envisagé ». Les auteurs ont expliqué qu’il faudrait songer aux patients présentant un risque élevé de SP et ont ajouté que, pour les patients ayant reçu un diagnostic de « SP possible », il fallait faire particulièrement attention avant de décider quoi que ce soit, et consulter un neurologue chevronné.

[462] Les auteurs ont expliqué que le point de départ est que la majorité des patients à traiter à l’aide de MMM (aussi appelés « TMM ») devraient avoir reçu un diagnostic de SP. Dans le cas d’un sous‑groupe de patients, présentant un risque élevé, [traduction] « un traitement devrait être envisagé ». Ce recours au conditionnel, comme le souligne le DSelchen, donne à penser qu’il serait quelque peu exceptionnel d’administrer un médicament modificateur de la maladie à un patient n’ayant pas reçu un diagnostic de SP.

  • [463] Selon la déclaration no 4 de Karussis 2006, [traduction] « les recommandations relatives au paradigme thérapeutique doivent reposer sur l’emploi d’agents approuvés dont l’efficacité a été établie lors de grands essais de phase III sur la SP; les traitements ou associations administrés à titre expérimental ou de manière non conforme à l’étiquette ne peuvent être recommandés comme traitements de première intention ». Comme les auteurs le soulignent ensuite, des essais cliniques de phase III avaient montré que trois interférons et l’acétate de glatiramère réduisaient l’activité de la maladie chez les patients atteints de SP‑RR et de SP‑CC (selon les critères de Poser). Les références citées dans Karussis 2006 incluent des rapports sur plusieurs essais cliniques de phase III. La déclaration no 4 montre que les auteurs estiment que les essais cliniques de phase III orientent l’utilisation des médicaments modificateurs de la maladie.

  • [464] La déclaration n° 5, sur laquelle Pharmascience s’appuie pour étayer ses allégations d’invalidité pour cause d’antériorité et d’évidence, est que [traduction] « tous les médicaments modificateurs de la maladie approuvés pour le traitement de première intention peuvent être envisagés en vue de l’utilisation après le premier événement démyélinisant chez les patients dont le risque de conversion en SP est élevé ».

  • [465] Karussis 2006 comprend les observations suivantes concernant la déclaration no 5 :

  • [466] Dans l’analyse qui suit les 15 déclarations, les auteurs soulignent [traduction] « [qu’un] patient qui présente un SCI évoquant une SP peut préférer attendre une deuxième poussée avant de commencer le traitement. D’autres patients peuvent refuser le traitement par interféron bêta ou acétate de glatiramère parce qu’ils ne souhaitent pas recevoir d’injections ».

  • [467] À mon avis, la personne versée dans l’art lirait Karussis 2006 dans son intégralité en tirant profit de sa connaissance de la SP et ferait une distinction entre les déclarations qui sont fondées sur des données probantes et celles qui ne le sont pas. La personne versée dans l’art comprendrait que la déclaration no 5 de Karussis 2006 est un avis soigneusement formulé ([traduction] « peuvent être envisagés en vue de l’utilisation »), qui s’accompagne d’une mise en garde indiquant le caractère non prescriptif des recommandations du groupe de travail Karussis et le manque de données probantes se rapportant au traitement précoce du SCI.

  • [468] Pharmascience va trop loin lorsqu’elle soutient que Karussis 2006 a divulgué les revendications du brevet 437 et permis leur réalisation, parce que Karussis 2006 recommandait l’emploi d’acétate de glatiramère pour traiter les patients ayant eu une seule poussée (SCI) qui ne répondaient pas aux critères de McDonald pour la SP.

  • [469] De même, le témoignage du DGreen à l’appui de ce point de vue attribue une portée démesurée à certaines déclarations et recommandations de Karussis 2006 et ne reflète pas l’objectif de Karussis 2006 ni le contexte global dans lequel s’inscrivaient les déclarations. Selon l’opinion écrite du DGreen, [traduction] « Karussis recommandait non seulement les traitements modificateurs de la maladie en général, mais l’acétate de glatiramère en particulier chez les patients qui présentent un SCI »; or, ce n’est pas ce qu’affirme Karussis 2006. Le DGreen a admis en contre‑interrogatoire que Karussis 2006 ne recommande pas spécifiquement l’acétate de glatiramère : l’acétate de glatiramère est cité avec les autres traitements approuvés contre la SP, et Karussis 2006 suggère simplement que de tels traitements soient envisagés.

  • [470] Lors du contre-interrogatoire, le DGreen a également reconnu les faits suivants : aucun rapport ne décrivait l’utilisation efficace de l’acétate de glatiramère dans le traitement du SCI avant novembre 2007; les études jusqu’alors menées sur l’acétate de glatiramère concernaient les patients atteints de SP‑RR; les études jusqu’alors menées chez des patients ayant présenté un SCI portaient sur des interférons; la recommandation de Karussis 2006 faisait référence à tous les traitements, et non à l’acétate de glatiramère en particulier; Karussis 2006 ne mentionnait pas la dose de 40 mg d’acétate de glatiramère et Pinchasi 2007 revendiquait une dose de 40 mg d’acétate de glatiramère pour la SP-RR.

  • [471] Comme l’a expliqué le DSelchen, l’efficacité de l’acétate de glatiramère chez les patients qui présentent un SCI n’était aucunement établie par des données probantes : à l’époque, il n’y avait pas d’études de phase II, d’études pilotes, ni même de rapports de cas.

  • [472] Le DSelchen a fait remarquer qu’en 2007 (tout comme aujourd’hui), on déterminait l’efficacité d’un traitement donné contre la SP en fonction des données scientifiques issues d’études cliniques. Il a expliqué que l’évaluation des données présentées fait appel à des « classes » d’études cliniques (comme indiqué dans Neurology). La classe 1 correspondrait à une étude prospective, randomisée et contrôlée, menée à l’insu dans une population représentative (comme l’essai PreCISe). D’autres experts ont qualifié ce type d’étude d’« étalon de référence ». Le DSelchen a précisé qu’une opinion d’expert n’est pas une étude.

  • [traduction] « Bien que [les membres du groupe de travail Karussis] conviennent que tous les traitements de première intention approuvés ([interférons] et acétate de glatiramère […]) devraient également fonctionner chez les patients qui présentent un SCI, de sorte que leur utilisation peut être envisagée chez ces patients, ils reconnaissent que cette recommandation n’est pas fondée sur des données probantes. »
  • [traduction] « Il n’existe pas de données concernant [Betaseron] ou l’acétate de glatiramère chez les patients qui présentent un SCI évoquant une SP, mais des études sont en cours. » Le groupe de travail cite l’étude CHAMPS, mais ne fait pas particulièrement référence à l’étude PreCISe.
  • [traduction] « Ils [les membres du groupe de travail] ont conclu que, comme [les interférons] et l’acétate de glatiramère se sont tous révélés efficaces contre la SP-RR, et qu’un diagnostic subséquent de SP est très probable après un SCI, il est raisonnable de proposer un traitement précoce par ces médicaments modificateurs de la maladie, aux doses approuvées pour la SP, même s’il n’existe pas encore de données probantes pour soutenir cette approche. »

[473] Je privilégie le témoignage du DSelchen quant au fait que Karussis 2006 révèle uniquement que les treize membres du groupe de travail Karussis s’entendent pour dire que les traitements modificateurs de la maladie, y compris l’acétate de glatiramère, « devraient » fonctionner et « peuvent être envisagés » et qu’« il est raisonnable de proposer un traitement précoce ». Le DSelchen a dit considérer les déclarations de Karussis 2006 comme des propositions fondées sur une hypothèse et des suppositions, et non sur des données probantes, comme l’indiquait le rapport.

  • [474] Comme je l’ai mentionné, le DSelchen a convenu que le groupe de travail Karussis ne suscitait aucune controverse en affirmant qu’un traitement [traduction] « devrait tout de même être envisagé » lorsqu’un patient ne satisfaisait pas aux critères de McDonald, mais selon lui, ce sont les interférons qui, ayant fait l’objet d’essais cliniques et été approuvés, auraient été envisagés à des fins de traitement à l’époque.

  • [475] À l’instar du DSelchen, j’estime que la personne versée dans l’art n’aurait pas considéré que Karussis 2006 divulguait l’utilisation de l’acétate de glatiramère à une dose de 20 mg chez les patients qui présentent un SCI, étant donné le libellé du rapport, son contexte, son objectif et l’absence de données probantes concernant l’efficacité de l’acétate de glatiramère. Karussis 2006 n’a pas révélé pleinement et exactement ce que le brevet revendique et ne conduirait pas directement la personne versée dans l’art à l’objet revendiqué du brevet 437.

[476] En ce qui concerne l’observation de Pharmascience voulant que pour établir l’antériorité, il n’est pas nécessaire que l’art antérieur repose sur des données probantes, la jurisprudence qu’elle invoque repose sur des conclusions de fait selon lesquelles les antériorités qui étaient en litige dans les affaires en question répondaient à l’exigence de la divulgation (p. ex., Eli Lilly Canada Inc c Mylan Pharmaceuticals ULC, 2020 CF 816; Hoffman-La Roche Limited c Apotex Inc, 2013 CF 718; et Shire Biochem Inc c Canada (Health), 2008 CF 538). Aucune proposition générale ne se dégage des décisions invoquées.

[477] Comme je l’ai mentionné, Pharmascience soutient, comme le concluent les décisions Hospira et Biogen, que c’est une erreur d’écarter un document d’antériorité d’où sont absents les résultats d’essai si la réalisation de l’idée qui y est décrite emporterait contrefaçon. Pharmascience soutient que, même s’il est de nature conjecturale, Karussis 2006 antériorise les revendications du brevet 437. Elle ajoute que les déclarations de Karussis 2006, combinées aux résultats anticipés de l’essai PreCISe qui les étayent, suffisent à répondre à l’exigence de la divulgation antérieure.

[478] Premièrement, la Cour n’a pas écarté Karussis 2006 en tant qu’antériorité; elle l’a soigneusement examiné du début à la fin.

[479] Deuxièmement, je souscris au principe énoncé dans l’arrêt Hospira, mais j’estime que Karussis 2006 ne fait pas partie de la même catégorie d’antériorités – de nature spéculative – que celle dont il est question dans l’arrêt Hospira ou dans la décision Biogen.

[480] Dans l’arrêt Hospira, l’antériorité en question était le rapport Kennedy de 1994, qui visait à [traduction] « examiner de plus près la tolérance et l’efficacité de l’utilisation répétée d’[infliximab] […] » (au para 68) et précisait que les résultats seraient disponibles l’année suivante. Dans la décision Biogen, l’antériorité consistait en un protocole d’étude, sans résultat aucun. Karussis 2006 n’est pas un protocole d’étude, pas plus qu’il ne porte sur l’étude des suggestions ou des déclarations qu’il contient. Karussis 2006 est un compte rendu des discussions d’un groupe de travail.

[481] Dans la présente affaire, l’idée décrite dans Karussis 2006 est l’idée même que Teva était en voie de vérifier dans le cadre de l’essai PreCISe. Karussis 2006 n’établit pas un protocole d’étude et ne décrit pas un essai en cours ou des résultats attendus. Karussis 2006 suggère simplement que, pour les patients présentant un SCI, un traitement précoce pourrait être envisagé. À mon avis, ce serait aller à l’encontre de l’objet des essais cliniques, qui est d’appuyer la brevetabilité d’une invention (et, bien sûr, son innocuité et son efficacité) si un groupe d’experts pouvait dire qu’un essai clinique mené par d’autres était en cours et recommander ou suggérer que ce qui est à l’essai soit mis en œuvre. Par ailleurs, Karussis 2006 ne recommande même pas l’utilisation de l’acétate de glatiramère chez les patients présentant un SCI –seulement que le recours à l’un des médicaments modificateurs de la maladie approuvés pour la SP‑RR soit envisagé.

[482] Je signale que Karussis 2006 ne cite aucunement l’essai PreCISe et ne laisse pas supposer qu’il sera couronné de succès. La déclaration n5 mentionne seulement qu’[traduction] « [i]l n’existe pas de données concernant [Betaseron] ou l’acétate de glatiramère chez les patients qui présentent un SCI évoquant une SP, mais des études sont en cours ». L’étude mentionnée dans la note de bas de page pertinente est l’étude CHAMPS, qui porte sur l’interféron Avonex.

[483] Contrairement à ce qu’a prétendu Pharmascience, Teva n’exploitait pas les idées du groupe de travail Karussis; elle mettait plutôt à l’essai sa propre idée.

[484] À mon avis, si Karussis 2006 est une antériorité, alors qu’est‑ce qui empêcherait un groupe d’experts, dans n’importe quel domaine, de tenir des discussions et de se livrer à des spéculations à propos de l’issue favorable d’un essai clinique en cours, conçu et réalisé par d’autres, et de plus tard faire valoir que son hypothèse – que l’essai en cours serait fructueux – antériorise les revendications d’un brevet fondé sur cet essai clinique? Cette approche semble incompatible avec les objectifs de l’exception de common law quant à l’utilisation à des fins expérimentales.

[485] Comme l’a fait valoir Teva, le droit reconnaît qu’il n’y a pas de divulgation antérieure lorsqu’une utilisation antérieure est expérimentale (Bayer Inc c Apotex Inc, 2016 CF 1013 aux para 157 et 162). Si un brevet ne peut pas être antériorisé par sa propre étude clinique, il ne saurait, d’après moi, être antériorisé par les recommandations conjecturales d’un groupe d’experts qui discutent de l’état des traitements contre la SP, qui font état de l’absence de données probantes et qui signalent que des essais sont en cours.

[486] Pour ce qui est du caractère réalisable, je conclus également que, selon la prépondérance des probabilités, la personne versée dans l’art ne pourrait pas « arriver à l’invention » (Sanofi, au para 27). Bien qu’il puisse paraître simple de prescrire Copaxone à 20 mg à des patients présentant un SCI, étant donné que Copaxone à 20 mg était disponible et approuvé pour les patients atteints de SP‑RR, ce n’était pas aussi simple.

[487] Contrairement à ce que prétend Pharmascience – que prescrire un médicament de manière non conforme à l’étiquette n’était pas interdit et que c’est tout ce qui compte – la personne versée dans l’art n’aurait pas pu prescrire aisément de l’acétate de glatiramère (Copaxone à 20 mg) pour soigner un patient présentant un SCI.

[488] Comme je l’ai dit précédemment, le DGreen a déclaré dans son témoignage que, avant novembre 2007, lui-même et d’autres médecins avaient prescrit de manière non conforme à l’étiquette Copaxone à 20 mg à des patients présentant un SCI. Il a toutefois reconnu ne pas l’avoir mentionné dans son rapport sur la validité.

[489] Le DGreen a ajouté qu’il arrive souvent que des médecins prescrivent des médicaments pour des usages non conformes à l’étiquette et que, dans bien des cas, cela peut correspondre à la norme de soins en vigueur.

[490] Le témoignage du DGreen n’est pas tout à fait cohérent. Ce qu’il a dit au sujet de sa propre pratique a changé. Ses propos sur ce que d’autres médecins faisaient ne sont pas admissibles. Il a déclaré qu’il prescrivait Copaxone à 20 mg de manière non conforme à l’étiquette, même si cela n’était pas approuvé. Cependant, il a aussi dit qu’il n’aurait pas prescrit Copaxone à 40 mg sur la foi de Pinchasi 2007 parce que cette demande n’était pas approuvée. Il a également reconnu qu’il ne connaissait pas très bien le système de santé canadien, mais qu’il avait quand même une certaine connaissance des systèmes de santé nationaux.

[491] J’ai accordé plus de poids à l’opinion du DSelchen, qui a déclaré que, d’après son expérience, les patients présentant un SCI n’étaient pas traités avec un médicament non approuvé à cette fin. Il a souligné que les médecins ne prescriraient pas aux patients présentant un SCI un médicament dont l’efficacité n’est pas prouvée. Les médecins se serviraient d’un médicament dont l’efficacité est clairement prouvée. Il a aussi expliqué que, d’un point de vue pratique, il n’aurait pas pu se servir de l’acétate de glatiramère en 2007, car ce produit n’était pas approuvé et n’aurait pas été assuré ou remboursé dans aucun régime. Il a souligné le coût très élevé du traitement, si bien qu’il aurait été [traduction] « impensable » de le prescrire. Le DSelchen a ajouté qu’il ignorait si d’autres médecins le prescrivaient en dehors de l’essai clinique.

[492] Je ne crois pas que le témoignage du DSelchen sur les médicaments prescrits à des fins non conformes à l’étiquette était incohérent, comme Pharmascience l’a allégué. Le DSelchen a expliqué que l’idée de soigner des enfants à l’aide d’acétate de glatiramère, même s’il s’agissait d’un usage non conforme à l’étiquette, à laquelle il est fait allusion dans une publication dont il était le coauteur, ne relevait pas de son domaine d’expertise et provenait d’autres auteurs spécialisés en SP pédiatrique. Le DPrat a plus tard expliqué que la plupart des médicaments prescrits aux enfants le sont à des fins non conformes à l’étiquette car, pour des raisons évidentes, les enfants ne participent pas aux essais cliniques de ces médicaments.

[493] La Dre Morrow a aussi déclaré qu’on ne prescrirait pas un médicament à des fins non conformes à l’étiquette. Contrairement à ce qu’a fait valoir Pharmascience, selon qui la Dre Morrow a dit qu’on ne pouvait pas l’[traduction] « exclure », cette dernière voulait dire qu’elle ne pouvait pas parler au nom d’autres personnes, comme le DGreen prétendait le faire.

XX. Le brevet 437 est-il évident?

A. Les principes tirés de la jurisprudence

[494] La Cour suprême du Canada a énoncé les règles de droit applicables en matière d’évidence dans l’arrêt Sanofi, et on trouve d’autres indications sur leur interprétation et leur application dans la jurisprudence subséquente.

[495] Aux paragraphes 66 à 69 de l’arrêt Sanofi, la Cour suprême a suivi la démarche énoncée dans l’arrêt Windsurfing International Inc c Tabur Marine (Great Britain) Ltd, [1985] R.P.C. 59 (C.A.), qui a été reformulée dans l’arrêt Pozzoli SPA c BDMO SA, [2007] F.S.R. 37 (p. 872), [2007] EWCA Civ 588, et elle a décrit les quatre volets devant guider l’analyse des allégations d’évidence :

  1. Identifier la « personne versée dans l’art » et déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne à la date de la revendication;

  2. Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation;

  3. Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous‑tend la revendication ou son interprétation;

  4. Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, déterminer si ces différences constituent des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou si elles dénotent quelque inventivité.

[496] Le quatrième volet est appelé le critère de l’« essai allant de soi ». La Cour suprême a fait remarquer, au paragraphe 66 :

[66] Pour conclure qu’une invention résulte d’un « essai allant de soi », le tribunal doit être convaincu selon la prépondérance des probabilités qu’il allait plus ou moins de soi de tenter d’arriver à l’invention. La seule possibilité d’obtenir quelque chose ne suffit pas.

[497] La Cour suprême a expliqué que, lorsque l’application du critère de l’« essai allant de soi » est justifiée, d’autres éléments peuvent guider l’examen requis à cette étape. Elle a souligné, aux paragraphes 69-71, que les facteurs pertinents varient selon les circonstances. Voici ces facteurs :

  • Est‑il plus ou moins évident que l’essai sera fructueux? Existe‑t‑il un nombre déterminé de solutions prévisibles connues des personnes versées dans l’art?

  • Quels efforts — leur nature et leur ampleur — sont requis pour réaliser l’invention? Les essais sont‑ils courants ou l’expérimentation est‑elle longue et ardue de telle sorte que les essais ne peuvent être qualifiés de courants?

  • L’art antérieur fournit‑elle [sic] un motif de rechercher la solution au problème qui sous‑tend le brevet?

  • Les mesures concrètes ayant mené à l’invention peuvent constituer un autre facteur important. Il est vrai que l’évidence tient en grande partie à la manière dont l’homme du métier aurait agi à la lumière de l’art antérieur. Mais on ne saurait pour autant écarter l’historique de l’invention, spécialement lorsque les connaissances des personnes qui sont à l’origine de la découverte sont au moins égales à celles de la personne versée dans l’art.

[498] Dans l’arrêt Pfizer Canada Inc c Apotex Inc, 2009 CAF 8 au para 29, la Cour d’appel a précisé que le terme « allant de soi » signifie « très clair », et que le critère s’entend non pas de la possibilité ou de l’hypothèse que quelque chose « vaut d’être tenté », mais plutôt que l’invention va « plus ou moins de soi », comme le souligne l’arrêt Sanofi.

[499] Dans l’arrêt Ciba Specialty Chemicals Water Treatments Limited’s c SNF Inc, 2017 CAF 225 au para 62 [Ciba], la Cour d’appel a dit que, pour combler les différences entre l’invention et l’art antérieur, « [l]a personne versée dans l'art peut avoir recours à ses connaissances générales courantes ainsi qu'à l'art antérieur qui peut être repéré lors d'une recherche raisonnablement diligente ».

[500] Dans l’arrêt Hospira, la Cour d’appel a précisé la distinction qui existe entre le critère de l’« essai allant de soi » (le 4volet) et les facteurs qui le sous‑tendent, au paragraphe 90 :

[90] Il convient de mentionner que, tandis qu’aller « plus ou moins de soi de tenter d’arriver à l’invention » (voir Sanofi, au paragraphe 66) est une exigence pour l’essai allant de soi, être « plus ou moins évident que l’essai sera fructueux » (voir Sanofi, au paragraphe 69) n’est pas une exigence, mais simplement un facteur à prendre en considération.

[501] Dans l’arrêt Hospira, la Cour d’appel s’est également intéressée au contenu de l’art antérieur qui est pertinent pour l’analyse de l’évidence, soulignant que, à l’étape de l’essai allant de soi, le fait qu’un document d’antériorité n’ait pas pu être trouvé ou fasse partie d’une mosaïque est pertinent. Elle a dit ce qui suit, au paragraphe 86 :

[86] À la lumière de l’article 28.3 de la Loi sur les brevets, ainsi que la jurisprudence et la doctrine pertinente, je conclus qu’il est erroné de ne pas tenir compte des antériorités qui étaient accessibles au public à la date pertinente simplement parce qu’une recherche raisonnablement diligente ne les aurait pas révélées. La probabilité que la personne versée dans l’art n’aurait pas trouvé une antériorité peut avoir une pertinence pour l’examen de l’étape 4 de l’analyse de l’évidence (la question de savoir si les différences entre l’état de la technique et l’idée originale sont des étapes qui auraient été évidentes pour la personne versée dans l’art), en ce sens que la personne versée dans l’art, mais sans inventivité, pourrait ne pas avoir pensé à combiner cette antériorité avec les autres antériorités pour faire l’invention revendiquée. Cependant, exclure l’antériorité simplement parce qu’elle est difficile à trouver pose problème, car cela entraînerait la possibilité d’un brevet valide pour une invention qui, sauf pour certaines modifications non inventives, avait déjà été communiquée au public. À mon avis, ce n’est pas ce que le régime canadien des brevets vise à permettre.

[502] Contrairement à l’antériorité, l’analyse visant à déterminer s’il y a évidence n’est pas axée sur un seul document d’antériorité. Pour établir l’évidence, il faut se demander si la personne versée dans l’art, s’appuyant sur l’art antérieur pertinent et les connaissances générales courantes, ainsi que sur les renseignements qu’elle pourrait découvrir en faisant une recherche raisonnablement diligente, arriverait à l’invention directement et sans difficulté, ou si elle devrait faire preuve d’un esprit inventif.

[503] Aux paragraphes 73 et 81 de l’arrêt Tearlab, la Cour d’appel a expliqué comment l’art antérieur est utilisé différemment dans l’examen des allégations d’antériorité et d’évidence, soulignant au paragraphe 73 :

[73] […] Il n’y a rien de « contradictoire » dans la conclusion selon laquelle une référence à l’art antérieur, lorsqu’elle est examinée seule, n’est pas antérieure, mais qu’elle peut néanmoins rendre une revendication évidente lorsqu’elle est combinée à une autre référence.

[504] Au paragraphe 81, la Cour d’appel a donné plus de précisions :

[81] […] chaque élément d’une revendication figure dans un élément distinct de l’art antérieur; il s’agit là du critère d’antériorité. Le critère consiste plutôt à rechercher si la personne versée dans l’art peut combler l’écart entre l’état de la technique au moment visé et la revendication telle qu’elle est interprétée, sans montrer un esprit inventif. L’art antérieur est utilisé pour appliquer les critères d’antériorité et d’évidence, mais de manière différente; l’antériorité est établie si un seul document peut être repéré qui donne à la personne versée dans l’art tous les renseignements dont elle a besoin pour produire l’invention revendiquée sans avoir à faire preuve d’un esprit inventif, alors que pour l’évidence, c’est l’effet cumulatif de l’art antérieur qui doit être examiné pour déterminer si un technicien compétent, mais dépourvu d’imagination, serait directement et facilement arrivé à la solution qu’enseigne le brevet. Comme l'observe une éminente doctrine, Harold G. Fox, Canadian Patent Law and Practice, 4e éd. (Toronto, Ontario : Carswell, 1969), à la page 137 :

[TRADUCTION] …Les spécifications antérieures sont généralement utilisées pour démontrer l’antériorité si elles divulguent entièrement et de façon précise la revendication du breveté. Si cette divulgation n’est pas formulée avant la spécification antérieure et ne peut être utilisée pour démontrer l’antériorité, elle peut être utilisée pour indiquer l’état de la technique au moment où le breveté a créé l’invention alléguée et montrer que l’invention du breveté a contribué dans une mesure si insignifiante aux connaissances actuelles qu’il lui manque l’élément essentiel de l’invention et qu’elle est tout juste évidente…

B. Les observations de Pharmascience

[505] Pharmascience soutient que l’objet des revendications était le reflet de l’état de la technique en novembre 2007; il n’y avait pas de différences, et aucun esprit inventif n’était requis pour arriver à l’objet des revendications.

[506] Tel que mentionné à plusieurs reprises, Pharmascience interprète les revendications du brevet 437 d’une manière plus large que la Cour, mais elle soutient que les revendications sont néanmoins évidentes.

[507] Pharmascience fait valoir que, dans le cas des patients ayant subi une seule poussée et ayant reçu un diagnostic de SP selon les critères de McDonald, il n’y a pas de différence entre l’état de la technique et l’objet des revendications. Elle dit que Copaxone était utilisé pour traiter les patients atteints de SP‑RR bien avant novembre 2007. Elle attire également l’attention sur Pinchasi 2007, qui a divulgué l’utilisation d’acétate de glatiramère à 40 mg contre la SP‑RR. Si son interprétation plus large des revendications avait été retenue, sa contestation de la validité serait accueillie.

[508] Pharmascience soutient également que si l’on restreint les revendications aux patients qui ont subi une seule poussée et qui ne satisfont pas aux critères diagnostiques de SP selon McDonald (c’est de cette manière que la Cour interprète les revendications), il n’y a toujours pas de différence entre l’état de la technique et l’objet des revendications. Pharmascience se fonde sur les recommandations de Karussis 2006, sur d’autres antériorités et sur les connaissances générales courantes, notamment que l’essai PreCISe, qui portait sur l’administration d’acétate de glatiramère à des patients présentant un SCI, était en cours et qu’on s’attendait à ce qu’il soit fructueux. Pharmascience cite le témoignage de M. Day, témoin de Teva, à l’appui de cette expectative de succès.

  • [509] Pharmascience soutient que les renseignements suivants étaient connus et reflètent l’état de la technique en novembre 2007 :

  • Plus de 80 % des patients ayant eu une seule poussée et présentant des lésions à l’IRM seraient un jour atteints de SP. Les patients ayant eu une seule poussée et présentant des lésions en T2 à l’IRM étaient considérés comme ayant déjà la SP;
  • Les lignes directrices canadiennes et internationales soulignaient la nécessité d’amorcer les traitements modificateurs de la maladie tôt dans l’évolution de la SP‑RR;
  • Karussis 2006 recommandait l’utilisation de l’acétate de glatiramère pour traiter les patients ayant eu une seule poussée et répondant aux critères de la SP selon McDonald;
  • Selon l’opinion dominante des experts en SP, un traitement précoce, dès la première poussée, était préférable;
  • Quatre médicaments modificateurs de la maladie pouvaient servir au traitement de première intention de la SP‑RR : trois produits à base d’interférons (Avonex, Betaseron et Rebif) et l’acétate de glatiramère (Copaxone);
  • Les produits à base d’interférons (Avonex, Betaseron et Rebif) avaient fait l’objet d’essais cliniques de phase III (les essais CHAMPS, ETOMS et BENEFIT) et s’étaient révélés efficaces chez les patients qui présentaient un SCI;
  • Karussis 2006 recommandait que l’acétate de glatiramère soit également utilisé pour traiter les patients ayant eu une seule poussée qui ne satisfaisaient pas aux critères de McDonald pour un diagnostic de SP;
  • On savait que l’essai PreCISe – un essai clinique de phase III évaluant l’efficacité de l’acétate de glatiramère chez les patients qui présentent un SCI – était en cours;
  • Karussis 2006 rapportait qu’un essai clinique sur l’utilisation de l’acétate de glatiramère chez des patients présentant un SCI était en cours et que ce traitement [traduction] « devrait fonctionner ». Pharmascience estime qu’il s’agit d’une référence à l’essai PreCISe. Pharmascience s’appuie également sur Panitch 2007, commentaire rendant compte de l’essai BENEFIT sur l’interféron Betaseron, dans lequel l’auteur indique que l’essai PreCISe révélerait [traduction] « probablement une efficacité clinique d’ampleur comparable ».

[510] En ce qui concerne l’argument de Teva selon lequel le brevet 437 divulguait des résultats inattendus et non révélés dans aucun document de l’art antérieur, comme une réduction de 50 % des nouvelles lésions pondérées en T2, Pharmascience soutient que, même si ce résultat était inattendu, l’invention était quand même évidente. Elle soutient que, s’il était évident de tenter d’administrer de l’acétate de glatiramère à des patients ayant subi une seule poussée, l’« avantage en or » que cela représentait, soit une réduction de 50 % des lésions, ne lui conférait pas un caractère inventif (Janssen Inc c Teva Canada Limited, 2015 CF 184 au para 100 [Janssen]).

[511] Pharmascience soutient de plus que la réduction de 50 % revendiquée (dans la réclamation 33) n’était pas un résultat inattendu pour le traitement d’un patient ayant subi une seule poussée. Elle s’appuie à cet égard sur les résultats de l’administration d’acétate de glatiramère à des patients atteints de SP‑RR ainsi que sur les résultats des essais ETOMS, CHAMPS et BENEFIT au sujet de l’administration d’interférons à des patients présentant un SCI, qui faisaient état d’importantes réductions des lésions.

[512] Pharmascience soutient que le critère de l’évidence n’exige pas la divulgation des résultats d’essais cliniques.

[513] Pharmascience prétend que dans le cas où il y aurait des différences entre l’état de la technique et l’objet des revendications, l’écart pourrait être comblé par la personne versée dans l’art, qui recourrait à ses connaissances générales courantes ainsi qu’aux renseignements supplémentaires qu’elle trouverait en effectuant une recherche raisonnablement diligente.

[514] Pharmascience soutient qu’il était généralement admis que les interférons étaient efficaces pour le traitement des patients présentant un SCI; Karussis 2006 recommandait d’envisager le recours à l’acétate de glatiramère et suggérait que ce devrait être efficace; par ailleurs, l’essai PreCISe était en cours et il n’aurait pas été entrepris sans une chance de succès.

[515] Pharmascience soutient que la personne versée dans l’art serait motivée à chercher d’autres traitements et que le seul autre traitement disponible à l’époque était l’acétate de glatiramère pour la SP‑RR. Elle ajoute que, même si le traitement par l’acétate de glatiramère des patients présentant un SCI n’était pas encore approuvé en 2007, certains médecins prescrivaient ce produit.

[516] Pharmascience soutient que plusieurs raisons justifient d’écarter le témoignage du DSelchen, témoin de Teva, sur l’évidence.

[517] Pharmascience soutient d’abord que le DSelchen a reçu des directives erronées au sujet du critère de l’arrêt Sanofi. Elle est d’avis que le DSelchen a émis une opinion erronée sur la question de savoir s’il était évident que l’essai serait fructueux, ce qui est l’un des facteurs sous‑tendant le critère de l’« essai allant de soi », et non le critère lui-même (Hospira, au para 90). Elle soutient en outre que le DSelchen a commis une erreur en ne tenant pas compte du fait qu’il était possible de combler les différences entre l’état de la technique et l’invention en recourant non seulement aux connaissances courantes, mais aussi aux résultats obtenus à l’issue d’une recherche raisonnablement diligente.

