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Date : 20201116


Dossier : T-1359-07

Référence : 2020 CF 1058

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 16 novembre 2020

En présence de monsieur le juge Diner

ENTRE :

LA COMPAGNIE DE CHEMIN DE FER CANADIEN PACIFIQUE

demanderesse

et

SA MAJESTÉ LA REINE

défenderesse

ORDONNANCE ET MOTIFS

I.  LES FAITS À L’ORIGINE DU LITIGE

[1]  Les faits à l’origine du présent litige sont déjà exposés dans deux décisions précédentes datées du 29 novembre 2019 (2019 CF 1531) et du 15 juin 2020 (2020 CF 690). Je ne répéterai pas l’exposé des faits dans la présente ordonnance, sauf pour souligner que le cœur du litige porte sur un contrat signé par les parties en 1880 (le contrat de 1880), et plus précisément sur la clause d’exemption fiscale de ce contrat (la clause 16).

II.  LES QUESTIONS EN LITIGE

[2]  Le présent litige est divisé en deux phases. La première – la phase de la présentation de la preuve ‑ est presque terminée, tandis que la seconde, au cours de laquelle j’entendrai les arguments juridiques, est prévue en février 2021. Comme nous approchons de la fin de la première phase, les parties m’ont demandé de rendre une décision au sujet de quelques objections relatives à la preuve qu’elles n’ont pas été en mesure de régler. Ces objections visent un total de dix documents contestés (i) d’une part, par la défenderesse, qui s’oppose à la production de deux autres extraits pertinents que la demanderesse veut produire en réponse aux extraits des dépositions que la défenderesse entend faire consigner comme éléments de sa preuve, (ii) d’autre part, par la demanderesse, qui s’oppose à la production de huit documents que la défenderesse entend produire pour des raisons liées à la pertinence et au ouï‑dire.

[3]  Premièrement, en réponse à deux extraits des dépositions que la défenderesse propose de consigner comme éléments de sa preuve (extraits no 134 – FC1346 et no 137 – FC1349), la demanderesse (la Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique) cherche à faire juger pertinents des extraits permettant de fournir des réponses plus complètes et le portrait complet du contexte, mais la Couronne s’y oppose. J’autorise l’ajout proposé par la demanderesse quant à l’extrait no 134, mais non quant à l’extrait no 137, comme je l’expliquerai ci‑dessous.

[4]  Deuxièmement, la demanderesse s’oppose à huit documents que la défenderesse souhaite faire admettre en preuve (documents FC258, FC299, FC339, FC388, FC418, FC444, FC957 et FC1450). J’estime que les huit documents sont admissibles, mais je tiens à faire deux mises en garde. S’agissant de la première, cinq de ces documents (FC299, FC339, FC388, FC418 et FC444) sont admis uniquement dans le but d’illustrer l’approche que la demanderesse a adoptée dans le passé à l’égard de la clause 16 contestée, mais rappelons-nous que des circonstances factuelles et un contexte différent étaient à l’origine de cette approche. Comme les deux parties l’ont affirmé, ces documents ne lient pas notre Cour, pas plus qu’ils ne lient la demanderesse quant à l’interprétation de la clause 16.

[5]  S’agissant de la seconde, afin de permettre qu’une solution juste soit apportée au litige, je donnerai à la demanderesse la possibilité de déposer des éléments de preuve correspondants — tous rédigés dans le contexte de litiges antérieurs —, à l’égard des cinq documents, lesquels consistent en quatre mémoires et une lettre de la demanderesse. Plus précisément, la demanderesse pourra déposer des éléments de preuve correspondants qui proviennent des dossiers de ces litiges (soit ceux des parties ou des intervenants concernés, selon le cas), si elle estime que ces éléments peuvent aider la Cour à faire toute la lumière sur les points en litige qui peuvent être soulevés relativement à cette catégorie de documents contestés. La demanderesse pourra déposer ces documents avant la clôture de la présentation de la preuve dans le procès en l’espèce.

III.  ANALYSE

A.  Les autres extraits pertinents proposés par Chemin de fer Canadien Pacifique

[6]  La demanderesse soutient que d’autres extraits pertinents devraient être ajoutés en réponse à deux extraits de déposition que la défenderesse entend faire consigner comme éléments de sa preuve, et elle demande qu’ils soient admis sur le fondement de l’article 289 des Règles des Cours fédérales, dans les deux cas.

(1)  L’extrait no 134

[7]  La demanderesse demande que sa réponse complète, comportant la partie soulignée que la défenderesse a omise, soit incluse dans l’extrait no 134.

