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                                                                        Date : 20050317

                                                                        Dossier : IMM-1968-04

Référence : 2005 CF 380

Ottawa (Ontario), le 17 mars 2005

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SNIDER

ENTRE :

MAGID SEFEEN (alias Magid Lamie Ger Sefeen)

demandeur

et

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LA JUGE SNIDER


[1]       Le demandeur, Magid Sefeen, est citoyen égyptien. Il a présenté une demande d'asile comme réfugié au sens de la Convention ou personne qui courrait un danger si elle était renvoyée en Égypte, en invoquant sa religion; il est chrétien copte. C'est ce qu'il a vécu de façon générale comme jeune copte et, plus particulièrement, un incident survenu au mois de juin 1992 alors qu'il était à l'université, qui l'ont poussé à demander asile. Il a quitté lgypte pour les États-Unis au mois de septembre 1994. Il a revendiqué le statut de réfugié dans ce pays, lequel lui a finalement été refusé en 1999. En 1997, il avait tenté sans succès d'immigrer au Canada. Il est arrivé au Canada en provenance des États-Unis, et il a présenté une demande d'asile le 12 mai 2003. Dans une décision rendue le 28 janvier 2004, un tribunal de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (Section du statut de réfugié) (la Commission) a statué que le demandeur ntait ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne ayant besoin de protection. C'est cette décision qui fait l'objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

LES QUESTIONS LITIGIEUSES

[2]       Le demandeur soulève deux questions relativement aux conclusions de la Commission :

1)          La Commission a-t-elle commis une erreur en statuant, sur le fondement de son évaluation des conditions régnant en Égypte, qu'en tant que chrétien copte le demandeur ne serait victime que de discrimination et non de persécution?

2)          La Commission s'est-elle mépris sur la preuve étayant les motifs de sa décision en matière de crédibilité?

LA DÉCISION DE LA COMMISSION

[3]       On peut résumer ainsi le fondement de la décision de la Commission :

_     Il ressort de la preuve documentaire sur la situation du pays que les Chrétiens subissent de la discrimination en Égypte, mais non de la persécution.


_     La Commission a conclu que le témoignage du demandeur était « incohérent, invraisemblable et contradictoire » , et elle n'a pas cru que l'incident clé de 1992 stait réellement produit. Elle a relevé divers points du témoignage qu'elle considérait problématiques.

_ Dans son formulaire de renseignements personnels (FRP), le demandeur n'a pas indiqué quelles activités religieuses lui avaient valu un profil susceptible de le signaler à l'attention des agents de persécution.

_ Dans son FRP, le demandeur n'a pas indiqué que l'agent de persécution était le Gemaat Islamiya.

_ Dans la revendication du statut de réfugié qu'il a présentée aux États-Unis, il a donné une version différente de l'incident qui l'avait amené à quitter lgypte.

_ Le demandeur n'a jamais vu les feuillets sur lesquels étaient inscrits le jihad ou la fatwa le condamnant; « il en avait entendu parler d'un ami qui en avait entendu parler d'un ami » .


_ Après l'incident de 1992, « malgré l'allégation du demandeur selon laquelle l'intégriste Gemaat Islamiya disposait d'un réseau national qui le pourchasserait aux quatre coins du pays, le demandeur a passé trois années sans histoire au Caire » .

_ La Commission n'a pas accepté l'explication du demandeur selon laquelle il vivait dans la clandestinité au Caire car, pendant cette période, il a (a) fréquenté l'université; (b) il a renouvelé son passeport et demandé un visa.

_ Le demandeur n'a pu expliquer de façon satisfaisante pourquoi les autres étudiants chrétiens de l'université à Assouan (environ 20 %) ntaient pas inquiétés par le Gemaat Islamiya.

_ La Commission a tiré une conclusion négative du retard mis par le demandeur à venir au Canada après le refus de sa revendication aux États-Unis.

ANALYSE

La norme de contrôle

[4]         La Cour ne doit pas intervenir dans les conclusions de la Commission en matière de crédibilité et de pondération du poids de la preuve à moins que celles-ci ne soient manifestement déraisonnables et qu'elles aient été tirées sans égard à la preuve (Aguebor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.).

[5]       J'aborde l'examen des questions soulevées par le présent litige en me fondant sur cette norme.


Question 1 : La Commission a-t-elle erronément conclu que les chrétiens font l'objet de discrimination mais non de persécution en Égypte?