[518] Deuxièmement, Pharmascience considère le DSelchen comme un sceptique qui n’a pas démontré qu’il était animé d’un esprit désireux de comprendre. Elle renvoie à l’arrêt Biogen, au para 170, où la Cour d’appel a dit : « il faudrait qu’une personne versée dans l’art motivée aborde les éléments d’art antérieur avec un esprit désireux de comprendre et non étroitement axé sur la démonstration d’un échec ».

[519] Troisièmement, Pharmascience laisse entendre que le témoignage du DSelchen sur la prescription de médicaments à des fins non conformes à l’étiquette était incohérent. Selon elle, le DSelchen a reconnu que dans un article qu’il avait cosigné, il était question d’enfants traités à l’aide d’acétate de glatiramère, ce qui serait une utilisation non conforme à l’étiquette. Elle laisse entendre que, s’il était possible de traiter des enfants de façon non conforme à l’étiquette, aucune raison ne justifiait de ne pas traiter les patients présentant un SCI à l’acétate de glatiramère, soit de façon non conforme à l’étiquette.

[520] Pharmascience fait en outre valoir que la Cour devrait tirer une inférence défavorable du fait que Teva n’a pas fait témoigner les inventeurs du brevet 437, qui sont toujours en vie et auraient pu être contactés. Elle soutient que le témoignage de Mme Kreitman, citée par Teva, ne porte pas sur les travaux ayant entouré l’invention. Elle estime que la Cour devrait conclure que Teva a procédé à l’essai PreCISe simplement pour confirmer ce qui était déjà connu et évident – que l’acétate de glatiramère agirait mieux s’il était administré plus tôt aux patients présentant un SCI.

C. Les observations de Teva

[521] Teva fait valoir que le critère de l’évidence est exigeant et que Pharmascience n’a pas établi que la personne versée dans l’art serait arrivée directement et facilement à l’objet des revendications (citant Beloit c Valmet Oy (1986), 8 CPR (3d) 289 (CAF) au para 294).

[522] Teva soutient que Pharmascience se fonde sur une analyse rétrospective. Ce n’est pas ce qui peut paraître évident aujourd’hui à partir de résultats observés ou obtenus plus tard, comme dans l’essai PreCISe, qui pose problème. La question est plutôt de savoir si c’était évident en 2007.

[523] Teva n’adhère pas complètement à la description que fait Pharmascience de l’état de la technique ou des connaissances générales courantes. Teva soutient que, en novembre 2007, le traitement précoce des patients présentant un SCI ne faisait pas partie des connaissances générales courantes. Le débat se poursuivait quant à savoir s’il fallait donner suite à l’idée d’un traitement précoce par des médicaments modificateurs de la maladie. Teva fait remarquer que le DGreen a déclaré qu’un [traduction] « consensus se dessinait » en faveur de l’administration d’un traitement précoce en 2007, mais qu’il avait reconnu, lors du procès intenté au Royaume‑Uni, qu’il existait deux écoles de pensée. Teva ajoute que le DGreen n’a pas dit que certains experts du domaine avaient des réticences à traiter les patients qui n’avaient pas reçu un diagnostic de SP.

[524] Teva reconnaît qu’il était généralement connu que l’essai PreCISe était en cours. Or, elle rappelle qu’en novembre 2007, l’acétate de glatiramère n’était pas une option thérapeutique viable pour le SCI; il n’y avait aucune preuve d’aucun type (c’est‑à‑dire, aucune étude clinique appuyée par un rapport faisant état d’éléments probants de classe I, II, III ou IV) que l’acétate de glatiramère serait efficace pour le traitement du SCI. Qui plus est, rien ne laissait supposer que ce produit serait efficace pour réduire la progression de l’activité de la maladie surveillée par IRM, réduire la progression des symptômes de SP avant l’apparition de la SP‑CC, réduire la fréquence des rechutes, ou réduire d’au moins 50 % les nouvelles lésions pondérées en T2.

[525] Teva reconnaît que, en novembre 2007, les traitements aux interférons étaient connus et approuvés pour les patients présentant un SCI, mais elle soutient que les interférons sont des composés différents.

[526] Teva prétend que Karussis 2006 ne faisait pas partie des connaissances générales courantes. Elle met également en garde contre le recours à des articles moins connus, non mentionnés dans l’art antérieur, ainsi qu’à de vagues références apparaissant dans les notes de bas de page d’articles rédigés conjointement, auxquels l’expert n’a pas fait directement référence.

[527] Teva soutient que le DGreen s’est fondé sur des passages de Karussis 2006 sans tenir compte de son contexte global, notamment que Karussis 2006 a admis que la recommandation relative au traitement précoce des patients présentant un SCI ne reposait pas sur des données probantes. Elle ajoute que ni Karussis 2006 ni Panitch 2007, une étude citée par le DGreen, ne font mention d’une preuve quelconque que l’acétate de glatiramère serait efficace chez les patients présentant un SCI.

[528] Teva reconnaît que Kappos 2006, une étude à laquelle le DGreen et le DSelchen ont fait référence, divulguait qu’il vaut mieux traiter la maladie plus tôt que plus tard, alors qu’elle progresse. Elle souligne cependant que cette divulgation repose sur des traitements au Betaseron et non à l’acétate de glatiramère. Elle ajoute qu’on ne peut tirer aucune inférence au sujet de l’acétate de glatiramère à partir des interférons.

[529] Teva soutient que des différences substantielles existaient l’état de la technique et l’objet des revendications.

[530] Teva fait valoir que, pour combler les différences entre l’état de la technique, qui n’appuyait pas l’utilisation de l’acétate de glatiramère chez les patients présentant un SCI, et l’objet des revendications, il fallait faire preuve d’ingéniosité. Un tel esprit inventif était nécessaire à cause du débat sur la question de savoir s’il fallait même traiter le SCI avant la confirmation d’un diagnostic de SP; d’autres traitements éprouvés et approuvés pour le SCI (p. ex., les interférons) étaient disponibles et auraient constitué l’option de choix si l’on avait décidé d’aller de l’avant; de plus, rien ne prouvait que l’acétate de glatiramère était efficace contre le SCI.

[531] Teva soutient qu’il n’allait pas de soi de tenter d’arriver à l’invention, soulignant que « la seule possibilité d’obtenir quelque chose ne suffit pas » (Sanofi, au para 66).

[532] Selon Teva, si l’on fait abstraction de l’invention divulguée et revendiquée dans le brevet 437, la personne versée dans l’art ne se serait pas attendue aux résultats revendiqués, en particulier que le traitement des patients présentant un SCI à l’aide d’acétate de glatiramère mènerait à une réduction de 50 % des nouvelles lésions en T2. Elle souligne que ce résultat était supérieur à ceux de n’importe quel essai déjà réalisé concernant des traitements contre le SCI. Teva ajoute qu’il n’allait pas de soi que l’acétate de glatiramère serait efficace contre le SCI, ou qu’il atteindrait cette réduction de 50 % des nouvelles lésions en T2. Des essais avaient été demandés et ils n’étaient pas terminés. De plus, la personne versée dans l’art ne s’attendrait pas aux avantages thérapeutiques de l’essai PreCISe juste parce que cet essai était en cours.

[533] Teva conteste la manière dont Pharmascience qualifie le témoignage de M. Day, et affirme que ce dernier n’a pas dit que, selon toute vraisemblance, un essai clinique de phase III porterait fruit. Tout dépendrait, a‑t‑il dit, des travaux faits avant la phase III. Teva souligne qu’il n’y a pas eu d’étude de phase II, d’étude pilote, voire de rapport individuel sur l’administration d’acétate de glatiramère chez des patients présentant un SCI.

[534] Teva nie également que le DSelchen n’a pas reçu de directives appropriées sur le critère de l’évidence, faisant valoir que ce dernier s’est appuyé sur le critère de l’arrêt Sanofi. Elle soutient que les extraits du témoignage du DSelchen sur lesquels se fonde Pharmascience sont des commentaires formulés en réponse au DGreen, et qu’il ne s’agit pas de son évaluation complète du critère de « l’essai allant de soi ».

[535] Teva soutient que la personne versée dans l’art n’aurait pas été motivée à recourir à des traitements non approuvés pour le SCI, ajoutant qu’une utilisation non conforme à l’étiquette aurait été impossible.

[536] Pour ce qui est des observations de Pharmascience sur l’histoire de l’« absence d’invention », Teva attire l’attention sur la preuve qu’elle a présentée au sujet des protocoles d’essai, de l’investissement et des travaux de planification importants qui sont requis, de même que sur le témoignage de MmeKreitman à propos de l’essai PreCISe en particulier.

[537] Teva soutient que l’invention a pu être réalisée grâce aux ressources investies, à l’expertise et à l’ingéniosité, et précise que l’essai clinique était une vaste étude de phase III. Sans les résultats de l’essai PreCISe, la personne versée dans l’art ne connaîtrait pas les avantages de l’acétate de glatiramère pour les patients présentant un SCI.

D. Que disent les experts?

(1) DGreen

[538] Le DGreen a déclaré qu’il n’y a aucune différence entre l’état de la technique en novembre 2007 (le point de départ) et l’objet des revendications du brevet 437 (le point d’arrivée). Il a expliqué que l’état de la technique avait déjà atteint le stade où l’on se servait de l’acétate de glatiramère pour traiter des patients présentant un SCI dans le cadre de vastes études cliniques et que l’« opinion générale » était que le traitement des patients présentant un SCI avec de l’acétate de glatiramère était une option raisonnable, que l’acétate de glatiramère devrait être efficace pour soigner ces patients, et que l’essai PreCISe allait probablement démontrer qu’un traitement au stade initial du SCI était plus efficace par rapport au traitement plus tardif de la SP‑RR (se fondant là encore sur Karussis 2006).

[539] Le DGreen a dit que la personne versée dans l’art était bien au fait du concept du SCI. De plus, elle savait qu’il avait été démontré que les interférons qu’on avait utilisés pour soigner la SP étaient efficaces pour soigner les patients présentant un SCI. Le DGreen a exprimé l’avis que la personne versée dans l’art comprendrait que ces médicaments fonctionnaient autant chez les patients présentant un SCI que chez les patients atteints de la SP, la seule différence était qu’ils étaient administrés à un stade antérieur. À son avis, cette connaissance, conjuguée à la connaissance de l’art antérieur qui montrait l’efficacité de l’acétate de glatiramère pour traiter la SP‑RR, et à celle que l’essai PreCISe était déjà en cours, amènerait à penser que l’acétate de glatiramère devrait fonctionner chez les patients présentant un SCI.

[540] Le DGreen a fait remarquer que les essais cliniques de phase III visent à pouvoir offrir aux autorités réglementaires une preuve significative sur le plan clinique et statistique de l’efficacité et de l’innocuité d’un médicament afin d’obtenir l’autorisation de le commercialiser. Il a ajouté que ces essais, tels que l’essai PreCISe, ne sont pas entrepris par les fabricants de produits pharmaceutiques s’ils n’ont pas confiance en leurs chances de succès.

[541] Le DGreen a indiqué que l’efficacité de ce traitement aurait été évidente pour la personne versée dans l’art étant donné l’essai PreCISe qui était en cours et qui comparait l’administration d’acétate de glatiramère et d’un placebo chez des patients présentant un SCI. Cette connaissance aurait été combinée aux conclusions de Karussis 2006, selon lesquelles l’acétate de glatiramère devrait fonctionner, et aux autres antériorités qui appuyaient le traitement précoce des patients présentant un SCI.

[542] De l’avis du DGreen, la personne versée dans l’art aurait su comment concevoir l’étude clinique nécessaire pour évaluer et mesurer, sur le plan qualitatif et quantitatif, l’efficacité de l’acétate de glatiramère pour réduire les risques de progression vers la SP‑CC ou retarder la progression vers la SP‑CC chez les patients présentant un SCI.

[543] Le DGreen a expliqué que la personne versée dans l’art aurait eu plusieurs raisons de vouloir trouver de nouveaux traitements contre le SCI, notamment que les produits approuvés étaient tous des interférons. Si un patient ne tolérait pas un interféron, un traitement de rechange était souhaitable. Le DGreen a expliqué que le choix naturel aurait été les traitements sûrs et bien tolérés dont on se servait pour soigner la SP‑RR aux doses approuvées de 20 mg ou de 40 mg.

[544] Pour pouvoir administrer de l’acétate de glatiramère à des patients présentant un SCI et confirmer son efficacité, il aurait suffi de prescrire ce médicament approuvé et existant (Copaxone) à des patients présentant un SCI et de surveiller la progression de la maladie. Cette mesure n’aurait pas exigé d’efforts importants qui auraient débordé le cadre du travail quotidien d’un clinicien.

[545] Comme je l’ai mentionné ci‑dessus à propos de l’antériorité, le DGreen a reconnu en contre‑interrogatoire que Karussis 2006 faisait référence aux MMM disponibles, et non précisément à l’acétate de glatiramère, que des essais cliniques étaient en cours mais non terminés et qu’il n’y avait pas de données sur l’efficacité de l’acétate de glatiramère contre le SCI, mais uniquement contre la SP‑RR.

[546] Quant à son opinion selon laquelle, en novembre 2007, un [traduction] « consensus se dessinait » en faveur d’un traitement précoce, le DGreen a convenu en contre‑interrogatoire qu’un sous‑groupe d’experts doutait d’une telle approche.

[547] L’avocat de Teva a fait remarquer que, dans le procès instruit au Royaume‑Uni, le DGreen avait fait mention de deux écoles de pensée, et non d’un consensus émergent, comme il le disait maintenant. Le DGreen a expliqué que ce qu’il avait dit au sujet de l’opinion générale était encore vrai et que le débat portait sur la question de savoir qui devait faire l’objet d’un traitement précoce. Il a ajouté que le traitement précoce était recommandé par le Conseil consultatif médical de la National MS Society des États-Unis, ainsi que par d’autres entités. Il a répété qu’[traduction] « il était reconnu que les avantages d’un traitement précoce chez les patients présentant un SCI l’emporteraient de façon générale sur les coûts et les effets secondaires ».

[548] Le DGreen a reconnu que les études sur lesquelles il s’appuyait au sujet de l’acétate de glatiramère portaient sur des patients atteints de SP ou de la SP‑RR, et non sur ceux présentant un SCI. Il a signalé que les auteurs de Comi 2001 avait étudié des patients atteints de SP‑RR et avait fait état d’une réduction de 31 % des nouvelles lésions en T2 (et non d’une réduction de 50 %, comme l’indique la revendication 33 du brevet 437).

[549] L’avocat de Teva a demandé au DGreen de reconnaître qu’en novembre 2007, il n’existait aucune donnée établissant qu’un médicament réduisait d’au moins 50 % les nouvelles lésions en T2. L’avocat a fait remarquer au DGreen que, dans sa propre publication (2006), il était indiqué que l’acétate de glatiramère à 20 mg diminuait d’environ 30 % le taux de rechutes et les nouvelles lésions observées à l’IRM. Le DGreen a convenu que cela concordait avec l’étude Comi 2001.

[550] En ce qui concerne l’essai PreCISe, qui était en cours en 2007, le DGreen a dit qu’il était bien connu, que Teva en avait beaucoup parlé publiquement et que [traduction] « les probabilités que [l’acétate de glatiramère] allait fonctionner étaient extraordinairement élevées ». Il a ajouté que le « milieu » s’attendait à un résultat établissant une efficacité semblable à celle des traitements qui existaient jusqu’alors.

[551] En contre-interrogatoire, le DGreen a reconnu qu’il n’est pas possible de déterminer au cas par cas si un traitement est efficace, mais plutôt en procédant à des essais cliniques auprès de groupes de patients et en s’appuyant sur l’expérience clinique.

(2) DSelchen

[552] De l’avis du DSelchen, il y avait des différences entre l’état de la technique en 2007 et les revendications du brevet 437. Selon lui, même si les revendications s’appuyaient sur les résultats de l’essai PreCISe, qui prouvaient que l’acétate de glatiramère était efficace pour traiter les patients présentant un SCI, l’état de la technique en 2007 n’établissait pas que l’acétate de glatiramère était efficace pour soigner des patients présentant un SCI ou qu’il avait été utilisé à cette fin, ne serait‑ce que dans des études non contrôlées ou des rapports de cas.

[553] Le DSelchen a convenu que la personne versée dans l’art comprendrait que les lignes directrices canadiennes et internationales insistaient sur la nécessité d’un traitement précoce aux interférons ou à l’acétate de glatiramère pour les patients atteints de la SP‑RR afin de pouvoir freiner la [traduction] « progression de la maladie », c’est‑à‑dire réduire les lésions observées à l’IRM au point de vue de la fréquence et des rechutes. Le Dr Selchen a toutefois mentionné qu’il y avait une certaine controverse quant au sens du mot [traduction] « précoce ». Comme je l’ai mentionné à propos de l’antériorité, le DSelchen a parlé de deux écoles de pensée concernant le traitement précoce.

[554] Le DSelchen a fermement nié qu’il existait un consensus selon lequel le traitement par l’acétate de glatiramère serait plus efficace dans le cas des patients présentant un SCI, comparativement à ceux atteints de la SP‑RR. Il a indiqué que l’[traduction] « opinion générale » à laquelle le DGreen a fait allusion renvoyait probablement à Karussis 2006 – un document isolé non fondé sur des données probantes.

[555] Tel que mentionné au sujet des allégations d’antériorité, le DSelchen a convenu qu’il aurait été raisonnable de considérer l’acétate de glatiramère comme une option pour le SCI, mais que d’autres facteurs pesaient dans la balance, dont la disponibilité des médicaments modificateurs de la maladie approuvés (les interférons), l’impossibilité de prescrire de l’acétate de glatiramère vu l’absence d’approbation réglementaire et de programme de remboursement, et l’absence de données sur l’efficacité de ce traitement.

[556] Le DSelchen a reconnu que, d’après l’étude ETOMS, Rebif, un interféron approuvé pour traiter la SP‑RR selon un schéma posologique de trois fois par semaine s’était révélé efficace pour retarder l’apparition de la SP‑CC. Il a également reconnu qu’il avait été démontré que le médicament Rebif, administré une fois par semaine, réduisait significativement l’activité de la maladie chez les patients présentant un SCI, mais qu’il n’avait aucun effet contre la SP‑RR.

[557] Le DSelchen n’a pas convenu que les auteurs de Comi 2006 avaient tiré des conclusions sur le traitement précoce des patients présentant un SCI, seulement des patients atteints de SP‑RR. Il n’a pas accepté la proposition que les auteurs de Comi 2006 avaient conclu qu’un traitement précoce serait plus avantageux pour les patients présentant un SCI que pour ceux atteints de SP‑RR.

[558] Le DSelchen a reconnu que Kappos 2006, qui rendait compte de l’étude BENEFIT (sur le Betaseron), avait conclu qu’il était plus efficace de traiter la maladie plus tôt que plus tard. À son avis, il s’agissait là d’une hypothèse générale fondée uniquement sur une tendance qui ressortait des données. Il a affirmé qu’il ne voulait [traduction] « pas dire que l’argument, selon lequel un traitement précoce est préférable à un traitement plus tardif, n’est pas fondé. En 2020, nous savons que cela est vrai ». Il a toutefois expliqué que d’observer une tendance n’est pas une preuve.

[559] Le DSelchen a également reconnu que les auteurs de Panitch 2007 ont exprimé l’avis que les résultats de l’essai PreCISe ressembleraient vraisemblablement à ceux de l’essai BENEFIT, mais il a fait remarquer qu’ils recommandaient aussi d’attendre que les critères de McDonald soient respectés (c’est‑à‑dire, un diagnostic de SP) avant d’entreprendre un traitement.

[560] Le DSelchen a aussi exprimé son désaccord avec le DGreen, selon qui il aurait été évident pour la personne versée dans l’art d’envisager le recours à l’acétate de glatiramère pour traiter le SCI parce qu’un essai clinique était en cours.

[561] Le DSelchen a fait remarquer qu’il est difficile de prévoir le résultat d’une étude clinique qui est en cours. Selon lui, la personne versée dans l’art n’aurait pas pu affirmer sans hésiter que l’acétate de glatiramère serait utile pour traiter le SCI, ni qu’il serait plus efficace que les traitements existants (les interférons) ou encore que l’acétate de glatiramère chez les patients atteints de SP‑RR.

[562] Le DSelchen a expliqué que pour arriver à l’objet revendiqué, il était nécessaire de mener un essai clinique – quelque chose que la personne versée dans l’art ne pourrait pas faire. Il a ajouté que la conception de l’essai PreCISe (ou d’un essai semblable) et son exécution auraient exigé une expertise et une ingéniosité qui allaient au‑delà des compétences de la personne versée dans l’art et débordaient le cadre de son travail quotidien.

[563] Le DSelchen a déclaré que, même si un clinicien aurait pu envisager de recourir à l’acétate de glatiramère pour ses patients présentant un SCI, il n’aurait pas été incité à le faire parce qu’il n’y avait aucune preuve de son efficacité; d’autres traitements approuvés et éprouvés étaient disponibles et leur coût aurait été remboursé dans une large mesure par la plupart des régimes d’assurance-médicaments; un débat agitait le milieu médical quant à savoir s’il fallait traiter le SCI avant d’avoir obtenu un diagnostic confirmé de SP, et le succès de l’étude en cours était incertain. Il aurait donc été prudent d’attendre les résultats de l’essai et de prescrire ce médicament sur le fondement de données scientifiques.

E. Les revendications du brevet 437 sont évidentes

[564] Comme je l’ai conclu précédemment, les revendications du brevet 437 visent le patient qui a subi une seule poussée clinique, c’est-à-dire le patient présentant un SCI – et non celui qui a reçu un diagnostic de SP selon les critères de McDonald.

[565] Le critère de l’arrêt Sanofi encadre l’analyse visant à déterminer si les revendications du brevet 437 sont évidentes.

[566] Tel que mentionné au paragraphe 73 de l’arrêt Tearlab, il n’y a rien de contradictoire dans le fait de conclure qu’une antériorité, telle que Karussis 2006, considérée isolément, n’antériorise pas un brevet, mais qu’elle peut rendre une revendication évidente lorsqu’elle est combinée à une autre antériorité.

[567] La Cour d’appel a souligné, au paragraphe 81, que « [l]e critère consiste plutôt à rechercher si la personne versée dans l’art peut combler l’écart entre l’état de la technique au moment visé et la revendication telle qu’elle est interprétée, sans montrer un esprit inventif ». La Cour a ajouté : « pour l’évidence, c’est l’effet cumulatif de l’art antérieur qui doit être examiné pour déterminer si un technicien compétent, mais dépourvu d’imagination, serait directement et facilement arrivé à la solution qu’enseigne le brevet ».

[568] La personne versée dans l’art a été décrite ci‑dessus et, de façon plus générale, il s’agit d’un neurologue praticien qui connaît bien la SP et qui a de l’expérience dans le traitement des patients qui en sont atteints.

[569] L’idée originale est l’objet des revendications. L’invention revendique en général l’utilisation d’acétate de glatiramère pour retarder l’apparition de la SP‑CC chez les patients présentant un SCI qui sont à risque de SP.

(1) L’état de la technique

[570] À certains égards, Pharmascience surestime l’état de la technique. Cependant, la description générale qu’elle en fait est étayée par la preuve.

[571] Nul ne conteste qu’environ 80 % des patients présentant un SCI et des lésions finissent par être atteints de SP. Le DSelchen a d’abord déclaré que de 30 % à 70 % des patients ne développent pas la maladie, mais il a fini par admettre que 80 % des patients finissent par en être atteints, comme l’indique aussi le brevet 437.

[572] Bien qu’il soit exagéré de dire que l’idée d’un traitement précoce pour les patients présentant un SCI faisait l’objet d’un fort consensus, la preuve confirme que cette idée était répandue en novembre 2007. Il est vrai, comme l’a indiqué le DGreen, qu’un sous‑groupe d’experts n’était pas d’accord, mais la National MS Society, aux États-Unis, recommandait le traitement précoce du SCI. À son avis, il était reconnu que les avantages d’un traitement précoce chez les patients présentant un SCI l’emporteraient « de façon générale » sur les coûts et les effets secondaires.

[573] Bien qu’il n’ait pas admis qu’il s’agissait de l’opinion prépondérante, le DSelchen a tout de même convenu que la déclaration faite dans Karussis 2006 – que l’idée d’un traitement précoce méritait d’être examinée – n’était pas controversée. Comme je l’ai mentionné, Karussis ne fait pas partie des connaissances générales courantes, mais leurs auteurs ont cité plusieurs études faisant partie de l’art antérieur ou des connaissances générales courantes.

[574] La preuve prépondérante étaye l’opinion que l’état de la technique reconnaissait les avantages du traitement précoce des patients présentant un SCI. De plus, les publications antérieures qui rendaient compte en détail des essais cliniques de phase III, CHAMPS, ETOMS et BENEFIT, portant sur les traitements modificateurs de la maladie à base d’interférons, faisaient toutes état de résultats positifs et recommandaient le traitement précoce des patients présentant un SCI.

[575] L’art antérieur mentionne les résultats des traitements modificateurs de la maladie chez les patients atteints de la SP‑RR et les résultats des traitements aux interférons chez les patients présentant un SCI. Les rapports d’étude sur les interférons semblent contenir des déclarations plus générales au sujet des avantages d’un traitement précoce. Manifestement, l’état de la technique, même avant 2007, était que l’on envisageait le traitement précoce des patients présentant un SCI et que, dans certains cas, on l’entreprenait.

[576] Par exemple, Filippi 1994 rend compte d’une étude de cinq ans visant à évaluer la probabilité d’évolution vers une SP sur cinq ans chez un patient présentant un SCI. Il a été démontré qu’après un épisode clinique évoquant une poussée démyélinisante avec lésions cérébrales (ce qui correspond à un SCI évoquant la SP), la progression vers la SP survenait chez 65 % des patients en 5 ans. Comme l’ont souligné les experts, en 2007, on estimait que 80 % des patients présentant un SCI développaient la SP, mais la durée du délai écoulé avant l’apparition de la SP n’était pas précisée.

[577] Comi 2001 souligne que l’essai clinique de phase III ETOMS indiquait que le traitement par Rebif réduisait la proportion des patients dont le SCI évoluait vers une SP‑CC, ainsi que la fréquence des rechutes.

[578] Comi 2006 préconisait le traitement précoce de la SP. Il aborde notamment les résultats des essais CHAMPS et ETOMS et conclut que [traduction] « les données [disponibles sur les interférons] plaident en faveur d’un traitement précoce de la SP par des médicaments immunomodulateurs ».

[579] Kappos 2006 rend compte des résultats de l’essai BENEFIT, qui étudiait l’administration de Betaseron un jour sur deux chez des patients présentant un SCI. Entre autres résultats, l’étude a signalé une réduction de 50 % du risque de progression d’un SCI vers la SP‑CC chez les patients traités par Betaseron, par rapport au groupe placebo. L’étude a également montré une réduction de 33 % du nombre moyen des lésions en T2. Tel mentionné précédemment, le DSelchen considérait que les conclusions de Kappos reposaient simplement sur une tendance observée dans les données. Cependant, d’autres rapports étayaient la conclusion que l’essai BENEFIT faisait ressortir les avantages d’un traitement précoce.

[580] Frohman 2006 relate les résultats des essais ETOMS et CHAMPS et expose des arguments en faveur d’un traitement précoce de la SP, y compris chez les patients ayant présenté un SCI.

[581] Thrower 2007 examine les essais cliniques CHAMPS, CHAMPIONS (faisant suite à CHAMPS), ETOMS et BENEFIT, qui ont tous étudié l’utilisation des traitements modificateurs de la maladie en présence d’un SCI à risque élevé. L’auteur conclut qu’un traitement précoce doit être envisagé chez les patients ayant eu un SCI et présentant un risque élevé de progression vers une SP‑CC.

[582] Panitch 2007 est un bref commentaire sur l’essai BENEFIT. Le DPanitch avance que l’essai BENEFIT est le troisième essai (après CHAMPS et ETOMS) montrant [traduction] « essentiellement le même résultat » (c’est‑à‑dire, un traitement efficace) chez les patients ayant un diagnostic de SCI. Comme l’indique le Dr Panitch, [traduction] « une vaste étude similaire comparant l’acétate de glatiramère à un placebo, appelée PRECISE, est actuellement menée et elle révélera probablement une efficacité clinique d’ampleur comparable ».

[583] Le DSelchen a exprimé l’avis que le commentaire du Dr Panitch quant à une « efficacité clinique d’ampleur comparable » se rapportait à la phrase précédente, où le Dr Panitch faisait remarquer qu’un autre aspect de l’essai BENEFIT montrait un [traduction] « résultat peu impressionnant sur le plan clinique » et que l’essai PreCISe montrerait lui aussi un tel résultat. Or, l’interprétation du DSelchen ne tient pas lorsqu’on lit le paragraphe tout entier. Le Dr Panitch renvoyait aux résultats positifs de l’essai BENEFIT en général, et soulignait que les premiers résultats étaient semblables à ceux des essais CHAMPS et ETOMS.

[584] Comme je l’ai mentionné, Pharmascience et le DGreen ont surestimé les résultats de Karussis 2006. Karussis ne recommande pas spécifiquement l’acétate de glatiramère, pas plus qu’il ne fait état de données établissant son efficacité. Cependant, Karussis 2006 s’appuie sur l’art antérieur pour suggérer que l’idée d’un traitement précoce chez les patients présentant un SCI méritait d’être examinée.

[585] Karussis 2006 déclare que les traitements modificateurs de la maladie approuvés devraient fonctionner, d’après des études portant sur la SP‑RR, mais il ne dit pas que l’essai PreCISe devrait fonctionner. L’essai clinique en cours auquel renvoie Karussis 2006 est l’essai CHAMPS. Bien que le DSelchen ait convenu en contre-interrogatoire que l’on pouvait « présumer » que Karussis faisait référence à l’essai PreCISe, cette présomption est inexacte, car on n’a pas mentionné au DSelchen la note de bas de page qui s’applique à cette déclaration.

[586] Quant aux études sur le traitement par interférons des patients présentant un diagnostic de SCI, tant le DSelchen que le DPrat ont déclaré qu’on ne pouvait tirer aucune inférence au sujet de l’acétate de glatiramère à partir des interférons, à cause de leurs mécanismes d’action différents. Ces différents mécanismes n’ont pas été expliqués. Cependant, tous les experts ont convenu que les interférons étaient des composés différents de l’acétate de glatiramère.

[587] L’opinion du DGreen ne reposait pas sur la prémisse que, comme les interférons étaient efficaces chez les patients présentant un SCI, l’acétate de glatiramère le serait aussi. Le DGreen a reconnu que les interférons sont différents. En fait, il estimait que si les interférons étaient efficaces chez les patients atteints de SP‑RR et montraient également des résultats positifs chez les patients ayant reçu un diagnostic de SCI, on pouvait s’attendre à un résultat semblable avec l’acétate de glatiramère, qui avait également montré son efficacité chez les patients atteints de SP‑RR. L’essentiel, c’est que le traitement par l’acétate de glatiramère devrait commencer plus tôt, pas qu’il devrait agir de la même manière que les interférons.

(2) Les différences entre l’état de la technique et l’objet des revendications

  • [588] Selon l’état de la technique en novembre 2007, les traitements modificateurs de la maladie (interférons et acétate de glatiramère) fonctionnaient pour la SP-RR; les interférons s’étaient révélés efficaces chez les patients qui présentaient un SCI; le traitement précoce restait sujet à débat, mais l’opinion dominante voulait qu’un traitement précoce soit préférable; il n’existait pas de données probantes concernant l’efficacité de l’acétate de glatiramère chez les patients qui présentent un SCI, mais l’on savait que l’essai PreCISe était en cours.

  • [589] Comme mentionné, l’invention revendique de façon générale l’utilisation de l’acétate de glatiramère pour retarder l’apparition de la SP‑CC chez les patients qui risquent d’évoluer vers une SP‑CC à la suite d’un diagnostic de SCI. L’invention précise les résultats attendus et les modalités d’administration (par injection quotidienne, 20 mg ou 40 mg).