[traduction] Question

[traduction] Réponse

Indiquer si votre position est différente de ce qui suit. Énoncé no 1 : Chemin de fer Canadien Pacifique n’était pas rentable entre 1980 et 1995. Et énoncé no 2 : Étant donné que Chemin de fer Canadien Pacifique n’était pas rentable et qu’il pouvait reporter les pertes fiscales prospectivement et rétrospectivement, il n’a pas été tenu de payer de l’impôt en vertu de la Partie 1 entre 1980 et 1995

La Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique confirme que, avant 1996, les revenus et dépenses se rattachant aux activités ferroviaires figuraient dans les déclarations de Canadien Pacifique Limitée (« CPL »). Tel qu’il a déjà été mentionné, les activités ferroviaires (Chemin de fer Canadien Pacifique), y compris les activités relatives à sa ligne principale d’origine, ont habituellement été rentables, d’après les déclarations d’impôt de CPL fournis en réponse aux questions 52, 56 et 57.

[8]  La défenderesse soutient que la partie soulignée est une réponse supplémentaire que la demanderesse a fournie après avoir donné la réponse initiale. La défenderesse renvoie également à d’autres questions auxquelles la demanderesse a refusé de répondre. Selon la défenderesse, l’objet de l’article 289 des Règles est de veiller à ce que les extraits des réponses aux questions reflètent de façon juste les réponses véritablement fournies. La défenderesse ajoute que l’autre extrait que la demanderesse cherche à faire juger pertinent est un témoignage d’opinion qui devrait, surtout dans la présente affaire, être présenté par un expert.

[9]  Même si je conviens avec la défenderesse que cette autre partie de l’extrait de réponse qu’elle a omise correspond à une réponse supplémentaire, je ne suis pas d’accord pour dire qu’elle devrait être omise et écartée du reste de la réponse donnée. Il y a tout lieu de croire que dans le cas d’un témoignage fait sous serment, (i) les réponses données pendant l’interrogatoire préalable sont de vraies réponses et (ii) les réponses supplémentaires apportent certaines précisions à ces réponses qui permettent de rendre la preuve plus claire, et non de la fausser. Afin de mettre les choses en contexte, je formulerai quelques brèves observations sur cet aspect de la procédure civile.

[10]  Voici les dispositions pertinentes des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 [les Règles] :

Extrait des dépositions

Reading in examination at trial

288 Une partie peut, à l’instruction, présenter en preuve tout extrait des dépositions recueillies à l’interrogatoire préalable d’une partie adverse ou d’une personne interrogée pour le compte de celle-ci, que la partie adverse ou cette personne ait déjà témoigné ou non.

288 A party may introduce as its own evidence at trial any part of its examination for discovery of an adverse party or of a person examined on behalf of an adverse party, whether or not the adverse party or person has already testified.

Extraits pertinents

Qualifying answers

289 Lorsqu’une partie présente en preuve des extraits des dépositions recueillies à l’interrogatoire préalable, la Cour peut lui ordonner de produire tout autre extrait de ces dépositions qui, à son avis, est pertinent et ne devrait pas être omis.

289 The Court may order a party who uses part of an examination for discovery as its own evidence to introduce into evidence any other part of the examination for discovery that the Court considers is so related that it ought not to be omitted.

[11]  Dans Apotex Inc c AstraZeneca Canada Inc, 2017 CF 545, le juge Locke explique au paragraphe 3 que la production d’autres extraits pertinents devrait être permise dans trois cas : (i) lorsque le témoin n’a pas bien compris un élément de la question qui lui a été posée; (ii) lorsque le passage consigné en preuve en vertu de l’article 288 des Règles dénature les propos du témoin; (iii) lorsque la réponse manque de contexte ou de matière (voir également Mediatube Corp c Bell Canada, 2016 CF 1066 [Mediatube]). La partie qui conteste l’opposition à la production d’autres extraits pertinents doit établir qu’au moins un de ces trois facteurs s’applique. Dans Mediatube, le juge Locke a résumé aux paragraphes 5 à 7 les décisions clés de notre Cour à ce sujet :

[5]  Le juge Michael Phelan a procédé à une importante analyse de l’article 289 dans l’affaire Weatherford Canada Ltd c Corlac Inc, 2009 CF 449 [Weatherford]. Même si le juge Phelan n’avait pas à trancher une question portant sur des extraits d’un interrogatoire préalable ayant été corrigés, il a mentionné que le principe fondamental de l’article 289 est de veiller à ce que les extraits des réponses aux questions reflètent de façon juste les vraies réponses fournies.