[6]       Le demandeur prétend que la Commission a omis d'examiner si la discrimination dont souffrent les chrétiens coptes en Égypte équivaut à de la persécution. Il invoque diverses dispositions du Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (Guide du HCNUR) indiquant comment il convient d'aborder les affirmations selon lesquelles de la discrimination constitue de la persécution. Il soutient notamment que le Guide du HCNUR exige, aux paragraphes 53 et 54, que l'examen de ces affirmations se fasse dans la perspective de « ltat d'esprit » du demandeur.

[7]       En l'espèce, il faut tenir compte d'un aspect subjectif et d'un aspect objectif. Premièrement, les expériences vécues par le demandeur comme jeune chrétien ayant grandi en Égypte équivalent-elles à de la persécution? Deuxièmement, le demandeur serait-il victime de persécution à son retour en Égypte parce qu'il est de religion chrétienne copte? Il faudra déterminer, pour ce second aspect, si le traitement des chrétiens coptes en Égypte constitue de la persécution.

[8]       Les réponses à ces deux questions relèvent directement de la compétence de la Commission et doivent être examinées en fonction de la norme de la décision manifestement déraisonnable.


[9]       La Commission n'a pas formulé de conclusion explicite relativement à la question de savoir si, mis à part l'incident de 1992, les expériences vécues par le demandeur équivalaient à de la persécution. Le demandeur a décrit, en termes généraux, la façon dont il était traité en Égypte en indiquant qu'il a grandi dans un [traduction] « climat de haine et d'intolérance installé par les fondamentalistes, d'un côté, et d'indifférence tacite de la part du gouvernement, de l'autre, quand ce ntait pas nettement de la discrimination ou de la persécution » . Il est compréhensible que la Commission n'ait pas fait mention de cet aspect de la demande d'asile dans ses motifs car, lors de l'audience, le demandeur a clairement affirmé, dans son témoignage, que n'eût été de l'incident de 1992 il serait resté en Égypte. Ce sont l'incident de 1992 et la peur que la situation actuelle inspirait au requérant (plutôt que la situation antérieure à 1992) qui forment le fondement de sa demande d'asile, et c'est exactement ce que la Commission a examiné.

[10]     Dans l'analyse de la situation des chrétiens coptes en Égypte, la Commission a examiné en détail la preuve documentaire. Elle a pris acte des documents selon lesquels la situation de ces chrétiens équivalait à de la persécution et, dans son analyse, elle a fait directement référence à beaucoup des documents produits par le demandeur.

[11]       Lorsque la Commission dispose dléments de preuve étayant ses conclusions, la Cour hésitera à intervenir dans le poids qui a été accordé à ces éléments. Bien que des éléments de preuve contradictoires aient pu être déposés devant la Commission, celle-ci ntait pas tenue de citer chacun d'eux. La Cour ne peut conclure que la Commission a rendu sa décision sans égard à la preuve que s'il n'est pas démontré que cette dernière a procédé à une appréciation de l'ensemble de la preuve documentaire. Il n'est pas nécessaire que la Cour intervienne en l'espèce.


[12]     En résumé, la conclusion de la Commission que la situation du demandeur ne constituait pas de la persécution ntait pas manifestement déraisonnable.

Question 2 : La Commission a-t-elle commis une erreur dans lvaluation de la crédibilitédu demandeur?

[13]     Le demandeur fonde sa demande d'asile sur un présumé incident de persécution, survenu en 1992, savoir le lancement d'une fatwa contre lui. La Commission a estimé que cet incident n'avait pas eu lieu.

[14]       De façon générale, le demandeur soutient, relativement à cette question, que la Commission a scruté son témoignage à la loupe dans son « zèle ... à conclure que le requérant ntait pas digne de foi » (Attakora c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1989), 99 N.R. 168, par. 2 (C.A.F.)).

[15]       Comme la Cour l'a affirmé au par. 9 de l'arrêt Attakora, la Commission ne « devrait pas manifester une vigilance excessive en examinant à la loupe les dépositions » . Je constate toutefois qu'il existe des différences importantes entre l'affaire Attakora, invoquée par le demandeur, et la présente espèce. Dans Attakora, le tribunal stait fondé uniquement sur trois éléments secondaires de la relation des faits présentée par le requérant pour conclure que celui-ci ntait pas crédible. La Cour d'appel a jugé que l'un de ces éléments « n'aurait pu d'aucune manière être conçu[ ] comme pertinent[ ] à quelque question devant être tranchée » (par. 8) et, quant aux deux autres, elle a estimé qu'il n'existait pas dlément de preuve. Ce n'est pas cette situation que j'ai devant moi.