  • [590] La différence entre l’état de la technique et l’objet des revendications est que l’état de la technique ne compte aucune étude clinique démontrant que l’acétate de glatiramère administré à des patients qui présentent un SCI est efficace pour retarder l’apparition de la SP‑CC (ou de la SP) ou pour obtenir les autres avantages thérapeutiques et résultats particuliers.

(a) L’essai allant de soi

[591] La question consiste à savoir s’il aurait été évident pour la personne versée dans l’art d’administrer de l’acétate de glatiramère à des patients présentant un SCI afin de retarder l’apparition de la SP‑CC (ou de la SP). La personne versée dans l’art, habile mais dénuée d’imagination, arriverait‑elle directement et sans difficulté à la solution qu’enseigne le brevet?

[592] À mon avis, la preuve montre que, selon la prépondérance des probabilités, il allait de soi de tenter d’arriver à l’invention. Il allait plus ou moins de soi de le faire. La personne versée dans l’art n’aurait pas eu besoin de faire preuve de beaucoup d’imagination, voire d’aucune, pour utiliser l’acétate de glatiramère dans le traitement des patients présentant un SCI afin de retarder l’apparition de la SP et de réduire la fréquence des rechutes, entre autres avantages. Il existait plus qu’une simple possibilité que le traitement fonctionne, étant donné qu’environ 80 % des patients présentant un SCI évoluent vers une SP et qu’il était prouvé que l’acétate de glatiramère était efficace contre la SP‑RR. C’était plus qu’une simple chose « valant d’être tentée ».

[593] L’opinion du DSelchen selon laquelle l’invention n’allait pas de soi semble confondre le critère de l’essai allant de soi et la question qui le sous‑tend, c’est-à-dire s’il allait de soi que l’invention fonctionnerait, en ce sens qu’elle serait efficace chez les patients présentant un SCI pour retarder l’apparition de la SP et obtenir les autres avantages revendiqués. Quoi qu’il en soit, c’est à la Cour qu’il appartient de déterminer si l’invention résulte d’un essai allant de soi. À l’instar de nombreux critères juridiques dont l’application repose sur certains facteurs, il est peut‑être un peu tortueux de se demander si l’invention résulte d’un essai allant de soi et de se demander ensuite s’il était évident que l’invention fonctionnerait. Quoi qu’il en soit, tant les facteurs pertinents que la preuve confirment qu’il s’agissait d’un essai allant de soi.

[594] L’observation de Teva – que les avantages thérapeutiques ou les résultats du brevet 437 n’étaient pas évidents ou escomptés – ne change rien au fait que l’invention résulte d’un essai allant de soi. Dans la décision Janssen, au paragraphe 100, la Cour a expliqué que « [s]i un brevet obtient une formulation utilisable, la découverte ultérieure de l’une de ses caractéristiques inhérentes n’ajoute rien d’inventif à ce qui a déjà été découvert : voir Alcon Canada Inc. c Apotex Inc., 2012 CF 410, au paragraphe 45, [2012] ACF no 1707 (QL) ». Dans les circonstances actuelles, à partir du moment où la personne versée dans l’art aurait recours à l’acétate de glatiramère pour traiter des patients présentant un SCI, les avantages revendiqués suivraient.

(b) Les facteurs pertinents

[595] S’agissant des facteurs pertinents, il n’était pas évident en soi que le traitement des patients présentant un SCI avec de l’acétate de glatiramère fonctionnerait, c’est‑à‑dire qu’il réduirait le nombre des rechutes, réduirait le nombre des lésions observées par IRM et, de façon plus générale, retarderait l’apparition de la SP. Cependant, tel que mentionné, les effets de l’administration d’acétate de glatiramère chez les patients atteints de SP‑RR avaient été démontrés, l’idée d’un traitement précoce était dominante ou répandue, aucune preuve solide ne semblait suggérer qu’un traitement précoce serait préjudiciable et, dans la mesure où la personne versée dans l’art serait influencée par les résultats des essais cliniques sur les interférons, l’administration d’acétate de glatiramère serait une option. La seule autre solution au traitement du SCI était, comme je l’ai indiqué, l’administration des interférons approuvés. Il n’y a aucune preuve que d’autres traitements – hormis par l’acétate de glatiramère – étaient disponibles. Il n’y a non plus aucune preuve que d’autres traitements existaient pour les patients présentant un SCI.

[596] Il n’aurait pas fallu beaucoup d’efforts pour réaliser l’invention parce que l’acétate de glatiramère (Copaxone) était bien connu, qu’il était approuvé pour le traitement de la SP‑RR et qu’il était disponible. Bien que la preuve concernant l’utilisation non conforme à l’étiquette de médicaments soit contradictoire, il reste que, en théorie, la personne versée dans l’art aurait pu administrer de l’acétate de glatiramère à 20 mg et assurer un suivi régulier du patient. Un essai clinique n’aurait peut‑être pas été une tâche courante pour la personne versée dans l’art, car cela suppose de la planification, une expertise spéciale, du financement et du temps, mais ce n’aurait pas été, par ailleurs, une tâche ardue : Copaxone était disponible et ne nécessitait pas d’autres expériences au sujet de sa formulation, de son administration ou de son schéma posologique.

[597] Par ailleurs, il existait un motif de traiter par l’acétate de glatiramère les patients présentant un SCI. Comme l’a mentionné le DGreen, si le patient présentant un SCI ne peut pas tolérer un traitement par interféron ou en ressent des effets indésirables, la seule autre option serait l’acétate de glatiramère, qui est un médicament modificateur de la maladie bien connu. De façon plus générale, l’état de la technique étaye l’existence d’une motivation générale à traiter de façon précoce les patients présentant un SCI.

  • [598] En ce qui concerne les mesures concrètes prises par les inventeurs, nous ne disposons d’aucune donnée de première main. Cependant, il n’y a pas lieu de tirer une conclusion défavorable selon laquelle Teva ne faisait que confirmer ce qui était connu, comme le propose Pharmascience. Mme Kreitman a décrit l’essai clinique de phase III (l’essai preCISe) comme un essai multicentrique randomisé, à double insu contre placebo, avec une phase supplémentaire d’essai ouvert de 2 ans au cours de laquelle tous les participants recevraient 20 mg de Copaxone par jour. L’étude comptait 481 patients et s’est déroulée dans 80 emplacements répartis dans 16 pays. Selon Mme Kreitman, l’étude a démontré qu’une dose de 20 mg d’acétate de glatiramère par jour retardait efficacement l’apparition de la SP‑CC chez les patients qui présentaient un SCI.

[599] Teva ne faisait pas que simplement confirmer ce qui était connu, parce qu’il n’était pas certain, en 2007, que l’acétate de glatiramère serait efficace chez les patients présentant un SCI. Néanmoins, ce facteur n’est pas suffisant pour l’emporter sur les autres facteurs qui étayent la conclusion que l’invention résulte d’un essai allant de soi.

[600] En conclusion le brevet 437 n’est pas antériorisé par Karussis 2006, mais il est évident.

XXI. Le brevet 802

[601] Le brevet 802 est décrit ci‑dessus, à la partie XI.

A. La personne versée dans l’art dans le cas du brevet 802

[602] Teva soutient que les experts ont convenu que la personne versée dans l’art s’entend d’un neurologue qui possède de l’expérience dans l’interprétation de résultats d’études cliniques. Teva conteste la prétention de Pharmascience selon qui la personne versée dans l’art est membre d’une équipe de mise au point de médicaments.

[603] Le DGreen a décrit la personne versée dans l’art de la même façon qu’il l’avait fait dans le cas du brevet 437.

[604] Le DPrat a décrit la personne versée dans l’art comme étant un médecin qui traite la SP, vraisemblablement un neurologue spécialisé en SP. Le DPrat s’est dit généralement d’accord avec le DGreen au sujet des caractéristiques de la personne versée dans l’art. Cependant, il ne partageait pas l’opinion de ce dernier selon laquelle la personne versée dans l’art aurait nécessairement une expérience dans la conception des études nécessaires à la mise au point de médicaments. Il a dit que la personne versée dans l’art pouvait avoir participé à des études cliniques portant sur la SP, mais pas à leur conception, qui relève habituellement du champ d’expertise d’un autre genre de spécialiste.

[605] Le DVosoughi a décrit la personne versée dans l’art comme étant un médecin spécialisé en neurologie et possédant plusieurs années d’expérience dans le traitement des patients atteints de la SP.

[606] À mon avis, pour le brevet 802, la personne versée dans l’art est la même que pour le brevet 437 : un neurologue praticien ayant plusieurs années d’expérience dans l’évaluation, le diagnostic et le traitement de patients atteints de SP. Cette personne versée dans l’art connaît très bien les agents thérapeutiques disponibles pour le traitement de la SP (c’est‑à‑dire, les MMM), leurs posologies et les effets secondaires ou indésirables que causent les divers MMM. La personne versée dans l’art a une certaine connaissance et habitude des études cliniques et de leur interprétation, mais elle n’est pas membre d’une équipe de mise au point de médicaments.

  • [607] Les parties s’entendent sur l’interprétation des revendications. Tous les experts s’accordent à dire que les revendications portent sur l’utilisation de 40 mg d’acétate de glatiramère, administré par injection sous‑cutanée trois fois par semaine (en laissant un jour entre les injections) afin de traiter les patients atteints de SP‑RR.

  • [608] Les revendications 36 à 39, 48 et 53 portent sur les effets thérapeutiques, comme la réduction de la fréquence des rechutes, du nombre de lésions rehaussées en T1, du nombre moyen de nouvelles lésions en T2 et du degré d’incapacité mesuré de diverses manières.

  • [609] Les revendications 47 et 54 à 57 précisent les effets sur la tolérabilité par rapport à la dose de 20 mg par jour, notamment la réduction de la fréquence des réactions immédiates suivant l’injection ou des réactions au point d’injection (revendications 47, 54 et 55) et de certaines réactions au point d’injection comme la douleur ou l’enflure (revendication 57).

  • [610] Les connaissances générales courantes en août 2009 s’appuient sur celles énoncées ci‑dessus à l’égard du brevet 437. Nul ne conteste qu’en août 2009, la personne versée dans l’art connaissait les caractéristiques de la SP, les types de SP, y compris la SP‑RR, les critères de diagnostic et les traitements modificateurs de la maladie (interférons et acétate de glatiramère) pouvant être employés contre la SP. De plus, en août 2009, Copaxone à 20 mg pouvait être administré en injections quotidiennes pour le SCI.

[611] Cependant, ce ne sont pas toutes les antériorités invoquées qui font partie des connaissances générales courantes, tel que mentionné plus tôt (Valeant, au para 48, citant Eli Lilly et General Tire) et expliqué ci‑après.

[612] Les parties ne s’entendent pas sur l’état de la technique. Pharmascience cite plusieurs études et résumés qui présentent, soutient-elle, la mosaïque des réalisations antérieures qui confirme que l’objet revendiqué du brevet 802 était évident. Teva fait valoir qu’une grande partie de ces antériorités n’étaient pas bien connues, qu’elles comportaient de brefs résumés qui rendaient compte d’études pilotes ou de phase II, qu’elles ne ressortaient pas à la suite d’une recherche (et qu’en fait certaines d’entre elles n’étaient pas ressorties lors des propres recherches du DGreen) ou que ces références ne faisaient pas partie des connaissances générales courantes. Teva soutient que Pharmascience et son expert, le DGreen, ont créé, avec le bénéfice du recul, une mosaïque de réalisations antérieures à partir de résumés, d’articles moins connus et de demandes de brevet de manière à soutenir que la personne versée dans l’art arriverait aisément à l’invention. Teva fait valoir que rien ne justifierait qu’une personne versée dans l’art assemble cette mosaïque.

[613] Les opinions exprimées par les experts quant à la manière dont les antériorités citées guideraient ou non la personne versée dans l’art sont examinées ci‑après dans l’analyse relative à l’évidence.

[614] Les principales antériorités invoquées par Pharmascience sont décrites ci-après.

  • [615] Flechter et coll., « Copolymer 1 (Glatiramer acetate) in relapsing forms of multiple sclerosis : Open multicenter study of alternate-day administration », Clin Neuropharm, 2002, vol 25, no 1, aux pp 11-15 [Flechter 2002] est une étude pilote ouverte qui a comparé l’efficacité de l’acétate de glatiramère à 20 mg administré tous les jours ou un jour sur deux (c.-à-d. tous les deux jours). Dans l’étude, 68 patients atteints d’une forme récurrente de SP ont reçu 20 mg d’acétate de glatiramère tous les deux jours. L’auteur a ensuite comparé les résultats de cette étude avec ceux d’une étude précédente (Meiner 1997) qui s’était penchée sur l’efficacité de l’acétate de glatiramère à 20 mg administré quotidiennement. À la lumière de cette comparaison des résultats, les auteurs concluent que le traitement tous les deux jours paraît [traduction] « sûr, bien toléré et probablement aussi efficace que le [traitement] quotidien pour réduire le taux de rechute et ralentir la détérioration neurologique » chez les patients.

  • [616] Fletcher et coll., « Comparison of glatiramer acetate (Copaxone®) and interféron β-1b (Betaferon®) in multiple sclerosis patients : an open-label 2-year follow-up », J Neurological Sci, 2002, vol 197, aux pp 51-55, rend compte des résultats d’une étude de suivi ouverte de 2 ans portant sur l’efficacité et l’innocuité de l’acétate de glatiramère à 20 mg par jour, de l’acétate de glatiramère à 20 mg tous les deux jours et de Betaseron à la dose de 8 millions d’unités internationales tous les deux jours chez des patients atteints d’une forme récurrente de SP. Chaque groupe de traitement comportait 20 patients tout au plus. Les auteurs indiquent que les trois options de traitement ont montré la même efficacité à contrôler les exacerbations de SP et présentaient des profils d’événements indésirables similaires.

  • [617] Comme indiqué ci‑dessus, Rebif est un interféron qui a été approuvé pour la première fois en 2002 par la Food and Drug Administration [FDA] des États-Unis. Rebif est indiqué pour le traitement des patients atteints de SP‑RR. Selon l’étiquette de 2005 et la monographie de 2006 de Rebif, cet interféron est administré par voie sous‑cutanée trois fois par semaine à la dose de 22 µg ou 44 µg. Les doses sont administrées à au moins 48 heures d’intervalle.

  • [618] Khan et coll., « Randomized, prospective, rater-blinded, four-year, pilot study to compare the effect of daily versus every-other-day glatiramer acetate subcutaneous injections in relapsing-remitting multiple sclerosis », Multiple Sclerosis, 2008, vol 14, à la p S 296 (P902) [Khan 2008] et Caon et coll., « Randomized, prospective, rater-blinded, four year pilot study to compare the effect of daily versus every-other-day glatiramer acetate 20 mg subcutaneous injections in RRMS », Neurol, 2009, vol 72, no 11 (suppl 3), A317 [Caon 2009] sont des résumés (de moins d’une page chacun) d’une réunion ou conférence et décrivent les résultats de la même étude prospective randomisée avec évaluation à l’insu (les évaluateurs ne savent pas quels patients font partie de quel groupe), menée sur quatre ans auprès de patients qui recevaient 20 mg d’acétate de glatiramère soit tous les jours ou tous les deux jours.

  • [619] Trente patients atteints de SP‑RR ont été répartis aléatoirement dans chaque groupe de traitement et suivis pendant deux ans. Par la suite, les patients de chaque groupe ont eu la possibilité de rester dans le même groupe ou de se joindre à l’autre groupe, puis ils ont été suivis pendant deux années supplémentaires. Les auteurs affirment que l’étude n’a révélé aucune différence dans le taux de rechute, la progression de la maladie et la modification du volume des lésions pondérées en T2 ou des lésions rehaussées par le Gd entre les deux groupes après deux ans d’étude. Au bout de deux ans, tous les patients du groupe d’administration quotidienne ont opté pour une dose tous les deux jours. Après quatre ans, les auteurs n’ont rapporté aucune différence entre les deux groupes de traitement. Selon la conclusion des auteurs, [traduction] « [c]ette étude pilote donne à penser que l’acétate de glatiramère administré [par voie sous‑cutanée] à une dose de 20 mg [tous les jours ou tous les deux jours] peut être aussi efficace à l’égard de la SP‑RR. »

  • [620] Rovaris et coll., « Results of a randomized, double-blind, parallel-group study assessing safety and efficacy of 40mg vs 20mg of glatiramer acetate on MRI-measured disease activity in relapsing-remitting multiple sclerosis », J Neurology, 2006, vol 253 (suppl 2), P570, est un résumé (de moins d’une page) qui décrit les résultats d’une étude parallèle randomisée de 9 mois, menée à double insu et visant à comparer l’innocuité et l’efficacité de 40 mg par rapport à 20 mg d’acétate de glatiramère administré tous les jours par voie sous‑cutanée. Selon la conclusion des auteurs, [traduction] « [a]u cours d’une période d’observation de neuf mois, l’acétate de glatiramère à 40 mg est sûr, bien toléré et plus efficace que la dose de 20 mg actuellement approuvée pour réduire l’activité de la maladie à l’IRM et le taux de rechute chez les patients atteints de SP-RR. »

  • [621] Cohen 2007, comme mentionné ci-dessus, fait état des résultats de l’étude de phase II FORTE de Teva, qui était une étude randomisée à double insu visant à comparer les doses d’acétate de glatiramère de 40 mg et de 20 mg chez des patients atteints de SP-RR. Quatre‑vingt‑dix patients ont été affectés aléatoirement aux schémas posologiques de 20 mg ou de 40 mg par jour. Les auteurs affirment que le critère principal d’efficacité [traduction] « révélait une tendance favorable au groupe prenant la dose de 40 mg ». Les auteurs concluent que le schéma posologique de 40 mg par jour est sûr et bien toléré et que [traduction] « les résultats généraux concernant l’efficacité donnent à penser qu’une dose de 40 mg d’acétate de glatiramère pourrait être plus efficace que la dose quotidienne de 20 mg actuellement approuvée pour réduire l’activité de la maladie à l’IRM et les rechutes cliniques ».

  • [622] Le communiqué de presse de Teva intitulé « Data Published in Neurology Showed That Higher Dose of Copaxone® Increased Efficacy in Relapsing-Remitting Multiple Sclerosis (Rms) », daté du 17 avril 2007, a rendu publics les résultats de l’essai de phase II, tels que présentés dans Neurology, et confirmé le lancement de l’essai de phase III.

  • [623] Comi et coll., « Results from a phase III, one year, randomized, double-blind, parallel-group, dose-comparison study with glatiramer acetate in relapsing-remitting multiple sclerosis », Multiple Sclerosis, 2008, vol 79, no 14, à la p S299-301 [Comi 2008 ou phase III FORTE] est un résumé qui relate les résultats de l’essai clinique de phase III mené pour confirmer les résultats de l’étude de phase II. L’étude évaluait [traduction] « l’innocuité, la tolérabilité et l’efficacité d’une dose d’acétate de glatiramère de 40 mg par rapport à la dose de 20 mg » en administration quotidienne chez des patients atteints de SP-RR. Il s’agissait d’une étude multicentrique randomisée en parallèle, menée à double insu dans plusieurs pays sur une période d’un an, auprès de 1 155 patients. Les auteurs indiquent que les groupes de dose de 40 mg et de 20 mg [traduction] « ont présenté une réduction du nombre moyen de lésions rehaussées par le gadolinium et de nouvelles lésions en T2 au fil du temps, ainsi qu’une réduction généralement plus rapide au premier trimestre dans le groupe de la dose de 40 mg par rapport à la dose de 20 mg ». Ils déclarent également que [traduction] « [l]es deux doses sont bien tolérées et présentent un profil d’innocuité semblable à celui observé dans des études précédentes portant sur la dose de 20 mg d’acétate de glatiramère ». Les auteurs concluent que [traduction] « [c]hez les patients atteints de SP‑RR, la dose de 40 mg d’acétate de glatiramère et la dose de 20 mg actuellement approuvée sont sûres, bien tolérées et tout aussi efficaces pour réduire les rechutes cliniques et l’activité de la maladie à l’IRM ».

  • [624] Le communiqué de presse de Teva intitulé « Teva Provides Update on FORTE Trial », daté du 7 juillet 2008, indique que [traduction] « la dose de 40 mg n’a pas mené à une réduction accrue du taux de rechute; cependant, le profil d’innocuité et de tolérance favorable de COPAXONE® à 20 mg était maintenu à la dose supérieure ».

  • [625] Comme indiqué ci‑dessus à la partie XVI, Pinchasi 2007 est une demande de brevet internationale qui n’a pas été approuvée. La demande de brevet décrit « une méthode permettant de soulager un symptôme d’un patient souffrant d’une forme [rémittente] de la sclérose en plaques et consistant à administrer de manière périodique au patient, par injection sous‑cutanée, une dose unique d’une composition pharmaceutique renfermant 40 mg d’acétate de glatiramère, de manière à ainsi soulager le symptôme du patient [...] ». Dans l’une des réalisations, l’administration périodique est quotidienne. Dans une autre réalisation, l’administration périodique est faite un jour sur deux. La demande de brevet, dans l’exemple 1, divulgue les données de l’étude de phase II FORTE (c’est-à-dire Cohen 2007, qui comparait des doses quotidiennes de 40 mg et de 20 mg).

  • [626] Pharmascience semble laisser entendre que le brevet 437 constitue une antériorité par rapport au brevet 802. Cependant, le brevet 437, tel qu’interprété ci‑dessus, concerne les patients qui présentent un SCI, et non une SP‑RR, et décrit l’utilisation quotidienne d’une dose de 20 mg d’acétate de glatiramère, exception faite d’une revendication concernant une dose de 40 mg. Le brevet 437 ne fait mention d’aucun autre schéma posologique outre l’administration quotidienne.

  • [627] Edgar et coll., « Lipoatrophy in patients with multiple sclerosis on glatiramer acetate », Can J Neurol Sci, 2004, vol 31, aux pp 58-63 [Edgar 2004], fait rapport des résultats d’une étude sur la relation entre la lipoatrophie et les caractéristiques du patient chez 76 patients atteints de SP‑RR utilisant l’acétate de glatiramère. Pendant six mois, lors de rendez-vous périodiques à la clinique, les médecins ont évalué les zones d’injection de ces patients par inspection visuelle et palpation. L’étude a indiqué que 45 % des patients présentaient des signes de lipoatrophie dans au moins une zone d’injection, ce qui était beaucoup plus élevé que prévu.

  • [628] Devonshire et coll., « The Global Adherence Project – A multicentre observational study on adherence to disease-modifying therapies in patients suffering from relapsing-remitting multiple sclerosis », Multiple Sclerosis, 2006, vol 12, no S1 (P316) [Devonshire 2006], est un résumé publié dans le Multiple Sclerosis Journal. Le Global Adherence Project est la plus grande étude observationnelle mondiale qui a évalué les taux d’adhésion réels aux traitements modificateurs de la maladie approuvés contre la SP‑RR. Les auteurs de cette étude ont interrogé rétrospectivement plus de 2 600 patients de 22 pays qui avaient suivi un traitement modificateur de la maladie pendant au moins six mois. L’étude a montré que 25,3 % des patients déclaraient une non-adhésion et que le taux de non-adhésion était significativement plus faible pour Avonex (une dose par semaine) que pour Rebif, Betaferon/Betaseron et Copaxone (une dose par jour). La raison la plus courante de cette non‑adhésion était l’oubli de faire l’injection.

  • [629] Selon le DGreen, les revendications du brevet 802 étaient évidentes. Le DGreen a déclaré qu’il n’y avait aucune différence notable entre l’état de la technique en août 2009 et l’objet des revendications.

  • [630] Selon le DGreen, l’état de la technique en août 2009 démontrait à tout le moins ceci : des schémas posologiques à fréquence réduite étaient connus pour les traitements modificateurs de la maladie; une dose quotidienne de 40 mg d’acétate de glatiramère était au moins aussi sûre et efficace qu’une dose quotidienne de 20 mg; une fréquence d’injection réduite serait raisonnablement présumée entraîner une diminution de l’irritation et de la réaction au point d’injection; Teva, selon sa demande de brevet Pinchasi, estimait que l’administration périodique de 40 mg d’acétate de glatiramère, y compris tous les deux jours, serait efficace pour traiter la SP.

  • [631] Le DGreen a ajouté que la seule différence possible serait entre un schéma posologique de 40 mg d’acétate de glatiramère tous les deux jours (comme enseigné dans Pinchasi 2007) et le schéma posologique revendiqué de 40 mg d’acétate de glatiramère trois fois par semaine (en laissant au moins un jour entre chaque injection).

  • [632] Le DGreen estime que la personne versée dans l’art pouvait facilement combler la différence en utilisant ses connaissances générales courantes et d’autres renseignements, obtenus par une recherche raisonnablement diligente, ainsi qu’en faisant des déductions. Le DGreen a ajouté que la personne versée dans l’art aurait des raisons de diminuer la fréquence d’injection afin de réduire les réactions au point d’injection et qu’un traitement trois fois par semaine serait également plus pratique.

  • [633] De l’avis du Dr Prat, les revendications du brevet 802 n’étaient pas évidentes; il y avait des différences entre l’état de la technique et l’objet des revendications, et, pour réaliser l’invention, il aurait fallu faire preuve d’esprit inventif.

  • [634] Le Dr Prat a déclaré que la personne versée dans l’art n’aurait pas connu certaines des antériorités citées par le Dr Green, ou ne leur aurait pas accordé beaucoup d’importance, et que ces éléments n’auraient pas fait partie des connaissances générales courantes.

  • [635] En ce qui concerne l’état de la technique en août 2009, le DPrat a expliqué que la personne versée dans l’art ne connaissait pas la fréquence réduite d’administration de 40 mg d’acétate de glatiramère. Selon le DPrat, rien n’indiquait dans les antériorités citées par le DGreen que l’acétate de glatiramère devait être utilisé pour traiter la SP‑RR ou le SCI à une dose de 40 mg trois fois par semaine, en laissant au moins un jour entre chaque injection. L’efficacité revendiquée de cette posologie n’était pas non plus divulguée.

  • [636] Le DPrat a conclu que l’art antérieur n’orientait d’aucune façon la personne versée dans l’art vers l’utilisation de 40 mg d’acétate de glatiramère trois fois par semaine, puisqu’il avait été démontré qu’une dose de 40 mg par jour était aussi efficace que 20 mg par jour, mais que la dose 40 mg par jour entraînait une hausse des événements indésirables et de l’arrêt du traitement par les patients. Le DPrat a souligné que l’acétate de glatiramère à 20 mg par jour était réputé optimal et qu’un schéma posologique quotidien était plus facile à suivre.

  • [637] Selon le DPrat, la personne versée dans l’art ne verrait aucune raison d’augmenter la dose pour obtenir une efficacité similaire, tout en risquant d’augmenter les effets indésirables.

  • [638] M. Day a fait part de son opinion, à titre de statisticien spécialisé en conception et en interprétation d’essais cliniques, sur la manière dont la personne versée dans l’art considérerait les antériorités sur lesquelles Pharmascience s’est fondée. Il a expliqué, notamment, l’objet d’un essai clinique bien conçu et l’importance de la taille des échantillons, la répartition aléatoire, la notion d’insu et la signification statistique. Il a évalué les antériorités citées et a souligné les caractéristiques qui guident l’évaluation des résultats ou du rapport.

  • [639] M. Day a souligné que Pinchasi 2007 était une demande de brevet. Il a expliqué que l’exemple fourni dans la demande serait hautement pertinent pour la personne versée dans l’art. L’exemple a révélé les données de l’essai comparant 40 mg et 20 mg d’acétate de glatiramère administré quotidiennement (soit Cohen 2007). M. Day a mentionné que Cohen 2007 était un essai bien conçu, mais dont les conclusions étaient excessives. Il a déclaré que la personne versée dans l’art serait sceptique quant à la mention d’un début d’action plus rapide à la dose de 40 mg après trois mois, car il s’agissait d’un critère d’évaluation secondaire et la différence n’était pas statistiquement significative. M. Day a fait remarquer que Cohen 2007 n’a recruté que 90 patients, et que 12 ont abandonné l’étude. Il a indiqué que l’analyse statistique de l’efficacité ne tenait pas compte des abandons, ce qui soulevait une préoccupation quant à la fiabilité des conclusions.

  • [640] De l’avis de M. Day, en tenant compte des faits divulgués dans tous les documents de l’art antérieur, la personne versée dans l’art conclurait que les schémas posologiques de 40 mg et 20 mg par jour ont une efficacité similaire, mais que la dose de 40 mg n’a pas présenté une efficacité accrue quant à la réduction du taux de rechute, comme indiqué dans les communiqués de presse de Teva et confirmé dans le rapport du professeur Comi (Comi 2008) et les diapositives de présentation sur l’essai de phase III FORTE. M. Day a ajouté que la personne versée dans l’art remarquerait en outre que les données sont contradictoires en ce qui concerne l’innocuité ou la tolérabilité des deux schémas posologiques et que, selon la diapositive 14 du professeur Comi, presque deux fois plus de patients du groupe recevant 40 mg se sont retirés à cause d’événements indésirables.

  • [641] Comme l’a soutenu M. Day, la personne versée dans l’art conclurait qu’en 2009, il n’y avait pas d’essai bien conçu sur l’efficacité relative de l’acétate de glatiramère aux doses de 20 mg tous les deux jours et de 20 mg chaque jour. Il a souligné qu’un vaste essai contrôlé randomisé à double insu serait nécessaire pour tirer des conclusions valables sur l’efficacité, l’innocuité et la tolérabilité relatives des deux traitements.

  • [642] Selon Teva, en date d’août 2009 les connaissances générales courantes étaient que l’administration d’une dose de 20 mg Copaxone chaque jour traitait la SP‑RR et le SCI, et que si le mécanisme d’action de l’acétate de glatiramère était mal connu, il était différent de celui des interférons. Faisaient aussi partie des connaissances générales courantes certains résultats d’études cliniques fiables.

  • [643] Teva soutient que la description par le Dr Green des connaissances générales courantes n’était pas nuancée et qu’elle ne concordait pas avec la façon dont il avait parlé des connaissances générales courantes devant la Cour du Royaume‑Uni (comme je l’ai mentionné précédemment). Elle soutient que le Dr Green a dit de presque tous les documents cités qu’ils appartenaient aux connaissances générales courantes. Le Dr Green a cité des résumés, des études pilotes ainsi que de courts articles publiés dans des revues moins connues.

  • [644] Teva signale que le Dr Green a joint une liste longue de 149 pages qui comprenait des articles et des résumés tirés de recherches faites dans PubMed. Ces recherches ont permis de trouver plus de 1 300 articles, et pourtant le Dr Green n’a pas expliqué pourquoi il s’était appuyé sur certaines antériorités en particulier pour faire valoir que le brevet est évident. Par ailleurs, certaines des antériorités qu’il a invoquées ne sont pas ressorties dans les recherches qu’il a menées. Teva soutient que le Dr Green a adopté une approche rétrospective, axée sur les résultats, pour trouver des résumés et des articles d’importance mineure qui étayeraient l’argumentation de Pharmascience, et qu’il a fait abstraction d’articles allant dans le sens contraire. Teva soutient que, bien que l’on puisse se fonder sur une mosaïque d’antériorités, cette mosaïque doit être composée d’antériorités que la personne versée dans l’art aurait été incitée à combiner.

  • [645] Par exemple, Teva soutient que la personne versée dans l’art n’aurait pas cherché Pinchasi 2007, une demande de brevet, qui n’aurait été trouvée qu’après coup. Elle fait remarquer que le Dr Green n’a pas procédé lui‑même à une recherche de brevets. Elle ajoute que le document intitulé « 1996 Federal Drug Administration Summary Basis of Approval » [le document SBOA de la FDA] n’aurait pas été recherché ou découvert, ajoutant que le Dr Green n’a eu connaissance de ce document que plusieurs années après 2009.

  • [646] Pour ce qui est de l’adhésion des patients, le Dr Green n’a cité qu’un seul résumé (Devonshire 2006) à l’appui de sa description des connaissances générales courantes. Il a admis que la personne versée dans l’art n’aurait peut‑être pas lu Devonshire en août 2009 et que ce résumé contenait un minimum d’informations.

  • [647] Teva soutient que les connaissances générales courantes étaient que les traitements par interférons, avec diminution de la fréquence des injections, n’entraînaient pas une meilleure adhésion que Copaxone. Elle soutient que, dans son rapport, le Dr Green a omis les informations figurant dans les autres articles qui n’étayaient pas son opinion, même s’il avait trouvé ces articles en faisant ses propres recherches dans PubMed.

