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Date : 20201223


Dossier : IMM-6782-19

Référence : 2020 CF 1187

Ottawa (Ontario), le 23 décembre 2020

En présence de l'honorable monsieur le juge Shore

ENTRE :

JIMBA HENRY

partie demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

partie défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision rendue le 10 octobre 2019 par la Section d’appel des réfugiés [SAR] qui a confirmé le rejet de la demande d’asile du demandeur puisqu’il n’a pas la qualité de réfugié au sens de la Convention, ni de personne à protéger en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27, articles 96-97(1).

[2]  Le demandeur est citoyen du Nigéria et demande le statut de réfugié pour crainte de persécution en raison de sa conversion au christianisme. Le demandeur a quitté le Nigéria en janvier 2012 pour les États-Unis et est arrivé au Canada en novembre 2017.

[3]  La Section de la protection des réfugiés [SPR] a rejeté la demande d’asile du demandeur en concluant qu’il n’est pas crédible. Bien que la SAR estime que la SPR a erré à plusieurs égards dans son évaluation, la SAR a confirmé que le demandeur a manqué de crédibilité et ne s’est pas acquitté du fardeau de preuve qu’il a une crainte subjective de persécution et qu’elle est objectivement justifiée.

[4]  Le présent contrôle judiciaire porte sur l’observation de l’équité procédurale par la SAR eu égard à l’ensemble des circonstances (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au para 77).

[5]  L’équité procédurale exige que les parties aient l’occasion de faire des soumissions à un tribunal d’appel lorsque celui-ci doit se prononcer sur de nouvelles conclusions de fond (Husian c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 684 au para 10).

[6]  Le demandeur argue qu’il aurait dû être prévenu et avoir eu l’occasion de fournir des observations sur deux motifs déterminants retenus par la SAR qui n’ont pas été soulevés par la SPR. La SAR aurait considéré, d’une part, que la crainte subjective de persécution concerne le village ancestral du demandeur et non sa ville de résidence à Lagos. D’autre part, la SAR aurait conclu qu’il n’y a pas de crainte objective de persécution à Lagos puisque, selon la preuve documentaire, les autorités ont renforcé la sécurité pour les pratiquants de différentes religions.

[7]  Sur le premier motif, il appert que la SAR s’est appuyée sur des constats qui ressortent du dossier devant elle, notamment du fondement de la demande d’asile et de la décision de la SPR. Le demandeur était au courant qu’en appel, l’enjeu déterminant était sa crédibilité et, subsidiairement, sa demande d’asile — soit l’existence d’une crainte subjective de persécution.

[8]  À l’égard du deuxième motif la situation est différente, soit l’absence de crainte objective de persécution, et ceci, en considérant la preuve sur les conditions du pays spécifiées. La SPR ne s’est nullement fondée sur ce point, indiquant expressément qu’elle mettait de côté ceci puisque le demandeur n’avait pas établi qu’il était chrétien. Il est évident que les soumissions du demandeur devant la SAR n’auraient pas adressé un tel enjeu, surtout à l’étude des nombreuses erreurs soulevées — et reconnues — sur l’évaluation de la crédibilité du demandeur.

[9]  La SAR, en reconnaissant la religion chrétienne du demandeur, a entrepris une analyse sur l’existence d’une crainte objective de persécution sur sa propre appréciation du dossier en s’appuyant fortement sur la preuve documentaire nationale. La SAR a ainsi fait une nouvelle détermination sur le fond du dossier, sans prévenir le demandeur, sans lui donner l’occasion de présenter sa position, contrairement à ce que requiert l’équité procédurale (voir He c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1316 aux para 62 67, 70, 78-80).

[10]  Pour ces motifs, la décision est inéquitable sur le plan procédural, et donc, le contrôle judiciaire est accueilli.


JUGEMENT au dossier IMM-6782-19

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire soit accordée et que le dossier soit retourné pour considération à nouveau par un panel de la SAR autrement constitué. Il n’y a aucune question d’importance générale à certifier

« Michel M.J. Shore »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-6782-19

 

INTITULÉ :

JIMBA HENRY c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AFFAIRE ENTENDUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE À MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 16 décembre 2020

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 23 décembre 2020

 

COMPARUTIONS :

Luciano Mascaro

 

Pour LA PARTIE DEMANDERESSE

 

Margarita Tzavelakos

 

Pour LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Arpin, Mascaro et associés

Montréal (Québec)

 

Pour LA PARTIE DEMANDERESSE

 

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

 

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