[6]  Un autre énoncé de l’objectif de l’article 289 se trouve dans l’affaire Canada (Citizenship and Immigration) c Odynsky, [1999] FCJ no 1389 (QL), au paragraphe 6, (C.F. 1re inst.), en citant la décision Oro Del Norte, SA c Canada, [1991] FCJ no 986 (QL) (C.F. 1re inst.) :

[…] afin de s’assurer que les dépositions, provenant d’un extrait d’un interrogatoire préalable, qui sont présentées en preuve à l’instruction sont placées dans un contexte approprié permettant ainsi qu’elles soient consultées et lues de manière juste, sans qu’il ne soit porté atteinte à une autre partie dans le cas où seulement une partie du contenu pertinent à une compréhension juste de la preuve est consignée.

[7]  Revenant à l’analyse du juge Phelan dans l’affaire Weatherford, il a ensuite décrit dans un sens étroit le droit d’une partie à forcer la partie adverse à intégrer à sa preuve certaines dépositions recueillies lors d’interrogatoires préalables :

2  […] le juge Pelletier (alors juge) dans l’affaire Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Fast, 2002 C.F. 1re inst. 542, a brièvement résumé la manière d’aborder la question – « si le témoignage [supplémentaire] indiquait soit que [le témoin] n’avait pas compris la question en cause, ou que le texte qu’on voulait faire intégrer était trompeur, au sens où il suggérait qu’à ce moment-là [le témoin] disait une chose, alors qu’en fait il en disait une autre ».

3  Le juge Gibson, dans l’affaire Almecon Industries Ltd. c. Anchortek Ltd. (2002), 17 CPR (4th) 74, a donné à l’article un sens légèrement plus large et il a fait référence à la contextualisation. Je ne retiens de cette décision que le fait que les questions et les réponses doivent être examinées en contexte. Par exemple, une réponse affirmative simple à la question « L’avez-vous fait? » manque de contexte ou de matière.

4  Toutefois, je ne comprends pas les propos du juge Gibson comme signifiant que d’autres questions et d’autres réponses sur le même sujet devaient être ajoutées même s’il l’on comprend déjà à quoi renvoie la question en cause.

Le juge Locke en est arrivé à la conclusion suivante : « Si la défenderesse a le droit d’apporter des corrections à ses réponses (ce dont il est convenu), alors cela comprend certainement le droit d’annuler ces premières réponses » (Mediatube au para 12).

[12]  La défenderesse invoque des décisions rendues par des tribunaux provinciaux pour affirmer que la production d’autres extraits de réponse pertinents dont une partie demande la production afin de faire verser au dossier une preuve « intéressée » ou afin d’éviter d’être tenue de présenter sa propre preuve ne devraient pas être autorisée, parce qu’un ajout pour ces motifs ne satisfait pas au critère du rattachement ou du lien. Dans Almecon Industries Ltd c Anchortek Ltd, 2001 CFPI 1404 [Almecon], le juge Gibson a mentionné ce critère ainsi qu’une décision rendue en Colombie‑Britannique :

112  Je crois comprendre qu’il n’est pas rare dans les affaires comme celle qui fait l’objet des présents motifs que les avocats aient de la difficulté à s’entendre sur l’étendue des extraits à verser au dossier provenant des interrogatoires préalables. En l’espèce, l’avocat des défenderesses a fait valoir que je devrais accepter certaines additions aux extraits à introduire en preuve pour le compte de la demanderesse. Il a cité la décision Foote et al. c. Royal Columbian Hospital et al. [note de bas de page omise], où le juge en chef McEachern a écrit à la page 98 :

[traduction] À mon avis, la Cour peut, de sa propre initiative ou sur demande d’une partie, introduire en preuve toutes les parties qui se rattachent raisonnablement à des parties d’un interrogatoire qui ont déjà été introduites en preuve. Pour déterminer si des parties de l’interrogatoire sont rattachées, la Cour peut prendre en compte le fil des idées ou du sujet, le but visé par l’introduction de la preuve en premier lieu et l’équité, au sens où la preuve devrait représenter la réponse complète du témoin sur ce qui fait l’objet de l’enquête dans la mesure où le témoin l’a exprimée dans les réponses qu’il a données au cours de son interrogatoire préalable. De cette manière, la Cour cherche à faire en sorte que le témoignage sur chaque question soit complet, mais la Cour doit, bien sûr, aussi veiller avec soin à ce que ne soient pas admises en preuve des réponses qui, compte tenu du déroulement de l’instruction, devraient être présentées, si tant est qu’elles puissent l’être, par la voie de témoignages oraux.

[Non souligné dans l’original.]

[13]  Le juge Gibson a conclu que la mise en contexte est fondamentale, c’est‑à‑dire que tout autre élément de réponse qui permet de situer le contexte, que ce soit par la voie d’explication, d’amplification ou de contradiction, devrait être jugé pertinent, « particulièrement dans les circonstances où la mise en contexte permet au juge qui préside d’accorder le poids voulu » (Almecon au para 113).