  • [648] Pour ce qui est de l’état de la technique, Teva soutient qu’aucune antériorité ne divulguait l’administration d’une dose de 40 mg d’acétate de glatiramère trois fois par semaine.

  • [649] Teva reconnaît que Flechter 2002 et Khan 2008 (de même que Caon 2009, qui faisait référence à la même étude) donnaient à penser que l’on pouvait administrer une dose de 20 mg tous les deux jours; cependant, ces brefs résumés, qui rendaient compte d’études pilotes, n’auraient pas aidé la personne versée dans l’art. Teva ajoute que le Dr Green a reconnu qu’il n’était pas au courant du document Flechter 2002 en 2009, mais qu’il en a eu connaissance seulement plus tard, dans le contexte du présent litige.

  • [650] Teva fait aussi remarquer que le Dr Green a convenu qu’il n’avait jamais conseillé à un patient de prendre une dose de 20 mg tous les deux jours.

  • [651] Teva soutient que les références que d’autres auteurs ont faites à ces études ne leur donnent pas plus de valeur. Pas plus que le témoignage du Dr Selchen et de la Dre Morrow, qui ont reconnu qu’ils avaient pris en considération les résultats d’autres études ouvertes et non connexes. Teva fait valoir que rien ne prouve que les études ouvertes auxquelles le Dr Selchen ou la Dre Morrow ont fait référence étaient aussi mal conçues que Khan 2008/Caon 2009 ou Flechter 2002, et rien ne permet de savoir en quoi elles étaient différentes et comment leurs résultats avaient été interprétés par rapport à leur conception.

  • [652] En ce qui concerne le fait que Pharmascience se soit fondée sur le document SBOA de la FDA pour Copaxone en 1996, Teva affirme que la personne versée dans l’art n’aurait pas trouvé ou lu ce document. Par ailleurs, le document SBOA ne divulguait ou ne suggérait aucune dose ou posologie particulière, encore moins une dose de 40 mg trois fois par semaine, et les questions posées par l’examinateur reposaient sur une connaissance inexacte du médicament. Teva affirme également que le Dr Green a admis qu’il n’était pas au courant du document SBOA en 2009, mais qu’il en avait eu connaissance à un certain moment entre 2012 et 2016.

  • [653] Teva soutient que Cohen 2007 rend compte des résultats de l’administration d’une dose de 40 mg d’acétate de glatiramère dans le cadre d’une étude de phase II. Or, l’étude de phase III qui a suivi, relatée dans Comi 2008, n’a pas été considérée comme étant fructueuse, car elle a montré qu’une dose de 40 mg par jour n’était pas plus efficace que 20 mg par jour, et qu’elle entraînait une augmentation des effets indésirables attribuable aux réactions au point d’injection qui était [traduction] « statistiquement significative par rapport à une dose d’acétate de glatiramère de 20 mg ».

  • [654] Teva soutient que Pinchasi 2007 était une demande de brevet que la personne versée dans l’art n’aurait pas cherchée ou dont elle n’aurait pas été au courant. Elle affirme que Pinchasi 2007 portait sur l’administration d’une dose quotidienne de 40 mg et qu’il n’y était que vaguement suggéré d’administrer une dose tous les deux jours.

  • [655] Teva souligne qu’en 2009, plusieurs interférons pouvaient servir au traitement de la SP‑RR, et leurs schémas posologiques étaient tous différents. Par exemple, Rebif était administré trois fois par semaine. Teva soutient que la personne versée dans l’art n’aurait pas été incitée à envisager un schéma de trois doses d’acétate de glatiramère par semaine d’après les schémas posologiques des interférons. Teva souligne par ailleurs que les interférons possédaient un mécanisme d’action distinct.

  • [656] Teva reconnaît que l’adhésion des patients aux traitements modificateurs de la maladie posait problème, comme mentionné dans le brevet 802. Teva soutient que l’art antérieur montrait que les interférons n’entraînaient pas une meilleure adhésion des patients que Copaxone. Les études montraient plutôt que l’adhésion à Copaxone à 20 mg par jour égalait ou surpassait l’adhésion aux interférons.

  • [657] Teva soutient que les études ne démontraient pas une meilleure adhésion à la suite d’une réduction de la fréquence d’injection.

  • [658] Teva soutient qu’aucune antériorité fiable n’indiquait l’administration d’une dose quelconque d’acétate de glatiramère tous les deux jours. Plus particulièrement, Teva soutient qu’aucune antériorité ne mentionnait une posologie de trois fois par semaine pour l’acétate de glatiramère (à n’importe quelle dose) ni ne donnait à penser qu’une telle posologie offrait les attributs revendiqués dans le brevet 802. Comme Teva le fait remarquer, le DGreen a admis en contre‑interrogatoire que l’art antérieur ne révélait pas une posologie de 40 mg trois fois par semaine. Teva ajoute que rien n’appuie la « simple affirmation » du DGreen quant à l’équivalence thérapeutique entre une posologie de 40 mg trois fois par semaine et une posologie de 40 mg tous les deux jours.

  • [659] Teva allègue qu’il y avait des différences entre l’état de la technique et l’objet des revendications. Elle ajoute que ces différences existaient, même au regard de la mosaïque d’antériorités invoquée par le Dr Green.

  • [660] Teva soutient de plus que les différences n’étaient pas évidentes pour la personne versée dans l’art; il était nécessaire de faire preuve d’ingéniosité.

  • [661] Teva soutient que Pharmascience ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombe de démontrer l’existence d’antériorités pertinentes, ou encore que même si elle avait trouvé ces antériorités, en 2009, la personne versée dans l’art les aurait combinées pour réaliser l’objet des revendications (Laboratoires Servier c Apotex Inc., 2008 CF 825 au para 254 [Servier]; Biovail Corporation c Canada (Santé), 2010 CF 46 au para 84; Camso Inc. c Soucy International Inc., 2019 CF 255 au para 125).

  • [662] Teva soutient que ce n’est qu’avec le recul que la personne versée dans l’art administrerait une dose de 40 mg d’acétate de glatiramère trois fois par semaine. Elle souligne l’arrêt Free World Trust c Électro Santé Inc., 2000 CSC 66 au para 25, où la Cour suprême fait remarquer qu’« il n’est que trop facile, après la divulgation d’une invention, de la reconnaître, par fragments, dans un enseignement antérieur. Il faut peu d’ingéniosité pour constituer un dossier d’antériorité lorsqu’on dispose du recul nécessaire ».

  • [663] Teva souligne que certaines des antériorités que le Dr Green a citées ne faisaient pas partie des recherches qu’il avait effectuées dans PubMed, notamment Pinchasi 2007, Khan 2008, Caon 2009, Devonshire 2006 et le document SBOA de la FDA. Elle ajoute que le Dr Green n’a pas expliqué pourquoi la personne versée dans l’art trouverait ou combinerait les antériorités citées sans avoir examiné d’abord le brevet.

  • [664] Teva fait valoir que la personne versée dans l’art ne chercherait ou n’examinerait pas des demandes de brevet, comme Pinchasi 2007. Elle ajoute que la personne versée dans l’art ne combinerait pas le document SBOA de la FDA ou Pinchasi 2007, même si elles les trouvaient, avec les autres antériorités invoquées par Pharmascience.

  • [665] Teva soutient que, même si le Dr Khan a une excellente réputation, le résumé Khan 2008 était peu connu. Caon 2009 est lui aussi un bref résumé qui rend compte de la même étude que Khan 2008. Teva réitère que la personne versée dans l’art n’aurait accordé aucun poids à ces brefs résumés.

  • [666] Teva fait valoir que Pharmascience a attiré l’attention du Dr Prat et de M. Day sur la référence, dans le protocole d’étude GALA, à Khan 2008 et à Flechter 2002. Cependant, elle n’a pas tenu compte de la déclaration subséquente qui confirmait que ces [traduction] « études étaient manifestement trop limitées et n’avaient pas assez de puissance statistique pour montrer un effet important sur les résultats cliniques ».

  • [667] Teva conteste l’opinion du Dr Green selon laquelle une dose de 40 mg trois fois par semaine se situait à l’intérieur des marges posologiques hebdomadaires déjà divulguées. Elle fait valoir que le Dr Green a reconnu qu’on ne savait pas si, administrée différemment, la même dose totale hebdomadaire serait efficace.

  • [668] Teva ajoute que l’explication du Dr Green quant au fait qu’une posologie de trois doses par semaine était évidente est que Rebif, un interféron, était administré trois fois par semaine. Teva rappelle que le Dr Prat a déclaré que la personne versée dans l’art [traduction] « ne considérerait pas qu’un certain schéma posologique pour Rebif fonctionnerait également pour Copaxone ». Elle souligne que les experts ont convenu que les interférons ont des mécanismes d’action différents, des effets secondaires différents ainsi que des propriétés pharmacocinétiques différentes. Teva ajoute que tous les interférons sont administrés à des doses et à une fréquence nettement différentes.

  • [669] Teva fait valoir que son invention a changé à la fois la dose (de 20 à 40 mg) et le régime posologique (d’une fois par jour à trois fois par semaine). Elle soutient que la personne versée dans l’art « qui ne possède aucune étincelle d’esprit inventif ou d’imagination » ne serait pas « directement et facilement arrivée à la solution que préconise le brevet ».

  • [670] Teva affirme que la question de savoir si la personne versée dans l’art aurait pu trouver un document d’antériorité est pertinente pour l’étape de l’essai allant de soi du critère de l’arrêt Sanofi, ajoutant que la personne versée dans l’art « pourrait ne pas avoir pensé à combiner cette antériorité avec les autres antériorités pour faire l’invention revendiquée » (Hospira, au para 86).

  • [671] Teva nie qu’il était évident qu’une dose de 40 mg trois fois par semaine permettrait d’améliorer l’adhésion et l’observance des patients, comme l’a prétendu le Dr Green. Elle signale que de nombreux facteurs influent sur l’adhésion, comme tous les experts l’ont reconnu.

  • [672] Quant aux efforts requis pour réaliser l’invention, Teva conteste le témoignage du Dr Green, selon qui le fait de discuter de différentes options avec les patients et de leur conseiller de s’administrer 40 mg d’acétate de glatiramère trois fois par semaine ferait partie du travail quotidien d’un clinicien. Elle souligne le témoignage incohérent du Dr Green au sujet des utilisations non conformes à l’étiquette.

  • [673] Teva ajoute qu’il n’y avait aucun motif d’essayer une dose de 40 mg trois fois par semaine. Comme l’a admis le Dr Green, aucune antériorité n’indiquait à la personne versée dans l’art de le faire.

  • [674] Teva conteste que les effets secondaires causés par des injections fréquentes motiveraient la personne versée dans l’art à chercher à en réduire la fréquence. Le Dr Green s’est fondé uniquement sur son bon sens. Cependant, les antériorités (relevées par le Dr Green dans sa recherche documentaire, mais omises dans son rapport) révélaient que les traitements par interférons, avec diminution de la fréquence des injections, n’entraînaient pas une meilleure adhésion.

  • [675] Teva ajoute que, s’il existait des motifs de prévenir les effets des injections, la personne versée dans l’art se tournerait vers des traitements non injectables.

  • [676] Teva explique que sa véritable démarche n’était pas courante ou sans détour. Elle explique qu’elle s’est heurtée à plusieurs essais infructueux dans ses efforts pour améliorer Copaxone avant de passer à des doses de 40 mg trois fois par semaine.

  • [677] Teva s’oppose à l’idée de Pharmascience que notre Cour devrait s’inspirer des autres procédures concernant le brevet 802 ou des brevets équivalents. Elle fait valoir que les décisions de tribunaux étrangers ne sauraient être prises en compte (Eli Lilly Canada Inc. c Mylan Pharmaceuticals ULC, 2015 CF 17 au para 66 [Mylan], citant Eli Lilly Canada Inc. c Apotex Inc., 2007 CF 455 au para 244, conf. par 2008 CAF 44), car il existe des différences dans les règles de pratique et de procédure, ainsi que dans la preuve qui a été présentée.

  • [678] Pharmascience soutient que le brevet 802 est évident; il n’y avait aucune différence significative entre l’état de la technique et l’objet des revendications, et les légères différences qui existaient seraient aisément comblées par la personne versée dans l’art.

  • [679] Pharmascience décrit comme suit l’état de la technique en août 2009 :

  • la diminution de la fréquence des injections était associée à une diminution de l’irritation et des réactions au point d’injection et à une meilleure tolérance (ce qui permettait d’améliorer l’observance et l’adhésion du patient);

  • Flechter 2002, Khan 2008 et Caon 2009 décrivaient l’innocuité et l’efficacité de l’administration tous les deux jours de 20 mg d’acétate de glatiramère;

  • Cohen 2007 et Comi 2008 décrivaient l’innocuité et l’efficacité d’une dose de 40 mg d’acétate de glatiramère;

  • Rebif, un interféron utilisé dans le traitement des patients atteints de SP-RR, était administré trois fois par semaine (en laissant un jour entre les injections);

  • tous les interférons (Avonex, Rebif et Betaseron) étaient administrés moins souvent qu’une fois par jour;

  • Pinchasi 2007 décrivait et revendiquait l’utilisation de 40 mg d’acétate de glatiramère tous les deux jours pour le traitement des patients atteints de SP-RR.

  • [680] D’après Pharmascience, la transition de l’état de la technique, qui enseignait selon elle le schéma posologique de 40 mg d’acétate de glatiramère tous les deux jours, à un schéma posologique fixe de 40 mg d’acétate de glatiramère trois fois par semaine (lequel ne comporte qu’une dose en moins sur une période de deux semaines) aurait été évidente pour la personne versée dans l’art, par souci de commodité et pour favoriser l’observance du traitement par les patients. Pharmascience suggère que la dose journalière fixe est plus facile à retenir et que la fréquence d’injection réduite diminue les réactions au point d’injection et les réactions suivant l’injection.

  • [681] Pharmascience soutient qu’en août 2009, on savait que l’administration quotidienne d’acétate de glatiramère par injection provoquait généralement des réactions au point d’injection, notamment un érythème (rougeur), de la douleur, un prurit (démangeaisons), un œdème, de l’inflammation et une hypersensibilité.

  • [682] Pharmascience insiste sur la lipoatrophie, un effet secondaire d’injections fréquentes, et affirme son caractère irréversible. Pharmascience soutient que la lipoatrophie liée aux injections quotidiennes de Copaxone était permanente, relativement fréquente et préjudiciable sur le plan esthétique.

  • [683] D’après Pharmascience, le bon sens voulait qu’une réduction de la fréquence d’injection réduise parallèlement les réactions au point d’injection et améliore la tolérance et, partant, favorise l’observance et l’adhésion du patient. Pharmascience soutient que certaines études appuient cette hypothèse.

  • [684] Pharmascience cite Flechter 2002, Khan 2008 et Caon 2009 à l’appui de sa prétention selon laquelle une administration de 20 mg d’acétate de glatiramère tous les deux jours était aussi efficace qu’une administration quotidienne. Pharmascience attire également l’attention sur la seule ligne de Caon 2009 qui indique que la lipoatrophie au point d’injection était significativement réduite dans le groupe de patients recevant une dose tous les deux jours.

  • [685] Pharmascience soutient qu’en août 2009, 40 mg d’acétate de glatiramère était une dose connue, efficace et sûre pour le traitement des patients atteints de SP‑RR. Pharmascience cite les essais cliniques de phase II et de phase III de Teva (Cohen 2007 et Comi 2008), qui comparaient l’injection quotidienne de 40 mg de Copaxone et de 20 mg de Copaxone chez des patients atteints de SP‑RR. Comme l’indique Pharmascience, les études ont montré que les deux doses étaient bien tolérées et tout aussi efficaces pour réduire les poussées cliniques et l’activité à l’IRM. Pharmascience souligne également que les études ont montré que la dose de 40 mg semblait agir plus rapidement sur le nombre de lésions dans les premiers mois.

  • [686] Pharmascience soutient que Pinchasi 2007 revendiquait une dose de 40 mg d’acétate de glatiramère, injectée périodiquement, notamment un jour sur deux, pour le traitement des patients atteints de SP‑RR.

  • [687] Pharmascience s’appuie également sur les traitements modificateurs de la maladie à base d’interférons, en particulier Rebif, qui était injecté trois fois par semaine. Avonex et Betaseron – d’autres interférons – avaient des posologies différentes, mais tous ces médicaments étaient administrés moins souvent qu’une fois par jour. Pharmascience soutient que parmi les interférons, les produits à fréquence d’administration réduite encourageaient l’adhésion et l’observance des patients, en comparaison du produit administré le plus fréquemment.

  • [688] Pharmascience allègue que Teva adopte une approche de la « terre brûlée » concernant l’état de la technique lorsqu’elle affirme l’absence ou la quasi-absence d’information qu’on pouvait en tirer. Pharmascience conteste la suggestion de Teva selon laquelle son propre essai clinique relaté dans Comi 2008 était un « échec » qui conduirait une personne versée dans l’art à penser qu’aucun produit à 40 mg n’était en développement. Pharmascience conteste que la personne versée dans l’art ne connaîtrait pas les études Flechter 2002, Khan 2008 et Caon 2009 ou qu’elle les écarterait parce qu’il ne s’agissait pas d’essais cliniques de phase III. Pharmascience nie également que la demande de brevet Pinchasi 2007 ne serait pas trouvée ou qu’elle serait écartée parce qu’elle ne révélait aucune étude clinique sur l’administration d’une dose de 40 mg tous les deux jours et parce qu’aucun brevet n’a été délivré. Pharmascience conteste par ailleurs que la personne versée dans l’art n’accorderait aucun intérêt à la posologie de Rebif administré trois fois par semaine, car les mécanismes d’action de l’interféron et de l’acétate de glatiramère étaient jugés différents.

  • [689] Pharmascience ajoute que la démarche de Teva paraît incompatible avec son approche actuelle. Par exemple, le communiqué de presse de 2008 de Teva concernant l’étude de phase III FORTE ne présentait pas l’étude comme un échec. On y mentionnait plutôt que [traduction] « la dose supérieure présentait un profil d’innocuité et de tolérabilité favorable, tout comme Copaxone à 20 mg ».

  • [690] Pharmascience soutient qu’il n’existe aucune différence significative entre l’état de la technique et l’objet des revendications. La seule différence mineure serait l’utilisation d’une dose de 40 mg d’acétate de glatiramère, par injection périodique, y compris « tous les deux jours » (Pinchasi 2007) et l’utilisation d’une dose de 40 mg d’acétate de glatiramère, par injection trois fois par semaine, en laissant un jour entre les injections.

  • [691] Pharmascience soutient que les connaissances générales courantes, le bon sens et la motivation de prévenir les réactions au point d’injection conduiraient à l’invention. Il allait de soi que la réduction de la fréquence des injections améliorerait la tolérabilité et réduirait les réactions au point d’injection et l’irritation, sans compromettre l’efficacité.

  • [692] Selon Pharmascience, il allait de soi que le passage à un traitement trois fois par semaine à jours fixes serait plus commode pour le patient, car ce schéma posologique est plus facile à retenir et permet d’éviter les injections pendant la fin de semaine. Pharmascience soutient que le DPrat, expert de Teva, a convenu qu’un schéma de trois doses par semaine est une amélioration par rapport au schéma de Pinchasi 2007, soit une dose tous les deux jours. Pharmascience ajoute que Rebif en est un exemple, car il était administré trois fois par semaine.

  • [693] Pharmascience critique la suggestion du DPrat selon laquelle la personne versée dans l’art ne serait pas motivée à mettre au point une dose de 40 mg et se tournerait vers une formulation orale. Pharmascience fait remarquer que la formulation orale avait été un échec.

  • [694] Pharmascience soutient encore que la Cour devrait tirer une conclusion défavorable devant l’absence de témoignage des inventeurs quant aux mesures concrètes ayant mené à l’invention.

  • [695] Pharmascience soutient que le témoignage du Dr Kreitman, expert de Teva, n’était pas lié aux travaux ayant mené au brevet 802. Le Dr Kreitman a déclaré que seules quelques réunions avaient été organisées pour discuter d’un régime à dose élevée et à fréquence réduite pour l’acétate de glatiramère : une en novembre 2008 et une en juin 2009, ce qui a entraîné la décision de poursuivre un essai clinique de phase III (soit l’éventuel essai GALA).

  • [696] D’après ce qu’affirme Pharmascience, le Dr Kreitman a reconnu que le travail de Teva visait l’adoption du produit à 40 mg, parce que son brevet pour l’acétate de glatiramère à 20 mg expirait bientôt et qu’elle craignait que la version générique de l’acétate de glatiramère à 20 mg soit utilisée trois fois par semaine, plutôt que le produit à 40 mg.

  • [697] Pharmascience indique également que le Dr Kreitman a mentionné que la dose de 40 mg trois fois par semaine figurait parmi les premiers schémas posologiques à dose élevée et à fréquence réduite envisagés par Teva.

  • [698] Pharmascience est d’avis que la Cour devrait conclure que l’essai GALA a été entrepris uniquement pour confirmer ce qui était évident, à savoir qu’un schéma posologique de 40 mg trois fois par semaine serait tout aussi sûr et efficace qu’un schéma de 20 mg par jour et améliorerait la tolérabilité (par exemple, en réduisant le nombre de réactions au point d’injection).

  • [699] Pharmascience soutient que le témoignage du DGreen devrait l’emporter sur celui des experts de Teva. Pharmascience estime les Drs Day et Prat sont sceptiques et moins qualifiés que le DGreen pour examiner les questions clés. Pharmascience suggère que la preuve présentée par M. Day soit complètement écartée, parce que son point de vue en tant que biostatisticien n’est pas pertinent et parce que M. Day s’est déjà montré critique même à l’endroit de scientifiques très réputés.

  • [700] Pharmascience soutient de plus que la Cour devrait considérer que des brevets équivalant au brevet 802 ont été jugés évidents, y compris au Royaume‑Uni et aux États‑Unis. De plus, elle fait remarquer que l’OPIC réexamine actuellement le brevet 802.

  • [701] Selon le DGreen, les revendications du brevet 802 sont évidentes. Il a déclaré qu’il n’y avait aucune différence entre l’état de la technique en août 2009 et l’objet des revendications.

  • [702] Le DGreen a déclaré qu’en août 2009, c’était un fait connu que la dose quotidienne de 20 mg avait été choisie de manière arbitraire, car aucune étude déterminante n’avait été menée en vue d’établir le schéma posologique idéal de l’acétate de glatiramère. Il a souligné que des schémas posologiques de 20 mg d’acétate de glatiramère à fréquence réduite étaient connus et continuaient d’être étudiés. Le DGreen a cité Khan 2008, qui prenait appui sur les travaux de Flechter 2002.

  • [703] Le DGreen a affirmé que la personne versée dans l’art aurait su que d’autres doses d’acétate de glatiramère étaient à l’étude, y compris une dose de 40 mg, en raison de l’étude de phase II FORTE décrite par Cohen en 2007.

  • [704] Le DGreen a ajouté que les résultats des essais cliniques de phase III FORTE ont été largement diffusés, notamment au moyen du communiqué de presse publié par Teva en juillet 2008. Il a fait remarquer que Comi 2008 rendait compte des résultats de cette étude clinique de phase III et concluait que les doses de 40 mg et de 20 mg étaient sûres et bien tolérées chez les patients atteints de SP‑RR et tout aussi efficaces pour réduire les poussées cliniques et l’activité à l’IRM. IL a souligné que, selon le résumé, les deux doses étaient associées à une réduction des lésions rehaussées par le Gd et à des nouvelles lésions en T2 au fil du temps, malgré une réduction généralement plus rapide au cours des trois premiers mois à la dose de 40 mg.

  • [705] Selon le DGreen, la combinaison de ces connaissances montrait que la dose de 20 mg n’était pas la dose nécessaire à l’atteinte de l’efficacité clinique; d’autres doses et schémas posologiques étaient aussi efficaces sur le plan clinique.

  • [706] Le DGreen a expliqué que, la SP étant une maladie chronique, l’observance et l’adhésion du patient à un traitement à long terme soulèvent des préoccupations. (Il a expliqué que l’observance se rapporte à la mesure dans laquelle un patient prend le médicament comme prescrit. L’adhésion désigne le degré auquel un patient suit plus largement les instructions du médecin. Il ajoute que les termes sont souvent utilisés indifféremment).

  • [707] Le DGreen a déclaré que les effets secondaires désagréables de l’injection étaient connus et nuisaient à l’observance par les patients. Il a fait valoir qu’il serait logique pour la personne versée dans l’art de penser qu’une fréquence réduite d’injection améliorerait l’observance. Le DGreen a cité le Global Adherence Project (Devonshire 2006) afin d’étayer son point de vue. Il a souligné que, bien qu’il puisse y avoir d’autres facteurs contributifs, de façon générale, l’augmentation de la fréquence d’injection était associée à une diminution de l’observance ou de l’adhésion.

  • [708] Comme l’a par ailleurs indiqué le DGreen, l’étude de Johnson (1995) avait révélé que 90 % des patients prenant de l’acétate de glatiramère présentaient des réactions au point d’injection. Le DGreen a précisé que les réactions au point d’injection comprennent la douleur, l’inconfort, les changements cutanés et [traduction] « même la lipoatrophie », qui sont tous désagréables, mais pas épouvantables.

  • [709] Le DGreen a mentionné que c’est sur la base des résultats de l’étude de phase II de Cohen 2007 que, dans Pinchasi 2007, on déclarait qu’il avait été démontré que les doses de 20 mg et de 40 mg par jour réduisaient les lésions rehaussées à l’IRM chez les patients atteints de SP. Il a dit que si la dose de 20 mg était efficace à cet égard, une personne versée dans l’art s’attendrait à ce que la dose de 40 mg le soit tout autant dans le traitement des patients à risque de présenter une SP.

  • [710] Le DGreen a déclaré dans son rapport et dans son témoignage oral qu’il y avait trois grands messages dans Pinchasi 2007 du point de vue de la personne versée dans l’art :

  • [711] Selon le DGreen, l’état de la technique en août 2009 indiquait ce qui suit :

  • La dose de 40 mg par jour d’acétate de glatiramère a significativement amélioré l’efficacité, sans augmenter les effets indésirables. Le DGreen estime que la personne versée dans l’art serait de cet avis parce qu’elle lirait Pinchasi 2007 avec les connaissances de Cohen 2007 et de Comi 2008 et qu’elle aurait déterminé que l’acétate de glatiramère à 40 mg présentait une bonne innocuité et une bonne tolérabilité. Voilà qui aurait renforcé la confiance à accorder aux essais FORTE, c’est-à-dire qu’il y avait un début d’action amélioré et qu’il semblait qu’une dose de 40 mg pouvait être administrée tous les deux jours et serait tout autant, voire plus efficace.
  • Pinchasi 2007 faisait état du début d’action plus rapide de la dose de 40 mg par rapport à la dose de 20 mg (d’après Cohen 2007 et la présentation du professeur Comi sur l’essai de phase III FORTE).
  • La personne versée dans l’art s’intéresserait à l’administration périodique décrite dans Pinchasi 2007 et lirait cette description avec la connaissance de Khan 2008.
  • Les schémas posologiques à fréquence réduite de médicaments modificateurs de la maladie, y compris l’acétate de glatiramère à 20 mg, s’étaient révélés être aussi efficaces dans le traitement de la SP, mais mieux tolérés que les schémas posologiques quotidiens, ce qui a permis d’améliorer l’observance et l’adhésion des patients;

  • Une dose quotidienne de 40 mg d’acétate de glatiramère était au moins aussi sûre et efficace qu’une dose quotidienne de 20 mg et était bien tolérée par les patients, avec un début d’action potentiellement plus précoce et une efficacité accrue pour réduire l’activité à l’IRM et les rechutes cliniques;

  • Une fréquence d’injection réduite serait raisonnablement censée entraîner une diminution de l’irritation et de la réaction au point d’injection, en particulier pour un médicament dont le point d’injection pourrait rester enflammé ou irrité pendant la période suivant l’injection;

  • Teva estimait que l’administration périodique de 40 mg d’acétate de glatiramère, y compris tous les deux jours, serait efficace pour traiter la SP (d’après Pinchasi 2007).

  • [712] En contre-interrogatoire, le DGreen a reconnu que sa recherche sur PubMed concernant le brevet 802 ne lui avait pas permis de trouver le document SBOA de la FDA, Khan 2008, Caon 2009 ou Devonshire 2006. Il a reconnu qu’en 2009, la personne versée dans l’art n’aurait probablement pas lu Devonshire 2006.

  • [713] Le DGreen a également reconnu qu’en 2009, il n’était pas au courant du document SBOA de la FDA de 1996 ni des questions posées à la demanderesse. Le DGreen a également reconnu que, lors de sa déposition en Californie en 2016, il avait déclaré avoir eu connaissance du document SBOA de la FDA entre 2012 et 2016.

  • [714] Le DGreen a reconnu qu’il n’était pas au courant de Flechter 2002 en 2009, mais l’avait joint à son rapport.

  • [715] Le DGreen a également reconnu ne pas avoir trouvé Pinchasi 2007 dans sa recherche, mais, lors du réinterrogatoire, on lui a mentionné une des notes de bas de page de son rapport qui laissait entendre que Pinchasi 2007 faisait partie de la recherche qu’il avait supervisée.

  • [716] En ce qui concerne Khan 2008, – lequel, selon le DGreen, a démontré que le passage d’une dose par jour à une dose tous les deux jours peut améliorer la tolérabilité et l’observance, tout en maintenant l’efficacité –, le DGreen a reconnu qu’il avait choisi de ne pas modifier sa pratique clinique en fonction de Khan 2008. Il a déclaré qu’avant 2014, il ne conseillait pas à un patient de prendre 20 mg d’acétate de glatiramère tous les deux jours.

  • [717] Lors du contre-interrogatoire, le DGreen a convenu qu’aucun document de l’art antérieur mentionné dans le brevet 802 ne recommandait l’administration d’acétate de glatiramère trois fois par semaine. Le DGreen a répété qu’il s’agissait, selon lui, d’une approche relevant du bon sens.

  • [718] Le DGreen est demeuré convaincu qu’il n’y a pas de différence significative entre l’état de la technique tel qu’il le concevait et l’objet des revendications du brevet 802.

  • [719] Le DGreen a ajouté que la seule différence possible serait entre un schéma posologique de 40 mg d’acétate de glatiramère tous les deux jours (comme enseigné dans Pinchasi 2007) et le schéma posologique revendiqué de 40 mg d’acétate de glatiramère trois fois par semaine (en laissant au moins un jour entre chaque injection). Le DGreen a reconnu que l’art antérieur n’incluait aucun exemple de traitement à trois doses par semaine. Le DGreen a déclaré que la différence posologique sur 14 jours serait mineure et équivalente d’un point de vue thérapeutique.

  • [720] De l’avis du DGreen, la personne versée dans l’art pourrait combler cette petite différence en utilisant ses connaissances générales courantes et d’autres renseignements, obtenus par une recherche raisonnablement diligente, ainsi qu’en faisant des déductions.

  • [721] Le DGreen a mentionné que les problèmes de tolérabilité et d’observance que présentent les injections quotidiennes auraient motivé la personne versée dans l’art à rechercher un schéma d’administration à fréquence réduite.

  • [722] Le DGreen a ajouté que la personne versée dans l’art aurait su qu’il existait des schémas posologiques de trois jours par semaine pour Rebif et qu’il était plus pratique d’utiliser une « formule » de trois doses par semaine, administrées les mêmes jours chaque semaine, la différence de dose sur une semaine étant alors mineure. Le DGreen a soutenu qu’il était aussi bien connu que la prise d’une dose trois fois par semaine, les mêmes jours de la semaine, serait plus pratique et plus facile à retenir.

  • [723] En ce qui concerne la confiance qu’il accorde à Devonshire 2006 relativement à l’adhésion des patients, le DGreen a convenu qu’Avonex, qui avait le meilleur taux d’adhésion (85 %), était administré une fois par semaine. Copaxone, qui avait le taux le plus faible (56,8 %), était administré quotidiennement.

  • [724] Quant à son point de vue selon lequel il relevait du bon sens qu’une réduction des injections augmente l’observance et l’adhésion et qu’une réduction s’imposait d’elle-même, le DGreen a reconnu en contre-interrogatoire que Khan 2008 ne recommandait pas une posologie de trois doses par semaine, même si Rebif, précédemment approuvé en 2002, avait un tel schéma posologique.