[16]       Comme je l'ai déjà mentionné, la Commission a dressé une longue liste d'invraisemblances relevées dans le témoignage, qui mettent à mal la crédibilité du demandeur. Ce dernier ne semble avoir contesté la pertinence d'aucune de ces conclusions, lesquelles portent notamment sur des questions importantes comme :

_     les contradictions entre la relation des faits présentée aux autorités américaines et celle qui a été soumise à la Commission;

_     s'il est plausible qu'il ait pu vivre quelques années au Caire sans incident;

_     s'il était loisible de tirer une conclusion négative de son défaut de préciser quel était son profil au sein de la population étudiante chrétienne et de nommer les présumés agents de persécution;

_     si une personne craignant dtre persécutée aurait attendu avant de quitter lgypte et avant de partir des États-Unis pour le Canada afin de faire une demande d'asile.

[17]       En outre, la Commission disposait dléments de preuve pour chacune des conclusions qu'elle a tirées. Par conséquent, je suis d'avis qu'elle n'a pas procédé à un examen à la loupe et qu'elle s'est plutôt penchée sur les éléments de la relation des faits du demandeur qu'elle devait examiner.


[18]       Cette conclusion, toutefois, ne répond pas de façon conclusive à la question de savoir si la décision de la Commission est entachée d'erreur. Si cette décision repose sur une série de conclusions qui ne peuvent être étayées par la preuve, elle sera entachée d'un vice fatal.

[19]       Une seule chose ressort clairement de l'examen de la décision de la Commission : aucune des conclusions tirées par l'organisme ntait en soi déterminante, c'est l'effet cumulatif de plusieurs invraisemblances qui a entraîné la conclusion générale de la Commission.

(a) Les feuillets

[20]       La première allégation d'erreur concerne l'existence de feuillets déclarant un « jihad » ou une « fatwa » contre le demandeur. La Commission a indiqué dans ses motifs que la preuve présentée pour démontrer l'existence de ces documents consistait en des propos que le demandeur tenait d'un ami qui les tenait lui-même d'un autre ami. Selon le demandeur, la preuve indique simplement qu'il a appris d'un ami l'existence des feuillets. En fait, la transcription démontre que ni le demandeur ni son ami n'ont vu ces feuillets; l'ami a plutôt surpris une conversation entre des gens qui sortaient de la mosquée et il l'a rapportée au demandeur.


[21]       Que cet élément de preuve provienne d'un ami du demandeur ou d'une conversation surprise par un ami et rapportée au demandeur, la Commission pouvait certainement conclure qu' « [o]n peut difficilement accepter qu'il s'agit de la meilleure preuve » , en l'absence, de surcroît, de toute corroboration. Selon moi, le fait que le demandeur n'ait pas produit de meilleure preuve du motif essentiel de sa demande d'asile, savoir l'existence d'une fatwa contre lui, est indicatif d'une importante lacune dans sa preuve.

(b)     Les activités religieuses non décrites et le Gemaat Islamiya non nommé

[22]       Selon le demandeur, la deuxième erreur de la Commission réside dans le fait qu'elle a mis la crédibilité du demandeur en doute parce que celui-ci n'avait pas décrit ses activités religieuses ni indiqué le Gemaat Islamiya comme agent de persécution dans son FRP. Dans ce document, le demandeur, lorsqu'il relate l'incident de 1992, fait mention de rumeurs le désignant comme le « cerveau » derrière les croix peintes, en raison de ses activités religieuses à l'Université Le Menia. Il fait état également d' « extrémistes islamiques » .

[23]       Dans sa décision, la Commission a écrit ce qui suit :

Le demandeur s'est fait demander pourquoi il n'avait pas mentionné ses activités dglise dans son FRP ni n'avait évoqué le fait que les agents de persécution étaient le Gemaat Islamiya. Le demandeur a déclaré qu'il avait fait seulement un résumé dans son FRP et qu'il avait laissé les détails pour l'audition. Je ne suis pas satisfait de l'explication du demandeur. Ce sont ses activités liées à lglise qui l'auraient mis en évidence et qui lui auraient donné une image. Cette image et l'identité des agents de persécution constituent des éléments importants de sa demande. J'ai tiré une conclusion défavorable de l'absence de ce renseignement dans son FRP.