[14]  En résumé, pour que la Cour puisse autoriser la production d’un autre extrait de réponse jugé pertinent, il est nécessaire que l’un ou l’autre des critères suivants soit établi : (i) le témoin a mal compris la question; (ii) l’extrait de réponse que la partie adverse consigne en preuve dénature les véritables propos du témoin (iii) cet extrait manque de contexte ou de matière. La Cour doit s’assurer que les réponses aux questions reflètent de façon juste les réponses véritablement données et que, si un extrait seulement de la réponse complète est consigné au dossier, cet extrait ne crée pas un préjudice vu le portrait incomplet du contexte. Le fait d’omettre certains éléments de réponse ne devrait pas faire en sorte de rompre le lien entre les réponses et le témoignage présenté dans le cadre de l’interrogatoire préalable. Selon la jurisprudence au sujet des extraits des dépositions qu’une partie entend faire consigner comme éléments de sa preuve, les tribunaux se montrent prudents et préfèrent des réponses complètes plutôt que sélectives, et cette pratique devrait constituer la règle par défaut, par souci d’équité pour la partie soumise à un interrogatoire préalable.

[15]  Après avoir examiné le contexte, ainsi que la jurisprudence et les arguments présentés, je conclus que l’autre extrait des dépositions proposé en réponse à l’extrait no 134 devrait être inclus dans la preuve, parce que la réponse serait incomplète s’il était omis. Je préfère aller dans le sens de l’inclusion et inclure la réponse complète au dossier de preuve plutôt que d’exclure une partie de cette réponse, surtout dans des circonstances où la réponse initiale a été modifiée.

[16]  La défenderesse a également soutenu, sans toutefois s’expliquer, que l’autre extrait de réponse proposé constitue un témoignage d’opinion. Je répondrai à cet argument en disant simplement que, si cet autre extrait est utile en définitive pour le règlement des questions en litige en l’espèce, soit il sera étayé par des éléments de preuve de nature financière, soit il ne le sera pas. Il va sans dire qu’à l’issue du procès, c’est-à-dire une fois que les avocats auront présenté leurs arguments juridiques en février 2021, il est possible que je convienne avec la défenderesse que l’extrait ajouté est imprécis et qu’il n’est pas pertinent au vu de l’ensemble du dossier et que, dans ce cas, je décide de ne pas en tenir compte ou d’y accorder peu d’importance. Cependant, à ce stade‑ci, il est nécessaire d’inclure cet autre extrait de réponse afin de verser au dossier de preuve la réponse complète à la question que la défenderesse a posée pendant l’interrogatoire préalable.

(2)  L’extrait no 137

[17]  La demanderesse veut également ajouter un autre extrait pertinent à une réponse donnée à une partie d’une question à plusieurs volets. Plus précisément, l’engagement no 78 comprend une série de questions divisées en sous‑questions, à savoir : a) à h). La demanderesse veut faire inclure la réponse à la question 78b), mais la défenderesse s’y oppose. Voici la question dans son intégralité :

[traduction]

78b)  Cette question ne concernait pas les embranchements et ne devait être interprétée de cette manière. La Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique a‑t‑elle reçu des subventions pour les services de trains de voyageurs aux termes de la Loi sur les chemins de fer et de la Loi sur les transports nationaux? Si la position de la demanderesse est toujours celle d’affirmer que la question concerne les subventions accordées pour les embranchements, veuillez préciser les raisons pour lesquelles elle prend cette position affirmation et les recherches qu’elle a menées pour décider de prendre cette position.

[18]  Je conviens avec la défenderesse qu’il n’est pas nécessaire d’inclure la réponse de la demanderesse à cette sous‑question, parce que la défenderesse n’invoque pas les subventions pour les services de trains de voyageurs. En conséquence, je ne crois pas que l’autre extrait proposé – c’est‑à‑dire la réponse de la demanderesse à la sous‑question 78b) – est nécessaire, pertinent ou important quant au litige. Certes, si la défenderesse entendait aborder la question des subventions pour les services de trains de voyageurs dans le présent litige, j’aurais autorisé l’inclusion de cette question pour les mêmes raisons et sous réserve des mêmes principes jurisprudentiels résumés plus haut. Cependant, comme elle ne constitue qu’un élément d’une question à plusieurs volets, la sous‑question 78b) concerne uniquement l’obtention de subventions pour les services de trains de voyageurs. Étant donné que la sous‑question 78b) est isolée, qu’elle n’est pas inextricablement liée aux autres parties de la question à plusieurs volets et que la défenderesse l’a elle‑même retirée, la réponse à la question devrait être retirée également. Par conséquent, je conclus que l’autre extrait proposé ne respecte pas les exigences du critère à trois volets de l’article 289 des Règles ou les principes de droit qui le sous‑tendent.