  • [725] Le DGreen a également reconnu que Pinchasi 2007, qui s’appuyait sur Cohen 2007 (essai FORTE de phase II), signalait une augmentation de 50 % du nombre de patients qui présentaient une possible réaction suivant l’injection à la dose de 40 mg. Il a ajouté que le type de réaction était important et que les réactions survenues à la dose de 20 mg étaient plus préoccupantes.

  • [726] D’après le DGreen, il allait de soi que le schéma posologique de 40 mg trois fois par semaine serait probablement efficace dans le traitement de la SP et du SCI et pourrait accroître l’adhésion et l’observance par rapport au schéma posologique de 20 mg par jour. Il a ajouté que le fait de conseiller aux patients atteints de SP et du SCI de s’administrer 40 mg d’acétate de glatiramère trois fois par semaine plutôt qu’un jour sur deux s’inscrirait dans une discussion sur les modalités d’administration possibles avec les patients, ce qui fait partie du travail quotidien d’un clinicien.

  • [727] En contre-interrogatoire, le DGreen a précisé que, même s’il qualifiait de pratique courante l’administration d’une dose de 40 mg, seule la dose de 20 mg était commercialisée en 2009. Le DGreen a convenu qu’en 2009, un patient devait s’injecter deux doses de 20 mg (deux seringues). Le DGreen a supposé que le patient pouvait transférer la dose dans une autre seringue afin de réduire le nombre d’injections, mais il a semblé convenir qu’on ne s’attendrait pas à ce que le patient transfère ainsi la dose.

  • [728] Le DGreen a également convenu que pour évaluer l’efficacité d’une dose de 40 mg trois fois par semaine, il faudrait mener une étude clinique. L’avocat de Teva a demandé pourquoi il serait courant d’administrer une dose de 40 mg d’acétate de glatiramère sans étude clinique. Le DGreen a répondu qu’il serait « logique » d’utiliser un régime à trois doses par semaine.

  • [729] Le DGreen a reconnu que, dans son rapport lié au litige britannique, il avait déclaré que la personne versée dans l’art chercherait à mener une étude clinique de phase III sur la dose de 40 mg. Le DGreen a expliqué qu’au moment de formuler sa déclaration précédente, il supposait que la personne versée dans l’art serait motivée à faire des recherches. L’avocat de Teva a fait remarquer que le DGreen n’avait pas ajouté cette réserve dans son témoignage concernant le brevet 802. Le DGreen a expliqué que les discussions et recommandations à l’égard d’un schéma posologique de trois doses par semaine feraient partie du travail habituel, mais pas du travail clinique habituel. Pour examiner la question, il faudrait mener une étude clinique. Le DGreen a convenu que cette précision n’était pas mentionnée dans son rapport.

  • [730] Le Dr Prat n’était pas tout à fait d’accord avec le Dr Green au sujet des connaissances générales courantes ou de l’état de la technique en 2009. Il a fait remarquer que ce ne sont pas toutes les antériorités qui font partie des connaissances générales courantes. Il a déclaré qu’il croyait comprendre que ces connaissances s’entendent des faits largement admis.

  • [731] En ce qui concerne les essais cliniques, le DPrat a expliqué (comme le DSelchen et M. Day) les différences entre les études d’investigation ou les études pilotes et les essais de phase I, II et III.

  • [732] S’agissant des traitements disponibles pour la SP en août 2009, le DPrat était en général d’accord avec le DGreen. Cependant, le DPrat a déclaré qu’il n’était pas généralement connu qu’une dose de 40 mg d’acétate de glatiramère était en développement. Le DPrat a expliqué que, selon les résultats de Comi 2008, la dose de 40 mg n’offrait pas d’efficacité accrue.

  • [733] Le DPrat a convenu que Cohen 2007, le résumé d’un essai clinique de phase II comparant l’administration quotidienne de 20 mg et 40 mg, a montré un début d’action plus rapide à la dose de 40 mg après trois mois, mais a expliqué qu’il s’agissait d’un critère d’évaluation exploratoire, que l’écart n’était pas statistiquement significatif et qu’après 8 ou 9 mois, les résultats étaient les mêmes.

  • [734] Comme le DPrat l’a aussi expliqué, Cohen 2007 indique que, bien que le même nombre de patients se soient retirés dans les deux groupes, davantage de patients du groupe recevant 40 mg se sont retirés en raison d’événements indésirables. Le DPrat a souligné qu’en dépit des conclusions de Cohen 2007, les données ne donnent pas à penser que la dose de 40 mg a eu moins d’effets indésirables.

  • [735] Le DPrat a reconnu que les résultats de Cohen 2007 n’ont pas empêché Teva de poursuivre l’étude de phase III. Cependant, le DPrat a expliqué que la personne versée dans l’art n’accorderait pas beaucoup, voire pas du tout d’importance aux résultats de la phase II puisqu’elle avait accès aux résultats de l’étude de phase III FORTE, plus robuste, qui avait comparé les doses de 20 mg par jour et de 40 mg par jour.

  • [736] Le DPrat a noté que l’étude de phase III ultérieure et les communiqués de presse de Teva indiquaient que [traduction] « la dose de 40 mg n’a pas mené à une réduction accrue du taux de rechute […] » et que [traduction] « l’étude confirme que COPAXONE à 20 mg […] reste la dose de traitement optimale […] ». Toujours selon le DPrat, l’étude de phase III FORTE avait révélé que la dose de 40 mg par jour causait des effets secondaires qui semblaient accrus et qui étaient « statistiquement significatifs » par rapport à la dose de 20 mg par jour, ainsi qu’une [traduction] « augmentation de l’arrêt du traitement en raison de réactions au point d’injection à la dose supérieure [de 40 mg] ». Le DPrat a ajouté qu’à l’époque, la personne versée dans l’art aurait présumé que la mise au point de Copaxone à 40 mg avait pris fin.

  • [737] Le DPrat a reconnu que les résultats de l’essai de phase III ont été présentés par le professeur Comi au Congrès mondial sur la sclérose en plaques [Congrès mondial] en 2008. Le DPrat a signalé que plus de 1 200 résumés y ont été présentés. Il a fait remarquer que la personne versée dans l’art n’aurait pas forcément assisté à la présentation du professeur Comi.

  • [738] Le DPrat a ajouté que si Comi 2008 faisait partie des connaissances générales courantes, l’information qu’on y trouve ne favorisait pas l’utilisation d’une dose de 40 mg de Copaxone.

  • [739] Le DPrat n’était pas d’accord avec le DGreen quant au fait que les résultats des études de phase II et de phase III FORTE faisaient partie des connaissances générales courantes, bien qu’il s’agisse d’antériorités. Le DPrat a déclaré que même si ces résultats avaient été rendus publics, ils n’appartenaient pas aux connaissances générales courantes. Il a fait remarquer que les études cliniques largement diffusées ne sont pas toutes intégrées aux connaissances générales courantes.

  • [740] Le DPrat ne partageait pas l’opinion du DGreen selon laquelle la dose de 20 mg d’acétate de glatiramère avait été choisie arbitrairement, mais il a reconnu qu’il n’y avait pas eu d’étude posologique au moment où la dose de 20 mg a été approuvée. Selon le DPrat, les résultats de l’étude de phase III FORTE n’inciteraient pas la personne versée dans l’art à envisager de doubler la dose (de 20 mg à 40 mg par jour), et l’absence d’étude posologique aux premières étapes de l’élaboration du médicament n’y changerait rien.

  • [741] Le DPrat a déclaré que, même si Khan 2008 pouvait être consulté en 2009, il ne faisait pas partie des connaissances générales courantes. Le DPrat a expliqué qu’il était improbable que la personne versée dans l’art ait vu ce résumé, ou la présentation connexe, puisqu’il avait été présenté en même temps qu’environ 83 présentations orales et au moins 900 autres résumés au cours d’une réunion de 3 jours accueillant environ 5 500 participants. Il a ajouté que ce résumé ne divulguait pas des principes bien connus et n’aurait pas été largement accepté.

  • [742] Le DPrat a ajouté que si la personne versée dans l’art avait examiné Khan 2008, elle lui aurait accordé peu d’importance, voire pas du tout, parce que le résumé décrivait une petite étude pilote concernant seulement 30 patients. L’étude comparait une dose de 20 mg d’acétate de glatiramère par jour à la même dose prise tous les deux jours. Le DPrat a expliqué que les résultats d’une étude aussi insignifiante ne peuvent être considérés comme des connaissances générales courantes.

  • [743] En ce qui concerne les taux d’observance et d’adhésion, le DPrat a expliqué que la personne versée dans l’art comprendrait que l’adhésion est complexe et qu’elle dépend de multiples facteurs. Le DPrat a fait référence à d’autres études que celles mentionnées par le DGreen.

  • [744] Le DPrat a expliqué que la douleur associée aux injections n’est pas le seul facteur de non-observance. Il a fait remarquer que la non‑observance est le plus souvent due à l’oubli de prendre le médicament. Le DPrat a ajouté que les injections d’acétate de glatiramère ne sont pas aussi douloureuses que celles d’interférons.

  • [745] Le DPrat a dit que Devonshire 2006, portant sur le Global Adherence Project, était une étude rétrospective. Il a fait observer que le résumé décrivait un taux de non‑adhésion supérieur pour la dose élevée de Rebif par rapport à la dose inférieure. Selon lui, si une personne versée dans l’art devait considérer Rebif, cette information la découragerait d’opter pour la dose élevée. Le DPrat a déclaré que le résumé de Devonshire ne laisse même pas entendre que la fréquence d’administration est une cause possible de non-adhésion. Il a souligné que si le Dr Green estime qu’une réduction de la fréquence d’injection en vue d’améliorer l’observance relevait du bon sens, l’art antérieur prouvait le contraire. Comme le fait remarquer le DPrat, Devonshire 2006 concluait que l’oubli en était la cause principale.

  • [746] Le DPrat a cité l’article Treadaway, K, « Factors that influence adherence with disease‑modifying therapy in MS », J Neurol, 2009, vol 256, aux pp 568-576 [Treadaway 2009], qui soulignait le problème de la comparaison des données entre divers schémas posologiques, dans le contexte où certains traitements modificateurs de la maladie sont administrés chaque jour et d’autres, sur une base hebdomadaire. Treadaway 2009 comparait les taux d’adhésion pour Copaxone à 20 mg (injection quotidienne) et trois interférons : Avonex (une fois par semaine), Betaseron (deux fois par semaine) et Rebif (trois fois par semaine). Comme l’a souligné le DPrat, les auteurs reconnaissent qu’il est [traduction] « très problématique » de comparer les taux d’observance entre ces divers traitements et tentent de s’ajuster aux variations. Treadaway 2009 indiquait que Copaxone (injection quotidienne) avait une adhésion légèrement meilleure qu’Avonex (injection hebdomadaire) et semblable à celle de Rebif (trois injections par semaine). Le DPrat a ajouté que les auteurs de Treadaway 2009 avait interrogé les patients pour comprendre ce qui avait mené à la non‑adhésion, et la première cause indiquée était l’oubli de prendre le médicament.

  • [747] Concernant l’état de la technique, le DPrat a convenu qu’en août 2009, l’acétate de glatiramère à 20 mg par jour était un traitement efficace connu pour la SP‑RR et le SCI. Les médecins prescrivaient Copaxone à 20 mg depuis au moins 10 ans pour la SP‑RR. Copaxone à 20 mg avait été récemment approuvé pour le SCI. Il a également convenu que la dose de 40 mg d’acétate de glatiramère était au moins aussi efficace que la dose de 20 mg.

  • [748] Le DPrat a dit estimer que le DGreen exagérait l’état de la technique concernant l’efficacité d’une dose de 40 mg par jour. Selon le DPrat, Cohen 2007 concluait qu’on pouvait supposer qu’une dose de 40 mg surpasserait en efficacité une dose de 20 mg par jour, mais les résultats de l’étude n’étayaient pas cette supposition. Le DPrat a expliqué qu’après neuf mois, la dose de 40 mg n’était pas plus efficace. À son avis, puisque la dose de 40 mg n’était pas plus efficace, le risque de réactions suivant l’injection et de réactions au point d’injection incitait à écarter la dose de 40 mg.

  • [749] Le DPrat a déclaré que ni lui ni d’autres médecins n’auraient eu connaissance de Pinchasi 2007 ou plus généralement de demandes de brevet. Il a ajouté que, même si un médecin connaissait et lisait Pinchasi 2007, il comprendrait que son objet était l’utilisation de 40 mg d’acétate de glatiramère chaque jour.

  • [750] Le DPrat a déclaré que la personne versée dans l’art n’estimerait pas que Pinchasi 2007 offre des arguments rationnels en faveur d’un schéma posologique tous les deux jours et, en l’absence de données justifiant une dose de 40 mg tous les deux jours, elle ne donnerait presque aucune importance à la mention d’une telle posologie.

  • [751] Au moment de déterminer si le brevet 802 différait de l’état de la technique, le DPrat a signalé qu’en 2009, l’art antérieur ne divulguait aucunement que l’acétate de glatiramère devait être utilisé pour traiter la SP‑RR ou le SCI à une dose de 40 mg soit périodiquement, soit trois fois par semaine en laissant au moins un jour entre les injections.

  • [752] Le DPrat n’estimait pas, contrairement au Dr Green, que l’équivalence thérapeutique était connue entre les schémas de trois doses par semaine et les schémas d’une dose un jour sur deux.

  • [753] En ce qui concerne la fréquence d’administration réduite, le Dr Prat a déclaré qu’à sa connaissance, il n’y avait pas d’information publique montrant que l’administration d’acétate de glatiramère selon un schéma posologique à fréquence réduite favorisait l’observance et l’adhésion.

  • [754] Le DPrat a souligné que le document SBOA de la FDA pour Copaxone ne serait pas le type de document qu’un médecin traitant des patients atteints de SP chercherait ou consulterait. De plus, l’auteur n’établit pas de schéma posologique et définit incorrectement la nature de l’acétate de glatiramère. Selon le DPrat, la personne versée dans l’art ne donnerait aucun poids à ce document s’il était à sa disposition.

  • [755] Le DPrat a expliqué que Flechter 2002 rendait compte d’une étude d’investigation. Le DPrat estimait que la suggestion de Flechter 2002 – selon laquelle l’administration d’acétate de glatiramère à 20 mg tous les deux jours est aussi efficace que son administration quotidienne – n’était pas étayée par des données suffisantes. Le DPrat a souligné qu’il n’y avait pas de groupe témoin et que les patients déclaraient leurs propres observations. Le DPrat a également souligné que Flechter 2002 indiquait que [traduction] « ces observations préliminaires devront être examinées dans le cadre d’études plus importantes ». Le DPrat a déclaré que même si la personne versée dans l’art devait tenir compte de Flechter 2002, rien ne garantirait que les injections tous les deux jours représentent une amélioration par rapport aux injections quotidiennes.

  • [756] Le DPrat a également fait état de préoccupations au sujet de Flechter 2002 parce qu’on y compare une dose de 20 mg par jour à une dose de 20 mg tous les deux jours, puis qu’on y compare ces résultats aux résultats obtenus par Meiner en 1997. Le DPrat a expliqué qu’il y avait des réserves concernant les comparaisons entre études et souligné la nécessité d’apporter des ajustements pour tenir compte des divergences entre les deux cohortes.

  • [757] Lors du contre-interrogatoire, l’avocat de Teva a soutenu que les données de Flechter 2002 comportaient une erreur concernant le taux de rechute sur deux ans pour la dose de 20 mg administrée tous les deux jours. L’avocat de Pharmascience a recalculé les taux de rechute mentionnés dans Flechter 2002 pour tenter de démontrer que le taux de rechute indiqué était erroné et qu’après deux ans, il était très similaire entre les deux groupes et conforme aux indications de Flechter 2002 et de Meiner. Le DPrat a reconnu que s’il y avait des erreurs dans les données et si le calcul de l’avocat était correct, l’efficacité paraissait comparable en ce qui concerne les taux de rechute.

  • [758] Le DPrat n’était pas d’accord avec le Dr Green quant au fait que l’étiquette de Rebif plaide en faveur d’une fréquence réduite pour améliorer l’observance. Le DPrat a de nouveau mentionné que les interférons diffèrent de l’acétate de glatiramère et que la personne versée dans l’art ne considérerait pas qu’un certain schéma posologique pour Rebif fonctionnerait également pour Copaxone. Il a expliqué que l’efficacité de Rebif était liée à la quantité et à la fréquence d’administration et que les mêmes paramètres ne s’appliquent pas nécessairement à Copaxone.

  • [759] Le DPrat a répété que la personne versée dans l’art n’examinerait pas d’autres traitements modificateurs de la maladie, comme Rebif, pour établir le schéma posologique de l’acétate de glatiramère. Le DPrat a relevé plusieurs différences entre Rebif et l’acétate de glatiramère.

  • [760] Le DPrat a fait remarquer que le mécanisme d’action de l’acétate de glatiramère est complexe et n’est pas entièrement compris, mais qu’il diffère de celui des interférons. Entre autres choses, le DPrat a affirmé que la personne versée dans l’art comprenait que l’administration fréquente contribuait probablement à l’efficacité de l’acétate de glatiramère, parce que l’acétate de glatiramère se décompose rapidement après l’injection.

  • [761] Le DPrat a également précisé que les autres interférons avaient des schémas posologiques différents et uniques : Avonex était administré une fois par semaine, Betaseron, un jour sur deux et Rebif, trois fois par semaine. Il n’y avait aucune raison de sélectionner le schéma posologique de Rebif pour l’acétate de glatiramère.

  • [762] Le DPrat a convenu que tous les traitements modificateurs de la maladie posaient des problèmes d’observance par les patients, quel que soit le schéma posologique. Le DPrat n’a pas admis qu’un tiers des injections omises s’expliquaient par la douleur ou les effets secondaires de l’injection. Il a répété que la raison la plus souvent citée dans la littérature était l’oubli de prendre le médicament. Selon lui, il est plus facile de se souvenir d’un schéma posologique quotidien, car il devient une habitude s’il est toujours suivi à la même heure chaque jour.

  • [763] Lors du contre‑interrogatoire, le DPrat a reconnu que, selon le brevet 802, un inconvénient du traitement par l’acétate de glatiramère est la nécessité d’injections quotidiennes, ce qui peut être peu pratique. Le DPrat a également reconnu que la monographie de produit de 2009 de Copaxone indiquait que les réactions indésirables couramment observées sont une rougeur, une douleur, une inflammation, des démangeaisons ou une masse au point d’injection.

  • [764] Le DPrat a reconnu que la peur, l’évitement et l’anxiété sont des réactions courantes de certains patients à l’égard des injections, mais il a ajouté qu’elles n’apparaissent généralement qu’au début du traitement et qu’elles ne durent pas.

  • [765] Le DPrat a fait remarquer que si des effets indésirables posaient des problèmes d’adhésion, la personne versée dans l’art ne voudrait pas augmenter la dose par crainte d’augmenter ces effets indésirables.

  • [766] Pour ce qui est des différences entre l’état de la technique et l’objet des revendications, le DPrat a déclaré que la personne souhaitant les combler devrait faire preuve d’inventivité. Rien dans l’art antérieur ne suggérait la prise d’une dose de 40 mg trois fois par semaine, et la phase III de l’étude FORTE n’avait démontré aucun avantage associé à la dose élevée. Selon le DPrat, une personne versée dans l’art envisagerait plutôt une réduction de la dose quotidienne.

  • [767] Le DPrat a fait remarquer que même si la personne versée dans l’art savait qu’une dose de 20 mg tous les deux jours était efficace selon certaines études préliminaires, comme Khan 2008 (dont les données, à son avis, manquaient de puissance statistique et ne seraient pas connues ni utilisées comme guide), il n’existait aucune antériorité suggérant une équivalence entre une dose de 20 mg tous les deux jours et une dose de 40 mg tous les deux jours, et encore moins une dose de 40 mg trois fois par semaine.

  • [768] Le DPrat n’estimait pas que l’invention résultait d’un « essai allant de soi », comme le soutenait le Dr Green. Selon le Dr Prat, vu l’état de la technique et les connaissances générales courantes, il n’irait pas de soi pour la personne versée dans l’art d’essayer un schéma posologique de 40 mg trois fois par semaine ou de penser qu’un tel schéma fournirait « probablement » un traitement efficace aux patients atteints de SP et du SCI, tout en rehaussant l’adhésion et l’observance par rapport à un schéma posologique de 20 mg par jour.

  • [769] Le DPrat a expliqué son désaccord, soulignant notamment que l’adhésion et l’observance dépendent de nombreux facteurs. Il a par ailleurs précisé que l’art antérieur enseignait qu’une réduction de la fréquence diminuerait probablement l’adhésion et l’observance. Le DPrat a répété à plusieurs reprises que les injections quotidiennes diminuent le risque d’oubli.

  • [770] L’avocat de Pharmascience a suggéré que le DPrat ne savait pas qu’en plus des connaissances générales courantes, la personne versée dans l’art pouvait tenir compte de l’art antérieur ou des renseignements générés par une recherche raisonnablement diligente. Le DPrat a répondu qu’une recherche raisonnablement diligente n’aurait pas abouti à des études pilotes, des études de phase II ou des résumés qui font partie des grands registres de résumés. S’ils avaient été trouvés, ces documents n’auraient pas eu d’influence.

  • [771] Le DPrat a ajouté que la personne versée dans l’art ne recommanderait pas non plus à un patient de doubler la dose prescrite (de 20 mg à 40 mg) et de réduire simultanément la fréquence de ses injections. Il a expliqué, entre autres raisons, que les patients doivent recevoir la plus faible dose possible, sauf lorsqu’une dose supérieure améliore l’efficacité.

  • [772] Le DPrat a reconnu l’existence d’une motivation générale à rechercher de nouveaux traitements contre la SP, y compris des traitements oraux. Le DPrat a convenu qu’il n’avait pas mentionné l’étude CORAL dans son rapport, mais qu’il la connaissait. Il a reconnu que des traitements oraux à base d’acétate de glatiramère avaient été explorés dans l’étude CORAL, mais que les résultats obtenus n’étaient pas satisfaisants. Il a expliqué que si l’acétate de glatiramère était modifié de façon à le rendre plus stable, son administration par voie orale serait envisageable, et la personne versée dans l’art serait motivée à poursuivre dans cette voie.

  • [773] Le DPrat a reconnu que la lipoatrophie liée au point d’injection était relativement fréquente, mais qu’il s’agissait d’une raison inhabituelle et rare d’arrêter le traitement par l’acétate de glatiramère. Il n’estimait pas que la lipoatrophie avait une incidence psychologique importante, même s’il convenait que pour certains patients, il y aurait une certaine incidence. Bien que l’étiquette de Copaxone indique qu’on ne connaît pas de traitement pour la lipoatrophie, le Dr Prat a dit savoir que la chirurgie plastique était une option. Il n’a pas déclaré avoir recommandé la chirurgie plastique ou y avoir eu recours pour un patient.

  • [774] Le DPrat a reconnu que les réactions au point d’injection sont les réactions indésirables les plus fréquentes. Il a toutefois mentionné que cela valait pour tous les produits injectables, et dans une moindre mesure pour l’acétate de glatiramère par rapport aux autres traitements modificateurs de la maladie. Le DPrat a déclaré que les réactions cutanées associées aux injections d’interféron étaient plus préoccupantes. Il a souligné qu’il n’avait pas observé de réactions problématiques à Copaxone dans la pratique clinique. Il a également souligné que la référence à Edgar 2004, qui figure en bas de page dans le rapport du Dr Green et sur laquelle s’appuie Pharmascience, provient d’un article sur l’acupuncture. Le DPrat a ajouté qu’il n’y avait qu’une brève mention de la lipoatrophie dans Caon 2009.

  • [775] Selon les explications du DPrat, l’art antérieur révélait que les injections quotidiennes étaient importantes pour maintenir suffisamment de cellules anti‑inflammatoires activées et prêtes à pénétrer le système nerveux des patients. La personne versée dans l’art hésiterait à réduire la fréquence d’injection, par crainte d’amoindrir cet effet positif.

  • [776] Le DPrat a déclaré que, pour arriver à l’invention, le clinicien devrait faire bien plus qu’un travail courant. Il a expliqué qu’un médecin ne serait pas en mesure de conseiller à un patient de prendre 40 mg ou de prescrire cette dose jusqu’à ce qu’un produit d’acétate de glatiramère dosé à 40 mg soit approuvé aux fins d’utilisation. En 2009, une telle approbation n’avait pas été accordée au Canada et ne pouvait l’être qu’à l’issue d’un essai clinique.

  • [777] Le DPrat a déclaré que si un nouveau schéma posologique était recherché, il y avait beaucoup d’autres solutions à explorer, qui n’étaient pas prévisibles en fonction de l’art antérieur. Par exemple, pour éviter les injections, une personne versée dans l’art s’intéresserait à un autre principe actif ou modifierait l’acétate de glatiramère pour en permettre l’administration par voie orale. Pour réduire la fréquence des injections d’acétate de glatiramère, un timbre ou une formulation injectable à libération prolongée pourraient être envisagés.

  • [778] Le DPrat a fait savoir qu’il y avait peu de motivation à trouver un nouveau cycle posologique. Il a rappelé qu’en 2009, la personne versée dans l’art savait que la dose de 20 mg par jour restait la dose optimale. Cependant, dans la mesure où la personne versée dans l’art cherchait à modifier le cycle posologique de l’acétate de glatiramère, il y avait d’autres options, par exemple, 30 mg, 50 mg, 75 mg et des variations au calendrier. Rien dans l’art antérieur ne suggérait une posologie de trois doses par semaine.

  • [779] Les principes juridiques qui régissent l’évaluation de l’évidence sont décrits ci‑dessus à la partie XX, et ils ont été appliqués.

  • [780] Pour ce qui est de la preuve, je ne crois pas que, contrairement à ce qu’affirme Pharmascience, les témoignages de M. Day et du Dr Prat devraient être écartés, et que s’agissant des questions clés, le témoignage du Dr Green devrait être déterminant.

  • [781] Pharmascience laisse entendre que le Dr Prat est moins qualifié que le Dr Green parce qu’il a expliqué qu’il passe 70 % de son temps à travailler comme scientifique de laboratoire et neurologue clinicien et qu’il s’est peu intéressé aux études cliniques chez les humains. Pharmascience soutient que, de ce fait, les opinions du Dr Prat sur les essais cliniques (p. ex., Comi 2008, Khan 2008, Caon 2009 et Flechter 2002) devraient se voir accorder moins de poids que celles du Dr Green, qui est un clinicien spécialisé.

  • [782] Pharmascience soutient également qu’il convient d’accorder peu d’importance à l’opinion du Dr Prat sur l’évidence parce que celui-ci a reçu des directives erronées concernant le critère de l’essai allant de soi et qu’il n’a pas pris en considération que la personne versée dans l’art peut combler les différences en recourant aux connaissances générales courantes et aux informations recueillies à la suite d’une recherche raisonnablement diligente. Elle soutient également que le Dr Prat a commis une erreur en considérant que la seule antériorité pertinente est un essai clinique de phase III.

  • [783] Ni M. Day ni le Dr Prat ne sont des sceptiques. M. Day est biostatisticien et, bien sûr, son rôle consistait à évaluer la signification statistique des études. Son opinion ne fait pas de lui un sceptique. Le Dr Prat a témoigné de manière franche et cohérente. Il s’est montré nuancé dans ses réponses. Il a situé les choses dans leur contexte, même si personne ne l’incitait à le faire. Il a précisé les raisons de son désaccord avec le Dr Green et expliqué pourquoi certains résumés et rapports offraient des indications utiles et d’autres pas.

  • [784] Le Dr Green a également a précisé et expliqué ses opinions, en plus d’offrir certains éléments contextuels supplémentaires. Il a apporté des nuances à certaines de ses opinions sur des questions clés dans les réponses qu’il a données en contre‑interrogatoire.

  • [785] Je rappelle que tous les experts ont témoigné de manière utile et pertinente. Cependant, comme c’est habituellement le cas, ils ne s’accordaient pas tous sur les questions clés. Tel que mentionné au départ, j’ai examiné les témoignages offerts par les experts et les témoins des faits dans leur contexte global.

  • [786] Or, il est arrivé plusieurs fois que les parties ont cherché à soutirer aux experts des réponses sur des points précis en vue d’étayer certains arguments. Les arguments reposant sur des réponses isolées ont fait oublier l’essentiel des témoignages. C’est pourquoi j’ai dû examiner très soigneusement la preuve dans son ensemble pour déterminer si les experts appuyaient effectivement l’argument invoqué.

  • [787] Par exemple, Pharmascience affirme que la Dre Morrow, experte de Teva, a convenu que le brevet 437 décrivait l’utilisation de 40 mg d’acétate de glatiramère administré trois fois par semaine dans le traitement de la SP (soit ce qui est revendiqué dans le brevet 802). Pharmascience se fonde à cet égard sur les questions posées à la Dre Morrow au sujet de l’interprétation des revendications du brevet 437. La Dre Morrow a reconnu que la revendication 1 faisait référence à l’administration périodique et que la revendication 13 ajoutait l’élément essentiel de l’administration quotidienne. La Dre Morrow a également convenu que le brevet 437 comprenait une revendication relative à la dose de 40 mg (revendication 16). En contre‑interrogatoire, la Dre Morrow a reconnu qu’il était possible qu’une dose de 40 mg administrée trois fois par semaine soit couverte par les revendications du brevet 437. Cependant, la Dre Morrow a répété à plusieurs reprises que sa réponse ne reposait que sur le libellé de la revendication 1, qui ne prévoyait pas de fréquence d’administration. À mon avis, cet élément ne saurait être invoqué pour soutenir que le brevet 437 porte sur une dose de 40 mg d’acétate de glatiramère administrée trois fois par semaine. Tel que mentionné précédemment, le brevet 437 vise l’administration quotidienne de 20 mg chez les patients présentant un SCI. Les exemples ne concernent aucun autre schéma posologique ni l’administration d’une dose de 40 mg d’acétate de glatiramère. L’absence de mention d’une fréquence d’administration dans les revendications 1 à 12 ne permet pas d’avancer que tout intervalle entre les doses fonctionnerait, d’autant plus que la seule fréquence revendiquée est quotidienne.

  • [788] Pharmascience soutient également que la lipoatrophie au point d’injection résultant de l’administration d’acétate de glatiramère était si invalidante et irréversible que des patients du DPrat ont eu recours à la chirurgie plastique. Le Dr Prat n’a pas dit avoir recommandé la chirurgie plastique à des patients. Le Dr Prat a répondu à une question sur le caractère irréversible de la lipoatrophie. Il a fait remarquer que la chirurgie plastique était une option. En outre, il a déclaré que même si elle survenait chez certains patients, la lipoatrophie n’expliquait pas le manque d’adhésion aux injections d’acétate de glatiramère.

  • [789] Pharmascience semble mettre davantage l’accent sur la nature « invalidante » de la lipoatrophie comme réaction au point d’injection que ne le fait son expert, le Dr Green. Le DGreen a mentionné une fois la lipoatrophie, en soulignant que les réactions au point d’injection étaient « un élément » de la non‑adhésion. Pharmascience cite à plusieurs reprises Caon 2009, mais il n’y a qu’un énoncé concernant la lipoatrophie dans ce très court résumé.

  • [790] En ce qui concerne la réduction de la fréquence d’injection, contrairement à ce qu’affirme Pharmascience, le Dr Prat n’a pas convenu qu’un schéma posologique de trois doses d’acétate de glatiramère par semaine était préférable. Le Dr Prat a convenu à contrecœur que si les deux seules options disponibles étaient une dose un jour sur deux ou à trois jours fixes par semaine, la dose à trois jours fixes serait une amélioration. L’avis du Dr Prat, qu’il a exprimé clairement et à plusieurs reprises, est que l’administration quotidienne est la meilleure option si l’on souhaite prévenir l’oubli des doses.

  • [791] Je n’ai pas tenu compte de l’issue des instances qui se sont déroulées dans des pays étrangers, ni l’intérêt de l’OPIC envers le brevet 802. Comme il a été souligné dans la décision Mylan, au paragraphe 66 :

Il ne fait aucun doute que la Cour n’est pas liée par les décisions des tribunaux étrangers statuant sur des brevets correspondants, sans parler de brevets différents. Comme la Cour l’a affirmé dans Eli Lilly Inc. c Apotex Inc., 2007 CF 455, au paragraphe 244 (conf. par 2008 CAF 44) :

Notre Cour n’est pas liée par les décisions des tribunaux étrangers concernant les brevets correspondants. Comme le rappelait la Cour d’appel fédérale, « [b]ien que des brevets étrangers puissent être pratiquement identiques, il est peu probable que le droit étranger le soit également et il faut, dans tous les cas, en faire la preuve » (Imperial Oil Ltd. c. Lubrizol Corp., no A-737-90, 4 décembre 1992, 45 C.P.R. (3d) 449). Cette observation se révèle particulièrement pertinente dans la présente espèce, qu’on peut distinguer du procès américain sous de nombreux rapports, notamment la nature de l’instance, la preuve et le fardeau de la preuve.