[24]       Dans son témoignage à l'audience, le demandeur a donné des précisions sur ses activités, lorsqu'il a été interrogé à ce sujet, indiquant que son travail pour lglise consistait à organiser des activités et des voyages pour des groupes de jeunes ainsi que des rencontres hebdomadaires les jeudis et à assister à des offices les vendredis. Plus tard, lorsqu'on lui a demandé si [traduction] « ses activités étaient généralement connues à l'université » auxquelles il collaborait, il a répondu [traduction] « bien sûr, qu'elles étaient connues, puisque j'organisais des voyages » .

[25]       Je suis d'avis que la conclusion de la Commission selon laquelle le demandeur a omis de faire état des activités qui avaient attiré sur lui l'attention des extrémistes musulmans ntait pas manifestement déraisonnable. Il appartient au demandeur d'exposer les éléments clés de sa demande dans le FRP. En l'espèce, le FRP ne comportait qu'une description très simple qui aurait pu s'appliquer au vingt pour cent des autres étudiants qui, de toute évidence, ntaient pas dans la mire du Gemaat Islamiya.

[26]       Puisque le demandeur invoquait son profil chrétien comme motif de la persécution dont il disait faire l'objet, il ntait pas déraisonnable pour la Commission de s'attendre à plus de précisions dans le FRP. Naturellement, si la décision de la Commission relative à la crédibilité du demandeur avait reposé sur cette seule conclusion, j'aurais pu m'interroger sur son importance, mais ce n'est qu'une des nombreuses conclusions tirées en cette matière par la Commission. La décision de la Commission ntait pas manifestement déraisonnable.


[27]       Le demandeur soutient que l'expression Gemaat Islamiya veut dire extrémistes islamiques et que l'affirmation de la Commission selon laquelle il n'a pas désigné l'agent de persécution dans son FRP est factuellement inexacte. Il me faut en convenir. Le demandeur a eu recours à différents termes pour décrire les agents de persécution mais, à une exception près, la terminologie est la même dans son FRP et dans son témoignage. Je suis d'avis qu cet égard, la Commission s'est mépris sur les faits ou qu'elle n'a pas tenu compte de la preuve. Il est évident que les expressions Gemaat Islamiya et extrémistes musulmans étaient synonymes dans ce contexte. La Commission a commis une erreur.

(c)      La différence entre la relation des faits présentée aux États-Unis et au Canada

[28]       Comme il en a déjà été fait mention, le demandeur avait revendiqué sans succès le statut de réfugié aux États-Unis. Il a allégué, dans sa demande et dans les appels subséquents, que son cousin était mêlé à un complot visant à vaporiser des croix à la peinture magique sur des étudiants musulmans. Au Canada, le demandeur a déclaré qu'un groupe de jeune filles musulmanes ont prétendu que son cousin appliquait des croix sur les portes et les murs de leur dortoir, en se servant d'une petite imprimante. Interrogé au sujet de cette différence, le demandeur a expliqué qu'elle résultait du fait qu'il n'avait eu de conseiller juridique et d'interprète compétent aux États-Unis. La Commission a déclaré que bien qu'elle n'avait pas « d'autres preuves qui contredisent l'explication du demandeur » , elle était « peu disposé[e] à croire le demandeur » , compte tenu des doutes qu'elle avait au sujet de sa crédibilité. Le demandeur soutient qu'il s'agit là d'un autre exemple du zèle exagéré de la Commission. Je ne partage pas cet avis.


[29]       Le passage de la décision de la Commission traitant de cette question n'est pas particulièrement bien rédigé. La Commission semble d'abord accepter l'explication du demandeur au sujet de ces deux versions des faits, puis elle indique qu'elle est « peu disposé[e] à croire le demandeur » . Même si la Commission s'est mal exprimée, je suis d'avis qu'elle disposait de suffisamment d'éléments de preuve pour étayer la conclusion que le demandeur n'avait pas expliqué de façon satisfaisante les contradictions entre les deux versions des faits. Ces deux versions présentent des différences marquées. Dans l'une, on vaporise de la peinture sur des vêtements et, dans l'autre, un petit appareil imprime des croix sur des portes. La version soumise aux autorités américaines est demeurée inchangée pendant tout le processus de revendication et d'appel. Il ne serait pas logique qu'un récit inventé à propos du seul incident de persécution invoqué par le demandeur demeure inchangé pendant tout ce long processus. La conclusion de la Commission selon laquelle le demandeur n'a pas convenablement expliqué les différences entre les deux versions n'est pas manifestement déraisonnable.