B.  Les moyens de preuve fondés sur les documents historiques

[19]  La demanderesse s’oppose à la production de huit documents que la défenderesse entend faire admettre en preuve. Ces huit documents peuvent être classés en deux catégories : trois concernent le traitement de la taxe sur le carburant par la demanderesse, et cinq, des décisions judiciaires antérieures portant sur l’approche adoptée par la demanderesse à l’égard de la clause 16. Avant d’analyser l’admissibilité de ces huit documents, je résumerai brièvement le droit applicable.

[20]  L’article 174 des Règles dispose :

Exposé des faits

Material facts

174 Tout acte de procédure contient un exposé concis des faits substantiels sur lesquels la partie se fonde; il ne comprend pas les moyens de preuve à l’appui de ces faits.

174 Every pleading shall contain a concise statement of the material facts on which the party relies, but shall not include evidence by which those facts are to be proved.

[21]  Les actes de procédure constituent la pierre angulaire des poursuites. Ils définissent les paramètres qui permettent d’apprécier la pertinence des éléments de preuve pour le litige et restreignent aux seules questions qui y sont directement soulevées les moyens de preuve qui peuvent être produits (V Hazelton Limited c Perfect Smile Dental Inc, 2019 ONCA 423 au para 82).

[22]  La fonction de recherche de la vérité du procès pose le principe de base selon lequel les éléments de preuve pertinents sont admissibles à première vue (Globe and Mail c Canada (Procureur général), 2010 CSC 41 au para 56). Le juge des faits doit recevoir les éléments de preuve pertinents, à moins qu’une règle d’exclusion particulière ne les rende inadmissibles (AW Bryant, SN Lederman et MK Fuerst, Sopinka, Lederman & Bryant : The Law of Evidence in Canada, 5e éd, Toronto, LexisNexis Canada, 2018 §2.44 [Sopinka]. Cependant, il ne faut pas confondre l’admissibilité d’un élément de preuve avec le poids à lui donner. Il appartient à la Cour de déterminer la valeur probante et le poids des éléments de preuve (Morris c La Reine, [1983] 2 RCS 190 à la p 193).

(1)  Les documents historiques concernant le carburant

[23]  La demanderesse s’oppose à la demande de la défenderesse en vue de faire admettre en preuve les documents FC248, FC957 et FC1450, qui concernent les droits à l’importation qui ont été imposés sur le pétrole et d’autres types de carburant utilisés par la défenderesse. Plus précisément, le document FC248 renferme une question et une réponse tirées d’un interrogatoire préalable, où la demanderesse est interrogée sur le fait qu’elle n’a pas invoqué la clause 16 pour contester le paiement de la taxe de vente, de la taxe d’accise ou des droits de douane fédéraux. Le document FC957 est un résumé, publié dans la Gazette du Canada, de la valeur des marchandises qui sont entrées au Canada et des droits qui ont été perçus sur ces marchandises en février 1881. Enfin, le document FC1450 est un mémoire daté d’octobre 1945 que la Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique a déposé auprès de la Commission royale d’enquête sur la houille.

[24]  La demanderesse soutient que ces documents ne sont pas pertinents en l’espèce et que, pour déterminer la pertinence, il faut d’abord chercher à cerner les faits en litige à la lumière des actes de procédure (Sopinka §2.52). Bien que la Cour bénéficie d’une grande latitude à cet égard, surtout lorsque le procès se déroule devant un juge seul comme c’est le cas en l’espèce, les moyens de preuve qui ne sont pas liés aux questions en litige énoncées dans les actes de procédure seront rejetés (Sopinka §2.52).

[25]  Selon la demanderesse, il est vrai que le contrat de 1880 prévoyait des exemptions de paiement en ce qui concerne les droits et les taxes, mais ces exemptions figuraient dans deux clauses différentes : la clause 10 (exemption du paiement de certains droits) et la clause 16 (exemption du paiement de la taxe). Elle souligne que la présente action ne vise que la clause 16, qui concerne la taxe et non les droits, et que la défenderesse n’a pas abordé la question des droits. C’est pourquoi elle est d’avis que les documents ne satisfont pas au critère de la pertinence.

[26]  La défenderesse n’est pas de cet avis et répond que les questions soulevées en rapport avec les documents contestés concernent les faits et les questions en litige qu’elle a exposés dans ses actes de procédure. Elle affirme que l’auteur d’un acte de procédure n’est pas tenu d’y préciser les moyens de preuve qu’il entend présenter pour étayer ses arguments juridiques, d’autant plus que les Règles prévoient expressément que les actes de procédure ne comprennent pas les moyens de preuve (article 174 des Règles, reproduit plus haut au paragraphe 20).