  • [792] La décision relative à la validité du brevet 802 repose sur la jurisprudence et les éléments de preuve présentés à la Cour, et rien d’autre.

  • [793] Tel que mentionné, Pharmascience se fonde sur une mosaïque d’antériorités pour faire valoir que l’état de la technique était que les posologies à fréquences réduites étaient connues, que l’acétate de glatiramère à 40 mg était connu pour être efficace, et potentiellement plus que la dose de 20 mg, et que Pinchasi 2007 divulguait et enseignait l’administration d’une dose, tous les deux jours, de 40 mg d’acétate de glatiramère. Sur ce fondement, Pharmascience soutient que la légère différence entre l’état de la technique et les revendications du brevet 802 serait facilement comblée par la personne versée dans l’art qui serait motivée à se servir du schéma posologique de trois fois par semaine pour prévenir les réactions au point d’injection et proposer un régime facile à retenir de manière à favoriser l’observance du traitement par les patients.

  • [794] Je ne suis pas d’accord avec Pharmascience lorsqu’elle décrit l’état de la technique en 2009. Le point de départ de l’examen relatif à l’évidence n’est pas qu’une dose de 40 mg d’acétate de glatiramère tous les deux jours était efficace pour traiter les symptômes de la SP.

  • [795] Je conclus que Pharmascience et le Dr Green ont surestimé les enseignements de l’art antérieur sur lequel ils se fondent.

  • [796] Premièrement, les antériorités invoquées par Pharmascience n’auraient pas toutes été découvertes par la personne versée dans l’art, tout comme le Dr Green ne les a pas toutes découvertes lors de ses recherches. Notamment, celui-ci a déclaré qu’il n’avait pas trouvé le document SBOA de la FDA, Khan 2008, Caon 2009 ou Devonshire 2006. Il a fait remarquer qu’en 2009 il ne savait rien du document SBOA de la FDA ou de Flechter 2002. Il a également convenu que la personne versée dans l’art ne consulterait pas Devonshire 2006.

  • [797] Deuxièmement, même si la personne versée dans l’art découvrait toutes ces antériorités, elle s’appuierait sur sa propre expertise pour les lire d’un œil critique, elle ferait la distinction entre les petites études pilotes, les études de phase II et les études de phase III, et elle saurait que certaines études cliniques sont plus fiables et instructives que d’autres.

  • [798] M. Day a expliqué que certaines études sont plus instructives que d’autres en raison de la manière dont elles sont menées et dont les résultats sont rapportés.

  • [799] Le Dr Selchen a aussi décrit les catégories d’éléments probants, qui vont de l’étude de cas et du texte d’opinion à la preuve de classe 1, l’essai clinique à double insu de phase III, considéré par tous les experts comme l’étalon de référence.

  • [800] Le Dr Prat a également parlé des diverses catégories de preuves. Il a expliqué que les résumés sont simplement de courts textes et qu’un résumé identifié par un chiffre élevé indique qu’il fait partie d’une liste de résumés qui en compte au moins autant et que, de ce fait, il ne se situerait pas au haut de la liste des lectures de la personne versée dans l’art.

  • [801] Troisièmement, je conviens avec Teva que Pharmascience n’a pas expliqué comment ni pourquoi la personne versée dans l’art réunirait ces éléments d’antériorité en une mosaïque permettant de réaliser l’invention. Cependant, même si on lui remettait cette mosaïque, la personne versée dans l’art ne parviendrait pas directement à l’objet des revendications. Contrairement à ce que prétend le Dr Green, passer d’une dose de 20 mg par jour, voire de 20 mg tous les deux jours, à 40 mg trois fois par semaine n’est pas une affaire de simple déduction.

  • [802] Comme l’a dit la Cour dans la décision Servier, au paragraphe 254 :

Comme l’a reconnu Servier, il est possible de réunir une mosaïque de réalisations antérieures afin de faire en sorte qu’une revendication soit évidente. On suppose que même des techniciens non inventifs versés dans l’art lisent différentes revues professionnelles, participent à différents congrès et appliquent les enseignements tirés d’une source à un autre contexte ou qu’ils combineraient même les sources. Toutefois, ce faisant, la partie faisant valoir l’évidence doit être en mesure de montrer non seulement l’existence de réalisations antérieures, mais aussi la manière dont la personne normalement versée dans l’art aurait été amenée à combiner les éléments pertinents provenant de la mosaïque des réalisations antérieures. La présente affaire est un bon exemple.

  • [803] Pour ce qui est de l’administration à fréquence réduite, le Dr Green a reconnu qu’il n’était même pas au courant de l’existence du document SBOA de la FDA en 2009. Ce document n’aurait pas été trouvé par la personne versée dans l’art et, si elle l’avait trouvé, il ne lui aurait rien enseigné sur l’effet des injections à fréquence réduite.

  • [804] Flechter 2002 indique qu’une dose de 20 mg tous les deux jours est [traduction] « probablement » aussi efficace qu’une dose quotidienne. Le Dr Green a admis en contre‑interrogatoire qu’en 2009 il ne connaissait pas cette étude.

  • [805] Pharmascience a reproché au Dr Prat son appréciation de Flechter 2002, expliquant qu’elle avait mis au jour une erreur au sujet du calcul du taux de rechute des patients recevant une dose un jour sur deux. Pharmascience soutient qu’une fois cette erreur corrigée, la critique du Dr Prat au sujet de Flechter 2002 ne tenait plus, pas plus que sa critique de la comparaison entre études. Cependant, le Dr Prat a dit qu’il avait évalué le rapport tel qu’il lui avait été présenté. Il a reconnu que si le calcul du taux de rechute sur deux ans était celui que Pharmascience avait indiqué (après son recalcul), les deux taux de rechute seraient semblables.

  • [806] Quoi qu’il en soit, le principal souci du Dr Prat au sujet de Flechter 2002 était qu’il rendait compte d’une étude d’investigation sans données suffisantes pour étayer sa « suggestion » qu’une dose de 20 mg d’acétate de glatiramère tous les deux jours était aussi efficace qu’une dose quotidienne.

  • [807] Pour ce qui est de Khan 2008, les experts ont convenu que le Dr Khan était un scientifique d’excellente réputation. Or, cela ne veut pas nécessairement dire que la personne versée dans l’art trouverait chaque article succinct écrit par le Dr Khan, qu’elle le lirait ou qu’elle serait guidée par lui. Le résumé avait moins d’une page de longueur et rendait compte d’une étude d’investigation menée auprès de 30 patients seulement et comparant une dose de 20 mg chaque jour à la même dose prise un jour sur deux. Comme l’a dit le Dr Prat, Khan 2008 faisait partie des 900 résumés au moins qui ont été présentés lors d’une conférence de trois jours réunissant 5 500 participants et, de ce fait, il n’aurait pas été porté à l’attention de toutes les personnes présentes. Le Dr Prat a ajouté que Khan 2008 ne ferait pas partie des connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art. Caon 2009 est aussi un résumé de moins d’une page qui rendait compte de la même étude menée auprès de 30 patients. Le Dr Prat a dit de Khan 2008 et de Coan 2009 que ces documents [traduction] « manquaient de puissance ».

  • [808] Même si la personne versée dans l’art trouvait ces résumés très courts, elle les lirait avec discernement et constaterait qu’ils rendent tous deux compte de la même étude chez 30 patients.

  • [809] Tous les experts ont reconnu que Comi 2008 décrivait une étude de phase III bien conçue, menée pour confirmer les résultats de l’étude de phase II (rapportés par Cohen 2007). Tous s’accordent à dire que l’étude a montré qu’une dose de 20 mg par jour et une dose de 40 mg par jour étaient aussi efficaces, y compris en ce qui concerne l’innocuité et la tolérabilité. Ils s’accordent tous à dire que Comi 2008 révélait certaines indications d’un début d’action plus rapide à la dose de 40 mg au cours des trois premiers mois, mais cette tendance n’a pas duré. Lorsqu’il cite Comi 2008 pour affirmer qu’une dose de 40 mg est potentiellement plus efficace, le Dr Green fait abstraction du fait qu’après trois mois, la tendance n’était plus perceptible et qu’à long terme, l’étude montre que la dose de 40 mg est en réalité aussi efficace.

  • [810] Le Dr Prat a expliqué que l’étude de phase III FORTE avait démontré qu’une dose de 40 mg par jour entraînait une augmentation des effets indésirables par rapport à une dose de 20 mg par jour. Il a précisé que dans sa présentation au Congrès mondial, le professeur Comi a qualifié cette augmentation des événements indésirables comme étant [traduction] « statistiquement significative par rapport à une dose d’acétate de glatiramère de 20 mg », en plus de préciser que [traduction]« la différence [était] principalement attribuable aux réactions au point d’injection ». Il a ajouté que l’étude avait révélé une « [TRADUCTION] augmentation de l’arrêt du traitement en raison de réactions au point d’injection à la dose supérieure [de 40 mg] ».

  • [811] La personne versée dans l’art qui examinerait Comi 2008 dans son intégralité ne conclurait pas que la dose de 40 mg surpasse la dose de 20 mg, seulement qu’elle est aussi efficace. La personne versée dans l’art serait également attentive à la possibilité d’effets secondaires indésirables dans le cas d’une dose de 40 mg.

  • [812] Pharmascience et le Dr Green s’appuient dans une large mesure sur Pinchasi 2007, qui constituerait l’état de la technique et l’élément de motivation sous‑tendant l’objet des revendications du brevet 802.

  • [813] À mon avis, il est peu probable que la personne versée dans l’art chercherait des demandes de brevet. Cependant, si la personne versée dans l’art découvrait Pinchasi 2007, elle en évaluerait les enseignements en se fondant sur le fait qu’il s’agit simplement d’une demande qui n’a pas été approuvée.

  • [814] Le Dr Green a décrit les trois messages de Pinchasi 2007 (voir ci‑dessus). Je ne suis pas d’accord pour dire que la personne versée dans l’art en tirerait les mêmes messages ou réunirait les autres éléments d’antériorité de la manière suggérée afin d’étoffer Pinchasi 2007.

  • [815] Si la personne versée dans l’art examinait Pinchasi 2007 ainsi que Cohen 2007 et Comi 2008, comme le suggère le Dr Green, elle ne conclurait vraisemblablement pas qu’on y enseigne qu’une dose de 40 mg administrée tous les deux jours pourrait être efficace. Si l’on peut considérer qu’une demande de brevet non approuvée enseigne quoi que ce soit, Pinchasi 2007 n’enseignait pas – malgré son renvoi à Cohen 2007 – qu’une dose de 40 mg était d’une efficacité accrue par rapport à une dose de 20 mg. Pas plus que Pinchasi 2007 n’enseignait l’administration d’une dose tous les deux jours. Il est vrai que Pinchasi 2007 fait état des résultats de Cohen 2007, mais ce document passe sous silence les autres résultats révélés par Comi 2008 quant aux effets indésirables de la dose de 40 mg. Par ailleurs, si la personne versée dans l’art lisait Pinchasi 2007, elle saurait qu’il porte essentiellement sur l’administration quotidienne de 40 mg d’acétate de glatiramère.

  • [816] Tel que mentionné dans la description de l’art antérieur qui précède, Pinchasi 2007 décrit son invention comme [traduction] « l’administration périodique » de 40 mg d’acétate de glatiramère pour atténuer les symptômes de la SP‑RR. Dans l’une des réalisations, l’administration périodique est quotidienne. Dans une autre, elle est tous les deux jours. Dans une troisième, la composition pharmaceutique se présente sous la forme d’une solution stérile à administrer une fois par jour. L’une des revendications concerne une administration quotidienne et une autre, une administration tous les deux jours. Cependant, le seul exemple donné repose sur l’étude de phase II FORTE, qui a comparé une dose de 40 mg et une dose de 20 mg administrées quotidiennement, comme le rapporte Cohen 2007. Il n’y a dans Pinchasi 2007 aucune donnée qui justifie l’administration tous les deux jours de 40 mg d’acétate de glatiramère.

  • [817] Mon examen de l’art antérieur et de l’ensemble des témoignages d’expert m’amène à conclure que l’état de la technique en 2009 peut être décrit comme suit :

  • Une dose de 20 mg d’acétate de glatiramère par jour était utilisée pour traiter la SP‑RR et le SCI;

  • L’administration d’une dose de 20 mg d’acétate de glatiramère tous les deux jours avait fait l’objet de petites études pilotes n’ayant pas fourni de résultats fiables, seulement des suggestions fondées sur un échantillon de petite taille (Flechter 2002, Khan 2008 et Caon 2009), qui ne soutiennent aucune conclusion ni aucun enseignement quant à l’efficacité de l’administration d’acétate de glatiramère tous les deux jours;

  • Comi 2008 (étude de phase III FORTE) avait démontré qu’une dose de 40 mg d’acétate de glatiramère était aussi efficace qu’une dose de 20 mg. Un début d’action généralement plus rapide était « suggéré » pour la dose de 40 mg. Une augmentation des effets indésirables, principalement associée à des réactions au point d’injection, était signalée pour la dose de 40 mg;

  • L’adhésion des patients aux traitements modificateurs de la maladie était une préoccupation générale pour tous les traitements et les schémas posologiques;

  • Plusieurs facteurs entraient en compte dans l’adhésion du patient, notamment les réactions au point d’injection;

  • Les interférons étaient des composés différents, ayant tous des schémas posologiques différents;

  • Pinchasi 2007 était une demande de brevet – n’ayant pas été approuvée – qui portait sur une dose de 40 mg par jour pour la SP‑RR et qui s’appuyait sur Cohen 2007 (étude de phase II FORTE).

  • [818] Les experts ont convenu que ce ne sont pas toutes les antériorités qui font partie des connaissances générales courantes.

  • [819] Je souscris à l’opinion du Dr Prat selon laquelle Flechter 2002, Khan 2008 et Caon 2009 ne faisaient pas partie des connaissances générales courantes.

  • [820] Je conviens également avec le Dr Prat qu’il n’était pas généralement connu qu’une dose quotidienne de 40 mg était potentiellement plus efficace qu’une dose quotidienne de 20 mg. Tel que mentionné, les résultats de phase II et de phase III ne faisaient état que d’une tendance observée après trois mois quant un début d’action plus rapide.

  • [821] Contrairement à ce que prétend Pharmascience, il n’était pas généralement connu que la diminution de la fréquence des injections permettait d’augmenter l’observance et l’adhésion des patients. Tous les experts ont convenu que plusieurs facteurs entrent en jeu lorsqu’il est question de l’observance et de l’adhésion.

  • [822] Le Dr Green a dit qu’[traduction] « un élément » de la non‑adhésion et de la non‑observance était lié à la fréquence des injections. Il a ajouté qu’il relevait [traduction] « tout simplement du bon sens » que si l’on réduisait la fréquence d’administration de la plupart des médicaments, il en résulterait une meilleure observance, surtout s’il existe une posologie pratique et facile à retenir pour le patient. Cependant, Devonshire 2006 et Treadaway 2009 n’appuient pas cette hypothèse. Le Dr Prat a mentionné à plusieurs reprises que la raison la plus courante de la non‑adhésion était l’oubli de prendre le médicament modificateur de la maladie.

(2) Les différences entre l’état de la technique et l’objet des revendications

[823] L’état de la technique et l’objet des revendications présentaient des différences importantes.

[824] Rappelons que le point de départ de l’examen des différences n’est pas la dose de 40 mg tous les deux jours (Pinchasi 2007), mais plutôt la dose optimale quotidienne de 20 mg. La personne versée dans l’art serait également au fait qu’il était établi qu’une dose de 40 mg était aussi efficace qu’une dose de 20 mg.

(3) L’essai n’allant pas de soi

[825] La personne versée dans l’art qui recourrait aux connaissances générales courantes et aux informations recueillies à la suite d’une recherche raisonnablement diligente (Ciba, au para 62) n’arriverait pas directement et sans difficulté à l’objet des revendications du brevet 802.

[826] Comme il a été mentionné plus tôt, Pharmascience n’a expliqué ni comment ni pourquoi la personne versée dans l’art combinerait les antériorités invoquées. Cependant, même si elle le faisait, elle ne tenterait pas pour autant de réaliser l’invention (Hospira, au para 86).

[827] Comme l’a dit le DPrat, même si la personne versée dans l’art ajoutait aux connaissances générales courantes les résultats d’une recherche raisonnablement diligente, elle ne trouverait pas plusieurs des articles cités par le DGreen, ou d’autres articles qu’il n’aurait pas déjà trouvés, pour étayer l’opinion qu’une dose de 40 mg trois fois par semaine était la voie à suivre. La recherche du DGreen a mis au jour plus de 1 300 articles, parmi lesquels une poignée a été invoquée et, comme je l’ai conclu, plusieurs d’entre eux ne seraient pas utiles à la personne versée dans l’art ni ne sauraient créer une mosaïque qui lui permettrait d’appuyer la position de Pharmascience.

[828] Contrairement à ce que prétend Pharmascience, le DPrat n’a pas reçu de directives erronées sur le critère relatif à l’évidence. Or, même si cela avait été le cas, c’est à la Cour qu’il appartient de déterminer si le critère établi dans l’arrêt Sanofi et explicité dans la jurisprudence subséquente a été respecté, eu égard à la preuve. La Cour est consciente que plusieurs facteurs sous‑tendent le critère de l’essai allant de soi, l’un d’eux étant de savoir s’il était évident en soi que l’invention fonctionnerait (Hospira, au para 90).

[829] La preuve n’établit pas qu’il était plus ou moins évident pour la personne versée dans l’art de tenter d’arriver à l’invention de la dose de 40 mg d’acétate de glatiramère trois fois par semaine, ou qu’il allait de soi qu’une telle dose aurait pour effet d’atténuer les symptômes de la SP‑RR.

[830] Combler les différences entre l’état de la technique et l’objet des revendications exigeait de faire preuve d’inventivité.

[831] Comme l’a souligné le DPrat, rien n’enseignait qu’une dose de 40 mg administrée à intervalles périodiques ou trois fois par semaine serait efficace. Par ailleurs, l’idée générale n’est pas d’augmenter la dose, la dose de 20 mg par jour étant considérée comme optimale, même si aucune étude n’explique comment on est arrivé à cette dose il y quelques années.

[832] L’état de la technique n’incitait pas à changer la dose et la fréquence d’administration. Comi 2008 a confirmé que les doses de 20 mg et de 40 mg étaient aussi efficaces l’une que l’autre. La suggestion selon laquelle la dose de 40 mg montrait un début d’action plus rapide, ou la tendance observée à cet égard, ne motiverait pas la personne versée dans l’art, car ces résultats n’ont pas été obtenus pendant longtemps et que rien ne prouve ou ne tend à indiquer qu’on obtiendrait les mêmes résultats avec une dose administrée tous les deux jours.

[833] Les experts ont reconnu que, si les réactions au point d’injection soulevaient des préoccupations, il ne s’agissait pas là d’un facteur important incitant à réduire la fréquence d’injection. Le DPrat a fait remarquer que cette source de préoccupation motiverait la personne versée dans l’art à envisager le recours à des médicaments non injectables. Elle ne motiverait pas la personne versée dans l’art à envisager l’administration d’une dose supérieure, car il est toujours préférable d’administrer une dose inférieure, si elle est efficace.

[834] Qui plus est, le DPrat a mentionné que Comi 2008, qui faisait davantage autorité, faisait état de réactions indésirables à la dose de 40 mg. Il a ajouté qu’une personne versée dans l’art n’augmenterait pas la dose si cela aggravait les réactions indésirables.

[835] La Dre Morrow a dit que si un patient s’inquiétait de l’utilisation de seringues, réduire le nombre des injections n’était pas la solution; il fallait plutôt adopter une approche différente. Le DPrat a mentionné également que certains patients craignent les auto-injections, mais que leur crainte est de courte durée.

[836] Comme je l’ai mentionné plus tôt, le DGreen a également convenu que les réactions au point d’injection étaient un [traduction] « élément » qui contribuait à la non‑adhésion.

[837] Le DPrat a reconnu que le brevet 802 indiquait que dans les essais cliniques, [traduction] « les réactions au point d’injection ont constitué les réactions indésirables les plus fréquentes et ont été signalées par la majorité des patients recevant [l’acétate de glatiramère] ». Cependant, cette réaction était par rapport aux injections de placebo.

[838] Le schéma posologique de Rebif, une dose trois fois par semaine, ne motiverait pas la personne versée dans l’art, puisque tous conviennent que les interférons sont différents – même si personne ne peut expliquer en quoi – et que les autres interférons ont des schémas posologiques différents.

[839] Le DPrat a expliqué que s’il existait une motivation à cesser les injections, une formulation orale pourrait être étudiée. Il a reconnu l’échec de l’étude CORAL et a fait remarquer qu’il était possible de modifier l’acétate de glatiramère en vue de concevoir une préparation administrée par voie orale. Il a mentionné d’autres solutions pour éviter les injections, dont la préparation injectable à libération prolongée ou le timbre. Il a souligné qu’il y avait peu de motivation à trouver un nouveau cycle posologique.

[840] Pour ce qui est des efforts requis pour arriver à l’invention, la suggestion du DGreen – qu’il serait simple de discuter du schéma posologique avec un patient – repose sur son opinion que le point de départ était une dose de 40 mg un jour sur deux. Le DGreen a reconnu que, en 2009, il aurait fallu injecter au patient deux doses de 20 mg pour obtenir une dose de 40 mg un jour sur deux ou trois fois par semaine parce que la dose de 40 mg n’était pas disponible. À mon avis, l’objectif de réduire la fréquence des injections serait loin d’être atteint avec deux injections. En outre, la suggestion du DGreen, à savoir qu’un patient pourrait combiner deux doses de 20 mg dans une même seringue, semble dépasser les compétences du patient ou aller au‑delà de sa volonté.

[841] Le DGreen a également convenu qu’il serait nécessaire de mener une étude clinique pour évaluer si une dose de 40 mg trois fois par semaine serait efficace. Quand on lui a demandé si l’administration d’une dose de 40 mg en dehors du cadre d’une étude clinique serait un travail habituel, le DGreen a répondu qu’il serait [traduction] « logique » de postuler le recours à un régime de trois doses par semaine. Le DGreen a fait une distinction entre le travail habituel et le travail clinique habituel.

[842] Pour ce qui est de cette utilisation non conforme à l’étiquette, le DGreen a reconnu qu’il avait exprimé une opinion différente dans d’autres instances, alors qu’il a dit qu’il serait inapproprié de prescrire une dose de 20 mg un jour sur deux, car il s’agirait d’une utilisation non conforme à l’étiquette qui ne conviendrait que dans le cadre d’une étude clinique (et non du travail clinique habituel). Le DGreen a également convenu qu’il ne conseillerait pas à ses patients d’omettre des doses ni de prendre Copaxone à 40 mg trois fois par semaine jusqu’à ce que cette utilisation soit approuvée.

[843] J’accorde davantage de poids au témoignage du DPrat, qui a déclaré qu’un essai clinique serait nécessaire et qu’un neurologue ne pourrait ni ne voudrait administrer une dose de 40 mg de façon non conforme à l’étiquette, même si elle était disponible.

[844] Quant à l’historique des inventions, Teva n’a pas fait témoigner les inventeurs. Contrairement à ce que prétend Pharmascience, la Cour ne tire de cette décision aucune inférence défavorable. Mme Kreitman a expliqué les travaux réalisés par Teva.

[845] Mme Kreitman a déclaré que Teva avait mené plusieurs études pour examiner divers moyens possibles d’améliorer Copaxone. S’agissant du régime d’administration à fréquence réduite et à dose supérieure qui a finalement mené à Copaxone à 40 mg trois fois par semaine, Mme Kreitman a expliqué que son équipe, chez Teva, avait évalué plusieurs schémas posologiques (dont 40 mg un jour sur deux, 40 mg trois fois par semaine, 35 mg trois fois par semaine et 40 mg une ou deux fois par semaine) avant qu’il soit décidé de procéder à l’essai clinique du schéma de 40 mg trois fois par semaine (l’essai GALA).

[846] Mme Kreitman a reconnu que Teva ne disposait d’aucune donnée clinique à l’appui des schémas posologiques à fréquence réduite qui étaient envisagés, mais disposait de données précliniques.

[847] Pharmascience fait valoir que Teva a cherché à arriver à l’invention parce que son autre brevet était sur le point d’expirer et qu’elle craignait que la version générique de l’acétate de glatiramère à 20 mg soit administrée trois fois par semaine plutôt que le produit à 40 mg. Mme Kreitman a reconnu que l’autre brevet allait expirer, mais, au sujet de l’utilisation générique possible de la dose de 20 mg, elle a expliqué qu’elle avait reçu la copie d’un courriel transmis par une autre personne, qui faisait état d’une crainte quant à l’utilisation du produit générique.

[848] Contrairement à ce que Pharmascience a affirmé, je ne crois pas que Teva a procédé à l’essai GALA uniquement pour confirmer ce que l’on savait déjà.

[849] En conclusion, l’objet des revendications – une dose de 40 mg d’acétate de glatiramère administrée trois fois par semaine pour traiter la SP‑RR et atténuer les symptômes mesurés de façons différentes – n’était pas évident. Grâce à ses connaissances générales courantes et aux autres renseignements obtenus à l’issue d’une recherche raisonnablement diligente, la personne versée dans l’art n’aurait pas pu combler aisément les différences importantes qu’il y avait entre l’état de la technique et l’objet des revendications. Il n’était pas évident de faire l’essai d’une dose de 40 mg d’acétate de glatiramère trois fois par semaine, pas plus qu’il n’allait de soi que la dose de 40 mg administrée trois fois par semaine serait efficace; il existait d’autres solutions pour régler le problème de l’adhésion des patients, si c’était là une préoccupation; et il n’y avait aucun motif d’augmenter la dose, étant donné qu’il n’avait pas été établi que la dose supérieure était plus efficace, tout en réduisant la fréquence d’administration.

XXV. Le brevet 802 est‑il invalide pour cause d’absence d’utilité ou de prédiction valable d’utilité?

A. Les observations de Teva

[850] Teva soutient que Pharmascience ne s’est pas acquittée de son fardeau d’établir l’inutilité de l’invention, selon la prépondérance des probabilités, car elle n’a produit aucune preuve en ce sens. Pharmascience n’a pas non plus présenté de preuve établissant que l’utilité de l’invention n’était pas valablement prédite et étayée par les renseignements divulgués dans le brevet 802 dans les antériorités incorporées par renvoi.

[851] Teva soutient que l’utilité réelle de l’invention n’a pas été contestée. Par ailleurs, l’objet des revendications est utile. Elle souligne que l’acétate de glatiramère à 40 mg a été approuvé pour le traitement de la SP‑RR sous forme d’injection sous‑cutanée administrée trois fois par semaine. Teva soutient que cette approbation n’aurait pas été accordée sans preuve d’efficacité. Il ressort aussi clairement de la preuve qu’au Canada les médecins prescrivent Copaxone à 40 mg d’une manière conforme aux revendications invoquées (c’est‑à‑dire pour traiter la SP‑RR). Teva se demande pourquoi Pharmascience voudrait reproduire l’invention si elle n’était pas utile.

[852] Teva fait valoir que l’attaque de Pharmascience contre l’utilité du brevet 802 semble concerner davantage la non‑divulgation de l’utilité. Elle soutient que l’obligation de divulgation vise à garantir que l’invention peut être mise en pratique. Il est possible de satisfaire à l’obligation d’utilité sans divulgation aucune à la condition de respecter le critère énoncé dans l’arrêt AstraZeneca Canada Inc c Apotex Inc, 2017 CSC 36 au para 53 [AstraZeneca]. Teva soutient que c’est le cas; l’objet de l’invention peut donner un résultat concret, c’est‑à‑dire atténuer les symptômes de la SP‑RR.

[853] Teva soutient que tout ce qui est requis pour établir qu’il y a prédiction valable est une « inférence prima facie raisonnable de l’utilité » (Eli Lilly Canada Inc c Novopharm Limited, 2010 CAF 197 au para 85).

[854] Teva souligne que le brevet 802 contient une description détaillée de l’étude clinique de phase III, y compris son protocole, ses critères de jugement intermédiaires et finaux, ainsi que les résultats, sur le plan de l’efficacité et de l’innocuité, d’une dose de 40 mg administrée trois fois par semaine, tout cela constituant la prédiction qui permet de conclure à au moins une parcelle d’utilité. Le brevet incorpore également 18 renvois à l’appui de l’invention. Teva soutient que cette divulgation, combinée aux 18 renvois, est plus que suffisante pour satisfaire au critère.

[855] Teva soutient de plus que le caractère valable d’un raisonnement peut être apprécié en se demande si la personne versée dans l’art interpréterait et accepterait la logique présentée dans le mémoire descriptif du brevet (Bell Helicopter Textron Canada Limitée c Eurocopter, société par actions simplifiée, 2013 CAF 219 au para 154 [Eurocopter]). Teva souligne que Pharmascience n’a pas demandé aux experts s’ils souscrivaient à la logique du brevet 802.

[856] Teva ajoute que l’expert de Pharmascience, le DGreen, ne s’est pas prononcé sur la question de savoir si cette divulgation ne répondait pas aux exigences en matière d’utilité.

[857] Teva soutient qu’elle avait un raisonnement valable, qui reposait notamment sur des recherches internes approfondies concernant l’acétate de glatiramère, dont des études précliniques montrant l’efficacité d’une posologie à fréquence réduite; la proposition, la planification et la conception d’une étude clinique exhaustive de phase III sur l’efficacité d’une dose de 40 mg trois fois par semaine, et le lancement de l’essai clinique auprès de patients atteints de la SP‑RR.

[858] Teva soutient que Mme Kreitman a décrit un processus qui n’était manifestement pas courant. Mme Kreitman a expliqué que la décision de Teva de mettre au point le produit de 40 mg administré trois fois par semaine reposait sur les études précédentes portant sur l’acétate de glatiramère, les études montrant l’innocuité de la dose de 40 mg et les travaux visant à comprendre le mécanisme d’action de Copaxone. Mme Kreitman a fait état des données précliniques de Teva et a indiqué que cette dernière avait mené des études animales avant août 2009.

[859] Teva fait valoir que Pharmascience affirme simplement que les exigences d’une démonstration ou d’une prédiction valable de l’utilité à la date de dépôt du brevet 802 ne sont pas remplies, et ce, même si elle n’a déposé aucune preuve. Teva attire notre attention sur un échange déroutant qui a eu lieu avec le DPrat en contre‑interrogatoire.

[860] Teva soutient que Pharmascience ne peut s’appuyer sur les réponses du DPrat pour s’acquitter du fardeau qui lui incombe d’établir l’absence d’utilité ou l’absence de prédiction valable. L’opinion du DPrat portait sur la validité du brevet 802. Il a clairement dit qu’il ne connaissait pas très bien les critères juridiques relatifs à l’utilité ou le concept des inférences raisonnables que recherchait Pharmascience. Il a donné ses réponses en se fondant sur les connaissances générales courantes en date d’août 2009, ce qui n’est pas la date pertinente pour l’analyse de l’utilité. Le DPrat a déclaré qu’il ignorait ce que Teva avait pu faire entre les mois d’août 2009 et d’août 2010.

[861] Teva conteste également la proposition de Pharmascience selon laquelle le résultat d’un essai clinique de phase III ne pouvait pas être prédit avant qu’on ait compilé l’ensemble des données et que, de ce fait, Teva ne pouvait pas prédire valablement l’utilité. Teva fait observer que Pharmascience a adopté le point de vue contraire dans le cas de la validité du brevet 437.

[862] Teva soutient que la Cour suprême du Canada a rejeté l’idée qu’il est possible de déclarer un brevet invalide parce que l’essai clinique de phase III n’est pas terminé, soulignant que les exigences en matière de prédiction valable d’utilité ne sont pas du même ordre que les exigences en matière d’approbation réglementaire, et que la règle de la prédiction valable reconnaît qu’il reste d’autres travaux à accomplir (Apotex Inc c Wellcome Foundation Ltd, 2002 CSC 77 au para 77 [Wellcome]).