(d)     La « vie cachée » au Caire

[30]       Après le présumé incident de 1992, le demandeur est allé vivre au Caire. La Commission a écrit ce qui suit à ce sujet :

De plus, malgré l'allégation du demandeur selon laquelle l'intégriste Gemaat Islamiya disposait d'un réseau national qui le pourchasserait aux quatre coins du pays, le demandeur a passé trois années sans histoire au Caire. Quand ce fait lui a été signalé, il a déclaré qu'il demeurait à l'intérieur pendant qu'il était au Caire. On a attiré l'attention du demandeur sur la preuve comprise dans son FRP, preuve selon laquelle il fréquentait l'université au Caire. Le demandeur a déclaré qu'il ne suivait que quelques cours. Il lui a également été signalé qu'il avait renouvelé son passeport et présenté une demande de visa et que ces deux activités, y compris la nécessité d'acheter des aliments, entre autres, exigeaient de sa part qu'il quitte la maison. Le demandeur a réaffirmé qu'il menait une existence très privée. Je ne crois pas que le demandeur se cachait. La preuve et la logique pure et simple m'incitent à croire que bien qu'il ait pu vivre une vie tranquille, il ne se cachait certes pas.

[31]       Le demandeur fait valoir que la Commission a erré, car il n'a jamais affirmé qu'il se cachait.

[32]       Cet argument pose problème à deux égards. Premièrement, la transcription démontre que le demandeur a affirméclairement qu'il vivait dans la clandestinité au Caire.


[33]       Le second problème, plus fondamental, est que le demandeur n'a pas compris ce passage de la décision. La conclusion de la Commission ne se trouve pas dans la dernière phrase du passage, mais dans la première. La preuve mentionnée par la Commission démontre la faiblesse de l'argument du demandeur. Si l'incident a bel et bien eu lieu comme il le prétend et qu'un groupe islamiste opérant dans tout le pays a lancé une fatwa contre lui, pourquoi a-il pu vivre au Caire sans être inquiété, fréquentant l'université et remplissant d'autres fonctions? Son affirmation ne tient tout simplement pas. Le fait qu'il a été en mesure de vivre une vie tranquille appuie la conclusion de la Commission. Celle-ci n'a pas commis d'erreur.

(e)      Le retard à présenter la demande

[34]       Aux problèmes précédemment évoqués s'ajoute la conclusion négative que la Commission a tirée du retard mis par le demandeur à présenter sa demande d'asile. L'appel qu'il a interjeté du refus de sa revendication du statut de réfugié aux États-Unis a été rejeté en 1999, mais ce n'est qu'en 2003 qu'il est venu au Canada. Une personne qui croit vraiment que sa vie est en danger cherchera en général par tous les moyens à régulariser sa situation le plus vite possible, à moins d'avoir des motifs sérieux d'agir autrement. En l'espèce, ce n'est pas ce qu'a fait le demandeur, et son explication à ce sujet n'est pas convaincante. Il n'était pas déraisonnable pour la Commission de tirer une conclusion négative de son retard.


Résumé

[35]       En résumé, la Commission était justifiée d'examiner les éléments de la version des faits du demandeur et d'en déterminer la crédibilité. Malgré ma conclusion que la Commission a commis une erreur sur un point (se rapportant à l'identification du groupe extrémiste musulman), j'estime que cette erreur ne portait pas à conséquence. La conclusion générale de la Commission au sujet de la crédibilité du demandeur n'était pas manifestement déraisonnable.

CONCLUSION

[36]       Pour ces motifs, la demande est rejetée. Aucune des parties n'a soumis de question pour certification. Aucune question ne sera donc certifiée.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

1.       La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

2.       Aucune question d'importance générale n'est certifiée.

« Judith A. Snider »             

______________________________

Juge                       

Traduction certifiée conforme

Ghislaine Poitras, LL.L., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                    IMM-1968-04

INTITULÉ:                                                     MAGID SEFEEN c. MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                           1er mars 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                   Madame la juge Snider

EN DATE DU :                                              17 mars 2005

COMPARUTIONS:                      

Yehuda Levinson                                                                    POUR LE DEMANDEUR

Leena Jaakkimainen                                                                         POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Levinson and Associates                                                      POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

John H. Sims, c.r.                                                                   POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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