[27]  La défenderesse affirme que la demanderesse confond l’admissibilité d’un élément de preuve avec le poids à lui donner, soit un aspect sur lequel la Cour devra se prononcer après qu’elle aura entendu les arguments juridiques. Selon la défenderesse, la simple mention dans les actes de procédure des moyens de défense au fond était suffisante. Elle souligne en outre que l’authenticité de ces documents historiques n’est pas contestée, ces documents ayant été produits par la demanderesse et faisant état de la conduite que celle-ci a eue et des arguments qu’elle a invoqués depuis les années 1880. La défenderesse ajoute que la Cour peut prendre connaissance d’office du document FC957, parce qu’il a été publié dans la Gazette du Canada et que, selon le paragraphe 32(2) de la Loi sur la preuve au Canada, LRC 1985, c C‑5, il est admissible en preuve.

[28]  Les arguments de la défenderesse sont convaincants. La question des droits sur le carburant est abordée dans les actes de procédure de la défenderesse (voir, par exemple, les paragraphes 19 et 21 à 23 de la défense modifiée de la défenderesse) et était visée par la thèse que celle-ci défend jusqu’à maintenant (présentée à l’ouverture du procès, dans le cadre des remarques préliminaires). Il est vrai que la défenderesse aurait pu exposer de manière plus précise sa position quant à la taxe sur le carburant dans ses actes de procédure, mais il n’en demeure pas moins qu’elle a en tout temps affirmé que le législateur n’a pas voulu que la demanderesse soit exemptée du paiement de la taxe d’accise (sur le carburant). Comme la défenderesse elle‑même et les experts l’ont souligné, la taxe sur le carburant n’existait pas au moment où le contrat de 1880 a été négocié. C’est pourquoi la défenderesse devrait pouvoir à ce stade-ci présenter des éléments de preuve illustrant le traitement des droits prélevés sur le carburant dans le passé, et renvoyer à ces documents dans le cadre de la présentation de ses arguments juridiques et moyens de défense.

[29]  La défenderesse fait essentiellement valoir que l’imposition de droits sur le carburant et le charbon par la Couronne équivalait, sur les plans historique et économique, à l’imposition de taxes sur le carburant, même si la demanderesse estime qu’il y a une différence entre les deux. J’évaluerai cet argument lors de la prochaine phase du procès, après que j’aurai entendu les arguments juridiques. La question ne porte donc pas sur la pertinence, mais plutôt sur le bien‑fondé de l’argument juridique que la défenderesse invoque. Si cet argument est mal fondé, je déciderai peut-être que ces documents historiques concernant les droits imposés sur le charbon et le carburant ont une faible valeur probante. Cela dit, il est impératif de ne pas confondre le bien‑fondé d’un argument juridique avec la pertinence d’un moyen de preuve. Or, on ne peut affirmer dans ce cas-ci que ces moyens de preuve n’ont aucun lien avec les questions en litige exposées dans les actes de procédure.

[30]  En résumé, je conclus que ces documents historiques sont directement visés par les actes de procédure de la défenderesse. Retenir l’argument de la demanderesse selon lequel ces documents ne sont pas pertinents reviendrait à les exclure de la preuve au motif que les arguments de la défenderesse sur ce point sont dénués de fondement. Je ne puis retenir cet argument, parce que je n’ai pas encore entendu les arguments de droit (Bart c McMaster, 2015 ONSC 4313 au para 25). Étant donné que ces moyens de preuve sont reliés aux actes de procédure, leur pertinence quant à la présente action demeure la même, indépendamment de la solidité ou de la faiblesse des arguments juridiques.

(2)  Les documents judiciaires historiques

[31]  Ainsi que je l’ai mentionné plus haut dans la description des faits à l’origine du litige, la demanderesse s’oppose à ce que la défenderesse fasse admettre en preuve les documents FC299, FC339, FC388, FC418 et FC444. Quatre de ces documents sont des mémoires produits dans des litiges antérieurs, tandis que le cinquième est une lettre. Chacun de ces documents concerne quatre instances antérieures : (i) Taxation of Canadian Pacific Railway, Re, [1951] RCS 190, [1951] 1 DLR 721, (ii) Canadian Pacific Railway Co c Estevan (Town), [1957] RCS 365, 7 DLR (2d) 657, (iii) Manitoba (Attorney General) c Canadian Pacific Railway, [1958] RCS 744, 15 DLR (2d) 449, et (iv) Reference re Taxation of Canadian Pacific Railway, [1953] 2 All ER 970, [1953] 3 DLR 785 (CJCP). La demanderesse a fourni ces quatre décisions à la Cour dans son cahier intitulé « Brief of Historical Case Law Regarding Canadian Pacific Railway, Clause 16 Exemption & 1881 Act » [Cahier concernant les anciens arrêts prononcés à l’égard de Chemin de fer Canadien Pacifique]. Dans les quatre instances, la demanderesse (ou ses prédécesseures) était en cause. La défenderesse cherche à faire admettre en preuve, à ce stade-ci, les quatre mémoires et la lettre se rapportant à ces instances.