B. Les observations de Pharmascience

[863] Pharmascience soutient que si le brevet 802 n’est pas évident à cause de l’état antérieur de la technique, alors Teva ne peut pas recourir aux antériorités qu’elle écarte ou rejette pour étayer l’utilité ou la prédiction valable de l’utilité du brevet 802. Plus particulièrement, elle soutient que si Teva a raison à propos de l’état antérieur de la technique (c.‑à‑d., que l’administration d’une dose de 40 mg un jour sur deux n’en fait pas partie), alors Teva ne dispose d’aucune antériorité sur laquelle se fonder avant la date du dépôt pour prédire valablement l’utilité d’un schéma posologique de 40 mg d’acétate de glatiramère trois fois par semaine.

[864] Pharmascience soutient qu’il n’existe aucune démonstration d’utilité, c.‑à‑d. aucune donnée à l’appui de la dose de 40 mg trois fois par semaine. Elle ajoute que Teva n’a effectué ou divulgué aucun essai à l’appui d’une prédiction valable, en date d’août 2010, que l’administration de 40 mg d’acétate de glatiramère trois fois par semaine serait efficace pour traiter la SP‑RR.

[865] Pharmascience affirme qu’aucune donnée de l’essai GALA n’a été disponible avant plusieurs mois et qu’aucun fondement factuel ne permettait à Teva de faire une prédiction au sujet des utilisations revendiquées. Elle fait remarquer que le premier patient inscrit à l’essai GALA l’a été à la fin de juin 2010. Elle soutient que Teva n’aurait pas pu démontrer l’utilité avant le 19 août 2010 et qu’elle n’aurait ainsi pas pu prédire valablement l’utilité de la dose de 40 mg d’acétate de glatiramère trois fois par semaine pour le traitement de la SP‑RR chez un patient humain.

[866] Pharmascience souligne les réponses qu’a données le DPrat en contre-interrogatoire, dont sa déclaration selon laquelle [traduction] « [j]e ne vois pas pourquoi la personne versée dans l’art inférerait qu’une dose de 40 mg trois fois par semaine fonctionnerait mieux ou serait meilleure qu’une dose quotidienne de 20 mg ».

[867] Pharmascience qualifie l’exemple donné dans le brevet 802 de [traduction] « prophétique », car il fait référence à une étude à venir (GALA), qui, une fois terminée, n’a produit aucune donnée au sujet de l’efficacité comparative d’une dose de 40 mg trois fois par semaine par rapport à d’autres schémas posologiques parce que l’élément de comparaison était un placebo.

[868] Pharmascience soutient également que Teva a un [traduction] « problème de divulgation fatal ». Elle fait valoir que Teva ne peut se fonder sur le témoignage au cours duquel Mme Kreitman a décrit les essais animaux ou in vitro réalisés à l’interne par Teva au sujet de Copaxone et du produit glatiramoïde TV‑5010, ce qui a peut‑être incité Teva à croire que les produits pouvaient être administrés moins souvent qu’une fois par jour parce que cela n’était pas divulgué dans le brevet 802. Elle ajoute qu’il n’y a aucune raison de croire que les essais relatifs au TV‑5010 auraient pu étayer une prédiction au sujet de l’acétate de glatiramère.

[869] Pharmascience laisse également entendre que le témoignage de Mme Kreitman est incompatible avec une présentation qui a été faite au PDG de Teva en juin 2009, laquelle indiquait qu’il n’y avait aucune donnée justificative disponible pour le schéma posologique d’une dose de 40 mg trois fois par semaine.

C. Les principes tirés de la jurisprudence

[870] Aux paragraphes 42 et 43 de l’arrêt AstraZeneca, la Cour suprême du Canada a précisé le critère relatif à l’utilité de même que la distinction établie entre les exigences énoncées à l’article 2 de la Loi sur les brevets (au sujet de l’utilité) et au paragraphe 27(3) (au sujet de la divulgation) :

[42] Le paragraphe 27(3) de la Loi prévoit que, dans le mémoire descriptif, un « breveté doit fournir une description de l’invention “comportant des détails assez complets et précis pour qu’un ouvrier, versé dans l’art auquel l’invention appartient, puisse construire ou exploiter l’invention après la fin du monopole” » : Whirlpool, par. 42, citant Consolboard, p. 517.

[43] Il existe une différence entre la condition prévue à l’art. 2 voulant que l’invention soit « utile » (« useful » dans la version anglaise de la disposition) et l’obligation de divulguer l’« application ou exploitation » de l’invention énoncée au par. 27(3) (« operation or use » dans la version anglaise de cette disposition). Comme l’a expliqué le juge Dickson (plus tard Juge en chef) dans Consolboard, la première est une « condition essentielle pour qu’il y ait invention », et la seconde est une « exigence de divulgation, indépendante de la première » :

. . . la Cour d’appel fédérale a aussi commis une erreur en jugeant que le par. 36(1) [aujourd’hui les par. 27(3) et (4)] exige une indication distincte de l’utilité réelle de l’invention en cause. Il y a un exposé utile dans Halsbury’s Laws of England, (3e éd.), vol. 29, à la p. 59 sur le sens de « inutile » en droit des brevets. Le terme signifie [traduction] « que l’invention ne fonctionnera pas, dans le sens qu’elle ne produira rien du tout ou, dans un sens plus général, qu’elle ne fera pas ce que le mémoire descriptif prédit qu’elle fera ». On n’a pas prétendu que l’invention ne produirait pas les résultats promis. . . .

. . . la Cour d’appel fédérale a confondu l’exigence de l’art. 2 de la Loi sur les brevets, qui définit une invention comme une chose nouvelle et « utile » et celle du par. 36(1) [aujourd’hui l’al. 27(3)] de la Loi sur les brevets selon laquelle le mémoire descriptif doit faire état de l’usage auquel l’inventeur a prévu employer l’invention. La première est une condition essentielle pour qu’il y ait invention, la seconde est une exigence de divulgation, indépendante de la première. [Je souligne.]

(Consolboard, aux p 525 et 527)

Même si le passage cité précédemment utilise le terme « promis », celui‑ci ne renvoie pas à la doctrine de la promesse ni ne l’incarne.

[871] Dans l’arrêt AstraZeneca, aux paragraphes 54‑58, la Cour suprême a énoncé le critère relatif à l’utilité et a réitéré que celle-ci doit être soit démontrée, soit valablement précitée :

[54] Pour déterminer si un brevet divulgue une invention dont l’utilité est suffisante au sens de l’art. 2, les tribunaux doivent procéder à l’analyse suivante. Ils doivent d’abord cerner l’objet de l’invention suivant le libellé du brevet. Puis, ils doivent se demander si cet objet est utile — c’est‑à‑dire, se demander s’il peut donner un résultat concret.

[55] La Loi ne prescrit pas le degré d’utilité requis. Elle ne prévoit pas non plus que chaque utilisation potentielle doit être réalisée — une parcelle d’utilité suffit. Une seule utilisation liée à la nature de l’objet est suffisante, et l’utilité doit être établie au moyen d’une démonstration ou d’une prédiction valable à la date de dépôt : AZT, par. 56.

[56] L’exigence de l’utilité répond à un objectif clair. Pour éviter que des brevets soient accordés prématurément — ce qui limiterait la recherche et le développement potentiellement utiles que d’autres personnes pourraient effectuer —, la jurisprudence a imposé une condition voulant que l’utilité de l’invention soit démontrée ou valablement prédite au moment de la demande, plutôt qu’ultérieurement. Cela fait en sorte que le brevet ne sera pas octroyé si l’utilisation de l’invention est conjecturale. Ce qui importe, c’est que l’invention soit [traduction] « utile, c’est‑à‑dire qu’elle puisse servir une fin connue utile », et qu’il ne peut s’agir d’une simple « curiosité de laboratoire dont la seule utilité possible serait de servir de point de départ à des recherches plus poussées » : Re Application of Abitibi Co. (1982), 62 C.P.R. (2d) 81 (Commission d’appel des brevets et commissaire aux brevets), p. 91.[57] Par conséquent, l’application de la condition d’utilité prévue à l’art. 2 doit être interprétée conformément à l’objectif qu’il vise, soit empêcher qu’un brevet soit octroyé pour une invention fantaisiste, hypothétique ou inutilisable.

[58] Même si l’utilité de l’objet est une exigence pour que le brevet soit valide, le breveté n’est pas tenu de divulguer l’utilité de l’invention pour satisfaire aux exigences énoncées à l’art. 2. Comme l’a affirmé le juge Dickson dans Consolboard :

. . . je ne donne pas aux derniers mots du par. 36(1) [aujourd’hui le par. 27(4)] une interprétation qui oblige l’inventeur à décrire, dans sa divulgation ou ses revendications, en quoi l’invention est nouvelle et de quelle manière elle est utile. Il doit dire ce qu’il revendique avoir inventé. [p. 526]

Voir également Teva, au para 40.

[872] Dans l’arrêt Wellcome, au paragraphe 70, la Cour suprême du Canada a énoncé les exigences de la prédiction valable : un fondement factuel, un raisonnement clair et « valable » qui permet d’inférer du fondement factuel le résultat souhaité, ainsi qu’une divulgation suffisante. La Cour suprême a ajouté, au sujet de la divulgation que, « [n]ormalement, la divulgation est suffisante si le mémoire descriptif explique d’une manière complète, claire et exacte la nature de l’invention et la façon de la mettre en pratique ».

[873] La Cour suprême a dit, au paragraphe 77 :

77 Les appelantes contestent la conclusion du juge de première instance. Dans leur mémoire (mais non dans leur plaidoirie), elles allèguent que l’utilité doit être démontrée au moyen d’essais cliniques préalables sur des êtres humains, établissant la toxicité, les caractéristiques métaboliques, la biodisponibilité et d’autres éléments. Ces facteurs sont conformes à ce que la présentation d’une drogue nouvelle doit comporter pour que le ministre de la Santé puisse en évaluer l’« innocuité » et l’« efficacité ». Voir maintenant le Règlement sur les aliments et drogues, C.R.C. 1978, ch. 870, par. C.08.002(2), modifié par DORS/95-411, par. 4(2), qui prévoit notamment :

La présentation de drogue nouvelle doit contenir suffisamment de renseignements et de matériel pour permettre au ministre d’évaluer l’innocuité et l’efficacité de la drogue nouvelle. . .

Les conditions préalables en matière de preuve que doit remplir le fabricant qui souhaite commercialiser une drogue nouvelle visent un objectif différent de celui visé par le droit des brevets. Dans le premier cas, on parle d’innocuité et d’efficacité alors que, dans le deuxième cas, il est question d’utilité, mais dans le contexte de l’inventivité. De par sa nature, la règle de la prédiction valable présuppose l’existence d’autres travaux à accomplir.

[874] Dans l’arrêt Eurocopter, aux paragraphes 154 et 155, la Cour d’appel a fait remarquer que le droit était incertain quant à savoir s’il existait une obligation de divulgation accrue lorsque la prédiction valable était invoquée. La Cour d’appel a mentionné qu’il convenait d’adopter une approche contextuelle dans chaque cas. Elle a expliqué que le caractère valable d’un raisonnement peut être apprécié du point de vue de la personne versée dans l’art qui, à l’aide de ses connaissances générales courantes, devrait décider si elle doit accepter la logique que présente le raisonnement. La Cour d’appel a déclaré ce qui suit, aux paragraphes 152‑155 :

[152] À mon avis, le fondement factuel, le raisonnement et le niveau de divulgation requis en vertu de la règle de la prédiction valable doivent être appréciés en fonction des connaissances dont une personne versée dans l’art aurait pour étayer cette prédiction et aussi en fonction de la compréhension qu’elle se ferait du raisonnement logique conduisant à établir l’utilité de l’invention.

[153] Lorsqu’on peut trouver le fondement factuel dans des règles ou des principes scientifiques reconnus ou dans ce qui constitue les connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art, il pourrait ne pas être nécessaire de divulguer ce fondement factuel dans le mémoire descriptif. À l’inverse, lorsque le fondement factuel repose sur des données qui ne font pas partie des connaissances générales courantes, il se peut fort bien que la divulgation dans le mémoire descriptif soit exigée pour étayer une prédiction valable.

[154] Tel qu’indiqué dans le Recueil des pratiques du Bureau des brevets, publié par le Bureau des brevets du Canada (par. 12.08.04b et12.08.04c), vu que le raisonnement valable s’adresse à une personne versée dans l’art, les éléments du raisonnement valable qui seraient évidents par eux‑mêmes à la personne versée dans l’art, en raison de ses connaissances générales courantes, n’ont pas besoin d’être divulgués explicitement dans la demande. Le caractère valable d’un raisonnement peut être efficacement apprécié en se demandant si la personne versée dans l’art accepterait la logique que présente le raisonnement et s’attendrait, par déduction de l’ensemble de la prédiction valable, à ce que l’invention procure l’utilité recherchée.

[155] Par conséquent, lorsque la prédiction valable est fondée sur des connaissances faisant partie des connaissances générales courantes et sur un raisonnement qui semblerait évident à une personne versée dans l’art (ce qui est souvent le cas pour les inventions mécaniques), les exigences en matière de divulgation pourraient facilement être remplies simplement en décrivant l’invention de façon suffisamment détaillée pour en permettre la réalisation. Il convient donc d’adopter une approche contextuelle dans chaque cas.

[875] Il est possible de résumer comme suit les principes qui se dégagent de la jurisprudence :

  • L’utilité d’un brevet doit être établie soit par démonstration, soit par prédiction valable à la date du dépôt.

  • Le critère de l’utilité impose d’abord à la Cour de cerner l’objet de l’invention et, ensuite, de se demander si cet objet est utile – c’est‑à‑dire, s’il peut donner un résultat concret.

  • Une parcelle d’utilité suffit.

  • Une prédiction valable exige : un fondement factuel, un raisonnement valable qui permette d’inférer du fondement factuel le résultat souhaité à la date de la demande du brevet, et une divulgation suffisante (une description complète, claire et exacte de la nature de l’invention et de la façon dont elle peut être mise en pratique).

  • Les exigences en matière de divulgation qui sont énoncées au paragraphe 27(3) sont distinctes de celles qui s’appliquent à l’utilité. Le paragraphe 27(3) n’exige pas que l’utilité de l’invention soit divulguée. Il est satisfait aux exigences du paragraphe 27(3) si la personne versée dans l’art peut réaliser l’objet visé à l’aide des instructions ou de la description que comporte la divulgation.

D. Le brevet 802 n’est pas invalide pour cause d’absence de prédiction valable d’utilité

[876] S’agissant du critère de l’utilité énoncé dans l’arrêt AstraZeneca, la première étape consiste à cerner l’objet de l’invention. Dans le cas du brevet 802, l’objet est la dose de 40 mg d’acétate de glatiramère trois fois par semaine (avec un jour d’intervalle entre chaque dose) pour traiter la SP‑RR et en atténuer un symptôme (mesuré de diverses façons). L’étape suivante consiste à déterminer si cet objet est utile, en ce sens qu’il peut donner un résultat concret.

[877] Même si Teva soutient que le brevet est utile, sans quoi Pharmascience ne voudrait pas le reproduire, elle n’en a pas démontré l’utilité à la date du dépôt. Teva ne nie pas qu’aucune donnée n’est divulguée dans le brevet 802, mais elle fait plutôt valoir que l’essai clinique était en cours et qu’il visait à confirmer ou à éprouver les résultats d’études antérieures et plus petites, et elle se fonde sur les documents cités dans le brevet 802 et sur la description faite par Mme Kreitman quant aux essais cliniques qui ont été réalisés afin d’améliorer Copaxone et aux travaux de planification importants qui les ont précédés.

[878] Lorsque l’utilité n’est pas démontrée, elle doit être valablement prédite. Pharmascience allègue, mais n’a pas établi, que le brevet 802 ne contenait pas de prédiction valable de l’utilité. La preuve n’étaye pas cette allégation.

[879] Le brevet 802 divulgue le raisonnement qui a été suivi pour appliquer la posologie à fréquence réduite de 40 mg et renvoie à d’autres études, quoique petites, de même qu’aux études de phase II et de phase III qui démontraient l’efficacité d’une dose quotidienne de 20 mg et de 40 mg d’acétate de glatiramère.

[880] Le brevet 802 présente les détails de l’essai GALA – une étude randomisée, à double insu, multinationale, multicentrique de phase III portant sur des sujets atteints de SP‑RR, en vue d’évaluer l’efficacité, l’innocuité et la tolérabilité d’une dose de 40 mg d’acétate de glatiramère administrée par injection trois fois par semaine, comparativement à un placebo. Les objectifs, la conception, les critères d’inclusion et d’exclusion, les critères de jugement primaires, secondaires et exploratoires, diverses mesures de résultat, des considérations d’ordre statistique et des mesures de résultat primaires sont décrits.

[881] À la section « analyse » du brevet 802, il est écrit qu’un [traduction] « inconvénient important du traitement par [l’acétate de glatiramère] est la nécessité d’injections quotidiennes, ce qui peut être peu pratique ». Cette analyse fait état de plusieurs inconvénients du traitement par l’acétate de glatiramère, dont le volume d’injection, la dégradation du médicament et une irritation localisée. On peut également lire qu’en raison du comportement pharmacocinétique d’un médicament, les variations dans la fréquence d’administration sont imprévisibles et nécessitent des essais empiriques.

[882] Comme il est indiqué au paragraphe 77 de l’arrêt Wellcome, les résultats d’une étude clinique sont essentiels à l’approbation réglementaire, mais la règle de la prédiction valable reconnaît ou « présuppose l’existence d’autres travaux à accomplir ».

[883] L’essai GALA, décrit dans le brevet 802, est l’un de ces « autres travaux à accomplir ».

[884] En ce qui concerne son allégation d’évidence, Pharmascience a fait valoir que Teva a mené l’essai GALA pour confirmer ce que l’on savait déjà. Elle prétend maintenant que Teva ne savait pas que l’invention serait utile et qu’aucune utilité n’a été valablement prédite. Il n’était pas connu ou évident qu’une dose de 40 mg administrée trois fois par semaine serait efficace pour traiter la SP mais, à mon avis, le brevet 802 comporte une prédiction valable.

[885] La personne versée dans l’art examinerait le brevet 802 et les détails de l’essai GALA, y compris les résultats escomptés, ainsi que les connaissances générales courantes (qui, tel que mentionné, sont qu’une dose de 20 mg était efficace, qu’une dose quotidienne de 40 mg était tout aussi efficace (Comi 2008) et que plusieurs facteurs, dont les réactions au point d’injection, contribuaient à la non-adhésion des patients), et accepterait la logique que présente le raisonnement – qu’une dose de 40 mg trois fois par semaine atténuerait les symptômes de la SP‑RR (Eurocopter, aux para 154‑155). Une parcelle d’utilité est tout ce qui est exigé, et la personne versée dans l’art s’attendrait à au moins une parcelle d’utilité pour traiter la SP‑RR eu égard à la logique présentée.

[886] La divulgation du brevet 802 est plus que suffisante pour permettre à la personne versée dans l’art de mettre en pratique l’objet des revendications.

[887] Pharmascience se fonde sur le témoignage donné par le DPrat en contre-interrogatoire ainsi que sur celui de Mme Kreitman pour étayer l’allégation qu’aucune utilité n’a été démontrée ou valablement prédite. Elle fait valoir que si les antériorités citées ne suffisent pas à rendre le brevet 802 évident, elles ne sauraient alors étayer l’utilité de l’invention.

[888] Bien qu’un témoignage donné en contre‑interrogatoire puisse servir à établir de tels critères juridiques, ce n’est pas le cas en l’espèce.

[889] Comme il a été souligné dans la décision Pfizer Canada Inc c Apotex Inc, 2017 CF 774, au para 373, la Cour doit se garder d’accepter les réponses données par des experts sur des critères juridiques qui débordent le cadre de leur mandat et les limites de leur expertise :

[373] Toutefois, je ne peux pas accepter ces éléments de preuve pour plusieurs raisons. Premièrement, comme Pfizer l’a mentionné à juste titre, ni M. Bastin ni M. Steed n’ont reçu de directives sur le droit de l’antériorité, en plus de n’avoir reçu aucune directive tant sur la divulgation que sur le caractère réalisable. Je ne vois pas comment la Cour peut accepter avec confiance ce qu’affirme un scientifique agissant comme témoin expert lorsqu’il n’a aucune compréhension du sens juridique des mots ou des notions en cause.

[890] Pharmascience fait remarquer que le protocole GALA renvoie à Flechter 2002, à Khan 2008 et à Caon 2009, des documents qui, selon Teva, ne faisaient pas tous partie de l’art antérieur et n’enseignaient rien. Même si ces petites études n’étaient pas suffisantes pour étayer l’allégation d’évidence, l’utilité commande une analyse différente. Pour ce qui est de l’évidence, il appert qu’une recherche n’aurait pas permis de découvrir ces courts résumés portant sur de petites études (et la recherche du DGreen n’a pas permis de les découvrir), et que ceux‑ci ne faisaient pas partie des connaissances générales courantes ou de la mosaïque d’antériorités que la personne versée dans l’art combinerait pour arriver à l’invention. L’expert de Pharmascience, le DGreen, a convenu qu’il ne changerait pas sa pratique ou qu’il ne l’avait pas changée en se fondant sur ces études de petite envergure. Cependant, pour ce qui est de l’utilité, ces documents sont incorporés par renvoi dans le brevet 802 et la personne versée dans l’art peut en tenir compte dans son examen de la logique exposée dans ce brevet.

[891] Le DPrat a reconnu que le protocole GALA citait Flechter 2002, Khan 2008 et Caon 2009 (qui portaient sur une dose quotidienne de 20 mg par opposition à une dose de 20 mg un jour sur deux) à l’appui de l’étude de phase III. Il a expliqué que ces essais de petite envergure doivent être confirmés par une étude de phase II et de phase III, comme leurs auteurs l’ont mentionné. L’essai GALA, qui ne proposait pas l’administration d’une dose de 20 mg tous les deux jours, visait à confirmer l’utilité et l’efficacité d’un schéma posologique à fréquence réduite.

[892] Quant à son allégation d’absence de prédiction valable d’utilité, Pharmascience s’appuie sur la réponse du DPrat à la question de savoir si – sans donnée aucune de l’essai GALA – la personne versée dans l’art inférerait qu’une dose de 40 mg trois fois par semaine fonctionnerait. Le DPrat a répondu que la personne versée dans l’art n’aurait pas pensé ça : [traduction] « [j]e ne vois pas pourquoi la personne versée dans l’art inférerait qu’une dose de 40 mg trois fois par semaine fonctionnerait ou serait meilleure qu’une dose quotidienne de 20 mg ».

[893] Or, considéré dans son ensemble, le témoignage du DPrat sur cette question montre que celui‑ci ne se prononçait pas sur le critère de l’utilité à la date du dépôt. Il a dit qu’il ne comprenait pas la notion d’inférence raisonnable et que les questions posées débordaient le cadre de son mandat et allaient au‑delà de l’opinion qu’il avait présentée.

[894] Le DPrat a dit qu’aucune donnée n’était présentée dans l’art antérieur au sujet de la dose de 40 mg administrée un jour sur deux. Il a mentionné que la dose de 20 mg par jour était connue, tout comme la dose de 40 mg par jour. Il a ajouté qu’on ne connaissait rien au sujet de la dose de 40 mg un jour sur deux, et que, en ce sens, c’était inventif, mais que le brevet 802 reposait peut‑être sur des données qui ne lui avaient pas été divulguées.

[895] Après que le DPrat eut dit qu’il ne connaissait pas très bien la notion d’inférence raisonnable, l’avocat de Pharmascience a continué de solliciter son opinion. Voici les passages pertinents de cet échange :

[traduction]

Q. D’accord. Et la personne versée dans l’art n’a aucune donnée parce qu’aucune n’est fournie dans le brevet 802. C’est cela? Elle n’a aucune donnée sur trois fois par semaine. Alors je vous demande, en vous mettant dans la peau de cette personne versée dans l’art, vous conviendrez avec moi que, d’après les connaissances générales courantes, telles qu’elles étaient en août 2010, la personne versée dans l’art, sans aucune donnée disponible, n’aurait pas pu inférer raisonnablement que le schéma posologique de la revendication 1, trois fois par semaine un jour sur deux, serait efficace pour traiter la SP‑RR chez un patient humain. Jamais la personne versée dans l’art ne pourrait arriver raisonnablement à cette conclusion. Vous êtes d’accord avec ça, n’est‑ce pas?

R. (DPrat). Je suis d’accord avec ça, non, pas vraiment. Ce avec quoi je suis d’accord, c’est que si j’étais la personne versée dans l’art qui examine cette demande, je dirais, eh bien, c’est probablement un gaspillage de temps parce qu’il n’y a pas assez de données pour justifier le fait qu’on ne va pas utiliser Copaxone. Mais si vous voulez aller plus loin, il n’y a aucune donnée qui vous empêche de défendre cette idée. C’est ce que je dirais en tant que personne versée dans l’art. Je dirais que Teva dépense son argent à poursuivre des chimères parce qu’elle avait assez de données justifiant de ne pas utiliser 40 et de ne pas aller à moins d’une fois par jour. Voyez-vous ce que je veux dire?

Q. La personne versée dans l’art viendrait raisonnablement à considérer que cela est impossible. Teva, si vous voulez vous lancer par vous-même dans ce genre d’aventure, faites‑le. Mais du point de vue de la personne versée dans l’art, cela n’est tout simplement pas raisonnable?

R. Comme je l’ai dit – et vous m’avez demandé ce que j’en pensais en date de 2010. J’ignore quel genre de données pilotes Teva ou quiconque possédait sur 40 milligrammes un jour sur deux. Rien n’a été dit sur 40 milligrammes un jour sur deux, même dans l’art antérieur. Il y a 20 milligrammes un jour sur deux. Il y a 40 milligrammes par jour. Mais il n’y a rien sur 40 milligrammes un jour sur deux. Donc, en ce sens, je crois effectivement que c’était inventif, mais peut‑être que c’était basé sur des données qui n’étaient pas divulguées ou qui ne m’ont pas été divulguées. C’est‑à‑dire, même maintenant, en tant que personne versée dans l’art en 2009. Comprenez-vous ce que je veux dire?

[896] À l’évidence, le DPrat réitérait son opinion sur le caractère inventif du brevet 802.

[897] On n’a pas demandé au DPrat si le brevet 802 contenait un fondement factuel ou un raisonnement valable permettant de prédire qu’une dose de 40 mg administrée trois fois par semaine atténuerait les symptômes de la SP‑RR.

[898] Mme Kreitman a reconnu que, en juin 2009, Teva ne disposait d’aucune donnée clinique à l’appui des schémas posologiques à fréquence réduite envisagés, mais qu’elle disposait de données précliniques. Les schémas à l’étude étaient ceux de 40 mg un jour sur deux, de 40 mg trois fois par semaine, de 35 mg trois fois par semaine et de 40 mg une ou deux fois par semaine.

[899] Mme Kreitman a expliqué que son équipe avait présenté divers schémas posologiques au PDG de Teva et que, en fin de compte, celui-ci avait décidé d’aller de l’avant avec un essai clinique d’une dose de 40 mg administrée trois fois par semaine. Mme Kreitman a fait référence à une présentation faite en novembre 2008 dont il ressort que Teva avait des raisons de croire qu’une administration à fréquence réduite, comme trois fois par semaine, serait efficace pour traiter la SP et serait semblable à une administration quotidienne.

[900] En conclusion, je conclus que le brevet 802 n’est pas invalide pour absence de prédiction valable de l’utilité.

XXVI. La question de la compétence – Teva peut‑elle se fonder sur le Règlement pour faire valoir que Glatect à 20 mg de Pharmascience est contrefaisant?

[901] Comme je l’ai mentionné au début, Teva a obtenu des AC pour vendre son produit à base d’acétate de glatiramère au Canada sous le nom de marque Copaxone, et ce, en doses de 20 mg et de 40 mg. Teva a inscrit le brevet 437 au registre des brevets, mais uniquement à l’égard de la dose de 40 mg. Aucun brevet n’est inscrit au registre au sujet de la dose de 20 mg.

[902] Pharmascience a obtenu un AC et vend son produit Glatect à 20 mg au Canada depuis août 2017.

[903] Pour obtenir un AC à l’égard d’une dose de 40 mg d’acétate de glatiramère (Glatect 40) Pharmascience a déposé un SPDN, qui est venu s’ajouter à la PDN qu’elle avait déjà déposée afin d’obtenir son AC concernant Glatect 20 mg. Pharmascience dit qu’il s’agit d’une [traduction] « extension de gamme ». Dans le SPDN, Pharmascience compare directement ou indirectement Glatect à 40 mg à Copaxone.

[904] Pharmascience n’était pas tenue de traiter du brevet 437 pour obtenir son AC à l’égard de Glatect à 20 mg parce que le brevet 437 n’est pas inscrit au registre des brevets en lien avec la dose de 20 mg. Cependant, Pharmascience était tenue de traiter du brevet 437 pour ce qui est de son Glatect à 40 mg. Pharmascience a signifié un AA à Teva, alléguant que la fabrication, la construction, l’utilisation ou la vente de Glatect à 40 mg ne contrefera pas le brevet 437 et que ce dernier est invalide.

[905] Teva a ensuite introduit l’action T‑2182‑18 en application du paragraphe 6(1) du Règlement en vue d’obtenir une déclaration portant que la fabrication, la construction, l’utilisation ou la vente de Glatect à 20 et à 40 mg par Pharmascience, conformément au SPDN, contreferont le brevet 437.

[906] Pharmascience s’oppose à ce que Teva puisse faire valoir que Glatect à 20 mg contrefait le brevet 437 en se fondant sur l’article 6 du Règlement dans l’action T‑2182‑18.

[907] La requête présentée par Pharmascience en vue de faire radier des passages de la déclaration initiale de Teva a été accordée en partie par la protonotaire Mireille Tabib (2019 CF 595), alors que sa requête visant à obtenir de la Cour qu’elle statue sur un point de droit concernant l’interprétation des dispositions de la Loi a été rejetée (2019 CF 1394).

[908] Dans les requêtes et dans la présente action, Pharmascience ne conteste pas que Teva a une cause d’action raisonnable en vertu du paragraphe 6(1) du Règlement, relativement à Glatect à 40 mg. Pharmascience soutient que, selon le paragraphe 6(1) du Règlement, Teva n’a pas de cause d’action valide relativement à Glatect à 20 mg.

[909] Pharmascience reconnaît que Teva aurait une cause raisonnable d’action en vertu de l’article 55 de la Loi sur les brevets à l’égard de Glatect à 20 mg, mais elle fait valoir qu’en raison de l’article 6.02 du Règlement, cette action ne peut être réunie à l’action intentée par Teva en vertu du paragraphe 6(1), relativement à Glatect à 40 mg.

[910] S’agissant de la requête en radiation, la protonotaire Tabib a indiqué que tout droit d’action pour contrefaçon de brevet se limite à ceux que créent l’article 55 de la Loi sur les brevets et le paragraphe 6(1) du Règlement. Elle a ajouté que le Règlement envisage que les droits d’action que confère le paragraphe 6(1) doivent être exercés dans un cadre procédural strict. L’article 6.02 dispose que, au cours de la période définie au paragraphe 7(1) du Règlement, ces droits ne doivent pas être combinés à d’autres droits découlant de la Loi sur les brevets.

[911] La protonotaire Tabib a conclu que, s’agissant de Glatect à 20 mg, Teva n’avait pas de cause d’action raisonnable pour contrefaçon passée ou actuelle du brevet 437 en vertu du paragraphe 6(1). Elle a conclu que le fait de réunir l’action en contrefaçon de Teva à l’égard de Glatect à 20 mg à son action intentée en vertu du paragraphe 6(1) était interdit par l’article 6.02 du Règlement et, pour cette raison, certaines parties de la déclaration ont été radiées. La protonotaire Tabib a par ailleurs conclu qu’il n’était pas évident et manifeste que la cause d’action de Teva n’avait aucune chance réussir. Teva a subséquemment modifié sa déclaration concernant la contrefaçon.

[912] Dans la présente action, Teva soutient que l’issue du litige n’aura aucune incidence sur Glatect à 20 mg parce que Pharmascience a déjà obtenu un AC. Elle fait également valoir qu’elle n’a pas intenté d’autres recours à l’égard de Glatect à 20 mg.