[32]  La demanderesse soutient que ces documents devraient être exclus au motif qu’ils ne sont pas pertinents, qu’ils constituent du ouï‑dire et que la défenderesse veut les déposer de façon irrégulière à titre de témoignages d’opinion sur l’approche adoptée par la demanderesse dans des instances antérieures. La demanderesse ajoute que ces mémoires n’ont aucune valeur probante en l’espèce, parce qu’ils portent sur des taxes différentes et qu’ils ne sont pas visés par l’exception de principe applicable à la règle du ouï‑dire. Selon cette règle, dans le cas où un document pourrait constituer une preuve par ouï‑dire, il faut se demander si le document est utile et raisonnablement fiable et si sa valeur probante l’emporte sur le risque de préjudice (Sides c Sa Majesté la Reine, 2018 CF 797 au para 10).

[33]  En revanche, la défenderesse affirme que les cinq documents étayent son argument portant que la demanderesse n’a pas invoqué la clause 16 pour s’opposer au paiement de la taxe fédérale dans le passé, et la défenderesse s’appuie sur ce fait pour plaider des moyens de défense reconnus en equity. Elle affirme que les mémoires historiques sont pertinents pour sa défense et qu’ils appuient l’approche que la demanderesse a adoptée dans le passé en ce qui concerne l’exemption applicable au paiement des taxes fédérales, provinciales et municipales, prévue à la clause 16.

[34]  Je suis d’accord pour dire que les quatre mémoires sont pertinents quant aux questions en litige et aux faits énoncés dans les actes de procédure et qu’ils sont admissibles en preuve. La demanderesse a elle‑même déposé les décisions judiciaires pour chaque instance à laquelle les mémoires se rapportent, et chacun des mémoires traite de la clause 16, la principale disposition en cause, bien que les contextes soient différents. Ces mémoires peuvent être utiles pour faire la lumière sur le contexte des instances antérieures et montrer l’approche adoptée par demanderesse à l’égard de la clause 16 dans le passé.

[35]  De plus, ainsi que je l’ai mentionné plus haut, la demanderesse soutient que ces éléments de preuve constituent du ouï‑dire. Je ferai simplement remarquer qu’une bonne partie des documents déposés en preuve dans le cadre du procès en l’espèce ne sont pas – compte tenu de la nature historique du litige sous‑jacent et de la genèse des événements qui remontent à plus de 150 ans avant la Confédération – des documents présentés pour établir la véracité de leur contenu. Il faudra donc les examiner avec discernement et il se pourrait que certains d’entre eux ne soient pas convaincants en définitive.

[36]  Au début de la présente partie du procès, les parties ont convenu qu’aucune objection ne sera formulée à l’égard de l’authenticité des documents ou des circonstances dans lesquelles ils ont été produits. Étant donné que ces documents remontent à plus de trois décennies, qu’ils ont été produits par le fonctionnaire qui en a la garde et qu’aucune circonstance douteuse ne leur est opposée, ils sont généralement admissibles en vertu de l’exception à la règle du ouï‑dire qui s’applique aux documents anciens. Cette exception constitue une façon d’authentifier de vieux documents dans les cas où il n’est plus possible de faire entendre des témoins qui pourraient les admettre en preuve, pourvu que les documents a) datent d’au moins 30 ans, b) qu’ils aient été produits par le fonctionnaire qui en a la garde et c) qu’aucune circonstance douteuse ne leur soit opposée (voir Ontario c Rothmans Inc, 2011 ONSC 5356 aux para 53‑55; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Fast, 2003 CF 1139 aux para 27‑28; voir également Sopinka §18.107). Qui plus est, comme je l’ai mentionné plus haut aux paragraphes 4 et 5 des présents motifs, ces cinq documents sont admis à la condition de ne pas être contraignants quant à la position de la demanderesse en ce qui concerne la clause 16 (à savoir, que la défenderesse n’entend pas les faire admettre pour établir la véracité de leur contenu).