[913] Cependant, Teva continue de soulever la question de compétence quant à la portée du Règlement. Elle fait valoir que le SPDN de Pharmascience et son projet de monographie combinée des produits Glatect à 20 mg et à 40 mg apporteront d’autres changements au produit à 20 mg, si bien qu’il entrera dans le champ d’application du Règlement.

[914] Teva soutient que Glatect à 20 mg est un médicament qui sera fabriqué, utilisé ou vendu conformément au SPDN de Pharmascience. Teva soutient que le SPDN est plus qu’une [traduction] « extension de gamme », car il apportera d’autres changements au produit à 20 mg.

[915] Pharmascience maintient que Teva ne peut s’appuyer sur l’article 6 du Règlement pour faire valoir que Glatect à 20 mg contrefera le brevet 437. Elle reconnaît une fois de plus que Teva pourrait intenter une action en contrefaçon de brevet en lien avec Glatect à 20 mg et le brevet 437 sans se fonder sur le Règlement, mais que rien ne justifie d’invoquer le Règlement pour intenter une action en lien avec Glatect à 20 mg étant donné que Pharmascience a déjà obtenu son AC. Pharmascience a présenté des observations exhaustives sur l’interprétation du Règlement.

[916] Bien que je partage l’opinion générale de Pharmascience selon laquelle le Règlement crée un régime complet et qu’une fois l’AC délivré, il ne devrait pas être possible de se fonder sur le Règlement puisque cela n’est tout simplement pas logique, il reste que je n’ai pas besoin de trancher cette question complexe de compétence.

[917] J’ai conclu que le brevet 437 n’est pas valide et, par conséquent, Pharmascience ne contrefera pas le brevet 437 avec son produit Glatect à 20 mg. Pharmascience ne contrefera pas non plus la revendication 16 du brevet 437 avec son produit à 40 mg.

XXVII. La contrefaçon par Pharmascience

[918] En vertu de l’article 6 du Règlement, Teva sollicite une déclaration portant que la fabrication, la construction, l’utilisation ou la vente du produit Glatect à 40 mg de Pharmascience conformément à son SPDN contreferait les brevets 437 et 802. Rappelons que Pharmascience a déjà obtenu un AC pour son produit Glatect à 20 mg.

[919] Teva soutient que Pharmascience contrefera ou incitera à contrefaire, directement ou indirectement, les brevets par la fabrication, la construction, l’utilisation ou la vente d’acétate de glatiramère à 20 mg et à 40 mg, conformément à son SPDN. Elle ajoute que les produits Glatect de Pharmascience sont indiqués pour traiter le même groupe de patients, dans la même concentration et avec le même schéma posologique, en vue d’obtenir les mêmes résultats.

[920] Pharmascience a axé ses arguments sur la validité des brevets; si les brevets sont invalides, il n’y a pas de contrefaçon. Pharmascience soutient par ailleurs, au sujet du brevet 437, qu’il n’y aura pas de contrefaçon parce que son produit Glatect à 40 mg n’est pas destiné aux patients ayant subi une seule poussée, mais à ceux qui répondent aux critères diagnostiques de la SP ou de la SP‑RR.

[921] Comme je l’ai mentionné, le brevet 437, tel qu’interprété, vise les patients présentant un SCI ou ayant subi une seule poussée et non les patients ayant déjà reçu un diagnostic de SP selon les critères de McDonald. Le brevet 437 porte entre autres sur une dose de 40 mg.

[922] J’ai conclu que le brevet 437 est invalide pour cause d’évidence et, par conséquent, il ne sera pas contrefait par les produits Glatect de Pharmascience.

[923] J’ai conclu que le brevet 802 est valide. J’ai également conclu que Teva s’est acquittée de son fardeau d’établir que, si le produit Glatect de Pharmascience est approuvé et commercialisé conformément au SPDN de Pharmascience et à son projet de monographie de produit, Pharmascience contrefera, directement ou indirectement, le brevet 802 parce que le produit Glatect à 40 mg est indiqué pour traiter le même groupe de patients, dans la même concentration et avec le même schéma posologique, en vue d’obtenir les mêmes résultats.

[924] Les témoignages de la Dre Morrow et du Dr Vosoughi confirment clairement que les médecins prescriront, et que les patients prendront, Glatect d’une manière qui contrefait les revendications invoquées, telles qu’interprétées, du brevet 802, et de la même façon qu’ils prendraient Copaxone. M. Grant a confirmé que Glatect est identique à Copaxone. Pharmascience n’a produit aucune preuve indiquant le contraire.

[925] De plus, Pharmascience incitera à la contrefaçon par l’utilisation du projet de monographie combinée des produits Glatect, à partir de laquelle la Cour peut tirer une inférence raisonnable (Corlac Inc c Weatherford Canada Inc, 2011 CAF 228 au para 162; Janssen Inc c Apotex Inc, 2019 CF 1355 au para 235).

[926] L’experte en réglementation de Pharmascience, Mme Picard, a expliqué qu’une monographie de produit décrit les propriétés, les revendications, les indications et les conditions d’utilisation d’un produit médicamenteux et qu’elle contient d’autres renseignements visant à garantir l’utilisation optimale, sûre et efficace du produit en question. Mme Picard a mentionné qu’une monographie de produit est la version la plus récente et du niveau le plus élevé des renseignements approuvés par Santé Canada et que, une fois approuvée, elle est accessible au public.

[927] L’expert de Pharmascience, le DGreen, a d’abord déclaré que les monographies de produit et les étiquettes étaient simplement destinées aux patients et ne visaient qu’à répondre aux exigences légales de divulgation, et que les médecins ne s’y fiaient pas. Cependant, il a reconnu plus tard qu’il prend effectivement en considération ces monographies.

[928] Tous les autres experts ont convenu que les monographies de produit sont utilisées, avec d’autres ressources, pour éclairer et guider les pratiques de prescription des médecins.

[929] Teva reconnaît que le produit Glatect à 20 mg de Pharmascience n’est pas concerné par l’issue du présent litige parce que Pharmascience a déjà obtenu un AC pour Glatect à 20 mg. Cependant, l’issue du présent litige a une incidence sur la monographie combinée des produits Glatect parce que Pharmascience cherche à reproduire les indications relatives à Copaxone pour son produit de 40 mg.

  • [930] La monographie combinée de Glatect proposée par Pharmascience pour son produit à 20 mg et à 40 mg fournit les indications de Glatect et reprend les indications de Copaxone. Pharmascience a reconnu que ses produits Glatect seront utilisés conformément à la monographie de produit combinée qu’elle propose.

  • [931] La monographie combinée des produits Glatect proposée par Pharmascience indique ce qui suit :

[traduction]

GLATECT (acétate de glatiramère) est indiqué pour :

20 mg/mL une fois par jour

Le traitement des patients ambulatoires atteints de sclérose en plaques récurrente‑rémittente (SP‑RR), y compris les patients qui ont présenté un seul événement démyélinisant et qui ont des lésions typiques de la sclérose en plaques à l’imagerie par résonance magnétique (IRM) cérébrale :

pour réduire la fréquence des poussées cliniques

pour réduire le nombre et le volume des lésions cérébrales actives détectées par imagerie par résonance magnétique (IRM) cérébrale.

40 mg/mL trois fois par semaine

Le traitement des patients ambulatoires atteints de sclérose en plaques récurrente‑rémittente (SP‑RR) :

pour réduire la fréquence des poussées cliniques;

pour réduire le nombre et le volume des lésions cérébrales actives détectées par imagerie par résonance magnétique (IRM) cérébrale.

L’innocuité et l’efficacité de GLATECT pour le traitement de la forme chronique progressive de la sclérose en plaques n’ont pas été établies.

  • [932] La monographie actuelle de Teva pour Copaxone indique ce qui suit :

COPAXONE (acétate de glatiramère) est indiqué pour :

20 mg/mL une fois par jour :

Le traitement des patients ambulatoires atteints de sclérose en plaques récurrente‑rémittente (SP‑RR), y compris ceux qui ont subi un événement démyélinisant unique et qui ont des lésions typiques de la sclérose en plaques détectées par examens d’imagerie par résonance magnétique (IRM) cérébrale :

pour diminuer la fréquence des poussées cliniques;

pour réduire le nombre et le volume des lésions cérébrales actives détectées par examens d’IRM.

40 mg/mL trois fois par semaine :

Le traitement des patients ambulatoires atteints de récurrente‑rémittente (SP‑RR) :

pour réduire la fréquence des poussées cliniques;

pour réduire le nombre et le volume des lésions cérébrales actives détectées par examens d’IRM.

L’innocuité et l’efficacité de COPAXONE dans la SP chronique progressive n’ont pas été évaluées.

[933] En conclusion, Pharmascience contrefera le brevet 802 si son SPDN est approuvé et si elle commercialise ses produits Glatect de la manière décrite dans la monographie de produits proposée.

XXVIII. Les dépens

[934] Bien que les deux parties aient soulevé la question de savoir si la Cour devrait leur demander des observations sur les dépens avant de rendre le présent jugement, ou dans un délai raisonnable par la suite, la Cour a omis de rendre une ordonnance à l’issue de l’audience.

[935] Étant donné le succès partagé obtenu dans la présente action, j’encourage les parties à examiner si elles peuvent arriver à une entente au sujet des dépens. Si elles ne parviennent pas à une entente, elles pourront présenter à la Cour des observations sur les dépens, d’une longueur maximale de cinq pages, dans les 30 jours suivant la date du présent jugement.

[936] En conclusion, j’ai apprécié les observations exhaustives et les recueils utiles qui m’ont été présentés, tout comme la souplesse dont les avocats et les témoins ont fait preuve lors de l’audition de la présente action.


JUGEMENT dans les dossiers T‑2182‑18 et T‑2183‑18

LA COUR STATUE :

  1. L’action en contrefaçon intentée par les demanderesses (T‑2182‑18) à l’encontre de la défenderesse, relativement au brevet canadien no 2,702,437, est rejetée.
  2. L’action en contrefaçon intentée par les demanderesses (T‑2183‑18) à l’encontre de la défenderesse, relativement au brevet canadien no 2,760,802 (le brevet 802), est accueillie.
  3. La fabrication, la construction, l’utilisation et la vente de seringues préremplies d’acétate de glatiramère à 40 mg/1 mL (Glatect à 40 mg) par la défenderesse, conformément au supplément de présentation de drogue nouvelle qu’elle a déposé le 1er novembre 2018, contreferaient les revendications nos 1, 2, 3, 4, 22, 24, 25, 36‑39, 47‑57, 59, 60, et 63‑66 du brevet 802, et ce, directement ou indirectement ou par incitation à la contrefaçon.
  4. Il est interdit à la défenderesse et à ses filiales et sociétés affiliées, dirigeants, administrateurs, employés, mandataires, titulaires de licence, ayants droit, cessionnaires et toute autre personne sur laquelle elle exerce un pouvoir légitime de se livrer aux activités suivantes :
  1. fabriquer, construire, utiliser ou vendre Glatect à 40 mg au Canada;

  2. offrir en vente, commercialiser ou faire commercialiser Glatect à 40 mg au Canada;

  3. importer, exporter, distribuer ou faire distribuer Glatect à 40 mg au Canada;

  4. contrefaire ou inciter à contrefaire par ailleurs le brevet 802.

  1. Si les parties ne parviennent pas à s’entendre sur les dépens, elles pourront présenter à la Cour des observations écrites, d’une longueur maximale de cinq pages, au plus tard le 28 janvier 2021.

« Catherine M. Kane »

Juge

Traduction certifiée conforme

Édith Malo


ANNEXE 1

Revendications du brevet 437

[traduction]

Revendication 1

Une composition pharmaceutique comprenant un véhicule pharmaceutiquement acceptable et une quantité thérapeutiquement efficace d’acétate de glatiramère dont l’utilisation vise à retarder l’apparition de la sclérose en plaques cliniquement certaine chez un patient qui a subi une seule poussée clinique évoquant la sclérose en plaques, qui présente au moins une lésion compatible avec la sclérose en plaques et qui risque d’évoluer vers une sclérose en plaques cliniquement certaine, et ce, avant l’apparition de la sclérose en plaques cliniquement certaine.

Revendication 2

Une composition pharmaceutique comprenant un véhicule pharmaceutiquement acceptable et une quantité thérapeutiquement efficace d’acétate de glatiramère dont l’utilisation vise à réduire la progression de l’activité de la maladie surveillée par imagerie par résonance magnétique (IRM) chez un patient qui a subi une seule poussée clinique évoquant la sclérose en plaques, qui présente au moins une lésion compatible avec la sclérose en plaques et qui risque d’évoluer vers une sclérose en plaques cliniquement certaine, et ce, avant l’apparition de la sclérose en plaques cliniquement certaine.

Revendication 3

Une composition pharmaceutique comprenant un véhicule pharmaceutiquement acceptable et une quantité thérapeutiquement efficace d’acétate de glatiramère dont l’utilisation vise à réduire la progression des symptômes de la sclérose en plaques chez un patient qui a subi une seule poussée clinique évoquant la sclérose en plaques, qui présente au moins une lésion compatible avec la sclérose en plaques et qui risque d’évoluer vers une sclérose en plaques cliniquement certaine avant l’apparition de la sclérose en plaques cliniquement certaine.

Revendication 4

Une composition pharmaceutique comprenant un véhicule pharmaceutiquement acceptable et une quantité thérapeutiquement efficace d’acétate de glatiramère dont l’utilisation vise à réduire la fréquence des rechutes chez un patient qui a subi une seule poussée clinique évoquant la sclérose en plaques, qui présente au moins une lésion compatible avec la sclérose en plaques et qui risque d’évoluer vers une sclérose en plaques cliniquement certaine avant l’apparition de la sclérose en plaques cliniquement certaine.

Revendication 13

La composition pharmaceutique de n’importe laquelle des revendications 1 à 12, l’utilisation se faisant une fois par jour.

Revendication 14

La composition pharmaceutique de n’importe laquelle des revendications 1 à 13, l’utilisation se faisant par voie sous‑cutanée.

Revendication 15

La composition pharmaceutique de n’importe laquelle des revendications 1 à 14, la quantité thérapeutiquement efficace d’acétate de glatiramère étant de 20 mg.

Revendication 16

La composition pharmaceutique de n’importe laquelle des revendications 1 à 14, la quantité thérapeutiquement efficace d’acétate de glatiramère étant de 40 mg.

Revendication 19

La composition pharmaceutique de la revendication 3, la progression des symptômes étant évaluée en fonction de l’incapacité liée à la sclérose en plaques chez le patient telle que mesurée par le score EDSS (échelle étendue d’incapacité de Kurtzke), par le taux de rechute chez le patient ou par la progression de l’activité de la maladie surveillée par IRM chez le patient.

Revendication 24

La composition pharmaceutique de la revendication 2 ou 19, l’activité de la maladie surveillée par IRM correspondant au nombre moyen de nouvelles lésions en T2 dans le cerveau du patient.


ANNEXE 2

Brevet 802 – Revendications en litige

[traduction]

Revendication 1

Un médicament contenant de l’acétate de glatiramère destiné au traitement d’un patient humain qui est atteint de sclérose en plaques récurrente-rémittente ou qui a subi un premier épisode clinique et présente un risque élevé d’évolution vers une sclérose en plaques cliniquement certaine, ledit médicament étant préparé pour un schéma de trois injections sous-cutanées d’une dose de 40 mg d’acétate de glatiramère tous les sept jours en laissant au moins un jour entre chaque injection sous-cutanée.

Revendication 2

De l’acétate de glatiramère à utiliser dans un schéma de trois injections sous-cutanées d’une dose de 40 mg d’acétate de glatiramère tous les sept jours, en laissant au moins un jour entre chaque injection sous-cutanée, pour traiter un patient humain qui est atteint de sclérose en plaques récurrente-rémittente ou qui a subi un premier épisode clinique et présente un risque élevé d’évolution vers une sclérose en plaques cliniquement certaine.

Revendication 3

Un médicament contenant de l’acétate de glatiramère destiné au traitement d’un patient humain qui est atteint de sclérose en plaques récurrente-rémittente ou qui a subi un premier épisode clinique et présente un risque élevé d’évolution vers une sclérose en plaques cliniquement certaine, dans le contexte où le médicament contient une dose de 40 mg d’acétate de glatiramère et est préparé pour un schéma de trois injections sous-cutanées d’une dose de 40 mg d’acétate de glatiramère chaque semaine, en laissant au moins un jour entre chaque injection sous-cutanée, et où le médicament est une composition pharmaceutique ayant un pH compris entre 5,5 et 8,5.

Revendication 4

De l’acétate de glatiramère à utiliser dans un schéma de trois injections sous-cutanées d’une dose de 40 mg d’acétate de glatiramère chaque semaine, en laissant au moins un jour entre chaque injection sous-cutanée, pour traiter un patient humain qui est atteint de sclérose en plaques récurrente-rémittente ou qui a subi un premier épisode clinique et présente un risque élevé d’évolution vers une sclérose en plaques cliniquement certaine, et où le médicament est une composition pharmaceutique ayant un pH compris entre 5,5 et 8,5.

Revendication 22

Le médicament de la revendication 1 ou de la revendication 3, ou l’acétate de glatiramère de la revendication 2 ou de la revendication 4, dans le contexte où le patient humain est atteint de sclérose en plaques récurrente-rémittente.

Revendication 24

Le médicament de l’une des revendications 1, 3, 5 ou 7, ou l’acétate de glatiramère de l’une des revendications 2, 4, 6 ou 8, dans le contexte où le médicament est préparé sous la forme d’une composition pharmaceutique ayant un pH compris entre 5,5 et 7,0, ou où l’acétate de glatiramère est présent dans une composition pharmaceutique ayant un pH compris entre 5,5 et 7,0, cette composition pharmaceutique comprenant 40 mg/ml d’acétate de glatiramère et de manitol.

Revendication 25

Le médicament de l’une des revendications 1, 3, 5, 9, 11, 13, 15, 17, 19 ou 21‑24 ou l’acétate de glatiramère de l’une des revendications 2, 4, 6, 10, 12, 14, 16, 18, 20-24, dans le contexte où pendant chaque semaine ou chaque sept jours les injections sous‑cutanées sont le jour 1, le jour 3 et le jour 5 de cette semaine ou ces sept jours; le jour 1, le jour 3 et le jour 6 de cette semaine ou ces sept jours; le jour 1, le jour 4 et le jour 6 de cette semaine ou ces sept jours; le jour 2, le jour 5 et le jour 7 de cette semaine ou ces sept jours; ou le jour 3, le jour 5 et le jour 7 de cette semaine ou ces sept jours.

Revendication 36

Le médicament de l’une des revendications 1, 3, 5, 7, 9, 11, 13, 15, 17, 19, 21-27, 29 ou 31-35, ou l’acétate de glatiramère de l’une des revendications 2, 4, 6, 60, 8, 10, 12, 14, 16, 18, 20-28, 30 ou 31-35, dans le contexte où le schéma est efficace pour réduire la fréquence des rechutes chez le patient humain, réduire le nombre cumulatif moyen de lésions rehaussées par le Gd dans le cerveau du patient humain, réduire le nombre moyen de nouvelles lésions en T2 dans le cerveau du patient humain, réduire le nombre cumulatif de lésions rehaussées sur les images pondérées en T1 chez le patient humain, réduire l’atrophie cérébrale chez le patient humain, augmenter le délai avant une rechute confirmée chez le patient humain, réduire le nombre total de rechutes confirmées chez le patient humain, réduire la progression de l’activité de la maladie surveillée par IRM chez le patient humain, réduire le volume total des lésions en T2 chez le patient humain, réduire le nombre de nouvelles lésions hypo-intenses à l’imagerie en T1 avec injection de produit de contraste chez le patient humain, réduire le volume total des lésions hypo-intenses à l’imagerie en T1 avec injection de produit de contraste, réduire le degré d’incapacité tel que mesuré par le score EDSS chez le patient humain, réduire la variation du score EDSS chez le patient humain, réduire le degré d’incapacité tel que mesuré par le questionnaire EuroQoL (EQ‑5D) chez le patient humain ou réduire le niveau d’incapacité mesuré par le questionnaire sur la baisse de productivité au travail et la limitation des activités : santé générale (WPAI-GH) chez le patient humain.

Revendication 37

Le médicament de l’une des revendications 1, 3, 5, 7, 9, 11, 13, 15, 17, 19, 21-27, 29 ou 31-26 ou l’acétate de glatiramère de l’une des revendications 2, 4, 6, 8, 10, 12, 14, 16, 18, 20-28, 30 ou 31-36, dans le contexte où le schéma est efficace pour réduire la fréquence des rechutes ou des exacerbations chez le patient humain.

Revendication 38

Le médicament de l’une des revendications 1, 3, 5, 7, 9, 11, 13, 15, 17, 19, 21-27, 29 ou 31‑36 ou l’acétate de glatiramère de l’une des revendications 2, 4, 6, 8, 10, 12, 14, 16, 18, 20-28, 30 ou 31-36, dans le contexte où le traitement est efficace pour réduire la fréquence des rechutes chez le patient humain.

Revendication 39

Le médicament ou l’acétate de glatiramère de la revendication 38, dans le contexte où le schéma est efficace pour réduire davantage le nombre cumulatif de lésions rehaussées sur les images pondérées en T1 du patient humain.

Revendication 47

Le médicament de l’une des revendications 1, 3, 5, 7, 9, 11, 13, 15, 17, 19, 21-27, 29 ou 31-46, ou l’acétate de glatiramère de l’une des revendications 2, 4, 6, 8, 10, 12, 14, 16, 18, 20-28, 30 ou 31-46, dans le contexte où le schéma est efficace pour traiter le patient humain ou induire une fréquence et une gravité réduites des réactions immédiates suivant l’injection et des réactions au point d’injection chez le patient humain par rapport à l’administration quotidienne de 20 mg d’acétate de glatiramère par voie sous-cutanée.

Revendication 48

Le médicament de l’une des revendications 1, 3, 5, 7, 9, 11, 13, 15, 17, 19, 21-27, 29 ou 31-47 ou l’acétate de glatiramère de l’une des revendications 2, 4, 6, 8, 10, 12, 14, 16, 18, 20-28, 30 ou 31-47, dans le contexte où le traitement est efficace pour atténuer un symptôme de la sclérose en plaques récurrente-rémittente chez le patient humain.

Revendication 49

Un médicament contenant de l’acétate de glatiramère dont l’utilisation vise à réduire la fréquence des rechutes ou des exacerbations chez un patient humain atteint de sclérose en plaques rémittente-récurrente, ledit médicament étant préparé pour un schéma de trois injections sous-cutanées d’une dose de 40 mg d’acétate de glatiramère tous les sept jours, en laissant au moins un jour entre chaque injection sous-cutanée.

Revendication 50

De l’acétate de glatiramère à utiliser dans un schéma de trois injections sous-cutanées d’une dose de 40 mg d’acétate de glatiramère tous les sept jours, en laissant au moins un jour entre chaque injection sous-cutanée, pour réduire la fréquence des rechutes ou des exacerbations chez un patient humain atteint de sclérose en plaques récurrente-rémittente.

Revendication 51

Un médicament contenant de l’acétate de glatiramère dont l’utilisation vise à réduire le nombre cumulatif moyen de lésions rehaussées par le Gd dans le cerveau d’un patient humain, à réduire le nombre moyen de nouvelles lésions en T2 dans le cerveau d’un patient humain, à réduire le nombre cumulatif de lésions rehaussées sur les images pondérées en T1 chez un patient humain, à réduire le volume total des lésions en T2 chez un patient humain, à réduire le nombre de nouvelles lésions hypo-intenses à l’imagerie en T1 avec injection de produit de contraste chez un patient humain ou à réduire le volume total des lésions hypo-intenses à l’imagerie en T1 avec injection de produit de contraste chez un patient humain, dans le contexte où le patient humain est atteint de sclérose en plaques rémittente-récurrente et où le médicament est préparé pour un schéma de trois injections sous-cutanées d’une dose de 40 mg d’acétate de glatiramère tous les sept jours, en laissant au moins un jour entre chaque injection sous-cutanée.

Revendication 52

De l’acétate de glatiramère à utiliser dans un schéma de trois injections sous‑cutanées d’une dose de 40 mg d’acétate de glatiramère tous les sept jours, en laissant au moins un jour entre chaque injection sous-cutanée, pour réduire le nombre cumulatif moyen de lésions rehaussées par le Gd dans le cerveau d’un patient humain, réduire le nombre moyen de nouvelles lésions en T2 dans le cerveau d’un patient humain, réduire le nombre cumulatif de lésions rehaussées sur les images pondérées en T1 chez un patient humain, réduire le volume total de lésions en T2 chez un patient humain, réduire le nombre de nouvelles lésions hypo-intenses à l’imagerie en T1 avec injection de produit de contraste ou réduire le volume total des lésions hypo-intenses à l’imagerie en T1 avec injection de produit de contraste chez un patient humain, dans le contexte où le patient humain est atteint de sclérose en plaques rémittente-récurrente.

Revendication 53

Le médicament de l’une des revendications 1, 3, 5, 7, 9, 11, 13, 15, 17, 19, 21-27, 29, 31-49 ou 51 ou l’acétate de glatiramère de l’une des revendications 2, 4, 6, 8, 10, 12, 14, 16, 18, 20-28, 30, 31-48, 50 ou 52, dans le contexte où le schéma est également efficace pour réduire le nombre cumulatif moyen de lésions rehaussées par le Gd dans le cerveau du patient humain, réduire le nombre moyen de nouvelles lésions en T2 dans le cerveau du patient humain ou réduire le nombre cumulatif de lésions rehaussées sur les images pondérées en T1 chez le patient humain.

Revendication 54

Le médicament de l’une des revendications 1, 3, 5, 7, 9, 11, 13, 15, 17, 19, 21-27, 29, 31-49, 51 ou 53 ou l’acétate de glatiramère de l’une des revendications 2, 4, 6, 8, 10, 12, 14, 16, 18, 20-28, 30, 31-48, 50 ou 52-53, dans le contexte où le schéma est efficace pour traiter le patient humain ou induire une fréquence réduite des réactions immédiates suivant l’injection ou des réactions au point d’injection chez le patient humain par rapport à l’administration quotidienne de 20 mg d’acétate de glatiramère par voie sous-cutanée.

Revendication 55

Le médicament de l’une des revendications 1, 3, 5, 7, 9, 11, 13, 15, 17, 19, 21-27, 29, 31-49, 51 ou 53-54 ou l’acétate de glatiramère de l’une des revendications 2, 4, 6, 8, 10, 12, 14, 16, 18, 20-28, 30, 31-48, 50 ou 52-54, dans le contexte où le traitement est efficace pour améliorer la tolérabilité chez le patient humain par rapport à une dose de 20 mg d’acétate de glatiramère par voie sous-cutanée par jour, l’augmentation de la tolérabilité comprenant une fréquence réduite des réactions immédiates suivant l’injection ou une fréquence réduite des réactions au point d’injection, chacune par rapport à la fréquence observée avec une dose de 20 mg d’acétate de glatiramère par jour.

Revendication 56

Le médicament ou l’acétate de glatiramère de l’une des revendications 47, 54 ou 55, lorsque la réaction immédiate suivant l’injection est l’une des suivantes : palpitations, sensation de chaleur, bouffée de chaleur, tachycardie, dyspnée, gêne thoracique, douleur thoracique non cardiaque, asthénie, douleur dorsale, infection bactérienne, frissons, kyste, œdème facial, fièvre, syndrome grippal, infection, érythème au point d’injection, hémorragie au point d’injection, inflammation au point d’injection, masse au point d’injection, douleur au point d’injection, prurit au point d’injection, urticaire au point d’injection, enflure au point d’injection, douleur cervicale, douleur, migraine, syncope, tachycardie, vasodilatation, anorexie, diarrhée, gastro-entérite, trouble gastro‑intestinal, nausées, vomissements, ecchymoses, œdème périphérique, arthralgie, agitation, anxiété, confusion, pied tombant, hypertonie, nervosité, nystagmus, trouble de la parole, tremblements, vertige, bronchite, dyspnée, laryngospasme, rhinite, érythème, herpès, prurit, éruption cutanée, nodule cutané, sueurs, urticaire, otalgie, trouble oculaire, dysménorrhée, miction impérieuse ou candidose vaginale.

Revendication 57

Le médicament ou l’acétate de glatiramère de l’une des revendications 47, 54 ou 55, lorsque la réaction au point d’injection est un érythème, une hémorragie, une induration, une inflammation, une masse, une douleur, un prurit, une urticaire ou une enflure qui se produit immédiatement autour du point d’injection.

Revendication 59

Le médicament de l’une des revendications 1, 3, 5, 7, 9, 11, 13, 15, 17, 19, 21-27, 29, 31-49, 51 ou 53-58 ou l’acétate de glatiramère de l’une des revendications 2, 4, 6, 8, 10, 12, 14, 16, 18, 20-28, 30, 31-48, 50 ou 52-58, lorsque l’acétate de glatiramère est présent dans 1 ml d’une composition pharmaceutique dans une seringue préremplie pour auto-injection.

Revendication 60

L’utilisation de l’acétate de glatiramère dans la fabrication d’un médicament destiné au traitement d’un patient humain qui est atteint de sclérose en plaques rémittente-récurrente ou qui a subi un premier épisode clinique et présente un risque élevé d’évolution vers une sclérose en plaques cliniquement certaine, ledit médicament étant préparé pour un schéma de trois injections sous-cutanées d’une dose de 40 mg d’acétate de glatiramère tous les sept jours, en laissant au moins un jour entre chaque injection sous-cutanée.

Revendication 63

L’utilisation de l’acétate de glatiramère dans la fabrication d’un médicament dont l’utilisation vise à réduire la fréquence des rechutes ou des exacerbations chez un patient humain atteint de sclérose en plaques rémittente-récurrente, ledit médicament étant préparé pour un schéma de trois injections sous-cutanées d’une dose de 40 mg d’acétate de glatiramère tous les sept jours, en laissant au moins un jour entre chaque injection sous-cutanée.

Revendication 64

L’utilisation de l’acétate de glatiramère dans la fabrication d’un médicament dont l’utilisation vise à réduire le nombre cumulatif moyen de lésions rehaussées par le Gd dans le cerveau d’un patient humain, à réduire le nombre moyen de nouvelles lésions en T2 dans le cerveau d’un patient humain, à réduire le nombre cumulatif de lésions rehaussées sur les images pondérées en T1 chez un patient humain, à réduire le volume total des lésions en T2 chez un patient humain, à réduire le nombre de nouvelles lésions hypo-intenses à l’imagerie en T1 avec injection de produit de contraste chez un patient humain ou à réduire le volume total des lésions hypo-intenses à l’imagerie en T1 avec injection de produit de contraste chez un patient humain, dans le contexte où le patient humain est atteint de sclérose en plaques rémittente-récurrente et où le médicament est préparé pour un schéma de trois injections sous-cutanées d’une dose de 40 mg d’acétate de glatiramère tous les sept jours, en laissant au moins un jour entre chaque injection sous-cutanée.

Revendication 65

L’utilisation de l’une des revendications 60 à 64, dans laquelle le médicament est une composition pharmaceutique comprenant 40 mg/ml d’acétate de glatiramère et du mannitol et ayant un pH dans la plage de 5,5 à 7,0.

Revendication 66

L’utilisation de l’une des revendications 60 à 65, dans laquelle le médicament doit être administré par auto-injection à l’aide d’une seringue préremplie.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AUX DOSSIERS


DOSSIERS :

T‑2182‑18 ET t‑2183‑18

 

INTITULÉ :

TEVA CANADA INNOVATION ET TEVA CANADA LIMITED c PHARMASCIENCE INC. ET YEDA RESEARCH AND DEVELOPMENT CO., LTD.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATES DE L’AUDIENCE :

DU 21 SeptembrE AU 1ER OCTOBRE 2020 ET LES 14, 15, 21 ET 22 octobrE 2020

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

la juge KANE

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS CONFIDENTIELS :

LE 16 DÉcembrE 2020

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS PUBLICS :

LE 6 JANVIER 2021

COMPARUTIONS :

Lesley Caswell

Michael Crinson

Bryan Norrie

Devin Doyle

Jessica Sudbury

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

Harry Radomski

Jordan Scopa

Jaclyn Tilak

 

POUR LES DÉFENDERESSES

 

AVOCATS INSCRITS AUX DOSSIERS :

Aitken Klee LLP

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

Goodmans LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LES DÉFENDERESSES

 

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