[37]  Enfin, le document FC418, soit la lettre que le service juridique de la Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique a fait parvenir au sous‑ministre adjoint du ministère de la Justice, devrait également être admis pour les mêmes raisons que celles qui ont été mentionnées plus haut au sujet des quatre mémoires – en l’occurrence, leur pertinence quant aux questions en litige dans les actes de procédure portant sur l’approche adoptée par la demanderesse à l’égard de la clause 16. Comme c’est aussi le cas pour les mémoires, la lettre fait état de la position de l’entreprise dans un contexte résolument différent, mais elle a un certain lien avec les arguments juridiques que la défenderesse invoque en l’espèce. Essentiellement, la question de savoir si la lettre aura une valeur probante devra être tranchée plus tard. Toutefois, en ce qui concerne l’admissibilité, je conclus que les cinq documents sont utiles et raisonnablement fiables, eu égard à leur objet et à leur origine, et que leur valeur probante l’emporte sur le risque de préjudice.

IV.  CONCLUSION

[38]  Ma décision dans la présente affaire, qui s’accorde avec d’autres décisions préliminaires de nature procédurale rendues dans le cadre du présent litige (voir les deux décisions mentionnées au premier paragraphe des présents motifs), favorise l’inclusion plutôt que l’exclusion. Premièrement, j’autoriserai la production de l’autre extrait des dépositions proposé par la demanderesse en réponse à l’extrait no 134 que la défenderesse entend faire consigner comme éléments de sa preuve. Deuxièmement, sous réserve des mises en garde susmentionnées, j’autoriserai la production des huit documents que la défenderesse a présentés; au mieux, ces documents appuieront les arguments juridiques qui seront invoqués et, au pire, la Cour n’y accordera que peu d’importance, si tant est qu’elle en tienne compte. Vu l’abondante preuve déjà versée au dossier dans le cadre du présent procès, je conclus que l’avantage que procure l’inclusion de ces éléments de preuve l’emporte sur l’inconvénient occasionné par leur exclusion. Cependant, la conclusion contraire s’applique à l’admission d’un autre extrait de réponse proposé où le témoin répondait à une question qui a été retirée et en conséquence, exerçant mon pouvoir discrétionnaire de juge-gardien, j’exclurai cette réponse en ce qui concerne l’extrait no 137.

[39]  Je tiens à souligner que, grâce à la grande collaboration dont les parties ont fait preuve dans le cadre de la présente instance, la constitution d’un dossier de preuve aussi volumineux s’est remarquablement bien déroulée au cours de l’étape préparatoire et tout au long de la phase du procès consacrée à la présentation de la preuve. En travaillant de manière diligente, les parties sont parvenues à régler avant la reprise de l’audience la plupart des points qui les opposaient au sujet de l’admissibilité de la preuve. Ce travail et cet esprit de coopération ne passent pas inaperçus et la collaboration dont les avocats ont fait preuve représente aux yeux de la Cour un exemple dont d’autres avocats pourraient s’inspirer. C’est dans cet esprit de coopération et de recherche de la vérité dans le présent litige que j’autoriserai la demanderesse à présenter des observations correspondantes qui proviennent des parties ou des intervenants concernés dans les quatre instances mentionnées au paragraphe 31, dans la mesure où ces observations permettraient de faire toute la lumière sur les questions soulevées devant la Cour suprême du Canada et le Comité judiciaire du Conseil privé du Royaume‑Uni.

[40]  Enfin, étant donné que la présente requête interlocutoire a été débattue au cours d’un procès, aucuns dépens distincts ne seront adjugés à l’égard de la présente ordonnance. La question des dépens sera réglée à l’issue du procès.


ORDONNANCE dans le dossier T-1359-07

LA COUR ORDONNE :

  1. L’autre extrait pertinent des dépositions, proposé par la demanderesse en réponse à la question no 1006 de l’extrait no 134 que la défenderesse entend faire consigner comme éléments de sa preuve, est autorisé.

  2. La réponse de la demanderesse à la sous‑question 78b), qui a été retirée, de l’extrait no 137 que la défenderesse entend faire consigner comme éléments de sa preuve est exclue.

  3. Les huit documents présentés par la défenderesse, soit FC258, FC299, FC339, FC388, FC418, FC444, FC957 et FC1450, sont admis en preuve.

  4. Aucune ordonnance n’est rendue au sujet des dépens.

« Alan S. Diner »

Juge

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1359-07

INTITULÉ :

LA COMPAGNIE DE CHEMIN DE FER CANADIEN PACIFIQUE c SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 9 NOVEMBRE 2020

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE DINER

DATE DES MOTIFS :

LE 16 NOVEMBRE 2020

COMPARUTIONS :

Michael Barrack

Max Shapiro

Justin Manoryk

Naiara Toker

POUR LA DEMANDERESSE

William Softley

Michael Ezri

Joanna Hill

Linsey Rains

POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Blake, Cassels & Graydon LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

pour la demanderesse

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

pour la défenderesse

 

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